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20/10/2023 | FRANCE | N°22LY00210

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 20 octobre 2023, 22LY00210


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Institut de formation en soins infirmiers du Bugey à lui verser une somme de 500 000 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de la décision du 14 mars 2020 rejetant sa demande d'inscription à l'épreuve de sélection réservée aux titulaires du diplôme d'Etat d'aide-soignant.

Par un jugement n° 2004645 du 22 novembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devan

t la cour :

Par une requête enregistrée le 21 janvier 2022, M. B... C..., représenté par M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Institut de formation en soins infirmiers du Bugey à lui verser une somme de 500 000 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de la décision du 14 mars 2020 rejetant sa demande d'inscription à l'épreuve de sélection réservée aux titulaires du diplôme d'Etat d'aide-soignant.

Par un jugement n° 2004645 du 22 novembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 janvier 2022, M. B... C..., représenté par Me Laumet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2004645 du 22 novembre 2021 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner l'Institut de formation en soins infirmiers du Bugey à lui verser une somme de 500 000 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de la décision du 14 mars 2020 rejetant sa demande d'inscription à l'épreuve de sélection dans la catégorie des titulaires d'un diplôme d'aide-soignant ;

3°) de mettre à la charge de l'Institut de formation en soins infirmiers du Bugey une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que :

- la décision de refus d'admission prise le 14 mars 2019 par l'IFSI du Bugey est entachée d'une erreur de droit ;

- elle méconnait l'article 13 de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles ;

- les dispositions de l'article L. 4391-2 du code de la santé publique méconnaissent les objectifs de l'article 13 de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 ;

- l'autorisation d'exercer la profession d'aide-soignant sur le territoire français qui lui a été accordée en application de l'article L. 4391-2 du code de la santé publique lui permettait de bénéficier d'une admission réservée en institut de formation en soins infirmiers sur le fondement des dispositions de l'article 24 de l'arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d'Etat d'infirmier dans les mêmes conditions que les personnes titulaires du diplôme d'aide-soignant ;

- la décision qui lui a été opposée constitue une discrimination fondée sur ses origines ;

- son préjudice moral, lié à la faute de l'IFSI et à la discrimination dont il a souffert, peut être évalué à 150 000 euros ;

- la perte de chance d'être scolarisé au sein de l'IFSI du Bugey peut être évaluée à 350 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 décembre 2022, l'Institut de formation en soins infirmiers du Bugey, dépendant du centre hospitalier d'Hauteville-Lompnes, représenté par M° A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable au motif que la demande présentée par le requérant devant le tribunal administratif de Lyon était tardive ;

- M. C... ne remplissait pas les conditions prévues à l'article 24 de l'arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d'Etat d'infirmier faute d'être titulaire du diplôme d'Etat d'aide-soignant ;

- il n'apporte aucun élément tendant à démontrer qu'il aurait été victime d'une discrimination ;

- les préjudices allégués ne sont pas établis.

Par ordonnance du 19 décembre 2022, la clôture immédiate de l'instruction a été prononcée en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles ;

- le code de la santé publique ;

- l'ordonnance n° 2009-1585 du 17 décembre 2009 ;

- le décret n° 2010-334 du 26 mars 2010 ;

- l'arrêté modifié du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d'état d'infirmier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Laumet, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., titulaire d'une " attestation de qualification professionnelle opérateur socio-sanitaire " délivrée en Italie, a obtenu le 14 septembre 2015 une autorisation d'exercice de la profession d'aide-soignant sur le territoire français. Il a déposé une demande d'inscription à l'Institut de formation en soins infirmiers (IFSI) du Bugey au titre de l'admission réservée aux titulaires du diplôme d'Etat d'aide-soignant prévue par les dispositions de l'article 24 de l'arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d'état d'infirmier. Par une décision du 14 mars 2019, l'IFSI du Bugey a rejeté sa demande. Estimant cette décision entachée d'une illégalité fautive, M. C... a présenté à l'IFSI du Bugey une demande d'indemnisation préalable à raison des préjudices subis du fait de cette décision par un courrier du 6 mai 2019. Par le jugement attaqué du 22 novembre 2021, dont M. C... interjette appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'IFSI du Bugey à l'indemniser des préjudices subis du fait l'illégalité de la décision du 14 mars 2019.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 24 de l'arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d'état d'infirmier, dans sa version issue de l'arrêté du 2 août 2011 : " Les titulaires du diplôme d'Etat d'aide-soignant et du diplôme d'Etat d'auxiliaire de puériculture justifiant de trois ans d'exercice en équivalent temps plein bénéficient d'une dispense de scolarité, sous réserve d'avoir réussi une épreuve de sélection dans les conditions prévues à l'article 25. Ils déposent dans chacun des instituts de formation où ils se présentent un dossier d'inscription comportant : (...) ; 2° Une copie de diplôme ;(...). ". Si ces dispositions étaient abrogées dans la version issue d'un arrêté du 13 décembre 2018 applicable à la situation de M. C..., les dispositions de l'article 7 de ce dernier arrêté prévoyaient, au nombre de ses dispositions transitoires que : " Par dérogation aux articles 5 et 6 du présent arrêté, les modalités et les épreuves de sélection prévues sur le fondement des anciennes dispositions de l'article 25 de l'arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d'Etat d'infirmier s'appliquent pour la procédure de sélection réalisée en 2019, en vue de l'admission en formation infirmière. ".

