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09/06/2022 | FRANCE | N°20LY02008

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 09 juin 2022, 20LY02008


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Macchia Jacky a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner in solidum avec leur assureur respectif les sociétés Teyssier et fils, A..., D... B... et G... à lui verser, respectivement, les sommes de 29 911,97 euros, de 14 955,98 euros, de18 516,09 euros et de 7 834,09 euros, en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait d'un glissement de terrain survenu le 17 septembre 2015 au cours de la réalisation des travaux de construction d'un immeuble pour le centre communal d'action soci

ale d'Ucel.

Par un jugement n° 1806051 du 28 mai 2020, ce tribunal a p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Macchia Jacky a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner in solidum avec leur assureur respectif les sociétés Teyssier et fils, A..., D... B... et G... à lui verser, respectivement, les sommes de 29 911,97 euros, de 14 955,98 euros, de18 516,09 euros et de 7 834,09 euros, en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait d'un glissement de terrain survenu le 17 septembre 2015 au cours de la réalisation des travaux de construction d'un immeuble pour le centre communal d'action sociale d'Ucel.

Par un jugement n° 1806051 du 28 mai 2020, ce tribunal a partiellement fait droit à sa demande en condamnant les sociétés Teyssier et fils, A..., D... B... et G... à lui verser, respectivement, la somme de 2 822,40 euros HT, la somme de 1 1411,20 euros HT, la somme de 1 747,20 euros HT et la somme de 739,20 euros HT et a mis les frais de l'expertise judiciaire à sa charge pour moitié et à celle des sociétés condamnées pour l'autre moitié, à hauteur de leurs parts de responsabilité respectives.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 23 juillet 2020, 16 juin 2021 et 7 avril 2022, la société Macchia Jacky, représentée par Me Florent, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner in solidum les sociétés Teyssier et fils, A..., D... B... et G... à lui verser la somme totale de 95 326,31 euros en réparation de ses préjudices, à lui rembourser les frais d'expertise et au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle est fondée à demander la condamnation in solidum des sociétés Teyssier et fils, A..., D... B... et G... à lui verser les sommes de 6 000 et 720 euros HT que le tribunal a retenues au titre des frais supplémentaires de location de grues et de bungalows de chantier, ainsi que la somme de 13 744,12 euros HT au titre des frais d'immobilisation de matériel et de banches de coffrage, la somme de 3 643,34 euros HT en remboursement d'une facture d'électricité qu'elle n'a pas consommée et la somme de 47 111,63 euros HT au titre des frais d'immobilisation du personnel.

Par des mémoires enregistrés les 2 novembre 2020 et 24 septembre 2021, la société A... et la société Lloyd's Insurance H..., venue aux droits de la société syndicat du Lloyd's Brit 29-87, représentées par Me Doceul, concluent à ce qu'il soit donné acte à la société Lloyd's Insurance H... de son intervention volontaire, au rejet de la requête ou, subsidiairement, à ce que la condamnation de la société A... à indemniser la société Macchia Jacky et à lui rembourser les frais d'expertise soit limitée aux sommes de 8 589,6 euros et 3 069,60 euros, et à ce que la somme de 3 000 euros chacune soit mise à la charge de la société appelante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :

- la société Macchia Jacky n'établit pas qu'elle a subi d'autres préjudices que ceux qui ont été indemnisés par le tribunal ;

- elle n'est pas fondée à demander la condamnation in solidum des autres participants du chantier compte tenu du partage de responsabilités proposé par l'expert judiciaire ;

- la société G... n'est pas fondée à demander la réduction de sa part de responsabilité.

Par un mémoire enregistré le 7 décembre 2020 et un mémoire enregistré le 8 avril 2022 non communiqué, les sociétés Alpha B... et E..., représentées par Me Robert, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Macchia Jacky au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :

- la demande de la société Macchia Jacky de condamnation in solidum n'est pas justifiée ;

- elle n'établit pas qu'elle a subi d'autres préjudices que ceux qui ont été indemnisées par le tribunal.

Par des mémoires enregistrés le 10 décembre 2020, les sociétés Teyssier et fils et F... C..., représentées par Me Reffay, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Macchia Jacky au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :

- la demande de la société Macchia Jacky de condamnation in solidum n'est pas justifiée ;

- elle n'établit pas qu'elle a subi d'autres préjudices que ceux qui ont été indemnisés par le tribunal.

