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07/07/2022 | FRANCE | N°22LY00577

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 07 juillet 2022, 22LY00577


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée Ciné 2000 et l'association Un certain regard sur Montluçon ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 juillet 2016 par lequel le maire de Montluçon a accordé à la société par actions simplifiée Les Cinémas de Montluçon un permis de construire un complexe cinématographique, ainsi que la décision du 15 septembre 2016 par laquelle le maire a rejeté leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1601

970 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée Ciné 2000 et l'association Un certain regard sur Montluçon ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 juillet 2016 par lequel le maire de Montluçon a accordé à la société par actions simplifiée Les Cinémas de Montluçon un permis de construire un complexe cinématographique, ainsi que la décision du 15 septembre 2016 par laquelle le maire a rejeté leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1601970 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.

Procédures devant la cour

Par une requête, enregistrée le 28 juin 2019 et un mémoire enregistré le 4 mai 2020, l'association " Un certain regard sur Montluçon ", représentée par la Selarl Carnot avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 avril 2019

2°) d'annuler cet arrêté du 12 juillet 2016 et la décision du 15 septembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Montluçon la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a à tort considéré qu'elle n'avait pas d'intérêt à agir contre les décisions en litige ;

- l'arrêté du 12 juillet 2016 est entaché d'incompétence ;

- la SAS Les cinémas de Montluçon ne dispose pas d'un titre l'habilitant à solliciter une autorisation de construire sur les parcelles du terrain d'assiette du projet dès lors que ledit terrain s'étend notamment aux parcelles cadastrées AD 439, 419, 527, 430 et 174, parcelles pour lesquelles la société pétitionnaire n'a pas attesté disposer de titre l'habilitant à construire, et que le projet litigieux se situe sur les parcelles cadastrées section AD n° 170, 171 et 278 qui ont été cédées à la société pétitionnaire par la commune de Montluçon alors que la délibération du 12 mars 2015 par laquelle le conseil municipal a autorisé cette vente est illégale ;

- le dossier de permis de construire est entaché de contradictions et de lacunes relatives au terrain d'assiette du projet qui ont été de nature à fausser l'appréciation portée par les services instructeurs sur la conformité du projet à la réglementation applicable notamment au regard de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme ;

- le dossier de permis de construire est incomplet, dès lors qu'il ne comprend pas l'analyse de compatibilité du projet, situé dans le périmètre d'une servitude de protection d'une canalisation de gaz, avec cette canalisation et ce en méconnaissance du j) de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté du 12 juillet 2016 est assorti de nombreuses prescriptions qui auraient dû justifier la présentation d'un nouveau projet et, par conséquent, conduire la commune de Montluçon à refuser de délivrer le permis de construire sollicité ;

- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que le maire de Montluçon aurait dû refuser de délivrer le permis de construire sollicité pour des raisons de sécurité sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté en litige est entaché d'erreur de droit dans l'application de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme, dès lors que l'emprise au sol des surfaces bâties ou non bâties affectées au stationnement, évalué à 14 257 m2 selon le formulaire renseigné par la société pétitionnaire, excède le plafond correspondant aux trois quarts de la surface de plancher des bâtiments affectés au commerce ;

- le projet autorisé méconnaît l'article UC 12 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Montluçon, ainsi que l'article L. 111-6-1 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire, enregistré le 27 janvier 2020, la SAS Les Cinémas de Montluçon, représentée par la Selas Wilhelm et associés, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'association appelante la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable dès lors que l'association appelante n'a pas respecté les prescriptions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme et qu'elle s'est bornée à recopier sa requête de première instance ;

- c'est à bon droit que le tribunal n'a pas reconnu l'intérêt pour agir de l'appelante ;

- au demeurant, l'objet social de l'association est trop large pour justifier un intérêt pour agir ;

- les moyens soulevés par l'association appelante ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 24 février 2020, la commune de Montluçon, représentée par Me Cabanes, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'association appelante la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- c'est à bon droit que le tribunal n'a pas reconnu l'intérêt pour agir de l'appelante ;

- les moyens soulevés par l'association appelante ne sont pas fondés.

Par un arrêt n° 19LY02538 du 17 décembre 2020, la cour administrative de Lyon a rejeté la requête de l'association " Un certain regard sur Montluçon ".

Par une décision n° 449827 du 11 février 2022, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.

Par des mémoires enregistrés les 22 mars 2022 et 2 mai 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, l'association " Un certain regard sur Montluçon " persiste dans ses conclusions, par les mêmes moyens

Par un mémoire enregistré le 22 mars 2022, la SAS Les Cinémas de Montluçon persiste dans ses précédentes conclusions en demandant en outre la condamnation de l'association requérante à payer une somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 8 avril 2022, la commune de Montluçon persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens.

