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26/01/2022 | FRANCE | N°19LY01751

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 26 janvier 2022, 19LY01751


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

1°) de condamner le centre hospitalier de Mauriac à lui verser 161 500 euros en réparation des préjudices subis ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Mauriac une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1800247 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le centre hospitalier de Mauriac à verser une somme de

4 000 euros à M. A..., outre une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

1°) de condamner le centre hospitalier de Mauriac à lui verser 161 500 euros en réparation des préjudices subis ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Mauriac une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1800247 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le centre hospitalier de Mauriac à verser une somme de 4 000 euros à M. A..., outre une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 8 mai 2019 et un mémoire enregistré le 29 mai 2020, M. A..., représenté par Me Roux, avocate, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 7 mars 2019 en ce qu'il a limité à 4 000 euros le montant de la condamnation du centre hospitalier de Mauriac ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Mauriac à lui verser 117 610,35 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Mauriac une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le centre hospitalier a commis des fautes en lui faisant accomplir des astreintes pendant plus de 72 heures en quinze jours et plusieurs samedis, dimanches ou jours fériés au cours d'un même mois, en méconnaissance de l'article 23 du décret du 4 janvier 2002 ;

- le centre hospitalier a commis des fautes en le faisant travailler pendant des périodes de repos hebdomadaires, et dans une amplitude journalière de plus de 12 heures, en méconnaissance de l'article 6 du décret du 4 janvier 2002 ;

- l'organisation irrégulière des astreintes lui a causé un préjudice qui s'élève à 43 022,95 euros ;

- les plages de travail additionnelles qu'il a dû assurer entre 2013 et 2018 lui ont causé un préjudice qui s'élève à 73 386,90 euros ;

- les trajets qu'il a dû effectuer entre son domicile et son lieu de travail au cours de ses astreintes doivent être indemnisés à hauteur de 3 767,40 euros ;

- l'utilisation de son téléphone portable personnel au cours des astreintes doit être indemnisée à hauteur de 820 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 septembre 2019, le centre hospitalier de Mauriac, représenté par Me Lantero (SELARL JudisConseil), avocate, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. A... la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 4 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 ;

- le décret n° 2003-507 du 11 juin 2003 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère ;

- et les conclusions de Mme Bénédicte Lordonné, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., manipulateur en électroradiologie, relève appel du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 7 mars 2019, en ce qu'il a limité à 4 000 euros le montant de la condamnation du centre hospitalier de Mauriac, en raison de différentes irrégularités commises dans l'organisation des astreintes.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les fautes imputables au centre hospitalier de Mauriac :

2. Aux termes, d'une part, de l'article 5 du décret du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles (...) ". Selon son article 6 : " L'organisation du travail doit respecter les garanties ci-après définies. /La durée hebdomadaire de travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder 48 heures au cours d'une période de 7 jours. /Les agents bénéficient d'un repos quotidien de 12 heures consécutives minimum et d'un repos hebdomadaire de 36 heures consécutives minimum. /Le nombre de jours de repos est fixé à 4 jours pour 2 semaines, deux d'entre eux, au moins, devant être consécutifs, dont un dimanche ". L'article 7 de ce même décret prévoit en outre que : " Les règles applicables à la durée quotidienne de travail, continue ou discontinue, sont les suivantes : 1° En cas de travail continu, la durée quotidienne de travail ne peut excéder 9 heures pour les équipes de jour, 10 heures pour les équipes de nuit. Toutefois lorsque les contraintes de continuité du service public l'exigent en permanence, le chef d'établissement peut, après avis du comité technique d'établissement, ou du comité technique, déroger à la durée quotidienne du travail fixée pour les agents en travail continu, sans que l'amplitude de la journée de travail ne puisse dépasser 12 heures (...) ".