Par un mémoire enregistré le 31 août 2021, les sociétés G... et Acte C..., représentées par Me Duflot, concluent au rejet de la requête ou, subsidiairement, à ce que la part de responsabilité de la société G... soit ramenée à 5 % et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société Macchia Jacky au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :

- c'est à tort que le tribunal a indemnisé la société Macchia Jacky au titre des frais supplémentaires de location de grues en l'absence de preuve de ce qu'elle aurait été contrainte de louer une grue pendant la durée d'interruption du chantier ;

- à l'exception des frais de location de bungalows indemnisés par le tribunal, la société Macchia Jacky n'établit pas qu'elle aurait subi les préjudices dont elle demande réparation ;

- en tout état de cause, elle ne pourrait être indemnisée d'un préjudice d'exploitation que pour une période de deux mois ;

- sa part de responsabilité doit être ramenée à 5 % dès lors que l'absence de réalisation d'une étude géotechnique ne lui est pas imputable.

Par lettres du 16 mars 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la société Macchia Jacky tendant à la condamnation in solidum des défendeurs, qui sont nouvelles en appel.

Les sociétés Teyssier et fils et F... C..., et la société Macchia Jacky ont produit des mémoires en réponse à ce moyen d'ordre public, enregistrés les 21 et 22 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. I... ;

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;

- et les observations de Me Florent pour la société Macchia Jacky, celles de Me Jugue pour la société Alpha B... et celles de Me Cusin-Rollet pour la société G....

Considérant ce qui suit :

1. Pour la construction d'une résidence de services de 11 logements à Ucel, le syndicat départemental d'équipement de l'Ardèche a conclu des marchés de travaux publics avec la société G..., chargée de la maîtrise d'œuvre, la société Alpha B..., bureau d'études géotechniques, la société Teyssier et fils, à qui a été attribué le lot n° 1 " terrassement - parois cloutées - VRD ", qui a sous-traité le confortement par filet ancré des talus à la société A..., et la société Macchia Jacky à qui a été confié le lot n° 3 gros œuvre. Des épisodes pluvieux importants ont entraîné des instabilités de talus. Le maître d'œuvre a ordonné un arrêt de chantier à compter du 16 octobre 2015. Les travaux ont été arrêtés pendant une année. Le syndicat départemental d'équipement de l'Ardèche et les sociétés G..., Alpha B..., Teyssier et fils et A... ont conclu, le 20 avril 2016, un protocole d'accord relatif aux modalités de réparation des préjudices matériels consécutifs au sinistre. Une expertise a été ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Lyon à la demande de la société Macchia Jacky, qui n'est pas partie au protocole d'accord, pour évaluer ses préjudices. Par un jugement du 28 mai 2020, le tribunal administratif de Lyon a condamné les sociétés G..., Teyssier et fils, D... B... et A... à verser à la société Macchia Jacky, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, des indemnités de, respectivement, 739,20 euros HT, 2 822,40 euros HT, 1 747,20 euros HT et 1 411,20 euros. La société Macchia Jacky demande la réformation de ce jugement qui a limité son indemnisation et que les condamnations soient prononcées in solidum.

Sur l'intervention de la société Lloyd's Insurance H... :

2. Aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct ". L'intervention de la société Lloyd's Insurance H... n'a pas été présentée par un mémoire distinct, mais dans les mémoires de la société A.... Dès lors, elle n'est pas recevable.

Sur les conclusions indemnitaires :

3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le sinistre est survenu au cours de l'exécution des travaux de terrassement en raison de l'absence de réalisation sur le site des travaux par un suivi en continu d'une étude d'ingénierie géotechnique qui aurait permis de confirmer le modèle géotechnique retenu pour la conception de l'ouvrage et évité que les sociétés Teyssier et fils et A... adoptent une solution technique de terrassement et confortement du talus inappropriée pour ce type de terrain. L'expert a relevé que la société G... avait laissé les travaux de terrassement se dérouler, validé et réceptionné leur réalisation malgré l'absence de cette étude. Il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal ait apprécié de manière erronée les parts de responsabilité des sociétés condamnées en fixant celle de la société G... à 11 %, de la société Teyssier et fils à 42 %, de la société Alpha B... à 26 % et de la société A... à 21 %. Par suite la société G... n'est pas fondée à demander que sa part de responsabilité soit réduite.

En ce qui concerne les préjudices liés à l'immobilisation du matériel :

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire, que la société Macchia Jacky a laissé une grue sur le site après l'ordre de service d'arrêt des travaux du 16 octobre 2015 pendant deux mois pour la réalisation des travaux de réparation et de consolidation du talus, ainsi que des bungalows de chantier, pendant trois mois. Pendant la période d'immobilisation de la grue, la société Macchia a dû mettre en suspend d'autres chantiers et privilégier les chantiers qui ne requéraient pas l'utilisation de cet engin. Le tribunal a justement évalué le préjudice lié à l'immobilisation de la grue à la somme de 6 000 euros HT pour la grue et celui lié à l'immobilisation des bungalows de chantier à la somme de 720 euros HT.

