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25/03/2022 | FRANCE | N°21LY03057

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 25 mars 2022, 21LY03057


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune d'Aurillac a, notamment, demandé au juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner solidairement les sociétés Linéaire A et Saunier, Bureau Veritas, la société Cabrol, la SAS Soulier, la SAS Delpon, la société Ets Vackier Delbos, la société Eiffage Energie Auvergne, la société SACAN et la société ACC 15 à lui verser une provision de 593 242,156 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter du 16 février 2021.

Par

une ordonnance n° 2101184 du 3 septembre 2021, le juge des référés du tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune d'Aurillac a, notamment, demandé au juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner solidairement les sociétés Linéaire A et Saunier, Bureau Veritas, la société Cabrol, la SAS Soulier, la SAS Delpon, la société Ets Vackier Delbos, la société Eiffage Energie Auvergne, la société SACAN et la société ACC 15 à lui verser une provision de 593 242,156 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter du 16 février 2021.

Par une ordonnance n° 2101184 du 3 septembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, après avoir mis hors de cause la société Delpon et son assureur, a condamné in solidum la SAS Linéaire A, la société SIBEO ingénierie, la SAS Bureau Veritas construction, la SCP Vitani-Bru, mandataire liquidateur pour la procédure de liquidation judiciaire de la SA Cabrol construction métallique, la SAS Soulier, la société Ets Vackier Delbos, la SAS Eiffage énergie systèmes - IT Loire Auvergne, la SAS SACAN et la SA ACC 15 serrurerie à verser à la commune d'Aurillac une provision d'un montant de 510 000 euros, assortie des intérêts de droit, au titre des désordres de nature décennale affectant le bâtiment abritant le complexe cinématographique " Cristal " à Aurillac.

Procédure devant la cour

I) Par une requête enregistrée le 14 septembre 2021 sous le n°21LY03057, la société Aurillacoise de Couverture Altayrac Numitor (SACAN), agissant par ses dirigeants et représentée par Me Langlais, demande à la cour :

1°) de réformer cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 3 septembre 2021 et d'annuler la condamnation solidaire qu'elle prononce au profit de la commune d'Aurillac ;

2°) de rejeter toute demande de condamnation dirigée contre elle ;

3°) subsidiairement, de limiter à 26 000 euros la provision susceptible d'être mise à sa charge ;

4°) de condamner la commune d'Aurillac et " au besoin " les sociétés Linéaire A, Saunier et Associés, le Bureau Veritas construction, les société Cabrol et Soulier à lui verser la somme de 89 787, 29 euros à titre de provision sur le fondement de l'article R. 544-1 du code de justice administrative ;

5) de mettre à la charge de la commune d'Aurillac la somme de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le montant estimé des réparations (425 000 euros) a été augmenté de la taxe sur la valeur ajoutée, la commune, éligible au fonds de garantie de la TVA, n'étant pas assujettie ;

- le juge ne pouvait prononcer une condamnation solidaire alors qu'il disposait d'éléments, issus notamment des travaux de l'expert, lui permettant de se prononcer sur l'imputabilité des désordres à chaque participant et ce alors qu'elle n'est concernée en rien par plusieurs désordres ;

- sa condamnation ne peut excéder 26 000 euros ;

- certains désordres n'ont pas le caractère décennal, ce qui exclut le prononcé d'une condamnation solidaire ;

- la commune doit lui restituer le montant des sommes qu'elle a avancées dans le cadre des opérations d'expertise ainsi que le montant des frais de l'expertise ordonnée par le tribunal de commerce qu'elle a seule supportés.

Par un mémoire enregistré le 7 janvier 2022, les sociétés Bureau d'études structures-Sibeo Ingénierie et Linéaire A, représentées par la SELARL Tournaire-Meunier, concluent au rejet de toutes les conclusions dirigées contre elles par la société appelante, le juge administratif n'étant pas compétent pour connaître de telles conclusions d'appel en garantie.

