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13/10/2023 | FRANCE | N°22LY00743

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 13 octobre 2023, 22LY00743


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... ... a demandé au tribunal administratif de C... de condamner solidairement la société Paris Nord assurances services (PNAS) et la société Ethias, prises en tant qu'assureures du département de l'Isère, à lui verser la somme de 14 996,75 euros, outre une somme de 675 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale, en réparation du préjudice que lui a causé une agression par un mineur confié à ce département.

Par un jugement n° 1903724 du 25 janvier 2022, le tri

bunal administratif de C... a condamné la société Ethias à verser à Mme A... la somme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... ... a demandé au tribunal administratif de C... de condamner solidairement la société Paris Nord assurances services (PNAS) et la société Ethias, prises en tant qu'assureures du département de l'Isère, à lui verser la somme de 14 996,75 euros, outre une somme de 675 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale, en réparation du préjudice que lui a causé une agression par un mineur confié à ce département.

Par un jugement n° 1903724 du 25 janvier 2022, le tribunal administratif de C... a condamné la société Ethias à verser à Mme A... la somme de 14 996,75 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 mars 2022, la société PNAS et la société Ethias, représentées par la SELURL Phelip, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1903724 du 25 janvier 2022 du tribunal administratif de C... ;

2°) de rejeter les conclusions de Mme A... ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les sociétés PNAS et Ethias soutiennent que :

- Mme A..., si elle est victime, a toutefois commis une faute exonératoire en donnant une gifle à l'enfant ;

- subsidiairement, Mme A... a été agressée par deux mineurs, de telle sorte que la part propre des préjudices imputables à M. D... et dont le département doit répondre ne peut excéder la moitié des conséquences dommageables ;

- Mme A... ne justifie pas qu'elle n'aurait pas été indemnisée, soit par M. D..., soit par Mme E..., soit par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 juin 2022, Mme F... A..., représentée par la SELARL AXIS Avocats associés, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la condamnation solidaire de la société PNAS et de la société Ethias, prises en tant qu'assureures du département de l'Isère, à lui verser la somme de 14 996,75 euros, outre une somme de 675 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale, en réparation du préjudice que lui a causé une agression par un mineur confié à ce département ;

3°) à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge solidaire de la société PNAS et de la société Ethias sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est recevable à exercer contre l'assureure du département l'action directe prévue par l'article L. 124-3 du code des assurances ; la société PNAS doit être regardée comme étant l'assureure du département ;

- le département de l'Isère est responsable sans faute du fait de M. D..., qui était confié à sa garde ;

- elle n'a pas commis de faute exonératoire ; le principe de la responsabilité a en tout état de cause été définitivement tranché par le juge des enfants ;

- les sommes demandées ne concernent que les préjudices causés par M. D... et non ceux causés par Mme E... ;

- les préjudices qu'elle a subis correspondent à des dépenses de santé restées à charge, à des pertes de revenus, à des frais de tierce personne, à des frais de déplacements, à un déficit fonctionnel temporaire puis permanent, à des souffrances endurées et à un préjudice esthétique temporaire puis permanent ;

- elle n'a perçu aucune indemnisation.

Le centre hospitalier universitaire de C..., employeur de Mme A..., ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, ont été régulièrement mis en cause et n'ont pas produit.

Par ordonnance du 26 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 28 novembre 2022 à 16h30.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code des assurances ;

- le code civil ;

- le code de la commande publique ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la fonction publique, ensemble l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 et l'ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 ;

