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08/08/2022 | FRANCE | N°21LY03146

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 08 août 2022, 21LY03146


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux dont il s'est acquitté au titre de l'année 2017 en tant qu'elle était assise sur l'indemnité transactionnelle qu'il avait perçue cette même année et qu'il avait déclarée dans la catégorie des traitements et salaires.

Par un jugement n° 1907468 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Lyon l'a déchargé des cotisations supplémentaires d'imp

t sur le revenu et de cotisations sociales dont il restait redevable au titre de l'anné...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux dont il s'est acquitté au titre de l'année 2017 en tant qu'elle était assise sur l'indemnité transactionnelle qu'il avait perçue cette même année et qu'il avait déclarée dans la catégorie des traitements et salaires.

Par un jugement n° 1907468 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Lyon l'a déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales dont il restait redevable au titre de l'année 2017, à raison du montant en base de 62 738 euros correspondant au montant de l'indemnité transactionnelle prévue dans le protocole du 1er septembre 2017 (article 1er), a mis à la charge de l'Etat le versement à l'intéressé d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2) et a rejeté le surplus de sa demande (article 3).

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1 et 2 de ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er juin 2021 ;

2°) de remettre à charge de M. B... un montant de 25 318 euros au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2017, dont la décharge a été prononcée à tort par les premiers juges.

Il soutient que le requérant n'apporte pas la preuve de la nature et du montant des préjudices évoqués dans le protocole transactionnel, et, a fortiori, il n'établit pas avoir subi un dommage moral, qu'il n'invoquait qu'à titre subsidiaire devant le tribunal ; ainsi, l'indemnité transactionnelle qu'il a perçue constitue une rémunération imposable.

Par un mémoire enregistré le 6 janvier 2022, M. A... B..., représenté par Me Geslain, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que l'article 80 duodecies du code général des impôts n'est pas applicable en l'espèce, s'agissant d'indemnités ne trouvant pas leur cause dans la rupture du contrat de travail bien que versées concomitamment à cette dernière ; ainsi, il est incontestable que l'indemnité a été versée en contrepartie du renoncement à toute action contentieuse et ne présente donc pas un caractère imposable.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la décision n° 2013-340 QPC du 20 septembre 2013 du Conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été employé en qualité de directeur général de l'association ARDIE (Agence Régionale de Développement de l'Innovation et de l'Economie) à Dijon. Le 28 juillet 2017, il a signé avec son employeur une convention de rupture de son contrat de travail en application des dispositions des articles L. 1237-11 et suivants du code du travail fixant la fin de son contrat à durée indéterminée au 30 septembre 2017, ainsi que le versement d'une indemnité de 185 600 euros. Le 1er septembre 2017, il a signé avec son employeur un accord transactionnel mettant un terme à tout litige, par lequel l'association ARDIE acceptait de verser une indemnité transactionnelle, forfaitaire, globale et définitive d'un montant de 62 738 euros en réparation de chacun des différents préjudices invoqués par le requérant. M. B... a déclaré ces deux indemnités au titre de l'impôt sur les revenus de l'année 2017, dans la catégorie des traitements et salaires. Par réclamation du 11 septembre 2018, il a demandé le bénéfice de l'exonération de ces sommes sur le fondement du 6° de l'article 80 duodecies du code général des impôts. L'administration a fait droit à sa demande en diminuant la base imposable à l'impôt sur le revenu de l'indemnité de rupture conventionnelle déclarée et a rejeté la demande relative à l'exonération de l'indemnité transactionnelle. Par un jugement du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Lyon a déchargé M. B... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales dont il restait redevable au titre de l'année 2017, à raison du montant en base de 62 738 euros correspondant au montant de l'indemnité transactionnelle prévue dans le protocole du 1er septembre 2017 (article 1er), a mis à la charge de l'Etat le versement à l'intéressé d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2) et a rejeté le surplus de sa demande (article 3). Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel des articles 1 et 2 de ce jugement.

2. Selon l'article 79 du code général des impôts : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu (...) ". Aux termes du dernier alinéa de l'article 80 de ce même code : " Sont également imposées comme des traitements et salaires les indemnités, au-delà d'un million d'euros, perçues au titre du préjudice moral fixées par décision de justice ". Aux termes de l'article 80 duodecies du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve des dispositions suivantes. Ne constituent pas une rémunération imposable : 1° Les indemnités mentionnées aux articles L. 1235-1, L. 1235-2, L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-11 à L. 1235-13 du code du travail ; 2° Les indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 1233-32 et L. 1233-61 à L. 1233-64 du code du travail ; 3° La fraction des indemnités de licenciement versées en dehors du cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 1233-32 et L. 1233-61 à L. 1233-64 du code du travail, qui n'excède pas : a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à fa date du versement des indemnités ; b) Soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi; (...) 6° La fraction des indemnités prévues à l'article L. 1237-13 du code du travail versées à l'occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail d'un salarié lorsqu'il n'est pas en droit de bénéficier d'une pension de retraite d'un régime légalement obligatoire, qui n'excède pas : / a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à fa date de versement des indemnités ; / b) Soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi. ( ...) ".

