La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/02/2024 | FRANCE | N°22LY02799

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 01 février 2024, 22LY02799


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SARL Europexpert a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2016, 2017 et 2018.



Par un jugement n° 1905363 du 12 juillet 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande et l'a condamnée au paiement d'une amende de 1 000 euros sur le fondement de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.



Procéd

ure devant la cour



Par une requête, enregistrée le 19 septembre 2022, la SARL Europexpert, représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Europexpert a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2016, 2017 et 2018.

Par un jugement n° 1905363 du 12 juillet 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande et l'a condamnée au paiement d'une amende de 1 000 euros sur le fondement de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 19 septembre 2022, la SARL Europexpert, représentée par Me Pignier, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et de l'amende ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les lettres de l'administration se limitent à indiquer qu'une imposition supplémentaire de cotisation foncière des entreprises va être émise sans aucune autre motivation et sans l'informer des éléments en la possession de l'administration obtenus auprès de tiers ;

- elle a fermé son établissement situé à Saint-Jean-de-Maurienne le 1er juillet 2013 ;

- la doctrine administrative BOI-CTX-DG-20-20-30 prévoit que la charge de la preuve incombe à l'administration en matière de contribution économique territoriale ;

- la doctrine administrative BOI-IF-CFE prévoit que la cotisation foncière des entreprises est assise sur la valeur locative des biens immobiliers utilisés par l'entreprise pour les besoins de son activité professionnelle ;

- le tribunal administratif a appliqué à tort une amende pour recours abusif.

Par un mémoire, enregistré le 3 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 17 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 20 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Porée, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Europexpert, qui exerce l'activité d'expert-comptable, a été assujettie à la cotisation foncière des entreprises au titre des années 2016 à 2018 à raison d'un établissement secondaire situé à Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie), par voie de rôles supplémentaires pour un montant total de 1 470 euros. Elle a contesté ces impositions au motif que cet établissement était fermé depuis le 1er juillet 2013. La SARL Europexpert relève appel du jugement du 12 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge de ces impositions et l'a condamnée au paiement d'une amende de 1 000 euros pour recours abusif.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " La procédure de rectification contradictoire n'est pas applicable : 1° En matière d'impositions directes perçues au profit des collectivités locales ou d'organismes divers, à l'exclusion de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises prévue à l'article 1586 ter du code général des impôts (...) ". La procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales n'est pas applicable en matière de cotisation foncière des entreprises dès lors qu'elle constitue une imposition perçue au profit des collectivités locales.

3. Lorsque toutefois une imposition est, telle la cotisation foncière des entreprises, assise sur la base d'éléments qui doivent être déclarés par le redevable, l'administration ne peut l'assujettir à cette imposition qu'après l'avoir, conformément au principe général des droits de la défense, mis à même de présenter ses observations.

4. Par lettres des 10 juillet 2018 et 2 avril 2019, le service des impôts des entreprises de Saint-Jean-de-Maurienne a indiqué à la SARL Europexpert que le service envisageait d'émettre des rôles supplémentaires de cotisation foncière des entreprises au titre du local de Saint-Jean-de-Maurienne aux motifs que cette imposition est due chaque année pour l'année entière par le redevable qui exerce au 1er janvier de l'année d'imposition en mentionnant les années d'imposition concernées, soit les années d'imposition en litige de 2016 à 2018, ainsi que le montant des bases que le service entendait retenir. Le respect du principe général des droits de la défense n'emportait pas l'obligation, pour l'administration, d'informer la société requérante des éléments en sa possession justifiant, selon elle, que l'établissement de Saint-Jean-de-Maurienne était toujours utilisé par la société au cours des années d'imposition en litige. La société requérante a été invitée, par les lettres des 10 juillet 2018 et 2 avril 2019, à présenter ses observations. Dans ces conditions, l'administration n'a pas méconnu les obligations qui lui incombaient au titre du respect du principe général des droits de la défense. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

5. Aux termes de l'article 1447 du code général des impôts : " I. - La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales, les sociétés non dotées de la personnalité morale ou les fiduciaires pour leur activité exercée en vertu d'un contrat de fiducie qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. (...) ". Aux termes de l'article 1467 du même code : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France (...) dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période. (...) ". Aux termes de l'article 1467 A de ce code : " Sous réserve des II, III IV et VI de l'article 1478, la période de référence retenue pour déterminer les bases de cotisation foncière des entreprises est l'avant-dernière année précédant celle de l'imposition ou le dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. ". Aux termes de l'article 1478 du même code : " I. - La cotisation foncière des entreprises est due pour l'année entière par le redevable qui exerce l'activité le 1er janvier. Toutefois le contribuable qui cesse toute activité dans un établissement n'est pas redevable de la cotisation foncière des entreprises pour les mois restant à courir, sauf en cas de cession de l'activité exercée dans l'établissement ou en cas de transfert d'activité. (...) ".