Par un mémoire enregistré le 11 janvier 2022, les sociétés Delpon et MMA Iard, son assureur, représentées par Me Evezard-Lepy, demandent à la cour de confirmer l'ordonnance en tant qu'elle les met hors de cause, et de mettre à la charge de la société SACAN la somme de 1 000 euros à verser à chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 15 février 2022, la commune d'Aurillac agissant par son maire et représentée par Me Magrini, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société SACAN au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les désordres constatés par l'expert, en lien avec un défaut d'étanchéité, relèvent dans leur ensemble de la garantie décennale des constructeurs ;

- les conditions d'une condamnation solidaire des participants étaient réunies ;

- c'est à bon droit que le montant de la provision est augmentée de la TVA ;

- les conclusions reconventionnelles de la société SACAN ne sont pas fondées.

Par un mémoire enregistré le 24 février 2022, Me Vinati, mandataire judiciaire de la SA Cabrol Construction Métallique, représenté par Me Peres, conclut à l'annulation de l'ordonnance n° 2101184 du 3 septembre 2021 et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de la commune d'Aurillac au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que toute condamnation relative à des créances non inscrites dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Cabrol lui est inopposable.

II) Par une requête enregistrée le 17 septembre 2021 sous le n° 21LY03088, la société Ets Vackier Delbos, représentée par Me Lafon, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 3 septembre 2021 et de rejeter la demande de provision de la commune d'Aurillac ;

2°) de limiter la provision totale à la somme de 425 000 euros HT et de limiter sa condamnation personnelle à la somme de 60 250 euros au titre des travaux et à 2 500 euros au titre des frais de chantier ;

3°) subsidiairement de condamner les autres participants à la garantir selon la répartition retenue par l'expert pour les travaux de réparation et les frais d'installation du chantier.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le montant estimé des réparations (425 000 euros) a été augmenté de la taxe sur la valeur ajoutée, la commune, éligible au fonds de garantie de la TVA, n'étant pas assujettie ;

- le juge ne pouvait prononcer une condamnation solidaire alors qu'il disposait d'éléments lui permettant de se prononcer sur l'imputabilité des désordres à chaque participant.

Par un mémoire enregistré le 7 janvier 2022, les sociétés Bureau d'études structures-Sibeo Ingénierie et Linéaire A, représentées par la SELARL Tournaire-Meunier, concluent au rejet de toutes les conclusions dirigées contre elles par la société appelante, le juge administratif n'étant pas compétent pour connaître de telles conclusions d'appel en garantie.

Par un mémoire enregistré le 11 janvier 2022, les sociétés Delpon et MMA Iard, son assureur, représentées par Me Evezard-Lepy, demandent à la cour de confirmer l'ordonnance en tant qu'elle les met hors de cause, et de mettre à la charge de la société Vackier Delbos la somme de 1 000 euros à verser à chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 15 février 2022, la commune d'Aurillac agissant par son maire et représentée par Me Magrini, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Vackier Delbos au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- c'est à bon droit que le montant de la provision est augmentée de la TVA ;

- les conditions d'une condamnation solidaire des participants étaient réunies.

Par un mémoire enregistré le 24 février 2022, Me Vinati, mandataire judiciaire de la SA Cabrol Construction Métallique, représenté par Me Peres, conclut à l'annulation de l'ordonnance n° 2101184 du 3 septembre 2021 et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de la commune d'Aurillac au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que toute condamnation relative à des créances non inscrites dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Cabrol lui est inopposable.

Par un mémoire enregistré le 15 mars 2022, non communiqué, la société SACAN, représentée par Me Langlais, s'en rapporte aux conclusions de sa requête n° 21LY03057 et au rejet de tout appel en garantie dirigée contre elle.

III) Par une requête enregistrée le 20 septembre 2021 sous le n° 21LY03094, la société Eiffage énergie systèmes-IT Loire-Auvergne, représentée par Me Maisonneuve, demande à la cour :

1°) de d'annuler ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 3 septembre 2021 et de rejeter la demande de la commune d'Aurillac dirigée contre elle ;

2°) subsidiairement, de réduire toute condamnation prononcée à son encontre à la somme de 13 579,75 euros HT ;

3°) de condamner les sociétés Linéaire A, Saunier Associés, Bureau Veritas, Vackier Delbos, Sibeo, Cabrol et Sacan à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le dossier soumis au premier juge, et notamment les conclusions de l'expert, ne permettait pas de l'inclure dans une condamnation solidaire ;

