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01/02/2024 | FRANCE | N°22LY01733

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 01 février 2024, 22LY01733


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement nos 2001550 - 2002850 - 2103792 du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.



Procédure devant la cour
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Par une requête et des mémoires, enregistrés les 7 juin 2022, 31 août et 18 septembre 2023, M. A... B......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement nos 2001550 - 2002850 - 2103792 du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 7 juin 2022, 31 août et 18 septembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Tournoud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions, des contributions sociales et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration ne rapporte pas la preuve de l'exercice de l'activité imposée ;

- les procédures d'imposition d'office sont irrégulières faute d'avoir été précédées de mises en demeure de déposer des déclarations ;

- l'administration a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en l'absence de communication de sa part de documents en réponse à sa demande du 20 juillet 2018 ;

- l'administration a méconnu le principe du contradictoire et les droits de la défense ;

- les chiffres d'affaires ont été réalisés par son frère.

Par des mémoires, enregistrés les 26 janvier, 13 septembre et 6 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 19 septembre 2023, la clôture d'instruction, initialement fixée au 19 septembre 2023, a été reportée 19 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Porée, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité de la SARL K'Jet Occasion, qui exerçait une activité d'achat et vente de palettes en bois, ayant mis en évidence que M. B... lui avait vendu des palettes de bois pour une valeur totale de 6 145 euros en 2014, l'administration a mis en œuvre un droit de communication auprès de la société pour avoir accès aux livres de police de cette société des années 2012 et 2013, lequel a révélé que l'intéressé avait vendu des palettes en 2012 et 2013 pour une valeur totale de respectivement 25 523,70 euros et 13 327 euros. A l'issue de ces investigations, l'administration a estimé que M. B... s'était livré à une activité occulte de vente de palettes au cours des années mentionnées ci-dessus. En conséquence, l'intéressé a été assujetti, au titre des années 2012, 2013 et 2014, à des compléments d'impôt sur le revenu résultant de l'inclusion dans ses revenus imposables de bénéfices industriels et commerciaux tirés de cette activité que l'administration a évalués d'office en application du 1° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales. L'administration a également taxé d'office M. B... à la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement du 3° de l'article 66 du même livre. Ces impositions ont été assorties des intérêts de retard et de la majoration de 80 % encourue en cas de découverte d'une activité occulte prévue au c de l'article 1728-1 du code général des impôts. M. B... relève appel du jugement du 14 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes de décharge de ces impositions. Il demande devant la cour également la décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales au titre des années 2012 à 2014.

Sur l'existence d'une activité occulte et la régularité des procédures d'imposition d'office suivies pour établir les impositions :

2. D'une part, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. - Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. ". Aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. (...) ". Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : / (...) 3° Aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 34 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale. (...) ". Aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises (...) commerciales (...) imposables selon un régime de bénéfice réel, lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; / (...) Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2° ". Aux termes de l'article L. 68 du même livre, dans sa rédaction applicable : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure (...). Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à une mise en demeure : (...) / Si le contribuable s'est livré à une activité occulte, au sens du deuxième alinéa de l'article L. 169 (...) ". Aux termes enfin du deuxième alinéa de ce dernier article, dans sa rédaction applicable : " (...) L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable (...) n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. "

4. Il résulte des dispositions citées au point 3 que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives.

5. Aux termes de l'article 321-7 du code pénal : " Est puni de six mois d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende le fait, par une personne dont l'activité professionnelle comporte la vente d'objets mobiliers usagés ou acquis à des personnes autres que celles qui les fabriquent ou en font le commerce, d'omettre, y compris par négligence, de tenir jour par jour, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, un registre indiquant la nature, les caractéristiques, la provenance, le mode de règlement de l'objet et contenant une description des objets acquis ou détenus en vue de la vente ou de l'échange et permettant l'identification de ces objets ainsi que celle des personnes qui les ont vendus ou apportés à l'échange. (...) ".

6. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification, que, pour déterminer les chiffres d'affaires de l'activité de vente de palettes, la vérificatrice s'est fondée sur les bons d'achats établis au bénéfice de M. B... par la société K'Jet Occasion obtenus lors de la vérification de comptabilité de cette société en 2014 et sur les opérations relevées sur les livres de police, qu'elle était tenue de tenir en application des dispositions précitées, auxquels elle a eu accès dans le cadre d'un droit de communication et dont elle a fait un relevé sous forme d'un tableau annexé à la proposition de rectification. Si la SARL K'Jet Occasion a communiqué à l'administration des extraits de sa comptabilité et non de son livre de police comme demandé le 24 août 2021, le requérant ne saurait sérieusement soutenir que ledit livre n'existe pas ou serait irrégulier, alors que les relevés effectués par l'administration sur la base du livre de police sont précis en visant notamment des dates d'achat, des montants de ventes, le nombre de palettes vendues, des numéros d'ordre et la référence d'une carte nationale d'identité. En outre, ces relevés sont conformes au compte 08000000 d'achats de palettes de la comptabilité de la SARL K'Jet Occasion, qui est lui-même précis en visant notamment les références de factures correspondant aux opérations d'achats de palettes. Si M. B... invoque un risque de double affectation des factures et de confusion avec les ventes de son frère, la vérificatrice s'est fondée sur la référence dans le livre de police à sa carte nationale d'identité, et il n'apporte pas la preuve que des ventes qui lui ont été imputées et celles de son frère recouvrent les mêmes dates et pour des montants identiques, ni ne produit de justificatif de la part de son frère indiquant que toutes les ventes doivent lui être imputées. Par suite, l'administration établit que M. B... a exercé une activité de vente de palettes.

7. Si le certificat d'inscription au répertoire des entreprises et des établissements (Sirene) fait état d'une activité de commerce de gros de bois et de matériaux de construction de M. B... ayant débuté le 1er janvier 2012, il résulte de l'instruction que le service des impôts des entreprises de Grenoble-Oisans-Drac a dû créer un dossier professionnel au nom du requérant dans le système d'information de la direction générale des finances publiques afin de pouvoir émettre un avis de mise en recouvrement en matière de taxe sur la valeur ajoutée exigible dès le début de l'année 2012, ce qui a généré automatiquement une inscription au registre Sirene et l'attribution d'un numéro de Siret. Dans ces conditions, M. B... ne peut se prévaloir de cette inscription.

8. M. B..., qui n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations de résultats et de chiffre d'affaires qu'il était tenu de souscrire en qualité d'entrepreneur individuel, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, ne soutient pas qu'il a commis une erreur justifiant cette omission. Il en résulte que l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte par l'intéressé d'une activité de vente de palettes imposable à l'impôt sur le revenu. Il s'ensuit que l'administration a pu mettre en œuvre la procédure d'évaluation d'office des bénéfices industriels et commerciaux sans procéder à l'envoi préalable d'une mise en demeure conformément à l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, la taxation d'office à la taxe sur la valeur ajoutée n'ayant, en tout état de cause, pas à être précédée de l'envoi d'une mise en demeure. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit être écarté.

Sur les autres moyens de procédure :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. "

10. Lorsque les documents dont le contribuable demande la communication ne sont pas détenus par l'administration fiscale qui en a seulement pris connaissance, sans en prendre de copie, auprès d'un tiers dans l'exercice de son contrôle, il appartient à celle-ci d'informer l'intéressé qu'elle ne les détient pas et de préciser l'origine de ces documents.

11. Il résulte de l'instruction que, par lettre du 25 juillet 2018 reçue par le requérant le 26 juillet 2018, la direction départementale des finances publiques de l'Isère a répondu à la demande de M. B... du 20 juillet 2018 de communication notamment des extraits de livres de police de la SARL K'Jet Occasion. Cette lettre du 25 juillet 2018 mentionne que " S'agissant d'informations recueillies sur les livres de police présentés et détenus par la SARL K'Jet Occasion, aucune copie n'a été effectuée, et ne peut dès lors être produite ". Ainsi, l'administration a informé le requérant qu'elle ne détenait pas de copie des extraits de livres de police et en a suffisamment précisé l'origine en indiquant qu'ils provenaient de la SARL K'Jet Occasion, qui les détenait. L'administration n'avait pas à informer l'intéressé des modalités d'obtention de ces documents auprès de ladite société. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

12. En second lieu, aux termes de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscale : " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard. Elle prononce la décharge de l'ensemble lorsque l'erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi ou par les engagements internationaux conclus par la France. "

13. L'administration fiscale n'était pas tenue de prendre copie des extraits du livre de police de la SARL K'Jet Occasion. En outre, il résulte de la proposition de rectification et de ses annexes que M. B... a été informé du contenu des extraits de ce livre de police, et il résulte du point 13 que le requérant savait que les documents en cause étaient en possession de la SARL K'Jet Occasion. Par suite, le moyen doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

14. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". Aux termes de l'article R.*193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré. "

15. Si M. B... soutient que les ventes de palettes qui lui ont été imputées ont en fait été réalisées par son frère Naïm, il n'en apporte pas la preuve en l'absence de toute précision suffisante et de justificatifs.

16. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et celles en tout état de cause relatives aux dépens, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2024.

Le rapporteur,

A. Porée

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01733


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01733
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Généralités.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Procédure de taxation - Taxation - évaluation ou rectification d'office.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Arnaud POREE
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;22ly01733 ?
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