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16/12/2021 | FRANCE | N°19LY01116

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 16 décembre 2021, 19LY01116


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée (SARL) Assurances Brys a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge, en droits et intérêts de retard, du supplément d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1706833 du 5 février 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 mars 2019 et 24 octobre 2019, la SARL Assurances Brys, représentée par

Me Chaumont, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 fév...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée (SARL) Assurances Brys a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge, en droits et intérêts de retard, du supplément d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1706833 du 5 février 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 mars 2019 et 24 octobre 2019, la SARL Assurances Brys, représentée par Me Chaumont, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 février 2019 et lui accorder la décharge sollicitée ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL Assurances Brys soutient que :

- s'agissant des deux portefeuilles de " contrats hors contrats de santé frontaliers ", elle n'a acquis que 60% du droit d'exercice attaché aux portefeuilles de ces contrats et ne bénéficiera au dénouement du contrat de mandat avec la société " Mutuelle du Mans Assurances " que de 60% de la plus-value générée par les portefeuilles en question ;

- s'agissant des deux portefeuilles de " contrats santé frontaliers ", la valeur vénale du droit d'exercice portant sur ces contrats doit être considérée comme nulle dès lors que ces contrats étaient voués à disparaître dès la signature du traité de nomination, au 31 mai 2014 date repoussée au 31 mai 2015 ; aucun droit d'exercice ne lui a, à ce titre, été réclamé par la société " Mutuelle du Mans Assurances " ; le droit d'exercice attaché à ces contrats, à défaut de caractère pérenne, ne répond pas à la définition de l'élément incorporel d'actif immobilisé et les redevances qu'elle a payées devaient bien être comptabilisées en charge.

Par un mémoire, enregistré le 23 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 7 septembre 2020 a fixé la clôture de l'instruction au 8 octobre 2020.

Un mémoire en intervention volontaire, enregistré le 23 avril 2021, présenté par le syndicat des agents généraux de MMA n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me Chaumont, représentant la SARL Assurances Brys ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Assurances Brys exerce, depuis le 1er janvier 2013, une activité d'agent général d'assurances en qualité de mandataire de la compagnie d'assurances " Mutuelle du Mans Assurances " (MMA). Elle a ainsi conclu, le 1er janvier 2013, un traité de nomination par lequel la compagnie d'assurances MMA lui a confié un mandat dont l'objet est la gestion et le développement de portefeuilles de clients des agences situées dans les communes de Ferney-Voltaire et Saint-Genis-Pouilly. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, l'administration a estimé que le résultat de la SARL Assurances Brys au titre de l'exercice 2013 devait être rehaussé de 1 439 328 euros, ce montant correspondant à la différence entre la valeur de l'actif incorporel effectivement inscrit au bilan par la société Assurances Brys et la valeur desdites immobilisations incorporelles estimée par le service. La SARL Assurances Brys relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'année 2013 en conséquence de ce contrôle.

Sur les conclusions à fin de décharge :

2. D'une part, aux termes du 2. de l'article 38 du code général des impôts applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...). L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". En vertu de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code : "1. Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus et majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien et des coûts d'emprunt dans les conditions prévues à l'article 38 undecies./ (...) ".

3. D'autre part, l'article 1er de l'annexe au décret n°96-902 du 15 octobre 1996 portant approbation du statut des agents généraux d'assurances prévoit que : " L'agent général est une personne physique ou morale exerçant une activité indépendante de distribution et de gestion de produits et de services d'assurance en vertu d'un mandat écrit délivré par une ou plusieurs entreprises d'assurances établies en France. (...) Sauf en cas de rétablissement ou lorsque la cessation résulte d'une cession de gré à gré, la cessation de mandat ouvre droit à indemnité au bénéfice de l'agent général ou de ses ayants droit. (...). ". L'article 2 de cette annexe dispose que : " L'activité de l'agent général et ses modalités de rémunération sont régies, sans préjudice des dispositions légales et réglementaires, par le ou les mandats dénommés traités de nomination. Les conventions entre les organisations professionnelles des entreprises d'assurances et des agents généraux, ainsi que les accords qui en découlent au sein de chaque entreprise concernée intervenus entre leurs adhérents, entreprises d'assurances et syndicats d'agents généraux des entreprises concernées, définissent pour ce qui les concerne les règles applicables aux traités de nomination conclus entre ces entreprises et les mandataires intéressés. ".

