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29/02/2024 | FRANCE | N°23LY00725

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 29 février 2024, 23LY00725


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 21 juillet 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2206049 du 26 janvier 2023, le tribunal administratif de Grenoble, d'une part, a constaté le non-li

eu à statuer sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixation du délai de d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 21 juillet 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2206049 du 26 janvier 2023, le tribunal administratif de Grenoble, d'une part, a constaté le non-lieu à statuer sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixation du délai de départ volontaire et fixation du pays de renvoi et, d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête enregistrée le 23 février 2023 sous le n° 23LY00725, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 2206049 du 26 janvier 2023 du tribunal administratif de Grenoble qui décide qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... B... dirigées contre ses décisions du 21 juillet 2022 portant obligation de quitter le territoire français, fixation du délai de départ volontaire et fixation du pays de renvoi ;

2°) de rejeter les conclusions précitées de M. B....

Le préfet de l'Isère soutient que :

- sa requête n'est pas tardive ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que la délivrance d'un récépissé de demande de titre de séjour valant autorisation provisoire de séjour aurait abrogé la mesure d'éloignement en litige, alors que celle-ci n'a été notifiée que postérieurement ;

- les moyens invoqués en première instance par M. B... contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixation du délai de départ volontaire et fixation du pays de renvoi sont infondés.

Par ordonnance du 27 novembre 2023, l'affaire a été dispensée d'instruction en application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative.

II°) Par une requête enregistrée le 29 mars 2023 sous le n° 23LY01132, M. A... B..., représenté par Me Lantheaume, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 2206049 du 26 janvier 2023 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre la décision du 21 juillet 2022 par laquelle le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", ou subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. B... soutient que :

- le jugement n'est pas motivé concernant le rejet du moyen tiré de l'erreur de droit en ce que le préfet se serait cru à tort en situation de compétence liée en l'absence de visa de long séjour ;

- la décision est entachée d'erreur de droit en ce que le préfet se serait cru à tort en situation de compétence liée en l'absence de visa de long séjour ;

- elle n'est pas motivée ;

- elle a été édictée sans examen de sa situation ;

- elle est entachée d'erreur de fait en tant qu'elle dit qu'il conserve de fortes attaches familiales en Algérie en la personne de ses parents ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation.

Le préfet de l'Isère, régulièrement mis en cause, n'a pas produit dans cette instance.

Par décision du 15 mars 2023, M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. Par des décisions du 21 juillet 2022, le préfet de l'Isère a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. B..., ressortissant algérien né le 19 janvier 1970, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi. Par le jugement attaqué du 26 janvier 2023, le tribunal administratif de Grenoble, saisi par M. B... d'une demande dirigée contre ces décisions, a constaté le non-lieu à statuer sur les conclusions relatives aux décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixation du délai de départ volontaire et fixation du pays de renvoi, avant de rejeter le surplus des conclusions de la demande, c'est-à-dire les conclusions dirigées contre la décision portant refus de séjour.

Sur la régularité du jugement :

En ce qui concerne le non-lieu à statuer prononcé par le tribunal :

2. Par les décisions en litige édictées le 21 juillet 2022, le préfet de l'Isère a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français, a fixé le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi. Toutefois, il est constant que, par décision du 18 août 2022, le préfet de l'Isère a délivré à M. B... un récépissé de demande de titre de séjour valant autorisation provisoire de séjour. En reconnaissant ainsi à M. B... un droit au séjour, fut-il provisoire, le préfet de l'Isère doit, dès lors, être regardé comme ayant abrogé la décision d'éloignement qu'il avait prise antérieurement. Si le préfet de l'Isère fait valoir que la décision d'éloignement a été notifiée le 26 août 2022, cette mesure procédurale n'a pas eu d'incidence sur le sens et la portée des décisions prises. Le préfet ne peut dès lors soutenir que cette notification aurait, par elle-même, abrogé l'autorisation provisoire de séjour précitée, qui a bien plutôt elle-même abrogé la mesure d'éloignement antérieure. S'il était loisible au préfet de mettre fin à l'autorisation provisoire de séjour qu'il avait délivrée, il ne l'a pas fait et il ne peut sérieusement soutenir que sa décision d'éloignement du 21 juillet 2022 aurait par anticipation abrogé la décision postérieure du 18 août 2022 par laquelle il a délivré à M. B... une autorisation provisoire de séjour. Le tribunal a, dès lors, à juste titre, constaté le non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre la mesure d'éloignement, qui avait été abrogée avant toute exécution.