3. Il résulte des dispositions précitées de l'article 80 duodecies du code général des impôts et des réserves d'interprétation émises par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2013-340 du 20 septembre 2013, qu'à l'exception des indemnités qui y sont limitativement énumérées, toute indemnité perçue par le salarié à l'occasion de la rupture de son contrat de travail est imposable. Ces dispositions ont seulement pour objet de déterminer le régime applicable à l'ensemble des indemnités versées à raison de la rupture du contrat de travail, à l'exception des indemnités qui, alors même qu'elles seraient concomitantes à la rupture du contrat de travail, n'y trouveraient pas leur cause.

4. Pour déterminer si une indemnité versée en exécution d'une transaction conclue à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail est imposable, il appartient à l'administration et, lorsqu'il est saisi, au juge de l'impôt, de rechercher la qualification à donner aux sommes qui font l'objet de la transaction.

5. A cet égard, une indemnité versée à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail ne peut être regardée comme ayant le caractère de dommages et intérêts non imposables que si elle a pour objet de compenser un préjudice autre que celui résultant de la perte d'un revenu.

6. En l'espèce, il résulte de l'instruction que l'imposition en litige a été établie conformément à la déclaration d'impôt sur le revenu, souscrite par M. B... au titre de l'année 2017. Dès lors, il lui incombe, en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve du caractère exagéré de cette imposition, c'est-à-dire, en l'espèce, de prouver ses allégations selon lesquelles l'exécution de son contrat de travail aurait présenté un caractère " défectueux " emportant des conséquences notamment sur son état de santé et qu'ayant renoncé à toute action en justice contre son ancien employeur à ce titre, l'indemnité transactionnelle doit être exonérée conformément aux dispositions qui ont été rappelées.

7. Il ressort du protocole de transaction précité du 1er septembre 2017 que si l'indemnité restant en litigieuse a été versée en " réparation de l'ensemble des préjudices que M. B... prétend avoir subi du fait de l'exécution défectueuse de son contrat de travail, notamment au regard de sa santé " et que ce versement vise à régler un " désaccord durable (...) entre les parties " pour " éviter les inconvénients d'un contentieux " entre les parties, en prévoyant en contrepartie que " M. B... (..) renonce à l'ensemble de ses droits, actions et prétentions, dont il dispose à ce jour et s'engage (...) à ne pas engager ou poursuivre de procédure ", l'employeur s'est engagé à verser cette indemnité " sans reconnaissance du bien-fondé des prétentions de M. B... ".

8. En se bornant à faire valoir que la somme globale de 62 738 euros ne lui aurait été versée par son ancien employeur qu'à titre transactionnel en vue d'éviter qu'il n'introduise contre lui l'action contentieuse qu'auraient appelé les conditions selon lui " défectueuses " d'exécution de son contrat de travail, et alors que la qualification juridique de dommages et intérêts donnée à l'indemnité par les parties au protocole d'accord transactionnel ne s'impose ni à l'administration ni au juge de l'impôt, le requérant ne saurait être regardé comme justifiant ni de " l'exécution défectueuse de son contrat de travail ", ni de ce que le versement de la somme en cause aurait, fût-ce pour partie, correspondu à la réparation d'un préjudice autre que la perte de revenus. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a estimé que l'indemnité transactionnelle en litige constituait un revenu imposable. Par suite, le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour prononcer la restitution partielle de la cotisation d'impôt et des contributions sociales acquittées par M. B... au titre de l'année 2017, les premiers juges ont estimé que l'indemnité litigieuse avait le caractère de dommages et intérêts non imposables.

9. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... tant en première instance qu'en appel.

10. M. B... n'apporte aucun élément permettant d'établir ainsi qu'il le prétend, que l'indemnité litigieuse aurait été versée en complément de l'indemnité de 185 600 euros qu'il a perçue en exécution de la convention de rupture de son contrat de travail, signée le 28 juillet 2017. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que cette indemnité devait être regardée comme exonérée d'impôt sur le revenu en application des dispositions précitées de l'article 80 duodecies du code général des impôts et a fortiori du dernier alinéa de l'article 80 du code général des impôts.

11. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à demander l'annulation des articles 1 et 2 du jugement du 1er juin 2021 du tribunal administratif de Lyon. Les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Lyon tendant à la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux dont il s'est acquitté au titre de l'année 2017 en tant qu'elle était assise sur l'indemnité transactionnelle qu'il avait perçue cette même année et qu'il avait déclarée dans la catégorie des traitements et salaires sont rejetées.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. B... tendant au remboursement des frais d'instance qu'il a exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1907468 du tribunal administratif de Lyon du 1er juin 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lyon et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : La somme de 25 318 euros dont la restitution a été accordée à M. B... en exécution du jugement du tribunal administratif de Lyon est remise à sa charge.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2022 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 août 2022.

La rapporteure,

P. Dèche Le président,

F. Bourrachot

La greffière,

S. Lassalle

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03146

ap


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03146
Date de la décision : 08/08/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-07-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Traitements, salaires et rentes viagères. - Personnes et revenus imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCP DU PARC CURTIL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-08-08;21ly03146 ?
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