En ce qui concerne la valeur des droits d'exercice sur les portefeuilles de " contrats hors contrats santé frontaliers " :

4. Aux termes de l'accord contractuel de 2006 régissant les droits et obligations des agents généraux d'assurances à l'égard du groupe MMA, le droit d'exercice est défini comme un droit à acquitter pour être autorisé à exploiter un portefeuille de clientèle qui reste en tout état de cause la propriété de MMA. En vertu du chapitre 5 afférent au droit d'exercice : " le droit pour l'Agent général d'assurance d'exploiter le portefeuille s'acquiert par le financement d'un droit d'exercice. Les bases et modalités d'évaluation du droit d'exercice sont les mêmes que celles retenues pour l'évaluation de l'indemnité de cessation de mandat. Pour faciliter l'entrée dans la profession des nouveaux agents, ces derniers pourront à titre optionnel ne payer que 60 % de leur droit d'exercice, le montant de leur indemnité de cessation de mandat (IC 2006) étant de manière symétrique ramené à 60 % de l'indemnité complète. Afin de faire un effort particulier pour les agences de faible importance, cet abattement de 40 % du financement du droit d'exercice est au moins égal à 76.000 €. Dans cette hypothèse, ce montant, indexé sur le taux d'inflation, sera imputé sur I'IC chaque fois qu'il s'avérera supérieur à 40 % de l'indemnité. Pour les agences en développement, l'opportunité est en outre offerte à l'Agent, qui a opté pour la réduction de 40 %, de racheter ultérieurement ces 40 % (avec un minimum de 76.000 €, indexés sur l'inflation) et ainsi bénéficier le moment venu, d'un droit à IC complet. Cette option de rachat ne peut être levée qu'à compter de la 4eme année et au plus tard 3 ans avant la cessation d'activité. ". Ce même contrat stipule, en son article 3 afférent à l'indemnité de cessation de mandat, que : " A défaut de mise en œuvre d'une transmission de gré à gré, MMA doit, à l'Agent général qui cesse ses fonctions, pour quelque cause que ce soit, une indemnité de cessation de mandat. S'il est toujours bénéficiaire d'un abattement de son droit d'exercice, cette indemnité est réduite dans la même proportion étant précisé que lorsque l'abattement initial a été inférieur ou égal à 76.000 €, celui-ci, indexé, s'applique chaque fois qu'il s'avère supérieur à 40 % de I'IC. L'indemnité de cessation de mandat est évaluée selon les modalités fixées en annexe. (...) Il reste entendu que, sauf accord spécifique entre la compagnie et l'Agent, les modalités de calcul du droit d'exercice mises en œuvre lors de l'accès à la profession sont reprises lors de la cessation d'activité, pour déterminer I'IC. ".

5. Il ressort du traité de nomination conclu le 1er janvier 2013 entre la SARL Assurances Brys et la société MMA que le montant du droit d'exercice global pour la valorisation du portefeuille de l'agence de Ferney-Voltaire, hors contrats santé frontaliers, a été fixé à 503 843 euros et à 207 769 euros s'agissant du portefeuille de l'agence de Saint-Genis-Pouilly, hors contrats santé frontaliers, mais que le montant de ce droit à financer selon l'option 60 % était respectivement de 302 305,80 euros pour le premier portefeuille et de 124 661,40 euros pour le second.

6. L'administration fiscale reproche à la société requérante d'avoir inscrit ces immobilisations incorporelles à l'actif de son bilan de l'exercice clos au cours de l'année 2013 pour des montants de 302 305,80 et de 124 661,40 euros, soit 60 % des prix d'acquisition fixés alors qu'elle aurait dû, selon elle, comptabiliser 100 % de ces prix d'acquisition. Toutefois, il résulte des stipulations de l'accord contractuel de 2006 précité, et ainsi que le soutient la requérante, que le droit d'exercice n'est lié au droit d'exploitation que parce qu'il permet à l'agent d'exploiter le portefeuille en question. A ce titre, le droit d'exploitation est identique à savoir 100% du portefeuille dans l'hypothèse où l'agent paie le droit d'entrée en totalité ou uniquement sur option à 60%. La variation du droit d'exercice, payé à l'entrée au contrat de mandat du nouvel agent, n'a qu'une conséquence sur le propre droit à indemnisation de l'agent à l'issue du contrat de mandat, celui-ci ne percevant que 60% de l'indemnité de cessation de mandat à la fin de son propre mandat en cas d'option à 60%. Contrairement à ce qu'a relevé le tribunal, les stipulations précitées n'imposent pas à l'agent ayant opté pour un droit d'exercice payé à 60% de renoncer de façon expresse à payer les 40% restant. Il résulte de ces stipulations qu'il lui est loisible de ne pas les acquérir. Ainsi, la société Brys a pu à bon droit comptabiliser à l'actif de son bilan au titre des immobilisations incorporelles uniquement le prix du droit d'exercice payé à la société MMA soit 60% de ce droit d'exercice dès lors qu'elle n'a pas payé les 40% restant, peu importe la circonstance qu'elle a pu exploiter 100% des portefeuilles des agences concernées. Par suite, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a rehaussé son résultat imposable dans la proportion de 40% de la valeur du droit d'exercice sur les portefeuilles de " contrats hors contrats santé frontaliers ".