3. D'autre part, l'article 20 de ce même décret, inséré dans un titre II consacré aux astreintes, dispose que : " Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle l'agent, qui n'est pas sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'établissement. La durée de chaque intervention, temps de trajet inclus, est considérée comme temps de travail effectif. /Le recours aux astreintes a pour objet, pour des corps, des grades ou des emplois dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé de faire face au caractère exceptionnel de certaines interventions incombant aux établissements dans le cadre de leurs missions de soins, d'accueil et de prise en charge des personnes. /Les astreintes visent également à permettre toute intervention touchant à la sécurité et au fonctionnement des installations et des équipements y concourant, lorsqu'il apparaît que ces prises en charge, soins et interventions ne peuvent être effectués par les seuls personnels en situation de travail effectif dans l'établissement (...) ". Selon l'article 21 de ce décret : " Les astreintes sont organisées en faisant prioritairement appel à des agents volontaires. Toutefois, ce service ne peut être confié aux (...) agents exerçant un service à temps partiel selon les modalités prévues à l'article 46-1 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée ". Son article 23 prévoit en outre que : " Un même agent ne peut participer au fonctionnement du service d'astreinte que dans la limite d'un samedi, d'un dimanche et d'un jour férié par mois. La durée de l'astreinte ne peut excéder 72 heures pour 15 jours (...) ". En application de l'article 25 du même décret : " Le temps passé en astreinte donne lieu soit à compensation horaire, soit à indemnisation (...) ". Enfin, l'article 1er du décret du 11 juin 2003 relatif à la compensation et à l'indemnisation du service d'astreinte dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière prévoit que : " Le temps passé en astreinte dans les conditions prévues par le titre II du décret du 4 janvier 2002 susvisé donne droit soit à une compensation horaire, soit à une indemnisation. /La compensation horaire est fixée au quart de la durée totale de l'astreinte à domicile. /L'indemnisation horaire correspond au quart d'une somme déterminée en prenant pour base le traitement indiciaire brut annuel de l'agent concerné au moment de l'astreinte dans la limite de l'indice brut 638 augmenté le cas échéant de l'indemnité de résidence, le tout divisé par 1 820 ".

4. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que l'organisation du travail au sein des établissements concernés doit, à travers notamment les cycles de travail qui y sont instaurés, respecter les garanties énumérées aux articles 6 et 7 du décret du 4 janvier 2002, quant à l'amplitude et à la durée maximale, quotidienne ou hebdomadaire, de travail effectif et aux périodes de repos. Si ces garanties s'imposent ainsi à l'organisation du travail, elles ne font, en revanche, pas obstacle à ce que soient instaurées, au-delà même de la durée maximale et de l'amplitude de travail ou pendant les périodes de repos qu'elles imposent et pour assurer la continuité du service et la sécurité des usagers, des périodes d'astreinte, lesquelles ne constituent pas des périodes de travail effectif. Par suite, et alors même que les interventions auxquelles ces astreintes donnent lieu doivent être considérées, notamment pour la rémunération et le décompte du temps de travail de l'agent, comme du travail effectif, M. A... ne peut utilement soutenir que les astreintes auxquelles il a participé au sein du centre hospitalier de Mauriac ont méconnu les garanties prévues par les articles 6 et 7 du décret du 4 janvier 2002.

5. En second lieu, il est constant qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, M. A... a été amené à participer à des astreintes, alors qu'il bénéficiait depuis le mois de mai 2016 d'un temps partiel de plein droit, en méconnaissance de l'article 21 du décret du 4 janvier 2002. En outre, il résulte de l'instruction, plus particulièrement des plannings définitifs produits par le centre hospitalier de Mauriac, qui, bien qu'invoquant leur caractère purement prévisionnel, n'en démontre pas l'inexactitude, et corroborés par les relevés d'astreinte et les documents de synthèse établis par M. A..., que les astreintes auxquelles il a participé entre 2013 et 2017, figurant sous les codes " X2 ", " X3 ", " X4 " et " X5 " et d'une durée variant de 14 à 24 heures, ont, de manière récurrente et pour un nombre d'heures conséquent, outrepassé la limite de 72 heures en quinze jours, fixée par l'article 23 précité. De même, à une dizaine de reprises, le principe posé par ce même article selon lequel les astreintes ne peuvent concerner plus d'un samedi, d'un dimanche et d'un jour férié par mois, n'a pas été respecté. M. A... est par suite fondé à soutenir que le centre hospitalier de Mauriac a commis des fautes dans l'organisation de ces astreintes.

