La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/01/2024 | FRANCE | N°22LY02110

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 11 janvier 2024, 22LY02110


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2016 et 2017, ainsi que des majorations correspondantes.



Par un jugement n° 2001319 du 16 mai 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête et des m

moires, enregistrés les 12 juillet 2022, 17 août et 19 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Tournoud, demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2016 et 2017, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 2001319 du 16 mai 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 juillet 2022, 17 août et 19 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Tournoud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge ou la réduction de ces impositions et des majorations correspondantes, ou, à défaut, la décharge de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors que le tribunal n'a pas soulevé d'office le moyen d'ordre public tiré de l'inapplicabilité de l'article 111-c à l'imposition des revenus distribués entre ses mains par la société Bel Auto ;

- l'administration n'apporte la preuve de l'existence et du montant des revenus réputés distribués en l'absence, notamment, de toute démonstration de nature à établir que la totalité des véhicules ayant fait l'objet d'un contrôle technique ont été achetés puis revendus de manière occulte par la société Bel Auto et qu'il a appréhendé le produit de ces ventes et que les ventes non mentionnées dans le registre de police n'auraient pas été comptabilisées par la société ;

- la somme de 12 600 euros portée au crédit de son compte courant d'associé dans la comptabilité de la société Bel Auto est sans lien avec l'activité sociale et ne saurait donc constituer une distribution occulte ;

- les bénéfices reconstitués à raison de l'activité d'une société ne peuvent, de ce seul fait, être regardés comme distribués au maître de l'affaire sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, si bien que la base légale est erronée ;

- la pénalité de 80 % qui lui a été appliquée n'est pas justifiée ;

- le fondement de l'article 109 du code général des impôts ne peut être retenu pour des montants correspondant aux recettes dissimulées augmentés des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, qui sont en tout état de cause supérieurs à la masse des revenus distribués calculés selon le dispositif de cet article ;

- la demande de substitution de base légale sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts est irrecevable s'agissant de la somme de 12 600 euros qui n'a jamais été mentionnée dans la proposition de rectification du 19 mars 2019 ; cette demande constitue en réalité une compensation qui n'est pas expressément demandée et ne peut être soulevée d'office par le juge ; il conviendra en conséquence, a minima, de réduire les impositions au titre de l'année 2017 en les limitant à une base imposable correspondant aux recettes non comptabilisées, soit 86 970 euros ;

- l'administration n'a jamais communiqué au contribuable les documents obtenus de tiers utilisés pour fonder les rectifications, en violation de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ; en particulier, les pièces dont il était demandé la communication ne figuraient pas en annexe à la réponse aux observations du contribuable adressée à la SASU Bel Auto, qui est, en tout état de cause un contribuable distinct ; l'administration n'a, par ailleurs, pas communiqué à la société la copie des demandes de renseignements adressées aux tiers non soumis au droit de communication, indispensables pour apprécier le sens et la portée des réponses apportées, vérifier qu'elles concernent bien la société et qu'elles n'ont pas été obtenues après que les destinataires ont été induits en erreur sur l'étendue de leur obligation ; cette erreur est substantielle en ce qu'elle touche aux droits de la défense au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;

- l'administration n'apporte pas la preuve du bien-fondé de la pénalité pour manquement délibéré dont elle demande l'application à titre subsidiaire ;

- aucune pénalité ne peut être appliquée s'agissant de la somme de 12 600 euros non mentionnée dans la procédure conduite à son égard, en l'absence de toute motivation et de visa de l'inspecteur principal ou divisionnaire en violation des articles L. 80 C et L. 80 E du livre des procédures fiscales.

Par des mémoires, enregistrés les 10 janvier, 7 et 26 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- à titre principal, l'imposition des revenus distribués doit être maintenue, d'une part, sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts s'agissant des recettes non déclarées de la SASU Bel Auto, prises pour leur montant hors taxe, auquel doit être ajouté le montant de taxe sur la valeur ajoutée dues sur ces recettes et, d'autre part, sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts s'agissant de la somme de 12 600 euros créditée sur le compte courant d'associé de M. B..., ces substitutions de base légale ne privant l'intéressé d'aucune garantie ;

- s'agissant de la procédure d'imposition et du bien-fondé des rectifications en matière de revenus distribués, les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- la pénalité de 80 % pour manœuvres frauduleuses est justifiée ; à titre subsidiaire, il est demandé à la cour de faire application de la majoration pour manquement délibéré de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts.