- le caractère décennal des désordres n'était pas établi dès lors que des défauts majeurs d'étanchéité ont été révélés en cours de chantier et que l'impropriété à son usage du bâtiment n'a pas été démontrée ;

- la majeure partie des désordres ne lui est pas imputable et c'est à tort que des défauts de conformité de ses réalisations lui sont imputées ;

- elle devra être relevée et garantie de toute condamnation par la maitrise d'œuvre et le bureau de contrôle Veritas à raison de leurs fautes et par les société Vackier Delbos et SACAN, en charge des lots " chauffage-ventilation " et " étanchéité " responsables des dommages à ce titre.

Par un mémoire enregistré le 17 décembre 2021, les sociétés Bureau d'études structures-Sibeo Ingénierie et Linéaire A, représentées par la SELARL Tournaire-Meunier, concluent au rejet de toutes les conclusions dirigées contre elles par la société appelante, le juge administratif n'étant pas compétent pour connaître de telles conclusions d'appel en garantie.

Par un mémoire enregistré le 11 janvier 2022, la société Groupama d'Oc, représentée par la SCP Moins, déclare intervenir à l'instance en sa qualité d'assureur de la société Atelier Chaudronnerie du Cantal et demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 3 septembre 2021 ;

2°) de la mettre hors de cause ainsi que son assurée ou subsidiairement de rejeter toute demande de la commune d'Aurillac dirigée contre elles ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Aurillac la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 11 janvier 2022, les sociétés Delpon et MMA Iard, son assureur, représentées par Me Evezard-Lepy, demandent à la cour de confirmer l'ordonnance en tant qu'elle les met hors de cause et de mettre à la charge de la société Eiffage Energie Systèmes-IT Loire-Auvergne la somme de 1 000 euros à verser à chacune au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 14 février 2022, la commune d'Aurillac agissant par son maire et représentée par Me Magrini, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Eiffage Energie Systèmes-IT Loire-Auvergne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les désordres constatés par l'expert, en lien avec un défaut d'étanchéité, relèvent dans leur ensemble de la garantie décennale des constructeurs, à l'exception de celui expressément écarté par le premier juge ;

- ces désordres n'étaient pas apparents à la réception et l'ouvrage destiné à recevoir du public est manifestement impropre à sa destination ;

- les conditions d'une condamnation solidaire des participants étaient réunies.

Par un mémoire enregistré le 24 février 2022, Me Vinati, mandataire judiciaire de la SA Cabrol Construction Métallique, représenté par Me Peres, conclut à l'annulation de l'ordonnance n° 2101184 du 3 septembre 2021 et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de la commune d'Aurillac au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que toute condamnation relative à des créances non inscrites dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Cabrol lui est inopposable.

Par un mémoire enregistré le 15 mars 2022, non communiqué, la société SACAN, représentée par Me Langlais, s'en rapporte aux conclusions de sa requête n° 21LY03057 et au rejet de tout appel en garantie dirigée contre elle.

IV) Par une requête enregistrée le 20 septembre 2021 sous le n° 21LY03095, la société bureau d'études structures SIBEO Ingénierie et la société Linéaire A, agissant par leurs dirigeants et représentées par la SELARL Tournaire-Meunier, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 3 septembre 2021 et de rejeter la demande de la commune d'Aurillac ;

2°) de mettre à la charge de la commune d'Aurillac la somme de 1 500 euros à leur verser chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la commune n'a pas exercé de recours préalable à sa saisine du juge d'une action contre le groupement de maîtrise d'œuvre ;

- plusieurs des désordres relevés par l'expert ne sont pas de nature décennale et une condamnation solidaire à ce titre ne pouvait être prononcée ;

- l'architecte ne peut être tenu responsable des malfaçons postérieures à l'intervention de l'entreprise chargée du lot étanchéité ;

- la provision devait être prononcée " hors taxes ", ne pas inclure les frais d'expertise supportés par la seule société SACAN ;

- tout recours extracontractuel excède la compétence du juge des référés.