6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.

7. Il résulte du site internet https://www.société.com que l'établissement secondaire de la SARL Europexpert de Saint-Jean-de-Maurienne a été fermé le 1er juillet 2013, et de l'extrait Kbis du registre du commerce et des sociétés du 13 août 2019 que cet établissement a cessé d'être immatriculé et a été radié le 12 août 2013. Toutefois, il est constant que la résiliation amiable du bail portant sur le local situé à Saint-Jean-de-Maurienne est intervenue, non pas en 2013 comme il a été soutenu, mais le 31 décembre 2015, sans d'ailleurs toutefois être enregistrée, ce qui ne lui donne pas de date certaine. Pour justifier les impositions en litige, l'administration produit quatre déclarations 2065 d'impôt sur les sociétés souscrites entre février et septembre 2016 par la SARL Europexpert pour le compte de clients qui indiquent l'adresse de l'établissement de Saint-Jean-de-Maurienne, ainsi qu'une lettre de délocalisation d'opérations de contrôle fiscal dans ces locaux et un mandat donné par un client, daté du 9 août 2016 faisant état de la même adresse. L'administration verse également au dossier quatre déclarations 2065 d'impôt sur les sociétés souscrites entre janvier et octobre 2017 au bénéfice de clients de la société requérante mentionnant l'adresse de Saint-Jean-de-Maurienne ainsi que deux lettres de délocalisation d'opérations de contrôle fiscal des 9 juin et 6 octobre 2017 et un mandat donné le 4 octobre 2017 par un client dans le cadre d'un contrôle fiscal. L'administration produit enfin quatre déclarations 2065 d'impôt sur les sociétés souscrites entre avril et août 2018 pour le compte de clients de la société indiquant cette adresse ainsi qu'un courriel de la société à l'administration fiscale le 17 décembre 2018 faisant état du " Cabinet Europexpert St Jean ". La société requérante ne conteste pas la matérialité des différents éléments de preuve produits par l'administration en défense. Au demeurant, il résulte de l'instruction que la décision de rejet de sa réclamation du 27 juin 2019 a été notifiée le 2 juillet 2019 à l'adresse de l'établissement Saint-Jean-de-Maurienne. Dans ces conditions, la SARL Europexpert ne peut être regardée comme ayant cessé toute activité au cours des années 2016 à 2018 dans le local de Saint-Jean-de-Maurienne. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a imposé la requérante à la cotisation foncière des entreprises au titre de ces trois années à raison de cet établissement secondaire.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

8. En premier lieu, la documentation administrative référencée BOI-CTX-DG-20-20-30 dispose dans son paragraphe 50 que " Par ailleurs, les redevables de la contribution économique territoriale sont astreints à certaines obligations déclaratives (se reporter notamment à l'art. 1477 du CGI pour les redevables de la cotisation foncière des entreprises et au II de l'art. 1586 octies du CGI pour les redevables de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises). La charge de la preuve incombe en principe à l'administration. ", et ainsi, la charge de la preuve incombe à l'administration seulement en principe. En outre, le paragraphe 60 de cette doctrine administrative prévoit que " Il sera toutefois observé que c'est au contribuable qu'il appartient éventuellement d'apporter la preuve de la réalité des faits nouveaux qu'il invoque à l'appui de sa réclamation (disparition, vacance ou inexploitation d'immeuble, changement d'habitation, etc.). ". Ainsi, cette documentation administrative ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle qui résulte du présent arrêt.

9. En second lieu, la SARL Europexpert n'est pas fondée à se prévaloir du paragraphe n° 30 de la documentation administrative référencée BOI-IF-CFE-20-20-10-10, qui se borne à rappeler la jurisprudence et ne donne pas une interprétation de la loi fiscale, différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.

Sur l'amende pour recours abusif :

10. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ".

11. En se fondant, pour infliger à la SARL Europexpert une amende de 1 000 euros, sur les pièces jointes à sa demande et les moyens invoqués, qui, en première instance, n'avaient trait qu'au bien-fondé des impositions contestées, le tribunal administratif de Grenoble a, dans les circonstances de l'espèce, fait une exacte application des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.

12. Il résulte de ce qui précède que la SARL Europexpert n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande et l'a condamnée au paiement d'une amende de 1 000 euros. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que celles en tout état de cause relatives aux dépens, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Europexpert est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Europexpert et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2024.

Le rapporteur,

A. Porée

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02799


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02799
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Généralités.

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Arnaud POREE
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;22ly02799 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award