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20/02/2024 | FRANCE | N°23LY00823

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 20 février 2024, 23LY00823


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



1°) Sous le n° 2205699, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions du 24 novembre 2021 par lesquelles le préfet du Rhône a ordonné son expulsion et a fixé le pays de destination.



2°) Sous le n° 2207814, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de la décision du 18 octobre 2022 par laquelle le préfet du Rhône l'a assigné à résidence dans le département du Rhône.



Par un jugement n° 2205699-2207814 du 16 décembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

1°) Sous le n° 2205699, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions du 24 novembre 2021 par lesquelles le préfet du Rhône a ordonné son expulsion et a fixé le pays de destination.

2°) Sous le n° 2207814, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de la décision du 18 octobre 2022 par laquelle le préfet du Rhône l'a assigné à résidence dans le département du Rhône.

Par un jugement n° 2205699-2207814 du 16 décembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er mars 2023, M. B... A..., représenté par la SCP Robin-Vernet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2205699-2207814 du 16 décembre 2022 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 24 novembre 2021 par lesquelles le préfet du Rhône a ordonné son expulsion et a fixé le pays de destination ainsi que la décision du 18 octobre 2022 par laquelle le préfet du Rhône l'a assigné à résidence dans le département du Rhône ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. A... soutient que :

- la décision d'expulsion n'est pas motivée ; elle a été prise sans examen de sa situation ; sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et la décision d'expulsion méconnait l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnait également l'article L. 631-3 du même code ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de son état de santé ; le préfet aurait dû consulter le collège de médecins de l'OFII ; la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- la fixation du pays de renvoi méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de son état de santé ; elle doit être annulée en conséquence de l'annulation de la décision d'expulsion.

La préfète du Rhône, régulièrement mise en cause, n'a pas produit.

Par décision du 8 février 2023, M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur ;

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Robin, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 19 juin 1976, a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions du 24 novembre 2021 par lesquelles le préfet du Rhône a ordonné son expulsion et a fixé le pays de destination, ainsi que de la décision du 18 octobre 2022 par laquelle le préfet du Rhône l'a assigné à résidence dans le département du Rhône. Par le jugement attaqué du 16 décembre 2022, le tribunal a rejeté ses demandes.

Sur la décision portant expulsion :

2. En premier lieu, le préfet a visé les articles L. 631-1 à L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en précisant qu'il retenait une menace grave pour l'ordre public, soit le fondement de l'article L. 631-1, et il a indiqué de façon précise et circonstanciée les éléments de fait sur lesquels se fonde sa décision, qui est ainsi régulièrement motivée.

3. En deuxième lieu, il ressort des termes particulièrement complets et précis de la décision, qu'elle a été édictée après examen de la situation de M. A.... Compte tenu du secret médical et alors qu'il n'est pas établi que M. A... aurait fait valoir son état de santé auprès de l'autorité préfectorale, au-delà de la seule indication contenue dans le procès-verbal de la commission d'expulsion qui évoque succinctement un traitement " pour son moral, un antidépresseur ", le préfet n'a commis aucune irrégularité en n'évoquant pas des éléments dont il ne pouvait avoir connaissance.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, sous réserve des conditions propres aux étrangers mentionnés aux articles L. 631-2 et L. 631-3 ".

5. Ainsi que l'a relevé le préfet du Rhône dans sa décision, M. A..., né le 19 juin 1976, a été interdit de s'approcher de son épouse, en raison de la situation conjugale gravement perturbée et de faits répétés et graves de violence, par décision du juge de paix du canton belge de Saint-Gilles du 20 novembre 2007. Par un arrêt du 3 mars 2015 devenu définitif, la cour d'assises du département du Rhône l'a condamné à une peine de huit années d'emprisonnement, outre suivi socio-judiciaire d'une durée de cinq ans et injonction de soins, pour une tentative de viol avec violences sur une jeune femme née le 9 mai 1990, cette tentative, qui a connu un début d'exécution, n'ayant été interrompue que par des circonstances indépendantes de sa volonté. M. A... ne peut sérieusement contester ces faits, qui ont en tout état de cause, s'agissant du crime sanctionné par la cour d'assises, été constatés par l'autorité judiciaire au soutien de sa décision pénale sur l'action publique. Leur répétition et leur extrême gravité caractérisent une menace pour l'ordre public au sens des dispositions précitées de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi que l'a relevé le préfet en première instance, M. A... a au surplus été interpelé le 16 mai 2022 pour menaces de mort réitérées à l'encontre de son ancienne épouse, confirmant ainsi la menace que représente sa présence en France.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : / (...) / 5° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