La clôture d'instruction initialement fixée au 12 septembre 2023, a été reportée, en dernier lieu, au 16 octobre 2023, par ordonnance du 26 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SASU Bel Auto, créée le 1er avril 2016, dont M. B... est le président et l'associé unique, a exercé une activité de commerce de voitures et véhicules automobiles légers à laquelle elle a adjoint, à compter du 5 octobre 2017, la carrosserie, peinture et réparation automobile. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2016 au 30 septembre 2017, à l'issue de laquelle le vérificateur a rejeté sa comptabilité comme non probante et réintégré, dans ses résultats imposables des exercices clos en 2016 et 2017, des recettes non déclarées. Ces omissions de recettes ayant été regardées comme des revenus distribués à M. B... sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts, l'intéressé a été assujetti, selon la procédure contradictoire, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et à des cotisations de contributions sociales au titre des années 2016 et 2017, assorties de la majoration de 80 % prévue au c. de l'article 1729 du même code. M. B... relève appel du jugement du 16 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et majorations.

Sur la régularité du jugement :

2. Si M. B... soutient que les premiers juges ont omis de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que le c. de l'article 111 du code général des impôts ne pouvait servir de fondement légal à l'imposition mise à sa charge, un tel moyen a trait au bien-fondé du jugement attaqué et est, par suite, sans incidence sur sa régularité.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

4. Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a effectivement utilisés pour établir les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent.

5. Par la proposition de rectification du 19 mars 2019 adressée à M. B..., l'administration a imposé entre ses mains les revenus réputés distribués par la SASU Bel Auto et joint, en annexe, la proposition de rectification adressée le même jour à cette société, qui comportait le détail des modalités selon lesquelles le service vérificateur a procédé à la reconstitution des résultats des exercices clos en 2016 et 2017. Il ressort des termes de la proposition de rectification adressée à la SASU Bel Auto que les rectifications dont elle a fait l'objet sont fondées sur les informations obtenues de tiers par le service, d'une part, dans le cadre du droit de communication et, d'autre part, auprès de particuliers, non soumis au droit de communication, identifiés comme ayant acquis des véhicules automobiles de la SASU Bel Auto. A la demande de M. B..., formulée dans sa réponse à la proposition de rectification qui lui a été personnellement adressée, d'obtenir communication " de l'ensemble des documents ou renseignements obtenus de tiers qui fondent les rappels et rectifications envisagés, et la copie des demandes correspondantes ", le service vérificateur a répondu, dans la réponse aux observations du contribuable qui lui a été adressée le 14 juin 2019, que " la copie des documents ou renseignements obtenus de tiers sont joints à la réponse aux observations du contribuable 3926 qui a été adressé à la société le 13/06/2019 et qui sont de fait portés à votre connaissance en votre qualité de représentant légal et unique associé de la SASU Bel Auto ".

6. Par cette réponse, l'administration doit être regardée comme ayant refusé de communiquer à M. B... les documents en provenance de tiers utilisés pour déterminer les recettes omises par la SASU Bel Auto, ensuite imposées entre ses mains en tant que revenus distribués. Si, en règle générale, l'administration est tenue de faire droit aux demandes de communication présentées par un contribuable, elle a, en l'espèce, précisément indiqué à M. B... avoir adressé les documents demandés à la SASU Bel Auto, en annexes à la réponse aux observations du contribuable adressée le 13 juillet 2019 au dirigeant de cette société, c'est-à-dire à M. B... lui-même, lequel ne soutient pas ne pas avoir réceptionné ce document. Cette réponse aux observations du contribuable mentionne 39 feuilles d'annexes. En se bornant à indiquer que l'exemplaire de la réponse aux observations du contribuable adressé à la SASU Bel Auto, produit par l'administration devant le tribunal administratif, était dépourvu d'annexes, M. B... ne conteste pas sérieusement avoir, en sa qualité de dirigeant de la SASU Bel Auto, disposé des annexes contenant les renseignements obtenus de tiers utilisés par l'administration, qui figurent d'ailleurs dans l'exemplaire produit par le ministre devant la cour. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté, alors, en outre qu'aucune disposition du livre des procédures fiscales ne fait obligation à l'administration d'informer le contribuable des modalités d'exercice de son droit de communication et notamment de lui transmettre le contenu des demandes adressées aux tiers.

Sur le bien-fondé des impositions :

7. L'administration a imposé les revenus distribués entre les mains de M. B... sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts, aux termes duquel " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes " à concurrence de 23 960 euros au titre de l'année 2016 et de 99 570 euros au titre de l'année 2017. Le ministre conclut au maintien de l'imposition de ces sommes par substitution à la base légale initialement retenue, d'une part, des dispositions du 1° de l'article 109-1 du même code, selon lesquelles sont considérés comme revenus distribués " Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ", s'agissant des recettes réintégrées dans les résultats de la SASU Bel Auto d'un montant de 23 960 euros pour l'exercice clos en 2016 et de 86 970 euros pour l'exercice clos en 2017 et, d'autre part, des dispositions du 2° du même article, selon lesquelles sont considérés comme revenus distribués " Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ", s'agissant de la somme de 12 600 euros créditée sur le compte courant de M. B... le 12 septembre 2017.

