La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/10/2022 | FRANCE | N°21LY00988

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 27 octobre 2022, 21LY00988


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier de Villeneuve-de-Berg a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des titres exécutoires n° 2504 et n° 2677 émis à son encontre le 30 novembre 2018 et le 10 décembre 2018 par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) pour des montants respectifs de 2 050,70 euros et de 1 210,70 euros.

Par un jugement n° 1905413 du 2 février 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé les titres

exécutoires n° 2504 et n° 2677 émis par l'Office national d'indemnisation des a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier de Villeneuve-de-Berg a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des titres exécutoires n° 2504 et n° 2677 émis à son encontre le 30 novembre 2018 et le 10 décembre 2018 par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) pour des montants respectifs de 2 050,70 euros et de 1 210,70 euros.

Par un jugement n° 1905413 du 2 février 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé les titres exécutoires n° 2504 et n° 2677 émis par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales le 30 novembre 2018 et le 10 décembre 2018 à l'encontre du centre hospitalier de Villeneuve-de-Berg et déchargé le centre hospitalier de Villeneuve-de-Berg de l'obligation de payer les sommes de 2 050,70 euros et de 1 210,70 euros résultant de ces titres.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 mars 2021 et des mémoires enregistrés les 13 avril 2022 et 10 mai 2022, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Birot, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1905413 du 2 février 2021 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de rejeter la demande présentée par le centre hospitalier de Villeneuve-de-Berg à l'encontre du titre exécutoire n° 2504 qu'il a émis le 30 novembre 2018 ;

3°) de constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande d'annulation du titre exécutoire n° 2677 qu'il a émis le 10 décembre 2018 ;

4°) à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour annulerait le titre pour un moyen de légalité externe, de condamner le centre hospitalier de Villeneuve-de-Berg à lui payer la somme de 2 050,70 euros, en application des dispositions de l'article L. 1142-14 du code de la santé publique, en remboursement des frais d'expertise exposés ;

5°) de condamner le centre hospitalier de Villeneuve-de-Berg à lui verser la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

* le titre exécutoire n° 2677 émis le 10 décembre 2018 a été annulé le 26 mars 2021 car il constituait un doublon avec le titre n° 2504 de sorte qu'il y a lieu de prononcer un non lieu à statuer sur ce titre ;

* il peut légalement, sur le fondement de l'article L. 1142-14 du code de la santé publique, émettre un titre exécutoire en vue de mettre à la charge du centre hospitalier responsable les frais d'expertise dès lors que celui-ci a délibérément omis de lui indiquer le nom de son assureur ; en effet, si le dispositif prévu par le législateur prévoit que l'avance des frais d'expertise est faite au bénéfice des victimes il n'a pas entendu faire supporter la charge finale des frais d'expertise à la solidarité nationale dans une telle hypothèse ;

* la créance présente un caractère certain, liquide et exigible dans son principe et son montant ; il apporte la preuve du règlement effectif des honoraires d'expert et la répartition des responsabilités ne lui est pas opposable s'agissant de remboursement de frais de procédure ;

* l'ordre de recouvrer, second volet du titre exécutoire, est bien signé et l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, n'est pas applicable aux relations entre personnes publiques ;

* les titres exécutoires en litige sont suffisamment motivés ;

* dans l'hypothèse où le titre exécutoire en litige serait annulé pour une irrégularité formelle sans toutefois que la décharge de la somme à payer ne soit prononcée, le centre hospitalier doit être condamné au paiement de la somme réclamée par ce titre.

Par des mémoires en défense enregistrés les 11 juin 2021 et 27 avril 2022, le centre hospitalier de Villeneuve-de-Berg, représenté par Me Limonta, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

* le titre exécutoire n° 2677 a été annulé ;

* l'ONIAM ne peut légalement, par un titre exécutoire, mettre à sa charge les frais d'expertise sur le fondement de l'article L. 1142-14 du code de la santé publique, ces dispositions prévoyant un tel remboursement uniquement à la charge de l'assureur de l'établissement de santé ayant fait une offre à la victime ;

* l'avis des sommes à payer n'a pas été signé en méconnaissance des articles 11 et 18 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 et de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

* il n'est pas justifié de la réalité des frais d'expertise et de leur règlement, les notes d'honoraires des experts n'ayant pas été versées et des discordances existent entre les sommes mentionnées sur les avis des sommes à payer et les sommes réglées aux différents experts ;

* les titres exécutoires litigieux sont insuffisamment motivés, dès lors que les bases de la liquidation des créances réclamées ne sont pas précisées ;

* la créance ne présente pas un caractère certain, liquide et exigible, alors qu'il n'est pas justifié du paiement des frais d'expertise par l'ONIAM et qu'il n'a pas été tenu compte de la part de responsabilité respective des différents professionnels, retenue par la commission de conciliation et d'indemnisation. Aucun motif ne justifie que l'Office limite sa demande de remboursement des frais d'expertise à hauteur de 40 % dès lors que la part de responsabilité retenue par la commission de conciliation et d'indemnisation à son encontre est de 20 %. En tout état de cause, les modalités de calcul de la créance de l'office manquent de transparence, une somme identique lui ayant été réclamée à la fois pour l'expertise initiale et son complément alors qu'elles ont donné lieu à des honoraires d'un montant différent ;