- le code pénal et le code de procédure pénale ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été victime d'une agression, commise le 18 octobre 2015 à la piscine municipale de Crolles par M. D... et Mme E..., alors tous les deux mineurs et confiés au département de l'Isère au titre de l'aide sociale à l'enfance. Par jugement du 7 septembre 2019, le tribunal pour enfants de C..., statuant sur l'action publique, a reconnu M. D... coupable de faits de violence en réunion suivie d'incapacité supérieure à huit jours, et l'a condamné à un mois d'emprisonnement délictuel. Par le même jugement, statuant sur l'action civile, le tribunal a décidé une expertise médicale en allouant à Mme A... une provision de 2 000 euros, que M. D... a été condamné à lui verser. Au vu de cette expertise, par jugement du 22 janvier 2019, le tribunal pour enfants de C... a condamné M. D... à verser à Mme A... une somme de 14 996,75 euros et a mis à sa charge des frais irrépétibles à hauteur de 600 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale. Mme A... a saisi le tribunal administratif de C... d'une demande tendant à ce que la société Paris Nord assurances services (PNAS) et la société Ethias, qu'elle a estimé être toutes deux assureures du département de l'Isère, soient condamnées à lui verser les sommes que le tribunal pour enfants de C... a condamné M. D... à lui verser. Par le jugement attaqué du 25 janvier 2022, le tribunal administratif de C... a condamné la société Ethias à verser à Mme A... la somme de 14 996,75 euros et a rejeté le surplus des conclusions indemnitaires.

Sur le principe et l'étendue de la responsabilité :

2. Tout d'abord, il appartient au juge administratif, saisi d'une action en responsabilité pour des faits imputables à un mineur pris en charge par le service d'aide sociale à l'enfance, de déterminer si, compte tenu des conditions d'accueil du mineur, notamment la durée de cet accueil et le rythme des retours du mineur dans sa famille, ainsi que des obligations qui en résultent pour le service d'aide sociale à l'enfance et pour les titulaires de l'autorité parentale, la décision du président du conseil départemental, prise sur le fondement de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles, avec le consentement des titulaires de l'autorité parentale, s'analyse comme une prise en charge durable et globale de ce mineur, pour une période convenue, par l'aide sociale à l'enfance. Si tel est le cas, cette décision a pour effet de transférer au département la responsabilité d'organiser, de diriger et de contrôler la vie du mineur durant cette période. Ni la circonstance que la décision de prise en charge du mineur prévoie un retour de celui-ci dans son milieu familial de façon ponctuelle ou selon un rythme qu'elle détermine ni celle que le mineur y retourne de sa propre initiative ne font par elles-mêmes obstacle à ce que cette décision entraîne un tel transfert de responsabilité. En raison des pouvoirs dont le département se trouve, dans ce cas, investi, sa responsabilité est engagée, même sans faute, pour les dommages causés aux tiers par ce mineur, y compris lorsque ces dommages sont survenus alors que le mineur est hébergé par ses parents, dès lors qu'il n'a pas été mis fin à cette prise en charge par le service d'aide sociale à l'enfance par décision des titulaires de l'autorité parentale ou qu'elle n'a pas été suspendue ou interrompue par l'autorité administrative ou judiciaire. A l'égard de la victime, cette responsabilité n'est susceptible d'être atténuée ou supprimée que dans le cas où le dommage est imputable à une faute de celle-ci ou à un cas de force majeure. En outre, dans le cadre d'une action en garantie, le département peut, le cas échéant, se prévaloir de la faute du tiers ayant concouru à la réalisation du dommage. Dans le cas où le département ne peut être regardé comme ayant pris une décision de prise en charge durable et globale du mineur, les titulaires de l'autorité parentale demeurent responsables des dommages causés aux tiers par celui-ci.

3. Ensuite, aux termes de l'article L. 124-3 du code des assurances : " Le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable (...) ". En vertu de l'article L. 2 du code de la commande publique, un contrat d'assurance passé par une des personnes morales de droit public soumises aux dispositions de ce code, notamment par une collectivité territoriale, présente le caractère d'un contrat administratif. L'action directe ouverte par l'article L. 124-3 du code des assurances à la victime d'un dommage contre l'assureur de l'auteur responsable du sinistre relève de la compétence de la juridiction administrative, dès lors que le contrat d'assurance présente le caractère d'un contrat administratif.

4. Enfin, l'autorité de la chose jugée appartenant aux décisions des juges répressifs devenues définitives qui s'impose aux juridictions administratives s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif. Le moyen tiré de la méconnaissance de cette autorité, qui présente un caractère absolu, est d'ordre public.