Par un mémoire enregistré le 13 janvier 2022, les sociétés Delpon et MMA Iard, son assureur, représentées par Me Evezard-Lepy, demandent à la cour de confirmer l'ordonnance en tant qu'elle les met hors de cause et de mettre à la charge les sociétés SIBEO Ingénierie et Linéaire A la somme de 1 000 euros à verser à chacune au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 15 février 2022, la commune d'Aurillac agissant par son maire et représentée par Me Magrini, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge des société SIBEO Ingénierie et Linéaire A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- aucune procédure préalable obligatoire n'était requise avant l'introduction de la procédure de référé contre les sociétés appelantes ;

- les désordres constatés par l'expert, en lien avec un défaut d'étanchéité, relèvent dans leur ensemble de la garantie décennale des constructeurs, à l'exception de celui expressément écarté par le premier juge ;

- les conditions d'une condamnation solidaire des participants étaient réunies ;

- c'est à bon droit que le montant de la provision est augmentée de la TVA.

Par un mémoire enregistré le 24 février 2022, Me Vinati, mandataire judiciaire de la SA Cabrol Construction Métallique, représenté par Me Peres, conclut à l'annulation de l'ordonnance n° 2101184 du 3 septembre 2021 et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de la commune d'Aurillac au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que toute condamnation relative à des créances non inscrites dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Cabrol lui est inopposable.

Par un mémoire enregistré le 15 mars 2022, non communiqué, la société SACAN, représentée par Me Langlais, s'en rapporte aux conclusions de sa requête n° 21LY03057 et au rejet de tout appel en garantie dirigée contre elle.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné M. d'Hervé, président de la 4ème chambre, pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par les juges des référés des tribunaux du ressort.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes susvisées des sociétés SACAN, Vackier Delbos, Eiffage énergie systèmes-IT Loire-Auvergne, Sibeo Ingénierie et Linéaire A sont dirigées contre la même ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand les a ensemble condamnées à verser une provision à la commune d'Aurillac en réparation des dommages de nature décennale constatés dans l'enceinte de l'immeuble accueillant le centre cinématographique Cristal à la réalisation et l'aménagement duquel elles ont participé.

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de la seule obligation invoquée devant lui par la partie qui demande une provision.

Sur la recevabilité de la saisine du premier juge :

3. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés SIBEO Ingénierie et Linéaire A, aucune procédure particulière de réclamation ou de conciliation obligatoire n'était requise préalablement à la mise à leur charge d'une provision par le juge des référés.

Sur l'engament de la responsabilité des constructeurs :

4. Après avoir rappelé les principes qui gouvernent l'engagement de la responsabilité décennale des constructeurs et décrit la nature des désordres affectant le bâtiment, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces derniers étaient apparents ou même prévisibles avec certitude au moment de la réception des travaux, et s'être référé aux constatations factuelles de l'expert qui les a énumérés et rapportés aux différentes interventions des locateurs d'ouvrage dont la responsabilité était recherchée, le premier juge a pu, après avoir rappelé que l'immeuble destiné à accueillir un complexe cinématographique avait été rendu impropre à sa destination en raison des graves défauts identifiés d'étanchéité et leurs conséquences, retenir la nature décennale des dommages.

5. Il résulte de l'instruction qu'ainsi que l'expose le point 1 de l'ordonnance attaquée, les désordres liés à un défaut d'étanchéité du bâtiment sont en relation avec le contenu respectif des missions confiées aux entreprises titulaires de certains lots techniques ainsi qu'à la conception et la conduite de l'opération confiées au groupement de maitrise d'œuvre.

6. Dans ces conditions, le premier juge a pu, ainsi qu'il lui était demandé par la commune d'Aurillac, maître d'ouvrage, retenir la responsabilité de l'ensemble les constructeurs au titre de leurs obligations de garantie décennale et prononcer une condamnation " in solidum " vis-à-vis du maître d'ouvrage dès lors qu'ils ont tous contribué à la survenance des dommages, et ce alors même qu'une définition de leurs contributions finales respectives à la réparation du dommage, notamment au terme du jeu d'appels en garantie réciproques sur le terrain des fautes de chacun des intervenants, serait de nature à mettre à la charge finale de chaque participant le montant de la seule somme qui lui incombe.