3. Il résulte des dispositions précitées qu'à la date de la demande d'inscription aux épreuves de sélection présentée par M. C... à l'IFSI du Bugey l'arrêté du 31 juillet 2009 prévoyait une voie d'admission aux formations en soins infirmiers réservée aux titulaires du diplôme d'Etat d'aide-soignant ouvrant droit, en cas de succès, au bénéfice d'une dispense de scolarité. Si M. C... soutient qu'il pouvait prétendre à cette voie d'admission, il est constant qu'à la date de l'examen de sa demande, s'il disposait, depuis le 11 septembre 2015, d'une autorisation d'exercer la profession d'aide-soignant en France délivrée sur le fondement des dispositions de l'article L. 4391-2 du code de la santé publique, il n'était pas titulaire du diplôme d'Etat d'aide-soignant. Par suite, la décision du 14 mars 2019 n'est pas entachée d'erreur de droit.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 13 de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles : " Lorsque, dans un État membre d'accueil, l'accès à une profession réglementée ou son exercice est subordonné à la possession de qualifications professionnelles déterminées, l'autorité compétente de cet État membre accorde l'accès à cette profession et son exercice dans les mêmes conditions que pour les nationaux aux demandeurs qui possèdent l'attestation de compétences ou le titre de formation qui est prescrit par un autre État membre pour accéder à cette même profession sur son territoire ou l'y exercer. " et aux termes de l'article L. 4391-2 du code de la santé publique, issu de l'ordonnance susvisée du 17 décembre 2009 : " L'autorité compétente peut, après avis d'une commission composée notamment de professionnels, autoriser individuellement à exercer la profession d'aide-soignant les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen (...) La délivrance de l'autorisation d'exercice permet au bénéficiaire d'exercer la profession dans les mêmes conditions que les personnes titulaires de l'un des diplômes ou certificat mentionnés à l'article L. 4391-1. ".

5. Les dispositions précitées de l'article L. 4391-2 du code de la santé publique, qui assurent l'entière transposition de l'article 13 précité de la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005 pour l'accès à l'exercice de la profession d'aide-soignant, ont exclusivement pour objet de règlementer l'exercice de cette profession en France pour les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui remplissent certaines conditions mais ne concernent pas les conditions d'accès à la formation en soins infirmiers. Dans ces conditions M. C... ne peut utilement se prévaloir ni des dispositions précitées de l'article L. 4391-2 du code de la santé publique, ni de celles de l'article 13 précité de la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005 qui ne régit pas les conditions d'accès à une formation en vue d'obtenir un diplôme permettant l'accès à une profession. Pour les mêmes motifs il ne peut utilement se prévaloir de ce que les dispositions de l'article L. 4391-2 méconnaitraient les objectifs poursuivis par l'article 13 de la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005.

6. En dernier lieu, de manière générale, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, il incombe au juge administratif d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forge sa conviction au vu des échanges contradictoires entre les parties, et en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

7. Le moyen tiré de ce que la décision du 14 mars 2019 par laquelle l'IFSI du Bugey a rejeté la demande de M. C... serait fondée, en méconnaissance du droit de l'Union européenne, sur des considérations discriminatoires liées à ses origines ou à sa couleur de peau, repris en appel sans aucun élément de fait ou de droit nouveau, peuvent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Lyon.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions de la demande, que la décision du 14 mars 2019 par laquelle l'IFSI du Bugey a rejeté la demande d'inscription à l'épreuve de sélection réservée aux titulaires du diplôme d'Etat d'aide-soignant présentée par M. C... n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à ce que l'IFSI du Bugey soit condamné à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de cette décision.

9. Le requérant étant partie perdante dans la présente instance, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par l'IFSI du Bugey sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées pour l'Institut de formation en soins infirmiers du Bugey sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à l'Institut de formation en soins infirmiers du Bugey.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gros, premier conseiller,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 202.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00210


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00210
Date de la décision : 20/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

55-02-025 Professions, charges et offices. - Accès aux professions.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Edwige VERGNAUD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : ANGLE DROIT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-20;22ly00210 ?
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