* la demande formulée à titre subsidiaire par l'office dans le cas où le titre serait annulé pour une irrégularité de forme et tendant à la condamnation, à titre reconventionnel, du centre hospitalier est mal fondée en l'absence de régularisation du titre en cause.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bentéjac, première conseillère,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Boutes, représentant le centre hospitalier Villeneuve-de-Berg.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux titres exécutoires n° 2504 émis le 30 novembre 2018 pour un montant de 2 050,70 euros et n° 2677 émis le 10 décembre 2018 pour un montant de 1 210,70 euros, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a mis à la charge du centre hospitalier de Villeneuve-de-Berg une partie des frais d'expertise diligentée par la commission de conciliation et d'indemnisation Rhône-Alpes à la suite de la prise en charge d'une patiente dans cet établissement. Par un jugement du 2 février 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces titres exécutoires et a déchargé le centre hospitalier de Villeneuve-de-Berg de l'obligation de payer résultant de ces titres. L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 1142-12 du code de la santé publique : " (...) L'Office national d'indemnisation prend en charge le coût des missions d'expertise, sous réserve du remboursement prévu aux articles L. 1142-14 et L. 1142-15. ". L'article L. 1142-14 de ce code dispose : " (...) L'assureur qui fait une offre à la victime est tenu de rembourser à l'office les frais d'expertise que celui-ci a supportés. (...) ". L'article L. 1142-15 dudit code : " En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré ou la couverture d'assurance prévue à l'article L. 1142-2 est épuisée ou expirée, l'office institué à l'article L. 1142-22 est substitué à l'assureur. (...) l'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur ou le fonds institué à l'article L. 426-1 du même code. Il peut en outre obtenir remboursement des frais d'expertise. (...) ".

3. Il résulte des dispositions de l'article L. 1142-14 du code de la santé publique précitées que lorsque l'assureur de l'établissement de santé fait une offre à la victime, il est tenu au remboursement des frais d'expertise pris en charge par l'ONIAM. Dans un tel cas, il appartient à l'établissement de santé de porter à la connaissance de l'Office, par tous moyens, le nom de son assureur. Ce n'est que dans les hypothèses, prévues à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, où l'assureur a négligé de faire une telle offre ou lorsque l'établissement de santé n'est pas assuré ou couvert par son assurance que l'Office dispose de la faculté, selon les cas, de mettre le remboursement de ces frais soit à la charge de l'assureur soit à la charge du responsable du dommage.

4. Il résulte de l'instruction que, par courrier du 7 juin 2017, le conseil du centre hospitalier Villeneuve-de-Berg et de son assureur a informé l'ONIAM de ce qu'une offre d'indemnisation avait été adressée, après une expertise diligentée par la commission de conciliation et d'indemnisation Rhône-Alpes, aux ayants droit d'une patiente ayant été prise en charge dans ce centre hospitalier. A la suite de ce courrier, l'Office a émis à l'encontre du centre hospitalier Villeneuve-de-Berg, les 30 novembre 2018 et 10 décembre 2018, deux titres exécutoires n° 2504 et n° 2677 d'un montant respectif de 2 050,70 euros et 1 210,70 euros aux fins de recouvrement des frais de cette expertise. Toutefois, conformément à ce qui a été dit précédemment, l'ONIAM ne pouvait, sur le fondement des dispositions de l'article L. 1142-14 du code de la santé publique, mettre à la charge du centre hospitalier de Villeneuve-de-Berg les frais d'expertise qu'il a supportés.

5. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions d'appel dirigées contre le titre exécutoire n° 2677, l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé le titre exécutoire n° 2504 émis le 30 novembre 2018 pour un montant de 2 050,70 euros et le titre n° 2677 émis le 10 décembre 2018 pour un montant de 1 210,70 euros et a déchargé le centre hospitalier de Villeneuve-de-Berg de l'obligation de payer en résultant.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Villeneuve-de-Berg qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, la somme que l'ONIAM réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le centre hospitalier de Villeneuve-de-Berg sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Villeneuve-de-Berg tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier Villeneuve-de-Berg et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Bentéjac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 octobre 2022.

La rapporteure,

C. Bentéjac

Le président,

F. PournyLa greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00988


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00988
Date de la décision : 27/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE. - RESPONSABILITÉ EN RAISON DES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DES SERVICES PUBLICS. - SERVICE PUBLIC DE SANTÉ. - ARTICLE L. 1142-14 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE - CAS DANS LEQUEL L'ASSUREUR DE L'ÉTABLISSEMENT DE SANTÉ QUI FAIT UNE OFFRE À LA VICTIME EST TENU AU REMBOURSEMENT DES FRAIS D'EXPERTISE EXPOSÉS PAR L'ONIAM - POSSIBILITÉ DE METTRE DE TELS FRAIS À LA CHARGE DE L'ÉTABLISSEMENT DE SANTÉ (1) - ABSENCE - CAS DANS LEQUEL L'ONIAM N'A PAS CONNAISSANCE DU NOM DE L'ASSUREUR DE L'ÉTABLISSEMENT DE SANTÉ - CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE.

60-02-01 Il résulte des dispositions de l'article L. 1142-14 du code de la santé publique que lorsque l'assureur de l'établissement de santé fait une offre à la victime, il est tenu au remboursement des frais d'expertise pris en charge par l'ONIAM. L'ONIAM ne peut, dans un tel cas, mettre de tels frais à la charge de l'établissement de santé.Dans le cas où l'ONIAM n'a pas connaissance du nom de l'assureur, il appartient à l'établissement de santé de porter à la connaissance de l'ONIAM, par tous moyens, le nom de son assureur.


Références :

1. Comp. TA Paris, 4 février 2021, AP-HP, n° 1904888 pour le cas dans lequel l'établissement de santé dispose d'une dérogation à l'obligation d'assurance.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Caroline BENTEJAC
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELARL BIROT - MICHAUD - RAVAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-10-27;21ly00988 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award