La clôture d'instruction a été fixée au 2 mai 2022, par une ordonnance en date du 1er avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me Gneno-Gueydan, substituant Me Deygas, pour l'association " Un certain regard sur Montluçon ", celles de Me Michaud pour la commune de Montluçon et celles de Me Reymond pour la SAS Les Cinémas de Montluçon ;

Et après avoir pris connaissance des notes en délibéré produites pour l'association requérante, enregistrées les 22 juin et 23 juin 2022, de la note en délibéré produite par la société les cinémas de Montluçon, enregistrée le 22 juin 2022 et des notes en délibéré produites par la commune de Montluçon, enregistrées les 22 et 23 juin 2022 ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 4 décembre 2015, la SAS Les Cinémas de Montluçon a déposé une demande de permis de construire en vue de l'édification d'un complexe cinématographique composé de douze salles et 1 614 fauteuils, une salle polyvalente et des commerces de restauration. Par un arrêté du 12 juillet 2016, le maire de Montluçon a accordé le permis de construire sollicité. L'association " Un certain regard sur Montluçon " relève appel du jugement du 30 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. La requête d'appel critique l'irrecevabilité opposée à la demande de l'association " Un certain regard sur Montluçon " par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand. Elle est ainsi suffisamment motivée.

3. Il ressort des pièces du dossier que l'association requérante a notifié la copie de sa requête d'appel au maire de Montluçon et à la société pétitionnaire par deux plis recommandés remis les 4 juillet et 2 juillet 2020 respectivement, soit dans les quinze jours suivant la notification du recours. Par suite, la fin de non-recevoir tirée du non respect des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme doit être écartée.

Sur la régularité du jugement :

4. Aux termes de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire " et aux termes de l'article R. 423-6 du même code, alors applicable : " Dans les quinze jours qui suivent le dépôt de la demande ou de la déclaration et pendant la durée d'instruction de celle-ci, le maire procède à l'affichage en mairie d'un avis de dépôt de demande de permis ou de déclaration préalable précisant les caractéristiques essentielles du projet, dans des conditions prévues par arrêté du ministre chargé de l'urbanisme ".

5. Il ressort des pièces du dossier que l'association " Un certain regard sur Montluçon ", qui a déposé ses statuts le 8 octobre 2012, a pour objet social, " l'ensemble des éléments objectifs et subjectifs constituant le cadre de vie des habitants ainsi que la protection de l'environnement du bâti ou du non bâti de Montluçon " mais également " La qualité de l'air, qualité du bruit, qualité de la circulation à pied, en vélo, en voitures, en transport en communs sur le territoire de Montluçon ". Ses statuts prévoient qu'elle " pourra en particulier contester les opérations d'aménagement et les permis de construire autorisés sur le territoire de Montluçon et qu'elle considère portant atteinte à ses objectifs ".

6. Le statut de l'association, déposé en préfecture avant l'affichage de la demande de permis de construire, définit ainsi précisément son objet matériel, différent de celui de ses membres, ainsi que son champ d'action géographique limité au territoire communal. Compte tenu de l'importance du projet, et sans que les défendeurs puissent utilement faire état des conditions dans lesquelles l'association a été créée, elle disposait ainsi d'un intérêt à demander l'annulation du permis de construire du 12 juillet 2016 en litige. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi. Son jugement du 30 avril 2019 doit, dès lors, être annulé.

7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand par l'association " Un certain regard sur Montluçon ".

Sur la légalité du permis de construire :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire (...) est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints (...) ". Aux termes de l'article L. 2131-1 du même code : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) Le maire peut certifier, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de ces actes. "

9. L'arrêté du 12 juillet 2016 en litige a été signé par M. B... A..., adjoint au maire de Montluçon, titulaire d'une délégation de signature à l'effet notamment de signer les décisions relatives à l'occupation et à l'utilisation du sol, y compris pour les établissements recevant du public, par un arrêté du maire de Montluçon du 8 avril 2014. Il ressort des pièces du dossier que cet arrêté a été transmis et reçu en sous-préfecture le 14 avril 2014. Par ailleurs, le maire de Montluçon a attesté, par un certificat daté du 6 avril 2022, que l'arrêté du 8 avril 2015 avait été régulièrement affiché entre le 8 avril et le 9 juin 2014. Cette attestation établie conformément aux dispositions de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales faisant foi jusqu'à preuve du contraire, quand bien même elle n'a été établie que dans le cadre de l'instance contentieuse, et la requérante n'apportant aucun élément de nature à établir que cet arrêté n'aurait pas été affiché, l'arrêté de délégation était exécutoire à la date du refus de permis d'aménager en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire (...) sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux (...) ". L'article R. 431-5 du même code prévoit que la demande de permis de construire comporte notamment l'attestation du demandeur qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1.

