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01/02/2024 | FRANCE | N°22LY00810

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 01 février 2024, 22LY00810


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SCI du Rhône a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge et, subsidiairement, la réduction des cotisations à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 1805342 du 31 décembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête

et des mémoires, enregistrés le 17 mars 2022, le 16 novembre 2022, la SCI du Rhône, représenté par Me Vincent, demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI du Rhône a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge et, subsidiairement, la réduction des cotisations à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1805342 du 31 décembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 17 mars 2022, le 16 novembre 2022, la SCI du Rhône, représenté par Me Vincent, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 992 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SCI du Rhône soutient que :

- la vérification de comptabilité a excédé la durée de trois mois, en méconnaissance de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;

- elle est fondée à se prévaloir de la position prise antérieurement par l'administration sur son régime fiscal en vertu de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

- l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe que son activité relève du régime fiscal de la location en meublé et donc de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés ;

- à titre subsidiaire, les plus-values sont imposables au titre de l'année 2013, année du changement d'activité et non au titre de l'année 2014 ;

- la méthode de détermination de la plus-value est erronée en fait et en droit ;

- la proposition de rectification a méconnu le régime applicable aux propositions de rectification successives.

Par des mémoires, enregistrés le 5 octobre 2022 et le 17 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés

Par ordonnance du 12 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 2 novembre 2023.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laval, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,

- et les observations de Me Angileri, représentant la SCI du Rhône.

Une note en délibéré présentée par la SCI du Rhône a été enregistrée le 11 janvier 2024.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI du Rhône, qui avait pour activité la location d'immeubles et possédait trois appartements à Pont-Evêque (Isère) ainsi qu'un immeuble comprenant neuf appartements à Vienne (Isère) qu'elle a vendu en 2014, a déclaré les revenus locatifs dans la catégorie des revenus fonciers en souscrivant des déclarations modèle 2072 à l'usage des sociétés immobilières non soumises à l'impôt sur les sociétés, ses résultats étant imposés à l'impôt sur le revenu au nom de ses trois associés. La SCI du Rhône a fait l'objet, en 2016, d'un contrôle sur place, portant sur la période du 1er décembre 2013 au 31 décembre 2014, à l'issue duquel le vérificateur a estimé qu'elle exerçait une activité de location meublée à caractère commercial et qu'elle était, de ce fait, soumise à l'impôt sur les sociétés. A l'issue de ce contrôle, la SCI du Rhône a donc été assujettie, au titre des exercices clos en 2013 et 2014, à des cotisations d'impôt sur les sociétés, notifiées selon la procédure contradictoire, sur la base de résultats imposables de, respectivement, 14 878 euros et 192 100 euros, ce dernier comprenant le profit exceptionnel réalisé à l'occasion de la vente de l'immeuble de Vienne. Par un jugement du 31 décembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir prononcé un non-lieu à statuer partiel à concurrence d'un dégrèvement de l'imposition établie au titre de l'exercice clos en 2014, a rejeté le surplus des demandes de décharge de ces impositions. La SCI du Rhône doit être regardée comme relevant appel de ce jugement en tant seulement qu'il a rejeté sa demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. La SCI du Rhône soutient que le contrôle sur place a méconnu l'article L. 52 du livre des procédures fiscales. Il y a lieu d'écarter ce moyen, énoncé dans les mêmes termes qu'en première instance, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 3 et 4 de leur jugement.

Sur le principe de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

3. Aux termes de l'article 206 du code général des impôts : " 1. (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés (...) se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. (...) / 2. (...) les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt (...) si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) ". Aux termes de l'article 34 du même code : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux (...) les bénéfices (...) provenant de l'exercice d'une profession commerciale (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions, alors applicables, qu'une société civile donnant habituellement en location des locaux garnis de meubles doit être regardée comme exerçant une activité commerciale au sens de l'article 34 du code général des impôts la rendant passible de l'impôt sur les sociétés. La durée de la location des locaux est sans incidence sur le caractère habituel et non occasionnel de l'activité de location, lequel résulte de ce que les locaux meublés ont été loués à plusieurs reprises. S'agissant de la détermination de la nature de l'activité, le juge de l'impôt se prononce au vu de l'instruction.

5. Ainsi qu'il a été dit au point 1 ci-dessus, la SCI du Rhône possédait 3 appartements à Pont-Evêque et 9 appartements dans l'immeuble de Vienne, qu'elle donnait tous en location et qu'elle a déclarés, pour l'ensemble, comme relevant de locations non meublées. Deux contrats de bail de l'immeuble de Pont-Evêque et six contrats de contrats de bail de l'immeuble de Vienne, mentionnant que la liste du matériel était portée en annexe ont été présentés au vérificateur. L'acte authentique de vente de l'immeuble du 5 février 2014 stipulait que l'ensemble des appartements étaient loués meublés à l'exception d'un T2 au rez-de-chaussée. Le vérificateur a déduit de ces actes que la société exerçait une activité commerciale de location meublée pour 8 appartements sur les 9 que comportaient cet immeuble

6. Si la société requérante soutient, encore en appel, que les locations avaient été consenties non meublées cette affirmation est contredite par les pièces du dossier. La SCI du Rhône ne peut soutenir, en s'appuyant sur le montant des loyers pratiqués, que ce régime d'imposition serait inapplicable, au motif que son exploitation porterait sur des locations nues dont elle n'aurait tiré aucun profit commercial, ou, faute d'indication sur les meubles garnissant les appartements, qu'ils seraient insuffisants pour caractériser des logements meublés.