5. En deuxième lieu, il résulte du rapport d'expertise et des photographies produites par la société Macchia Jacky qu'elle n'a pas été en mesure de récupérer le matériel de chantier, le matériel de comptage électrique et des banches de coffrage lui appartenant compte tenu de l'interdiction d'accès au chantier et du risque d'aggravation du sinistre, une partie de son matériel étant sous les gravats, et du positionnement des banches de coffrage face au glissement de talus. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en le fixant à la somme de 13 744,12 euros HT proposée par l'expert.

6. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que le matériel de comptage électrique de la société Macchia Jacky a été utilisé pour les besoins des travaux de sécurisation et de déblaiement du chantier effectués après le sinistre. Elle est fondée à demander la somme de 3 643,34 euros HT en remboursement de la consommation d'électricité établie en appel pendant la période de sept mois retenue par l'expert.

En ce qui concerne la perte de marge sur coûts variables :

7. Il résulte de l'instruction, et notamment des indications fournies par le sapiteur financier désigné à la demande de l'expert, que la perte de chiffre d'affaires subie par la société Macchia Jacky pendant la période du 18 octobre 2015 au 17 décembre 2015 a entraîné une perte de marge sur coût variables. Le sapiteur a retenu un montant de perte de chiffre d'affaires pendant cette période de 74 425,96 euros, en déduisant le chiffre d'affaires que la société n'a pas pu réaliser du 18 octobre au 17 décembre 2015 du chiffre d'affaires facturé pendant la période du 18 octobre 2015 au 20 janvier 2016, date d'achèvement du chantier Océan Drive établie par l'assistant de maîtrise d'ouvrage. Par suite la société Macchia Jacky est fondée à demander la somme de 47 111,63 euros retenue par l'expert au titre de son manque à gagner.

8. Il résulte de ce qui précède que l'indemnité due par les sociétés G..., Teyssier et fils, D... B... et A... à la société Macchia Jacky doit être portée à la somme de 71 219,09 euros. La société Macchia Jacky sollicite pour la première fois en appel leur condamnation in solidum. Toutefois cette demande est nouvelle en appel et, par suite, irrecevable, ainsi qu'en ont été informées les parties.

9. Il résulte de ce qui précède que les sommes que les sociétés G..., Teyssier et fils, D... B... et A... ont été condamnées à verser à la société Macchia Jacky par le jugement attaqué doivent être portées à 7 834,09 euros pour la société G..., 29 912,01 euros pour la société Teyssier et fils, 18 516,96 euros pour la société Alpha B... et 14 956 euros pour la société A....

Sur les frais d'expertise :

10. Il y a lieu de répartir les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 20 612,40 euros, entre les sociétés G..., Teyssier et fils, D... B... et A... dans les mêmes proportions que les condamnations.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Macchia Jacky qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des sociétés G..., Teyssier et fils, D... B... et A... la somme de 2 000 euros à verser à la société Macchia Jacky euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la société Lloyd's Insurance H... n'est pas admise.

Article 2 : La société Teyssier et fils est condamnée à verser à la société Macchia Jacky la somme de 29 912,01 euros HT.

Article 3 : La société Alpha B... est condamnée à verser à la société Macchia Jacky la somme de 18 516,96 euros HT.

Article 4 : La société A... est condamnée à verser à la société Macchia Jacky la somme de 14 956 euros euros HT.

Article 5 : La société G... est condamnée à verser à la société Macchia Jacky la somme de 7 834,09 euros HT.

Article 6 : Les frais de l'expertise d'un montant de 20 612,40 euros sont mis à la charge des sociétés Teyssier et fils, D... B..., A... et G... à hauteur respectivement de 42%, 26%, 21 % et 11 %.

Article 7 : Le jugement n° 1806051 du tribunal administratif de Lyon du 28 mai 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 8 : Les sociétés Teyssier et fils, A..., D... B... et G... sont condamnées in solidum à verser la somme de 2 000 euros à la société Macchia Jacky au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 9 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 10 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Macchia Jacky, Teyssier et fils, J..., A..., K... H..., D... B..., E... et G....

Délibéré après l'audience du 14 avril 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère,

M. Rivière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2022.

Le rapporteur,

C. I...La présidente,

C. Michel

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 20LY02008


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02008
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-03 Marchés et contrats administratifs. - Exécution technique du contrat.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: M. Christophe RIVIERE
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SARL BONNET FLORENT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-09;20ly02008 ?
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