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06/02/2024 | FRANCE | N°22LY01031

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 06 février 2024, 22LY01031


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le certificat d'urbanisme opérationnel négatif délivré par le maire de Samoëns le 30 novembre 2018 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 19 février 2019.



Par un jugement n°1902645 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le 30 mars 2022,

Mme B... A..., représentée par la Selarl Arnaud Bastid, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du 1er fév...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le certificat d'urbanisme opérationnel négatif délivré par le maire de Samoëns le 30 novembre 2018 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 19 février 2019.

Par un jugement n°1902645 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 30 mars 2022, Mme B... A..., représentée par la Selarl Arnaud Bastid, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er février 2022 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler le certificat d'urbanisme opérationnel négatif délivré par le maire de Samoëns le 30 novembre 2018 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Samoëns le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-10 du code de l'urbanisme n'est pas fondé dès lors que le bien immobilier n'est pas loué et ne bénéficie pas d'une quelconque protection liée à une exploitation agricole et qu'il n'est pas démontré la nécessité de préserver ce terrain pour le maintien et le développement des activités agricoles, pastorales et forestières ; les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen ;

- le projet en litige ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 mai 2022, la commune de Samoëns, représentée par la SELARL Itinéraires Avocats Cadoz-Lacroix-Rey-Verne, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la requérante le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 3 octobre 2023 la clôture de l'instruction a été fixée au 3 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... est propriétaire en indivision avec ses deux enfants de parcelles cadastrées section ... situées route du Peterets, Vallon d'En Bas, sur le territoire de la commune de Samoëns. Elle a présenté une demande de certificat d'urbanisme pré-opérationnel portant sur un projet de réalisation d'un chalet individuel de 170 m² de surface de plancher. Mme A... relève appel du jugement du 1er février 2022 du tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation du certificat d'urbanisme du 30 novembre 2018 par lequel le maire de Samoëns a décidé que le terrain objet de la demande ne peut pas être utilisé pour la réalisation de l'opération envisagée.

Sur la régularité du jugement :

2. Pour rejeter les demandes de Mme A..., le tribunal administratif de Grenoble s'est borné à considérer que le motif du certificat d'urbanisme en litige tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme était de nature, à lui seul, à justifier la décision en litige, et que, par suite, l'éventuelle illégalité de l'autre motif fondant cette décision et tiré de la méconnaissance de l'article L. 122-10 du même code était sans incidence sur le sens de celle-ci. Le tribunal administratif n'a ainsi pas examiné l'autre moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de l'illégalité de l'autre motif de refus opposé à la demande de Mme A... par le maire de Samoëns. Il appartenait toutefois au tribunal administratif de vérifier si cet autre motif avait été légalement opposé avant de procéder, le cas échéant, à la neutralisation d'un ou de plusieurs de ces motifs dans l'hypothèse où le maire aurait pris la même décision en se fondant sur le seul motif légal opposé à la demande de certificat d'urbanisme. Ainsi, Mme A... est fondée à soutenir que, ce faisant, le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité. Par suite, ce jugement doit être annulé.

3. Il y a lieu pour la cour de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation du certificat d'urbanisme opérationnel négatif délivré le 30 novembre 2018 par le maire de Samoëns et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 122-10 du code de l'urbanisme : " Les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières, en particulier les terres qui se situent dans les fonds de vallée, sont préservées. La nécessité de préserver ces terres s'apprécie au regard de leur rôle et de leur place dans les systèmes d'exploitation locaux. Sont également pris en compte leur situation par rapport au siège de l'exploitation, leur relief, leur pente et leur exposition. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette sur lequel porte le certificat d'urbanisme en litige, est dépourvu de construction et est situé au sein d'un vaste espace agricole d'un fond de vallée de taille conséquente, appelé " plaine de Vallon ", et qui est le plus important de la commune. Les parcelles situées en pied de versant présentent par ailleurs une importance particulière pour le maintien et le développement des activités agricoles et pastorales de la commune, dont le territoire est classé dans l'aire géographique de trois aires d'appellation d'origine protégée (AOP) " Reblochons de Savoie ", " Chevrotin ", et " Abondance " et de quatre indications géographiques protégées (IGP), dont celles d'" Emmental de Savoie " et de " Tomme de Savoie ", productions qui nécessitent d'importants espaces de pâturage et de prairies de fauche. Par ailleurs, en admettant même que leur surface, qui s'établit à 1 509 m², puisse être regardée comme relativement réduite, ces parcelles se trouvent à proximité immédiate de vastes parcelles agricoles et il ressort des pièces du dossier qu'elles sont identifiées au registre parcellaire graphique (RGP) des exploitations agricoles de 2017 comme exploitées sous forme de " prairie permanente-herbe prédominante ". Elles sont rattachées à un tènement agricole plus important et Mme A... ne conteste pas sérieusement, en soutenant ne pas connaître l'identité de l'exploitant, qu'elles sont effectivement exploitées en prairie par un exploitant agricole depuis, au moins, 2007. Par suite, c'est par une exacte application de l'article L. 122-10 du code de l'urbanisme précité que le maire de Samoëns a estimé que les parcelles en cause étaient nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles.