5. En premier lieu, contrairement à ce que soutient Mme A... l'autorité absolue de la chose jugée sur l'action publique par le tribunal des enfants ne s'impose qu'en ce qui concerne les faits constatés au soutien de la condamnation pénale prononcée. En revanche, en l'absence d'identité de partie, de cause et d'objet, aucune autorité relative ne s'impose s'agissant de ce qu'a jugé le tribunal pour enfants s'agissant de l'action civile, qui portait sur la seule responsabilité propre de M. D... à l'égard de Mme A.... Il appartient donc à la Cour d'apprécier si les conditions d'une responsabilité des sociétés PNAS et Ethias sont réunies, sans être liée sur ce point par les décisions précitées du juge des enfants, à l'exception des seuls faits constatés au soutien de la décision sur l'action publique.

6. En deuxième lieu, par jugement en assistance éducative du 10 septembre 2015, le tribunal pour enfants de C... a renouvelé le placement de M. G... D..., né le 16 octobre 2002, auprès des services en charge de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Isère, en réservant uniquement un droit éventuel de visite et d'hébergement de la mère, à définir de façon amiable entre elle et le service en charge de la garde de l'enfant. Le département doit, ainsi, être regardé comme ayant bénéficié du transfert de la responsabilité d'organiser, de diriger et de contrôler la vie du mineur. Sa responsabilité dès lors est engagée, même sans faute, pour les dommages causés aux tiers par ce mineur.

7. En troisième lieu, le juge pénal a constaté que M. D... avait commis sur la personne de Mme A... des faits de violence volontaire en réunion. Il résulte de l'instruction et notamment du procès-verbal de synthèse de l'enquête de gendarmerie du 15 décembre 2015 que Mme A... a été bousculée et presque renversée par M. D... alors qu'ils se trouvaient à la piscine municipale de Crolles. Elle s'est rattrapée à lui et lui a donné une claque. Il l'a alors frappée à coups de pied, lui causant en particulier une fracture à la main. Une jeune fille accompagnant M. D... a pour sa part insulté Mme A..., lui a craché dessus et donné deux coups de pied à la cuisse. La seule gifle donnée par Mme A... ne l'a ainsi été qu'en réaction immédiate et non disproportionnée à une bousculade brutale dont elle a été victime. Les coups violents et répétés infligés à Mme A... sont pour leur part hors de proportion avec la situation. Il ne résulte ainsi pas de ces faits que Mme A... aurait commis une faute qui serait, même pour partie, à l'origine des préjudices qu'elle a subis du fait des violences commises par M. D.... Les sociétés requérantes ne sont dès lors pas fondées à soutenir qu'il y aurait une faute exonératoire de la victime.

8. En quatrième lieu, si les sociétés requérantes font valoir que Mme A... a été également victime de violences infligées par Mme E..., il résulte de l'instruction que les préjudices subis ne trouvent pas leur origine commune dans les violences infligées par M. D... et par Mme E..., les lésions causées par chacun d'eux pouvant au contraire être identifiées et distinguées. Les séquelles en litige dans la présente instance sont uniquement celles résultant des violences infligées par M. D..., soit essentiellement celles résultant de la fracture de la main de Mme A... par M. D.... Mme E... n'a pour sa part infligé que des lésions très bénignes distinctes. Les sociétés requérantes ne sont dès lors pas fondées à soutenir que leur assuré, le département de l'Isère, qui avait la garde de M. D..., ne serait tenu de réparer que la moitié des séquelles en cause.

9. En cinquième lieu, ainsi que l'a exactement relevé le tribunal, il résulte de l'instruction que seule la société Ethias a en l'espèce la qualité d'assureure du département de l'Isère, la société PNAS étant uniquement intervenue dans une mission de courtage. Si Mme A... invoque un courrier de la société PNAS en date du 18 juillet 2016, ce courrier rappelle que le contrat d'assurance a été conclu avec la société Ethias. Le courtier n'étant pas tenu personnellement d'une obligation d'assurance, les dispositions précitées de l'article L. 124-3 du code des assurances ne lui sont dès lors pas applicables. L'action directe engagée par Mme A... n'est dès lors recevable qu'en tant qu'elle est dirigée contre la société Ethias, seule assureure du département de l'Isère pour l'activité en cause dans la présente instance.

10. Il résulte de ce qui précède que la société Ethias est tenue de répondre, en sa qualité d'assureure du département de l'Isère, de l'ensemble des dommages causés à Mme A... par les faits précités de violence commis par M. D....