7. La circonstance que la créance dont s'est prévalu la commune d'Aurillac n'aurait pas été inscrite dans le cadre de la procédure de liquidation de la SA Cabrol Construction Métallique ne fait pas elle-même obstacle au prononcé d'une condamnation l'incluant dans les débiteurs et n'a de conséquences que sur l'exécution de la décision qui prononce cette condamnation.

Sur le montant de la provision :

8. En premier lieu, le juge des référés a mis à la charge des parties condamnées une somme provisionnelle de 510 000 euros TTC qui tient compte du montant des réparations tel qu'évalué par l'expert. Si l'article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales a institué un fonds de compensation destiné à permettre progressivement le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) acquittée par les collectivités territoriales sur leurs dépenses réelles d'investissement, ces dispositions législatives, qui ne modifient pas le régime fiscal des opérations de ces collectivités, ne font pas obstacle à ce que la TVA grevant les travaux de reprise d'un bâtiment public soit incluse dans le montant de l'indemnité due au maître de l'ouvrage.

Sur les autres conclusions des parties :

9. En se référant seulement aux pourcentages avancés par l'expert en ce qui concerne l'estimation de la part prise par chaque intervention dans la survenance du dommage, les sociétés Vackier Delbos, Eiffage énergies systèmes-IT Loire Auvergne et SACAN ne démontrent pas les fautes commises par les autres constructeurs qu'elles appellent en garantie et qui seraient susceptibles de mettre à la charge de ces derniers, à titre de garantie, une part provisionnelle déterminée de l'indemnité due à la commune d'Aurillac.

10. Si la société Groupama se présente dans l'instance n° 21LY03094 en sa seule qualité d'assureur de la société ACC15 Serrurerie, cette dernière s'est cependant désistée de sa propre requête d'appel qu'elle avait en son nom présentée contre l'ordonnance en litige et dont il a été donné acte par ordonnance n° 21LY03096 le 8 mars 2022. Ces conclusions incidentes ne peuvent donc qu'être rejetées.

11. Les demandes qualifiées de reconventionnelles présentées par la société SACAN qui demande que la commune d'Aurillac et " au besoin " les sociétés Linéaire A, Saunier et Associés, le bureau Veritas construction, les société Cabrol et Soulier lui versent une provision de 89 787, 29 euros, qui sont relatives à un litige distinct de celui tranché par l'ordonnance en litige, ne sont cependant pas assorties de précisions suffisantes pour que la provision demandée puisse être regardée comme relative à une créance non sérieusement contestable.

12. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes en sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a mis à leur charge in solidum le versement d'une provision d'un montant de 510 000 euros TCC.

Sur les frais exposés au titre du litige :

13. Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dirigées contre la commune d'Aurillac, qui n'est pas la partie perdante dans ces instances, ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux autres conclusions présentées à ce titre, y compris celles de la commune d'Aurillac.

ORDONNE :

Article 1er : Les requêtes des sociétés SACAN, Vackier Delbos, Eiffage énergie systèmes-IT Loire-Auvergne, Sibeo Ingénierie et Linéaire A sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions des autres parties sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée aux sociétés SACAN, Vackier Delbos, Eiffage énergie systèmes-IT Loire-Auvergne, Sibeo Ingénierie, Linéaire A, à la commune d'Aurillac, aux sociétés Bureau Veritas Construction, Cabrol Constructions Métalliques, Soulier, Ateliers Chaudronnerie du Cantal (A.C.C.15 Serrurerie), à la SCP Vitani-Bru mandataire judiciaire de la SA Cabrol Constructions Métalliques, à la SAS Delpon, à la SELARL Christophe Basse mandataire judiciaire de la société Saunier et associés, aux sociétés MMA IARD assureur de la SAS Delpon, Groupama, Groupama D'OC assureur de la société Ste A.C.C.15 Serrurerie, à la mutuelle des architectes français, aux sociétés Zurich Insurance Public Limited company et QBE European Services Ltd.

Fait à Lyon, le 25 mars 2022.

Le président de la 4ème chambre,

Juge des référés

Jean-Louis d'Hervé

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

1

2

Nos 21LY03057, 21LY03088, 21LY03094, 21LY03095


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 21LY03057
Date de la décision : 25/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. - Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : SELARL D'AVOCATS TOURNAIRE et MEUNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-25;21ly03057 ?
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