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01/12/2022 | FRANCE | N°21LY01383

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 01 décembre 2022, 21LY01383


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à lui verser une somme de 727 753 euros en réparation des préjudices qui lui ont été causés par l'action fautive des services fiscaux à son égard.

Par un jugement n° 1906342 du 16 mars 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 3 mai 2021, M. A..., représenté par Me Grillat, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce

jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 mars 2021 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à lui verser une somme de 727 753 euros en réparation des préjudices qui lui ont été causés par l'action fautive des services fiscaux à son égard.

Par un jugement n° 1906342 du 16 mars 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 3 mai 2021, M. A..., représenté par Me Grillat, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 mars 2021 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme susmentionnée en réparation des préjudices qu'il a subis :

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice.

Il soutient que :

- l'Etat a commis une faute en ne tenant pas compte d'une attestation qu'il avait délivrée dans des conditions jugées légales par le tribunal et la cour et cette faute est à l'origine de la mise en liquidation judiciaire de la société Rhône-Alpes Sécurité Routière ;

- en remboursant tardivement la somme de 40 000 euros, l'administration a empêché le bon déroulement de la procédure de liquidation judiciaire ainsi que la reprise d'activité de la société ;

- il justifie de préjudices subis à hauteur de 727 753 euros.

Par un mémoire enregistré le 3 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 10 mai 2016 ne saurait être imputée aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis successivement à la charge de la société Rhône-Alpes Sécurité Routière ;

- la radiation de la société Rhône-Alpes Sécurité Routière ne résulte pas de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à son encontre, ni du calendrier de la procédure collective ;

- le montant des indemnisations demandées n'est pas justifié.

Après l'audience du 22 septembre 2022, une note en délibéré, produite par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, a été enregistrée le 26 septembre 2022 et a été communiquée à M. A....

Une note en délibéré, produite pour M. A..., a été enregistrée le 19 octobre 2022 et a été communiquée au ministre l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Rhône-Alpes Sécurité Routière qui avait pour objet une activité de formation à la sécurité routière sous forme de stages en groupe dispensés par M. B... A... a fait l'objet, en 2010, d'une vérification de comptabilité, portant sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, à l'issue de laquelle ont été mis recouvrement, le 4 août 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour un montant total de 131 665 euros. Ces impositions ont été contestées par la SARL Rhône-Alpes Sécurité routière qui a obtenu intégralement gain de cause devant la cour par un arrêt du 25 octobre 2016, considérant que l'attestation délivrée à l'origine par la délégation régionale à la formation professionnelle sur le fondement du a) du 4°) du 4 de l'article 261 du code général des impôts, et sur laquelle se fondait l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée, ne pouvait légalement être remise en cause. La société a, en conséquence, été destinataire d'une décision du 13 janvier 2017, par laquelle l'administration fiscale a procédé au dégrèvement de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée. En 2012, la SARL Rhône-Alpes Sécurité routière a fait l'objet d'une deuxième vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, à l'issue de laquelle ont été mis recouvrement, le 19 juillet 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour un montant total de 78 857 euros. Alors que ces impositions avaient été contestées par la SARL Rhône-Alpes Sécurité routière, devant le tribunal administratif, par une autre décision du 13 janvier 2017, l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Par une ordonnance du 24 novembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande présentée par la SARL Rhône-Alpes Sécurité routière. Au cours des années 2015 et 2016, la SARL Rhône-Alpes Sécurité routière, a fait l'objet d'une troisième vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, à l'issue de laquelle des impositions ont été mises en recouvrement, le 5 septembre 2016, pour un montant total de 110 432 euros. Alors que ces impositions avaient été contestées par la SARL Rhône-Alpes Sécurité routière, par deux réclamations contentieuses, en date des 27 janvier et 9 février 2017, par une décision du 13 mars 2017, l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Par un courrier du 24 mai 2019, M. A... a sollicité du ministre de l'action et des comptes publics l'indemnisation du préjudice matériel et du préjudice moral qu'il estime avoir subis du fait des fautes commises par l'administration fiscale, qui auraient entraîné l'état de cessation de paiement de la SARL Rhône-Alpes Sécurité routière, constaté par un jugement du tribunal de commerce de Lyon, du 10 mai 2016, puis la liquidation judiciaire de cette société, prononcée par un jugement du même tribunal du 28 novembre 2017. Il fait appel du jugement du 16 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'État à lui verser la somme de de 727 753 euros.

