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15/02/2024 | FRANCE | N°23LY00230

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 15 février 2024, 23LY00230


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les arrêtés du 28 novembre 2022 par lesquels le préfet du Cantal a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination, et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer une carte de séjour temporaire, ou à défaut, de réexaminer sa demande.


> Par un jugement n° 2202674 du 19 décembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les arrêtés du 28 novembre 2022 par lesquels le préfet du Cantal a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination, et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer une carte de séjour temporaire, ou à défaut, de réexaminer sa demande.

Par un jugement n° 2202674 du 19 décembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal a renvoyé devant une formation collégiale de ce tribunal le jugement des conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et, en tant qu'elles s'y rattachent, des conclusions accessoires (article 1er), et rejeté le surplus de cette demande (article 2).

Procédure devant la cour

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 19 janvier et 2 février 2023, M. A..., représenté par Me Deme, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il a rejeté le surplus de sa demande de première instance ;

2°) d'annuler les décisions du 28 novembre 2022 par lesquelles le préfet du Cantal lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination, et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle est entachée d'erreurs de droit ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant assignation à résidence est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire enregistré le 20 mars 2023, le préfet du Cantal conclut à ce qu'un non-lieu à statuer soit prononcé.

Il soutient que les conclusions de la requête ont perdu leur objet, l'obligation de quitter le territoire français en litige ayant été exécutée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Chassagne, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant de la République du Sénégal, déclare être né le 10 avril 1998 à Tivaoune et être entré sur le territoire français début 2014. Il a bénéficié, à sa majorité, de titres de séjour régulièrement renouvelés. M. A... relève appel du jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a rejeté sa demande en ce qu'elle tendait à l'annulation des deux décisions du préfet du Cantal du 28 novembre 2022 portant pour l'une obligation de quitter le territoire français sans délai et fixation du pays de destination et, pour l'autre, assignation à résidence.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

2. Contrairement à ce que soutient le préfet, si M. A... a quitté le territoire français le 10 mars 2023, en exécution de la mesure d'éloignement contestée, une telle circonstance ne rend pas sans objet la présente requête en tant qu'elle est dirigée contre un jugement portant rejet de sa demande dirigée contre une obligation de quitter le territoire français sans délai avec fixation du pays de destination, et une assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Sur le surplus des conclusions :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués. ".

4. L'arrêté contesté, en ce qu'il porte refus de renouvellement d'un titre de séjour, comporte, de manière circonstanciée, les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour opposer cette décision, étant ainsi motivé. Par suite, aucune motivation spécifique ne s'imposait pour l'obligation de quitter français, prise par le même arrêté. Le moyen tiré de la motivation insuffisante de la mesure d'éloignement doit donc être écarté.

5. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté contesté, en ce qu'il porte obligation de quitter le territoire français, ni des pièces du dossier que, compte tenu des éléments portés à sa connaissance, le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A....

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. M. A... se prévaut de l'ancienneté de son séjour en France de neuf années, de ce qu'il vit en concubinage avec une ressortissante française qui est enceinte, qu'il ne peut reconstituer sa cellule familiale dans son pays d'origine et qu'il justifie d'une insertion professionnelle. Toutefois, sa compagne, ressortissante de la République démocratique du Congo, est seulement titulaire d'un titre de séjour pluriannuel valable jusqu'au 25 novembre 2024, aucun élément circonstancié ne permettant de penser que leur relation serait stable et ancienne, et ce bien qu'il ait reconnu l'enfant à naître, au demeurant après l'intervention de la décision contestée. Par ailleurs, s'il produit notamment des attestations de formation émanant de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et d'un organisme de formation professionnelle en vue de la préparation du diplôme du certificat d'aptitude professionnelle de boucher, obtenues en 2015 et 2022, ainsi qu'un diplôme de brevet professionnel agricole option " transformations alimentaires " daté de 2016, et s'il a exercé plusieurs activités professionnelle entre 2017 et 2022, il apparaît également que depuis 2019, il a été condamné à quatre reprises par les juridictions judiciaires pour différentes infractions et que lors d'une audition pour des faits de vol d'une carte bancaire en octobre 2022, il a déclaré devant un officier de police judiciaire qu'il était sans emploi et sans ressources. Il n'apparaît pas dans ces conditions que, malgré six années de présence sur le territoire français, et non pas neuf comme il l'indique, M. A... justifierait spécialement d'une insertion sur le plan personnel d'une particulière intensité. Par suite, au regard de l'ensemble de ces éléments, et alors que M. A... n'est pas dépourvu de famille dans son pays d'origine, où résident ses parents, un frère et une sœur, le préfet du Cantal, en prenant l'obligation de quitter le territoire français en litige, n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ni commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle. Les moyens ne peuvent donc être admis.

8. En quatrième lieu, si M. A... soutient que l'obligation de quitter le territoire français en litige serait entachée d'erreurs de droit, aucune précision suffisante n'est fournie qui aurait permis d'apprécier le bien-fondé de ces moyens.

9. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision fixant le pays de destination n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, et, par suite, que la décision portant assignation à résidence ne l'est pas davantage. Les moyens ne peuvent qu'être écartés.

10. Il résulte de ce qui précède, que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions présentées par le préfet du Cantal tendant à ce qu'un non-lieu à statuer soit prononcé sont rejetées.

Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Cantal.

Délibéré après l'audience du 1er février 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.

Le rapporteur,

J. Chassagne

Le président,

V-M. Picard La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00230

kc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00230
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : DEME

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;23ly00230 ?
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