En ce qui concerne les préjudices subis par M. A... et le lien de causalité :

6. Une faute commise par l'administration n'engage sa responsabilité que pour autant qu'il en est résulté un préjudice direct et certain.

7. Au titre des " astreintes ", M. A... sollicite, en premier lieu, le versement d'une indemnité de 43 022,95 euros, sans même préciser la nature du préjudice qu'elle a vocation à réparer.

8. A supposer que M. A... ait ainsi entendu se prévaloir d'un préjudice financier, il résulte de l'instruction que les astreintes effectuées donnent lieu soit à indemnisation, soit, à tout le moins, à compensation, ainsi qu'il résulte des décomptes annuels de temps de travail produits par le centre hospitalier de Mauriac et dont l'exactitude n'est pas remise en cause. M. A... ne conteste pas la conformité de ce dispositif à l'article 25 du décret du 4 janvier 2002 et au décret du 11 juin 2003. Les astreintes ne donnant pas nécessairement lieu à une indemnisation, M. A... ne peut, en tout état de cause, se prévaloir de l'absence de versements figurant comme " heures supplémentaires " sur ses fiches de paie, ni davantage du montant de l'indemnisation prévue par l'arrêté du 6 décembre 2002 laquelle compense un temps de travail effectif. M. A... ne démontrant pas qu'il n'aurait pas bénéficié de ce dispositif pour l'ensemble des astreintes auxquelles il a participé, il n'établit pas avoir subi un préjudice financier.

9. A supposer que M. A... ait entendu inclure dans cette demande l'indemnisation d'un préjudice moral et de troubles subis dans ses conditions d'existence, il n'apporte aucun élément de nature à établir que la somme de 4 000 euros, accordée par les premiers juges au titre notamment de la méconnaissance des articles 21 et 23 du décret du 4 janvier 2012, serait insuffisante.

10. En deuxième lieu, aucune disposition applicable ne met à la charge de l'employeur les frais exposés par un agent pour se rendre de son domicile à son lieu de travail avec son véhicule personnel, y compris à l'occasion des interventions effectuées au cours d'une astreinte. Ces interventions, temps de trajet inclus, étant considérées comme du temps de travail effectif, décompté et rémunéré comme tel, M. A... n'est pas fondé à se prévaloir d'un préjudice distinct tenant aux frais exposés pour se rendre au centre hospitalier avec son véhicule personnel lors de ces interventions.

11. En troisième lieu, s'il n'est pas contesté qu'ainsi que l'ont retenu les premiers juges, le centre hospitalier de Mauriac s'est abstenu de mettre un téléphone à la disposition de ses agents d'astreinte, en méconnaissance de l'article 24 du décret du 4 janvier 2002, M. A... ne démontre nullement que cette carence aurait généré des frais téléphoniques supplémentaires à sa charge ou une usure prématurée de son téléphone personnel. Ainsi, il n'établit pas la réalité du préjudice dont il se prévaut à ce titre.

12. Enfin, il résulte de ce qui a été indiqué au point 4 que l'indemnité demandée par M. A... au titre de " plages de travail additionnelles effectuées " en méconnaissance des articles 6 et 7 du décret du 4 janvier 2002 ne saurait être accordée.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a limité à 4 000 euros le montant de la condamnation du centre hospitalier de Mauriac.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Mauriac, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. A.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le paiement des frais exposés par le centre hospitalier de Mauriac au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Mauriac au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au centre hospitalier de Mauriac.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2022.

2

N° 19LY01751


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01751
Date de la décision : 26/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: Mme LORDONNE
Avocat(s) : ROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-01-26;19ly01751 ?
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