7. Il en résulte que c'est par une exacte application des dispositions précitées que l'administration a considéré que la SCI du Rhône, en louant habituellement les locaux meublés dont elle était propriétaire, s'est livrée à une exploitation commerciale qui entrait dans le champ d'application de l'article 34 du code général des impôts, ce qui entraînait son assujettissement à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2013 et 2014 pour l'ensemble des bénéfices réalisés en application du 2 de l'article 206 du code général des impôts.

En ce qui concerne l'application de la doctrine administrative et l'existence d'une prise de position formelle :

8. Pour les mêmes raisons que celles exposées au point 6 ci-dessus, la SCI du Rhône ne peut, pas davantage soutenir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, qu'il ne serait pas démontré que les appartements ne correspondraient à une occupation normale présentant un minimum d'habitabilité en se prévalant des paragraphes 1 et 10 de la documentation administrative de base référencée BOI-BIC-CHAMP-40-10 selon lesquels le régime fiscal de la location meublée est réservé aux locaux comportant tous les éléments mobiliers indispensables à une occupation normale par le locataire et doivent être suffisants pour donner à ce local un minimum d'habitabilité.

9. Aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) " ;

10. La société ne peut utilement se prévaloir de ce que l'administration n'avait pas remis en cause la nature des revenus qu'elle percevait au cours de contrôles antérieurs, réalisés en 2014 portant sur les années 2012 et 2013, rejetant la déductibilité des charges et l'assujettissant à des rehaussements de revenus fonciers, selon les déclarations qu'elle avait alors déposées, dès lors qu'une telle circonstance ne peut être regardée ni comme une prise de position formelle opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, ni comme une reconnaissance tacite de ce qu'ils relèveraient de la catégorie des revenus fonciers.

Sur la prise en compte d'une plus-value latente :

11. Aux termes du II de l'article 202 ter du code général des impôts, si une société dont les revenus n'ont pas la nature de bénéfices d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou minière, d'une exploitation agricole ou d'une activité non commerciale cesse totalement ou partiellement d'être soumise au régime de l'impôt sur le revenu " l'impôt sur le revenu est établi au titre de la période d'imposition précédant immédiatement le changement de régime, à raison des revenus et des plus-values non encore imposés à la date du changement de régime, y compris ceux qui proviennent des produits acquis et non encore perçus ainsi que des plus-values latentes incluses dans le patrimoine ou l'actif social ". Aux termes du III du même article : " Les sociétés et organismes définis aux I et II doivent, dans un délai de soixante jours à compter de la réalisation de l'évènement qui entraîne le changement de régime ou d'activité mentionné auxdits I et II, produire le bilan d'ouverture de la première période d'imposition ou du premier exercice au titre duquel le changement prend effet ".

12. La mise en évidence, à l'occasion d'un contrôle fiscal, de l'exercice par une société d'une activité commerciale de nature à entraîner son assujettissement à l'impôt sur les sociétés ne constitue pas, par elle-même, un changement de régime fiscal au sens de ces dispositions. Il en résulte que le moyen de la SCI du Rhône, tiré de ce que son assujettissement à l'impôt sur les sociétés à compter du 1er janvier 2013, à la suite du contrôle opéré par l'administration fiscale, devait être assimilé, par ses conséquences, à un changement de régime fiscal conduisant à établir l'impôt sur le revenu pour la période immédiatement antérieure au 1er janvier 2013 en prenant en compte les plus-values latentes incluses dans son patrimoine et, en conséquence, à imposer les plus-values réalisées au cours de l'exercice clos en 2013, durant lequel elle était passible de l'impôt sur les sociétés, en ne retenant pour base imposable que la différence entre le prix de cession et la valeur vénale des biens à la date du 1er janvier 2013, doit être écarté. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a imposé le profit correspondant à la vente réalisée en 2014 au titre de l'année de cession sans que la société requérante puisse faire valoir que l'administration fiscale lui a imputé la charge de déterminer la valeur du bien à la date du changement de régime fiscal ou invoquer un retraitement de la plus-value imposable à l'impôt sur le revenu qui n'a pas été mis à sa charge.

Sur les autres moyens :

13. D'une part, pour démontrer que le calcul de la plus-value est erroné en fait, la SCI du Rhône, qui ne peut se prévaloir utilement de l'évolution des prix du marché à l'égard du prix du bien effectivement vendu, n'établit pas que le montant des travaux qu'elle a engagés à hauteur de 188 518 euros, correspond à des dépenses d'installation et d'aménagement dans cet immeuble qui auraient dû être inclus dans le prix de revient de l'immeuble acquis pour 200 000 euros en 2009 et cédé en 2014 pour un prix de 410 000 euros, dont l'administration a seulement déduit les frais d'acquisition pour 19 353 euros.

14. D'autre part, en vertu de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, le droit de reprise de l'administration en matière d'impôt sur le revenu s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. Si la SCI entend soutenir que l'année 2013 était atteinte par la prescription, l'imposition a été établie au titre de l'exercice clos en 2014 et il résulte, au demeurant, des dispositions de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales que la prescription a été interrompue par la notification de la proposition de redressement du 30 novembre 2016, le 13 décembre 2016.

15. Il résulte de ce qui précède que la SCI du Rhône n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI du Rhône est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI du Rhône et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2024.

Le rapporteur,

JS. Laval

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00810


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00810
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Personnes et activités imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Jean-Simon LAVAL
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : VINCENT GRÉGORY

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;22ly00810 ?
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