Sur l'indemnisation :

En ce qui concerne les préjudices :

11. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit, en l'absence d'identité de parties, de cause et d'objet, la chose jugée par le tribunal pour enfants de C... sur l'action civile, qui porte sur l'obligation indemnitaire de M. D... à l'égard de Mme A..., n'est pas opposable dans le cadre de la présente instance à la société Ethias, prise en tant qu'assureure du département de l'Isère. Il appartient dès lors à la Cour d'apprécier le principe et l'étendue des préjudices subis par la victime ainsi que leur lien avec le fait générateur de l'obligation indemnitaire pesant sur cette société. En l'espèce, il résulte de l'instruction que Mme A... a subi, du fait des violences qui lui ont été infligées par M. D..., des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux, temporaires et permanents, résultant essentiellement de la fracture spiroïde longue de la première phalange du quatrième doigt de sa main gauche, qui a nécessité un traitement, dont une fraction du coût est restée à la charge de la victime, a laissé un déficit fonctionnel temporaire puis permanent, ce dernier évalué par l'expertise diligentée par le juge judiciaire à un taux de 5%, a entrainé une perte de revenus professionnels dans le cadre d'un arrêt de travail, a induit des frais d'assistance temporaire par une tierce personne, a généré des frais de déplacement, a entrainé des souffrances et enfin a eu pour conséquence un préjudice esthétique, temporaire puis permanent.

12. S'agissant des dépenses de santé, il n'est pas contesté que Mme A... a gardé à sa charge une somme de 84,50 euros.

13. S'agissant du déficit fonctionnel temporaire, il résulte de l'instruction et notamment des analyses de l'expert désigné par le juge judiciaire, qui ne sont pas discutées, que Mme A... a subi un déficit total le 27 octobre 2015, un déficit de 50 % durant neuf jours du 18 au 26 octobre 2015, un déficit de 25 % durant 45 jours du 28 octobre au 11 décembre 2015, et enfin un déficit de 10 % durant 168 jours du 12 décembre 2015 au 27 mai 2016, date de consolidation. Il en sera fait une juste appréciation en évaluant ce préjudice à hauteur d'une somme de 600 euros.

14. S'agissant du déficit fonctionnel permanent, il est évalué au montant non contesté de 5 % par l'expert, en raison de la diminution de la flexion du quatrième doigt de la main gauche. A la date de la consolidation, soit le 27 mai 2016, Mme A..., née le 16 mars 1958, était âgée de 58 ans. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à hauteur de la somme de 5 500 euros.

15. S'agissant des pertes de revenus, il résulte de l'instruction que Mme A... exerçait l'activité d'assistante socio-éducative au CHU de C.... Le tribunal pour enfants de C... a relevé dans son jugement du 22 janvier 2019 qu'une attestation de cet établissement fait état d'un montant de prime de 488,53 euros perdu en raison de l'arrêt de travail lié aux violences subies. Il y a lieu de retenir ce montant, non contesté.

16. S'agissant des frais d'assistance temporaire par une tierce personne, l'expert a relevé que l'état de santé, lié au déficit fonctionnel temporaire qui a été évoqué précédemment, a nécessité l'assistance d'une tierce personne une heure par jour durant un mois, pour l'aide à la vie quotidienne. Eu égard à la date des faits et au caractère non spécialisé de l'aide, le coût horaire doit être évalué en l'espèce à 13,45 euros, charges patronales et des majorations pour congés incluses. Le préjudice doit ainsi être évalué à hauteur d'une somme totale de 416,95 euros.

17. S'agissant des frais de déplacement, il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que Mme A... a dû suivre 76 séances de rééducation en kinésithérapie pour sa main gauche. Le kilométrage parcouru, qui est exposé de façon précise et circonstanciée dans des termes au demeurant repris par le tribunal pour enfants de C..., n'est pas contesté, pas davantage que le recours au barème kilométrique indicatif usuel. Le préjudice peut ainsi être retenu à hauteur de la somme de 654,97 euros.

18. S'agissant des souffrances endurées, l'expertise précitée les évalue à hauteur de 3,5/7, soit un préjudice modéré, recouvrant à la fois les douleurs physiques et morales. Il en sera fait en l'espèce une juste appréciation en retenant le montant demandé de 5 000 euros.