6. En second lieu, aux termes de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme, applicable aux communes situées en zone de montagne : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées ". Selon l'article L. 122-5-1 du même code : " Le principe de continuité s'apprécie au regard des caractéristiques locales de l'habitat traditionnel, des constructions implantées et de l'existence de voies et réseaux. ". Aux termes de l'article L. 122-6 dudit code : " Les critères mentionnés à l'article L. 122-5-1 sont pris en compte : a) Pour la délimitation des hameaux et groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants en continuité desquels le plan local d'urbanisme ou la carte communale prévoit une extension de l'urbanisation ; b) Pour l'interprétation des notions de hameaux et de groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, lorsque la commune n'est pas dotée d'un plan local d'urbanisme ou d'une carte communale. ".

7. Il résulte de ces dispositions que l'urbanisation en zone de montagne, sans être autorisée en zone d'urbanisation diffuse, peut être réalisée non seulement en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants, mais également en continuité avec les " groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants " et qu'est ainsi possible l'édification de constructions nouvelles en continuité d'un groupe de constructions traditionnelles ou d'un groupe d'habitations qui, ne s'inscrivant pas dans les traditions locales, ne pourrait être regardé comme un hameau. L'existence d'un tel groupe suppose plusieurs constructions qui, eu égard notamment à leurs caractéristiques, à leur implantation les unes par rapport aux autres et à l'existence de voies et de réseaux, peuvent être perçues comme appartenant à un même ensemble. Pour déterminer si un projet de construction réalise une urbanisation en continuité par rapport à un tel groupe, il convient de rechercher si, par les modalités de son implantation, notamment en termes de distance par rapport aux constructions existantes, ce projet sera perçu comme s'insérant dans l'ensemble existant.

8. Il ressort des pièces du dossier que le certificat d'urbanisme négatif opérationnel en litige tend à l'édification d'une maison individuelle de 170 m² sur des parcelles éloignées du centre de la commune, situées dans un secteur s'ouvrant sur une zone agricole et boisée et ne comprenant lui-même qu'un faible nombre de constructions traditionnelles ou d'habitations, elles-mêmes espacées les unes des autres et implantées essentiellement de manière linéaire et sans structuration particulière d'urbanisation. A supposer même que ces habitations puissent, eu égard à leurs nombre, caractéristiques et implantations les unes par rapport aux autres, être regardées comme relevant de la structure d'urbanisation requise par les dispositions précitées pour permettre une urbanisation en continuité, les parcelles objet du certificat d'urbanisme en litige ne pourraient, alors même qu'elles seraient desservies par des voies et réseaux, être regardées comme appartenant à ce groupe d'habitations, en étant séparées par la route du Peterets qui constitue une coupure d'urbanisation. S'agissant du côté de la voie où se trouvent les parcelles en litige, une haie d'arbres et des parcelles non construites les séparent, au nord-ouest, d'autres constructions, et la seule présence d'une construction individuelle à proximité immédiate ne peut être retenue comme constituant un groupe de constructions en continuité duquel le projet pourrait s'inscrire. Par suite, le terrain d'assiette du projet de Mme A... ne peut être considéré comme se trouvant en continuité d'un bourg, village, hameau ou groupe de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, au sens des dispositions de l'article L. 122- 5 du code de l'urbanisme. Le moyen tiré de l'illégalité du motif du certificat d'urbanisme en litige se fondant sur ces dispositions ne peut, dès lors, qu'être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation du certificat d'urbanisme opérationnel négatif délivré par le maire de Samoëns le 30 novembre 2018 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur les frais du litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Samoëns, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

11. Il y a lieu, en revanche et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... le versement à la commune de Samoëns de la somme de 2 000 euros au titre des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 1er février 2022 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : Mme A... versera à la commune de Samoëns une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Samoëns.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.

La rapporteure,

C. BurnichonLa présidente,

M. C...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY01031 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01031
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-025 Urbanisme et aménagement du territoire. - Certificat d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : SELARL ITINERAIRES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-06;22ly01031 ?
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