11. Il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 précité. Les autorisations d'utilisation du sol étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur. Les tiers ne sauraient donc utilement faire grief à l'administration de ne pas en avoir vérifié l'exactitude. Il en va autrement lorsque l'autorité compétente vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu'implique l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, d'aucun droit à la déposer. Dans ce cas, il lui revient de rejeter la demande de permis pour ce motif.

12. Il ressort d'une part des pièces du dossier, et notamment du formulaire Cerfa joint à la demande de permis de construire, que, contrairement à ce que soutient l'association requérante, le projet ne porte pas sur les parcelles cadastrées AD 439, 419, 527, 430 et 174. Dans ces conditions, l'association requérante ne peut utilement faire valoir que la société pétitionnaire ne disposerait d'aucun droit sur ces parcelles, où doit être réalisé le parc de stationnement devant permettre de desservir le complexe cinématographique, lequel doit faire l'objet d'un projet distinct.

13. D'autre part, l'association requérante soutient que la délibération du 12 mars 2015 par laquelle le conseil municipal de Montluçon a cédé les parcelles cadastrées section AD n° 170, 171 et 278, qui servent de terrain d'assiette du projet à la SAS les cinémas de Montluçon est entachée d'illégalité. Toutefois, elle ne peut exciper de l'illégalité de cette délibération, qui ne constitue pas la base légale du permis de construire, qui n'a pas non plus été pris pour son exécution. Par ailleurs, la société pétitionnaire justifie de ce fait de sa qualité de propriétaire de ces parcelles. Par suite, le moyen tiré du défaut de qualité de la SAS les cinémas de Montluçon pour déposer la demande ne peut qu'être écarté.

14. En troisième lieu, il ressort du dossier de demande de permis, et notamment des mentions du formulaire Cerfa sur le terrain d'assiette du projet et des indications de la notice selon lesquelles le respect des règles de stationnement se ferait par l'aménagement en périphérie d'un parking par le service voirie de la ville de Montluçon, que le projet ne portait que sur la réalisation du multiplexe, à l'exclusion du parc de stationnement. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le dossier de demande, s'il comportait par ailleurs quelques mentions ambiguës sur ce point, aurait été affecté de contradictions de nature à induire en erreur le service instructeur.

15. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : (...) j) Dans le cas d'un projet de construction ou extension d'un établissement recevant du public de plus de 100 personnes ou d'un immeuble de grande hauteur à proximité d'une canalisation de transport, dans la zone de dangers définie au premier tiret du b de l'article R. 555-30 du code de l'environnement, l'analyse de la compatibilité du projet avec la canalisation du point de vue de la sécurité des personnes prévue à l'article R. 555-31 du même code ; "

16. Il ressort des pièces du dossier, notamment du courrier du 19 août 2015 de la société GRT gaz, que la canalisation de gaz située à proximité du terrain d'assiette du projet n'est plus en service. Par suite, le moyen tiré de ce que le dossier de demande était incomplet, faute de comporter l'analyse prévue par les dispositions citées au point précédent, ne peut qu'être écarté.

17. En cinquième lieu, l'administration ne peut assortir une autorisation d'urbanisme de prescriptions qu'à la condition que celles-ci, entraînant des modifications sur des points précis et limités et ne nécessitant pas la présentation d'un nouveau projet, aient pour effet d'assurer la conformité des travaux projetés aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.

18. S'il ressort des pièces du dossier que le permis de construire a été assorti de nombreuses prescriptions, la plupart d'entre elles, portant sur les conditions de réalisation des travaux et de raccordement aux réseaux, avaient une portée très limitée. De même, la prescription tendant à ce qu'un cheminement pour les personnes à mobilité réduite soit prévu le long des voies d'accès, pour assurer le respect des règles s'imposant aux établissements recevant du public, est d'une portée limitée et suffisamment précise. Par ailleurs, le permis de construire a pu se borner à renvoyer aux réserves assortissant les avis rendus par les personnes consultées, dont il n'est pas allégué qu'elles étaient par elles-mêmes insuffisamment précises. En revanche, la prescription portant sur la hauteur de la façade nord du bâtiment, ayant pour objet de ramener de 15 mètres à 13,63 mètres la hauteur du bâtiment afin de respecter les règles posées par le règlement du plan local d'urbanisme, ne permet pas suffisamment de s'assurer des modalités selon lesquelles le pétitionnaire pourrait assurer le respect de cette norme et n'est, dans cette mesure, pas suffisamment précise. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité des prescriptions et de la nécessité de présenter un nouveau permis doit être accueilli dans la seule mesure de la prescription relative à la hauteur maximale du bâtiment en façade nord.

19. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. "

20. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 16, que la canalisation de gaz située à proximité du terrain d'assiette du projet n'est plus en service et ne représente donc pas un danger pour le cinéma projeté. Si l'association requérante fait valoir par ailleurs que le terrain d'assiette du projet est distant de moins de 800 mètres du site d'exploitation de la société All Chem, il ressort des pièces du dossier qu'il se situe en dehors du périmètre défini par le plan de prévention des risques technologiques (PPRT) soumettant les constructions proches de cette usine, et notamment les établissements recevant du public, à des interdictions ou des prescriptions, sans qu'il ne ressorte des pièces du dossier que le projet en litige présenterait des caractéristiques particulières justifiant en l'espèce qu'un refus soit opposé à la demande. Enfin, si le projet conduit à réhabiliter une friche industrielle, l'étude réalisée en 2016, lors de l'instruction de la demande de permis de construire, si elle constate la présence, dans des prélèvements de sol, de certains métaux lourds en concentration relativement élevée, alors qu'en revanche les matériaux du site peuvent être qualifiés d'inertes s'agissant des composés organiques, conclut à la possibilité de réaliser le projet, sous des réserves tenant à l'évacuation des matériaux de terrassement en centre de décharge classique et au recouvrement des matériaux du site par de l'enrobé, du béton ou de la terre végétale. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le pétitionnaire aurait cherché à dissimuler les risques liés à la pollution des sols dans sa demande, alors que l'étude réalisée en 2016 l'a été à la demande de la commune de Montluçon, qui n'a pu ainsi être induite en erreur. Par ailleurs, et alors qu'un permis de construire n'a d'autre objet que d'autoriser la construction d'immeubles conformes aux plans et indications fournis par le pétitionnaire, la circonstance que l'exécution des travaux, qui n'est pas impossible, serait rendue complexe par la nécessité de respecter ces préconisations, reste sans incidence sur la légalité du permis de construire. Par suite, en délivrant le permis de construire, le maire de Montluçon n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, dans l'application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

21. En septième lieu, aux termes de l'article L. 151-33 du code de l'urbanisme : " Lorsque le règlement impose la réalisation d'aires de stationnement pour les véhicules motorisés, celles-ci peuvent être réalisées sur le terrain d'assiette ou dans son environnement immédiat./ Lorsque le bénéficiaire du permis ou de la décision de non-opposition à une déclaration préalable ne peut pas satisfaire aux obligations résultant du premier alinéa, il peut être tenu quitte de ces obligations en justifiant, pour les places qu'il ne peut réaliser lui-même, soit de l'obtention d'une concession à long terme dans un parc public de stationnement existant ou en cours de réalisation et situé à proximité de l'opération, soit de l'acquisition ou de la concession de places dans un parc privé de stationnement répondant aux mêmes conditions. " Aux termes de l'article UC 12 du règlement du plan local d'urbanisme : " 1 - La surface de stationnement des véhicules correspondant aux besoins des constructions ou installations, assurée en dehors des voies publiques, est exigée ainsi qu'il suit : (...) - pour les constructions à usage commercial de plus de 50 m2 : 1 place pour 2 employés, plus 1 place par 25 m2 de surface de vente. (...) / 2- Toutefois, en cas d'impossibilité technique ou économique de pouvoir aménager le nombre d'emplacements nécessaires au stationnement sur le terrain des constructions, le constructeur doit réaliser les places de stationnement manquantes sur un autre terrain à condition que celui-ci ne soit pas distant de plus de 300 m de la construction principale (...). Il peut également présenter une convention qui permet de garantir le nombre de places suffisant. "

22. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit précédemment, que le projet porte sur la seule réalisation d'un complexe cinématographique, à l'exclusion de l'aménagement d'un parc de stationnement par la commune de Montluçon. Si la demande de permis de construire envisage, dans ce cadre, la réalisation de places de stationnement, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de délivrance du permis de construire, ce parc de stationnement n'était ni existant ni en cours de réalisation, le permis d'aménager ce parc n'ayant été délivré que le 9 janvier 2019, deux ans et demi après. Dans ces conditions, la société pétitionnaire n'a pas satisfait aux obligations de stationnement pour le projet envisagé. Par suite, le permis a été délivré en méconnaissance des règles fixant le nombre de stationnements définies par le code de l'urbanisme et le règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Montluçon.