8. L'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, y compris pour la première fois en appel, de justifier l'imposition en substituant une base légale à une autre, sous réserve que le contribuable ne soit pas privé des garanties de procédure qui lui sont données par la loi compte tenu de la base légale substituée.

9. Contrairement à ce que soutient le requérant, la demande du ministre tendant à ce que la somme de 12 600 euros soit imposée sur le fondement du 2° de l'article 109-1 du code général des impôts constitue une demande de substitution de base légale et non une demande de compensation telle que prévue aux articles L. 203 et suivants du livre des procédures fiscales, dès lors que cette somme est incluse dans le montant global des revenus distribués notifiés au titre de l'année 2017 dans la proposition de rectification de 19 mars 2019 qui lui a été personnellement adressée, en tant que recettes omises par la SASU Bel Auto, dont le détail figure dans la proposition de rectification adressée à la SASU, jointe en annexe.

En ce qui concerne la base légale du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts :

10. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ".

11. Le vérificateur, après avoir rejeté comme non probante la comptabilité de la SASU Bel Auto, rejet que M. B... ne conteste pas, a procédé à la reconstitution des recettes de la société des exercices clos en 2016 et 2017. L'envoi de demandes de renseignements aux particuliers mentionnés dans les livres de police tenus par la société ayant révélé que 30 clients sur les 85 ayant répondu ont fait état d'un prix payé supérieur à celui mentionné sur les livres de police et comptabilisé par la société, le vérificateur a procédé à la réintégration des recettes omises au titre de ces 30 ventes. Il a également réintégré le produit des ventes non comptabilisées identifiées à la suite de l'exercice d'un droit de communication auprès d'un client professionnel de la SASU. Par ailleurs, un droit de communication auprès de l'entreprise ayant facturé à la SASU des prestations de contrôle technique de véhicules a révélé que certains véhicules ayant subi un contrôle technique ne figuraient pas dans les livres de police consultés lors du contrôle (5 au cours de l'exercice clos en 2016 et 21 au cours de l'exercice clos en 2017), alors qu'en parallèle, la consultation du fichier SIV (système d'immatriculation des véhicules) confirmait leur revente. Le prix de vente a été déterminé par le vérificateur à partir des réponses apportées par certains des particuliers ayant acquis ces véhicules aux demandes de renseignements qui leur ont été adressées, et pour le surplus, à partir de la cote argus desdits véhicules, ou pour les véhicules mis en circulation avant 2004, sur la base du prix moyen ressortant des ventes de véhicules similaires vendus par la société et figurant dans les livres de police, soit 1 600 euros, majoré de 500 euros. Le vérificateur a également, selon la même méthode, réintégré dans les recettes de la SASU le prix de vente de deux véhicules confiés pour réparation à un garage professionnel et non mentionnés sur les livres de police.

12. Les informations ainsi obtenues des fournisseurs et clients professionnels de la SASU et de la consultation du fichier SIV, dans le cadre du droit de communication, ainsi que les renseignements obtenus des clients non soumis au droit de communication, qui figurent en annexe à la proposition de rectification adressée à la SASU Bel Auto permettent, contrairement à ce que soutient M. B..., de mettre en évidence l'existence de recettes non reportées sur les livres de police, registres que les revendeurs d'objets d'occasion sont astreints à tenir, en application de l'article 321-7 du code pénal et dont les mentions obligatoires sont fixées aux articles R. 321-3 et suivants du même code et non enregistrées en comptabilité. Si celui-ci fait valoir que des véhicules ont pu faire l'objet d'une prestation de contrôle technique sans pour autant avoir été achetés ou revendus, la société exerçant par ailleurs une activité de réparation, le ministre indique, sans être contredit, qu'il ressort du fichier SIV que la SASU était propriétaire de 30 des 37 véhicules ayant fait l'objet de cette prestation au cours de la période sous revue, que tous ces véhicules ont été revendus et que les propriétaires de six de ces 37 véhicules ont confirmé les avoir acquis de la SASU Bel Auto. Il ajoute, s'agissant des 7 véhicules restants, que M. B... a expliqué, au cours du contrôle que, faute de temps, certains véhicules ont été revendus par la SASU sans que l'achat préalable soit matérialisé et enregistré en préfecture. Par ailleurs, M. B... ne saurait utilement se prévaloir de son activité accessoire de réparation, qui n'a débuté qu'en octobre 2017 et dont il a lui-même indiqué, au cours du contrôle, qu'elle se rapportait exclusivement aux véhicules destinés à la vente. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme justifiant du bien-fondé de la méthode de reconstitution des résultats de la SASU Bel Auto des exercices clos en 2016 et 2017, et par suite, de l'existence et du montant des minorations de recettes retenus comme assiette des revenus distribués par cette société.