En ce qui concerne la motivation du jugement :

3. Le tribunal a exposé aux points 4 à 7 du jugement les motifs pour lesquels il estimait que le moyen tiré de ce que le préfet se serait cru tenu de rejeter sa demande de titre de séjour en l'absence de visa de long séjour, sans envisager la possibilité d'une régularisation, manquait en fait. Le jugement n'est ainsi pas entaché d'une insuffisance de motivation affectant sa forme. Si M. B... entend contester le raisonnement suivi par le tribunal, sa critique porte sur le bien-fondé du jugement et non sur sa régularité.

Sur les conclusions restant en litige et la légalité du refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, le préfet a indiqué les motifs de droit et de fait de sa décision, qui est ainsi régulièrement motivée.

5. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision et des pièces du dossier que cette décision a été prise après examen effectif de la situation de M. B....

6. En troisième lieu, M. B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du b) de l'article 7 du même accord et sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. D'une part, le préfet a examiné la demande présentée par M. B... sur le fondement du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien. Après avoir relevé qu'il ne se prévalait que d'une promesse d'embauche et ne justifiait donc pas d'un contrat de travail visé, il a relevé qu'il ne justifiait pas davantage d'un visa de long séjour avant d'en déduire que la situation de M. B... ne relevait pas des prévisions de ce texte. Ce faisant, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit dans l'application de ces stipulations.

8. D'autre part, s'agissant de la demande présentée par M. B... sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a, à bon droit, relevé que cette disposition n'est pas applicable aux ressortissants algériens, dont le droit au séjour est entièrement régi par l'accord franco-algérien susvisé. Le préfet a en revanche, ainsi qu'il ressort des termes mêmes de la décision, après avoir examiné la situation de M. B..., estimé qu'aucune mesure de régularisation ne se justifiait. Le préfet n'a, ainsi, commis aucune erreur de droit et il ne s'est notamment pas cru à tort tenu de refuser la délivrance d'un titre de séjour au seul constat de l'absence d'un visa de long séjour mais a bien recherché s'il y avait lieu de faire usage de son pouvoir de régularisation.

9. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... est né en Algérie le 19 janvier 1970 et qu'il est de nationalité algérienne. Il est entré en France pour la première fois en 2002 et a travaillé comme maçon sous couvert d'un contrat à durée déterminée de septembre 2003 à janvier 2004. Il est reparti en Algérie au plus tard en 2006. Il est revenu en France le 2 octobre 2016 sous couvert d'un visa de court séjour. Il se prévaut d'une promesse d'embauche datée du 20 mai 2021 et devenue caduque le 2 septembre 2021. Il ne fait valoir aucune attache familiale en France. Il a nécessairement constitué des attaches privées et familiales en Algérie, où il a vécu l'essentiel de son existence. Eu égard à la durée et aux conditions de son séjour, le préfet n'a pas, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts que cette décision poursuit. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien doivent, en conséquence, être écartés. Eu égard à ces éléments ainsi qu'à la brièveté et l'ancienneté de l'expérience professionnelle de M. B..., le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.

10. En cinquième lieu, le préfet a examiné l'ensemble de la situation privée et familiale de M. B.... Ce dernier fait valoir que la décision serait entachée d'erreur de fait en tant que le préfet a mentionné la présence de ses parents en Algérie alors qu'ils seraient décédés. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. B... a lui-même indiqué à l'autorité préfectorale, dans sa demande de séjour datée du 10 août 2021, que ses parents demeuraient en Algérie, de même d'ailleurs que ses trois frères et ses trois sœurs. Il ne produit aucun élément établissant le décès de ses parents, qu'il n'a pas signalé à l'autorité préfectorale. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était pas fondé sur la présence en Algérie des parents de M. B... mais avait été informé de leur décès. Le moyen tiré de l'erreur de fait doit, en conséquence, être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que ni le préfet de l'Isère ni M. B... ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a constaté le non-lieu à statuer s'agissant de la mesure d'éloignement et rejeté les conclusions de M. B... dirigées contre le refus de séjour. Par voie de conséquence, les conclusions de M. B... à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 23LY00725 du préfet de l'Isère est rejetée.

Article 2 : La requête n° 23LY01132 de M. B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 12 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00725 - 23LY01132


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00725
Date de la décision : 29/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Procédure - Incidents - Non-lieu - Existence - Décision retirée.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-29;23ly00725 ?
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