23. Enfin, aux termes de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme : " Nonobstant toute disposition contraire du plan local d'urbanisme, l'emprise au sol des surfaces, bâties ou non, affectées aux aires de stationnement annexes d'un commerce soumis à l'autorisation d'exploitation commerciale prévue aux 1° et 4° du I de l'article L. 752-1 du code de commerce et à l'autorisation prévue au 1° de l'article L. 212-7 du code du cinéma et de l'image animée, ne peut excéder un plafond correspondant aux trois quarts de la surface de plancher des bâtiments affectés au commerce. "

24. L'association requérante soutient que la superficie du parc de stationnement projeté excède celle autorisée par les dispositions citées au point précédent. Toutefois, ces dispositions, anciennement codifiées à l'article L. 111-16-1 du code de l'urbanisme, ne sont applicables, en vertu de l'article 129 de la loi n° 2014-366, qu'aux demandes de permis déposées après le 1er janvier 2016 et ne sont donc pas opposables au projet en litige, qui a fait l'objet d'une demande de permis en date du 4 décembre 2015. Au demeurant, le projet portant sur la création d'un multiplexe cinématographique non lié à un centre commercial, il n'est pas soumis au respect des règles posées par les dispositions citées au point précédent de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que le permis a été délivré en méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.

Sur l'application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme :

25. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. "

26. Alors que le parc de stationnement voisin, aménagé en vue de la construction du complexe cinématographique a fait l'objet d'un permis d'aménager délivré le 9 janvier 2019, l'illégalité relevée au point 22, qui n'affecte qu'une partie identifiée de la construction, est susceptible d'être régularisée, sans que la nature même du projet ne soit modifiée. Il en va de même pour l'irrégularité relevée au point 18. Il y a lieu, en conséquence, en application des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, d'annuler le permis de construire en litige, en tant qu'il ne prévoit pas la réalisation des places de stationnement dans un parc prévu à cet effet, existant ou en cours de réalisation, et en tant qu'il prévoit une prescription insuffisamment précise sur la hauteur du bâtiment en façade nord, et de fixer à trois mois le délai imparti au pétitionnaire pour solliciter la régularisation du projet.

27. Il résulte de ce qui précède que l'association " Un certain regard sur Montluçon " est seulement fondée à soutenir que l'arrêté du 12 juillet 2016 du maire de Montluçon est entaché d'illégalité et à en demander l'annulation dans la mesure précisée au point précédent.

Sur l'amende pour recours abusif :

28. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros. "

29. La faculté d'infliger au requérant une amende pour recours abusif, prévue par l'article R. 741-12 du code de justice administrative, constitue un pouvoir propre du juge. Dès lors, les conclusions de la société Les cinéma de Montluçon tendant à ce que la cour condamne l'association requérante à une telle amende sont irrecevables. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier que le recours de l'association requérante, auquel il a été partiellement fait droit, présenterait un caractère abusif.

Sur les frais d'instance :

30. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'association " Un certain regard sur Montluçon " tendant à la mise à la charge de la commune de Montluçon d'une somme au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement par la commune de Montluçon et la société les cinémas de Montluçon, qui sont parties perdantes.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1601970 du 30 avril 2019 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 12 juillet 2016 par lequel le maire de Montluçon a accordé à la société par actions simplifiée Les Cinémas de Montluçon un permis de construire un complexe cinématographique est annulé en tant qu'il ne prévoit pas la réalisation des places de stationnement dans un parc prévu à cet effet, existant ou en cours de réalisation, et en tant qu'il fixe une prescription insuffisamment précise sur la hauteur du bâtiment en façade nord, ainsi que, dans la même mesure, la décision de rejet du recours gracieux.

Article 3 : Le délai imparti à la SAS les cinémas de Montluçon pour solliciter la régularisation du projet est de trois mois.

Article 4 : Les conclusions des parties sont rejetées pour le surplus.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Un certain regard sur Montluçon ", à la commune de Montluçon et à la SAS les cinémas de Montluçon.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Danièle Déal, présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2022.

Le rapporteur,

Thierry BesseLa présidente,

Danièle Déal

La greffière,

Fabienne Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui les concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00577


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00577
Date de la décision : 07/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SELAS WILHELM ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-07-07;22ly00577 ?
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