2. Une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'État à l'égard du contribuable ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice. Un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de l'impôt, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et, le cas échéant, des troubles dans ses conditions d'existence dont le contribuable justifie. Le préjudice invoqué ne trouve pas sa cause directe et certaine dans la faute de l'administration si celle-ci établit soit qu'elle aurait pris la même décision d'imposition si elle avait respecté les formalités prescrites ou fait reposer son appréciation sur des éléments qu'elle avait omis de prendre en compte, soit qu'une autre base légale que celle initialement retenue justifie l'imposition. Enfin l'administration peut invoquer le fait du contribuable ou, s'il n'est pas le contribuable, du demandeur d'indemnité comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité.

3. Il résulte de l'instruction et ainsi qu'il a été exposé au point 1 du présent arrêt que l'administration fiscale a assujetti à plusieurs reprises la SARL Rhône-Alpes Sécurité Routière à des rappels indus de taxe sur la valeur ajoutée. Ce faisant, elle a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

4. Si à la date d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL Rhône-Alpes Sécurité routière prononcée par le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 10 mai 2016, seule la créance fiscale issue du premier redressement était certaine et exigible, il résulte de l'instruction, que cette société qui avait fait l'objet de trois vérifications de comptabilité a fondé sa déclaration de cessation de paiement sur l'impossibilité de régler au Trésor Public les créances concernées. D'ailleurs, le jugement du 10 mai 2016, précise que la date de cessation de paiement doit être fixée au 10 novembre 2014, afin de tenir compte précisément de l'intervention de ces créances litigieuses. Egalement, il résulte de l'instruction qu'au titre de l'exercice clos en 2013, et ainsi que le relève l'administration fiscale, la société présentait des capitaux propres négatifs. Enfin, et alors qu'il ressort clairement du jugement du tribunal de commerce que la clôture de la liquidation pour insuffisance d'actif est intervenue en raison des dettes fiscales, il n'appartient pas à la cour d'apprécier la conformité de ce jugement à la jurisprudence de la Cour de cassation. Ainsi, et alors que la circonstance relevée par le ministre que les rémunérations de M. A... et du personnel auraient augmenté à partir de 2011 s'avère sans incidence sur le litige lié aux créances fiscales de taxe sur la valeur ajoutée, la liquidation judiciaire de la société, prononcée le 28 novembre 2017, pour extinction de passif, doit être regardée comme directement liée aux créances litigieuses, et par suite, à la faute commise par l'administration fiscale.

5. Si le requérant se prévaut de ce que la faute de l'Etat a entraîné pour lui des préjudices liés à la perte de sa société, à la perte de revenus, à des problèmes de santé et de perte de réputation, les pièces présentées à l'appui de la requête ne permettent toutefois pas à la cour d'apprécier l'étendue de ces préjudices. Il y a lieu, dans ces conditions, d'ordonner, avant dire droit, une expertise tendant à l'évaluation de ces préjudices en lien direct avec la faute de l'Etat.

DECIDE :

Article 1er : Avant de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la réparation des préjudices subis par M. A... à raison des créances fiscales de taxe sur la valeur ajoutée imputées à tort à la SARL Rhône-Alpes Sécurité routière, il sera procédé à une expertise.

L'expert qui sera désigné par le président de la cour aura pour mission de :

1°) réunir tous éléments permettant de déterminer la perte de valeur des parts détenues par M. A... dans la SARL Rhône-Alpes Sécurité routière, en précisant le montant d'un éventuel boni de liquidation perçu par l'intéressé ;

2°) réunir tous éléments permettant de déterminer la perte de revenus subie par M. A..., en précisant le montant d'éventuels revenus de remplacement touchés par ce dernier, ainsi que les conséquences éventuelles sur ses droits à retraite ;

3°) réunir tous éléments permettant de déterminer et chiffrer l'étendue du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par M. A..., en tenant compte notamment des conséquences de la mise en liquidation judiciaire de la SARL Rhône-Alpes Sécurité routière sur son état de santé et sur sa réputation ;

4°) faire, le cas échéant, toute constatation utile.

5°) Si faire ce peut, de concilier les parties dans les conditions prévues par les articles R. 621-1 et R. 621-7 du code de justice administrative.

Article 2 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-1 à R. 621-14 du code de justice administrative. L'expert communiquera le rapport d'expertise aux parties et le déposera au greffe de la cour dans le délai fixé par le président de la cour, dans sa décision le désignant.

Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée par l'article 1 sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 4 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.

La rapporteure,

P. Dèche

Le président,

F. Bourrachot

La greffière,

A.-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01383

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01383
Date de la décision : 01/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

60-02-02-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Services économiques. - Services fiscaux.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : GRILLAT ET DANCHAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-12-01;21ly01383 ?
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