13. Il résulte de l'instruction que le résultat imposable de la SASU Bel Auto s'est élevé, après contrôle, à 25 889 euros au titre de l'exercice clos en 2016 et à 88 213 euros au titre de l'exercice clos en 2017 du fait de la réintégration dans ses bases imposables à l'impôt sur les sociétés des omissions de recettes regardées comme des revenus distribués à M. B.... Ce bénéfice n'ayant pas été comptabilisé, il n'a été ni mis en réserve, ni incorporé au capital et entre, par suite, dans le champ du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts. Dans ces conditions, et alors que M. B..., qui ne conteste pas être seul maître de l'affaire, n'a été privé d'aucune garantie, la substitution de base légale demandée par le ministre doit être accueillie.

En ce qui concerne la base légale du 2° de l'article 109-1 du code général des impôts :

14. Aux termes du 1. de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

15. Il résulte de l'instruction, et notamment des termes de la proposition de rectification adressée à la SASU Bel Auto qu'une somme de 12 600 euros a été enregistrée, le 12 septembre 2017, au crédit du compte courant d'associé de M. B... dans la comptabilité de cette société. Cette somme provient d'un chèque émis par la SARL AG Alpine Gardiennage Sécurité, dont la copie a été obtenue par l'exercice d'un droit de communication auprès de la Caisse d'Epargne et n'a pas été comptabilisée en produit, sans qu'aucune explication n'ait été apportée lors du contrôle. Elle a été analysée, par le vérificateur comme une recette omise qu'il a réintégrée dans le résultat imposable de l'exercice 2017 pour son montant hors taxe (10 500 euros), majoré de la taxe sur la valeur ajoutée collectée correspondante (2 100 euros).

16. M. B... n'apportant aucun élément de nature à combattre la présomption énoncée au point 14 ci-dessus, la substitution de base légale demandée par le ministre, qui n'a privé l'intéressé, imposé selon la procédure contradictoire, d'aucune garantie, doit être accueillie.

Sur les pénalités :

17. Aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. (...) ". Aux termes de l'article L. 80 E du même livre : " La décision d'appliquer les majorations et amendes prévues aux articles 1729, 1732,1735 ter et 1740 A bis du code général des impôts est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités. ". L'article R. 80 E-1 de ce livre dispose que " La décision d'appliquer les majorations et amendes mentionnées à l'article L. 80 E est prise par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur divisionnaire. "

18. Ainsi qu'il a été dit au point 9 ci-dessus, la somme de 12 600 euros inscrite au crédit du compte courant d'associé est incluse dans les revenus distribués imposés entre les mains de M. B... et notifiés à l'intéressé dans la proposition de rectification du 19 mars 2019. Cette proposition, qui vise le c. de l'article 1729 du code général des impôts, et énonce les motifs de fait sur lesquels l'administration s'est fondée pour appliquer, à l'ensemble des rectifications opérées, la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses, est revêtue du visa de Mme C..., inspectrice principale des finances publiques, qui est un grade supérieur à celui d'inspecteur divisionnaire. Par suite les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées doivent être écartés.

19. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ".

20. L'administration fait valoir que la SASU Bel auto a comptabilisé des produits inférieurs au prix de vente de plusieurs véhicules, qu'elle a tenu de manière très incomplète ses livres de police, en n'y faisant pas figurer l'ensemble des mentions obligatoires, de telle sorte que la marge bénéficiaire ne pouvait être déterminée et en omettant d'y inscrire des achats et des ventes et, enfin, qu'elle a délivré à une partie de sa clientèle des documents falsifiés. Elle ajoute que M. B..., en tant qu'associé unique et dirigeant, qui a été liquidateur d'une précédente société se livrant au commerce automobile, ne pouvait ignorer les obligations pesant sur lui en matière de tenue du registre de police et d'enregistrement en comptabilité. Ce faisant, elle apporte la preuve, qui lui incombe, de la mise en œuvre, par le requérant, au sein de sa société, de procédés destinés à dissimuler des recettes commerciales, et par conséquent, de nature à l'égarer et à restreindre son pouvoir de contrôle. Par suite, elle justifie du bien-fondé de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses appliquée aux impositions en litige.

21. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la demande du ministre tendant à ce que soit substituée à la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses appliquée aux impositions la majoration, au taux de 40 %, prévue en cas de manquement délibéré du contribuable à ses obligations déclaratives, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que, en tout état de cause, celles tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens, doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 janvier 2024.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02110


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02110
Date de la décision : 11/01/2024
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Généralités.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués - Notion de revenus distribués - Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-11;22ly02110 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award