19. S'agissant du préjudice esthétique temporaire, lié au port d'une attelle, l'expertise l'a évalué à hauteur de 2/7. Il en sera fait en l'espèce une juste appréciation en retenant le montant demandé de 300 euros.

20. S'agissant, enfin, du préjudice esthétique permanent, lié à une cicatrice, l'expertise précitée l'a évalué à hauteur de 1,5/7. Il en sera fait en l'espèce une juste appréciation en retenant le montant demandé de 800 euros.

21. Il résulte de ce qui précède que le préjudice total de Mme A... imputable aux violences infligées par M. D... doit être évalué à hauteur de la somme totale de 13 844,95 euros.

22. En second lieu, aux termes de l'article 475-1 du code de procédure pénale : " Le tribunal condamne l'auteur de l'infraction ou la personne condamnée civilement en application de l'article 470-1 à payer à la partie civile la somme qu'il détermine, au titre des frais non payés par l'Etat et exposés par celle-ci. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le tribunal tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation (...) ". Ces dispositions régissent la question des frais irrépétibles liés à une instance pénale, y compris s'agissant le cas échéant du jugement de l'action civile, et relèvent du seul office du juge pénal, qui tient compte de considérations d'équité et de la situation économique des parties. Mme A... demande la condamnation de la société Ethias, prise en tant qu'assureure du département de l'Isère, à lui verser une somme de 600 euros, qui correspond au montant que le tribunal pour enfants, statuant sur l'action civile dans son jugement du 22 janvier 2019, a mis à la charge de M. D.... Ce montant ne correspond toutefois pas à un dommage causé à Mme A... par le fait de M. D... et dont le département de l'Isère devrait répondre. Les conclusions indemnitaires de Mme A... doivent ainsi être rejetées sur ce point.

En ce qui concerne les conséquences de l'indemnisation accordée par le juge judiciaire à la charge du responsable de l'infraction :

23. La décision du juge administratif ne pouvant avoir pour effet de procurer à la victime une réparation supérieure au montant du préjudice subi, il y a lieu, pour celui-ci, de diminuer la somme mise à la charge du responsable dans la mesure requise pour éviter que le cumul de cette somme et des indemnités que la victime a pu obtenir devant d'autres juridictions excède le montant total des préjudices ayant résulté, pour elle, du fait générateur.

24. Il est constant en l'espèce que, par le jugement précité du 22 janvier 2019 devenu définitif, le tribunal pour enfants de C... a condamné M. D... à verser à Mme A... une somme de 14 996,75 euros qui couvre la totalité de ses préjudices tels qu'ils viennent d'être évalués. Si Mme A... soutient qu'elle n'aurait pas recherché l'exécution de ce jugement, elle n'établit toutefois pas que cette condamnation indemnitaire, qui n'est pas devenue caduque, serait définitivement inexécutable, soit à l'encontre du responsable retenu par le juge judiciaire, soit le cas échéant en application des mécanismes légaux de garantie des victimes d'infractions. L'indemnisation ainsi octroyée par le juge judiciaire fait dès lors obstacle à ce que le juge administratif prononce une condamnation pesant sur un tiers qui conduirait à ce que les préjudices subis par Mme A... fassent l'objet d'une double indemnisation, par des patrimoines distincts.

25. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement, que la société PNAS et la société Ethias sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de C... a condamné la société Ethias à verser à Mme A... la somme de 14 996,75 euros. Les conclusions incidentes de Mme A... doivent pour leur part être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

26. Mme A... étant la partie perdante dans la présente instance, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, les conclusions présentées sur le même fondement par les sociétés PNAS et Ethias doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1903724 du 25 janvier 2022 du tribunal administratif de C... est annulé.

Article 2 : Les conclusions de première instance et d'appel de Mme A... sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société PNAS et de la société Ethias est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A..., à la société Paris Nord assurances services, à la société Ethias, à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, au Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, à la Mutuelle nationale des hospitaliers et au centre hospitalier universitaire de C....

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2023.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au préfet de l'Isère, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00743


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00743
Date de la décision : 13/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité sans faute.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services sociaux.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice - Modalités de fixation des indemnités.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELURL PHELIP

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-13;22ly00743 ?
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