7. Il résulte des pièces produites par M. A... et notamment du certificat hospitalier en date du 17 septembre 2021 qu'il est atteint d'un trouble schizophrénique. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que cette pathologie courante sans particularité notable ni gravité avérée ne serait pas susceptible de faire l'objet d'un traitement approprié en Algérie. M. A... n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de droit en se fondant sur les dispositions précitées de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni que sa situation relèverait des seules dispositions de l'article L. 631-3, 5° du même code. Pour les mêmes motifs, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en l'expulsant à destination de l'Algérie en dépit de son état de santé le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative constate l'état de santé de l'étranger défini au 5° de l'article L. 631-3 dans les conditions prévues aux articles R. 611-1 et R. 611-2 ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code auquel il est ainsi renvoyé : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article R. 611-2 du même code : " L'avis mentionné à l'article R. 611-1 est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé (...) ". Enfin, aux termes de l'article 9 de l'arrêté susvisé du 27 décembre 2016 : " L'étranger qui, dans le cadre de la procédure prévue aux titres I et II du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sollicite le bénéfice des protections prévues au 10° de l'article L. 511-4 ou au 5° de l'article L. 521-3 du même code [devenu l'article L. 631-3] est tenu de faire établir le certificat médical mentionné au deuxième alinéa de l'article 1er (...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'étranger se trouvant dans la situation prévue au 5° de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile demande à bénéficier de cette procédure, le préfet doit, préalablement à sa décision, recueillir l'avis du collège de médecins de l'OFII sur son état de santé.

9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait fait valoir son état de santé auprès de l'autorité préfectorale. Si, interrogé par la commission d'expulsion, il a indiqué qu'il faisait l'objet d'une injection par mois pour " un traitement en lien avec sa schizophrénie ", il a précisé que le traitement lui est prescrit " pour son moral, un antidépresseur " et il n'en ressortait en l'espèce manifestement pas qu'il aurait été susceptible de relever des prévisions du 5° de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les trois certificats médicaux qu'il produit en première instance et en appel ne font d'ailleurs état d'aucun traitement précis qui ne serait pas disponible en Algérie. Le préfet fait en outre valoir que les expertises psychiatriques réalisées dans le cadre de la procédure pénale n'avaient identifié aucune pathologie grave et qu'il n'a jamais été informé d'éléments sérieux, M. A... ayant au contraire déclaré dans un procès-verbal d'audition du 29 mars 2018 qu'il ne faisait l'objet d'aucun suivi pour problème de santé et n'ayant évoqué aucune difficulté de santé lors d'une nouvelle audition du 12 août 2021. M. A... n'est dès lors pas fondé à soutenir que la décision serait entachée de vice de procédure en l'absence de consultation du collège de médecins de l'OFII.

10. En sixième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A..., né en Algérie le 19 juin 1976, serait entré en France pour la première fois en 2011, dans des conditions non déterminées. S'il avait épousé une ressortissante française, le couple s'est séparé et le divorce a été prononcé en 2013. Compte tenu du comportement de M. A..., le juge judiciaire, de façon itérative en 2014 et 2016, a accordé l'autorité parentale sur les enfants du couple à la seule mère et a refusé à M. A... tout droit de visite. Le jugement du 8 avril 2016 souligne en particulier le désintérêt de M. A... pour ses enfants. M. A... ne justifie d'aucun élément d'insertion. Eu égard à la gravité de son comportement et au risque qu'il révèle, ainsi qu'à l'absence d'attaches privées et familiales inscrites dans la durée sur le territoire français, l'autorité préfectorale n'a pas, en expulsant M. A..., porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts d'ordre public que cette décision poursuit. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit en conséquence être écarté. Eu égard à ce qui vient d'être dit sur la situation familiale de M. A... et son comportement, le préfet n'a pas davantage méconnu l'intérêt supérieur des enfants au sens de l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant.

Sur la décision portant fixation du pays de renvoi :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit sur la légalité de la décision d'expulsion que M. A... n'est pas fondé à exciper de son illégalité.

12. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de l'état de santé de M. A... doit être écarté pour les motifs qui ont été exposés au point 7 du présent arrêt.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 29 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2024.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00823


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00823
Date de la décision : 20/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02 Étrangers. - Expulsion.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-20;23ly00823 ?
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