En ce qui concerne la valeur des droits d'exercice sur les portefeuilles de " contrats santé frontaliers " :

7. Il résulte de l'instruction que la SARL Assurances Brys n'a inscrit aucune valeur à l'actif du bilan s'agissant des droits d'exercice susvisés au titre de l'exercice 2013 mais a comptabilisé en charges déductibles du résultat d'exploitation les redevances prélevées semestriellement à hauteur de 5,50 % de la valeur du droit d'exercice de ces portefeuilles. A l'issue de la vérification de comptabilité, l'administration a estimé que le résultat imposable de la société devait être rehaussé, au titre des actifs immobilisés, de la valeur de ces portefeuilles qu'elle a estimée à un total de 1 154 683 euros, correspondant aux montants des droits d'exercice mentionnés dans le traité de nomination à savoir 536 853 euros pour les portefeuilles de " contrats santé frontaliers " de l'agence de Ferney-Voltaire Chatelard et 617 830 euros pour les portefeuilles de " contrats santé frontaliers " de l'agence de Saint-Genis-Pouilly Mairie.

8. La société requérante, pour contester ce rehaussement, soutient que la valeur vénale du droit d'exercice portant sur ces portefeuilles, lesquels étaient voués à disparaître compte tenu des changements législatifs imposant, au plus tard au 31 mai 2015, aux frontaliers de choisir de s'affilier à l'un des régimes de sécurité sociale français ou suisse, est nulle, ces droits ne constituant pas une source régulière de profits dotée d'une pérennité suffisante. Il ressort du traité de nomination, s'agissant de ces contrats, que les droits d'exercice afférents n'ont pas été payés par la SARL Assurances Brys compte tenu de ces circonstances. Ainsi, le traité énonce que " compte tenu de l'absence de financement au 1er janvier 2013 de ces droits d'exercice, la SARL sera débitée semestriellement sur ses situations de comptes d'une charge correspond à 5,50% des droits d'exercice des " contrats santé frontaliers " confiés en gestion soit 1 154 683 € X 5,50% soit un montant théorique annuel de 63 507 euros. " Il est constant que les " contrats santé frontaliers ", appelés à devenir caducs au 31 mai 2015, ont été progressivement résiliés et de nouveaux contrats " complémentaire santé " ont été proposés aux clients concernés. Ainsi, la SARL Assurances Brys n'ayant ni financé ni acquis les droits d'exercice en cause et ne pouvant escompter aucune indemnité de cessation de mandat à l'issue de ces contrats, elle n'en a comptabilisé à bon droit aucun montant au titre de l'exercice 2013. En outre, il résulte de l'instruction qu'elle a payé, lors d'exercices ultérieurs, les droits d'exercice attachés aux contrats " complémentaire santé " nouvellement souscrits par d'anciens clients bénéficiaires des " contrats santé frontaliers ". Elle a ainsi commencé à financer un droit d'exercice sur un portefeuille composé de ces nouveaux contrats " complémentaire santé " le 31 mai 2016 à hauteur de 103 010 euros, soit 60 % de la valeur des droits d'exercice estimée à 171 684 euros. Par suite, c'est à tort que l'administration a rehaussé l'actif du bilan de la société de la valeur des droits d'exercice des portefeuilles de " contrats santé frontaliers " pour le montant total de 1 154 683 euros.

9. Il résulte de ce qui précède que la SARL Assurances Brys est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'année 2013 en droits et pénalités. Ce jugement doit, par suite, être annulé et la SARL Assurances Brys doit être déchargée du supplément d'impôt sur les sociétés ainsi mis à sa charge en droits et pénalités.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SARL Assurances Brys et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1706833 du 5 février 2019 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La SARL Assurances Brys est déchargée du supplément d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'année 2013 en droits et pénalités.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL Assurances Brys une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Assurances Brys et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 25 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 décembre 2021.

6

N° 19LY01116

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01116
Date de la décision : 16/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : CHAUMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-12-16;19ly01116 ?
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