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18/04/2024 | FRANCE | N°22LY01355

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 18 avril 2024, 22LY01355


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



M. K... I..., Mme L... G..., Mme U... Z..., M. M... A..., M. N... C..., M. H... Q..., M. B... Q..., M. Y... R..., M. J... AA... et M. F... S..., d'une part, et l'association Ambilly, Terres Citoyennes, Mme E... T..., M. D... O..., M. P... W... et Mme V... X..., d'autre part, ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a déclaré d'utilité publique le projet d'acquisitions d'immeubles relatives a

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. K... I..., Mme L... G..., Mme U... Z..., M. M... A..., M. N... C..., M. H... Q..., M. B... Q..., M. Y... R..., M. J... AA... et M. F... S..., d'une part, et l'association Ambilly, Terres Citoyennes, Mme E... T..., M. D... O..., M. P... W... et Mme V... X..., d'autre part, ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a déclaré d'utilité publique le projet d'acquisitions d'immeubles relatives au projet de renouvellement urbain du quartier de la rue de Genève en vue du passage du tramway sur la commune d'Ambilly.

Par jugement n° 1902848 - 1903436 du 8 mars 2022, le tribunal a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 mai 2022, le 24 février 2023 et le 6 janvier 2024 sous le n° 22LY01355, M. I... et Mme G..., représentés par Me Barrut, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le magistrat président la formation de jugement n'était pas impartial et qu'il a siégé en dépit de la demande de récusation formé par M. I..., que les premiers juges n'ont pas statué sur le moyen tiré de la dissimulation des pièces présentant le parti d'aménagement présidant au renouvellement urbain du quartier durant l'enquête publique et qu'ils n'ont pas rouvert l'instruction à la suite de la communication de ces pièces ;

- il ne pouvait être fait application de l'article R. 112-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, dès lors que le projet avait été établi préalablement à l'enquête publique et qu'il n'y avait aucune urgence à acquérir les parcelles ; en conséquence, le dossier d'enquête publique était insuffisant en ce qu'il ne comportait pas les pièces prévues à l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- l'arrêté en litige est entaché d'un détournement de procédure dès lors que l'autorité expropriante s'est délibérément soustraite à la constitution du dossier d'enquête publique dans les conditions prévues par l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le commissaire enquêteur ne pouvait régulièrement modifier son avis à la demande du président du tribunal administratif, dès lors que les dispositions de l'article R.123-20 du code de l'environnement n'étaient pas applicables en l'espèce, et sans une nouvelle enquête publique ;

- les conclusions du commissaire enquêteur sont insuffisamment motivées dès lors qu'il n'expose pas les raisons pour lesquelles il a donné un avis favorable à l'opération ;

- la réduction du périmètre de la déclaration d'utilité publique consécutive à la remise du rapport du commissaire enquêteur, qui entraîne une redéfinition du projet d'aménagement, imposait la réalisation d'une nouvelle enquête publique ;

- dès lors que la réserve dont était assortie l'avis du commissaire enquêteur n'a été que partiellement levée, cet avis doit être regardé comme défavorable ; en conséquence, les dispositions de l'article R.112-23 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique qui imposent dans ce cas une délibération motivée du conseil municipal ont été méconnues ;

- les dispositions de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ont été méconnues dès lors qu'un des membres d'un conseil municipal n'a pu accéder à des documents existants dont il a été demandé la communication ;

- l'intérêt public de l'opération n'est pas établi ; cette dernière porte une atteinte excessive à la propriété privée en ce qu'elle inclut un pavillon ; le projet porte une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie dès lors que les cinq parcelles privées concernées sont le support d'activités économiques.

Par mémoire enregistré le 30 décembre 2022, la ministre chargée des collectivités territoriales et de la ruralité conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- l'intervention du président du tribunal pour inviter le commissaire enquêteur à compléter ses conclusions ne fait pas obstacle à ce que ce même magistrat se prononce sur la légalité de l'acte ayant fait l'objet de l'enquête publique concernée ; le principe d'impartialité n'a ainsi pas été méconnu ;

- le tribunal a répondu au moyen tiré du caractère incomplet du dossier d'enquête publique et à celui tiré de la méconnaissance du droit à l'information du public dans le cadre de l'enquête publique ;

- les pièces produites par les requérants après la clôture de l'instruction n'étant pas susceptibles d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, les premiers juges n'étaient pas tenus de les soumettre au contradictoire ;

- le recours à la procédure d'enquête dite " simplifiée " n'était pas irrégulier, dès lors que, ni les caractéristiques principales des ouvrages ni le plan général des travaux n'avaient été établis et qu'il était nécessaire d'acquérir les immeubles au préalable ;

- dès lors que l'opération n'entrait pas dans le champ de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le moyen tiré de ce que les pièces dont la production est rendue obligatoire par ces dispositions n'auraient pas été produites ne peut qu'être écarté ;

- le moyen tiré du détournement de procédure consistant dans la volonté supposée de l'autorité expropriante d'échapper artificiellement à la procédure prévue à l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est inopérant et au demeurant n'est pas fondé ;

- dès lors que le commissaire enquêteur est désigné, quel que soit le type d'enquête publique, par le président du tribunal administratif, ce dernier peut lui demander, le cas échéant, de compléter ses conclusions ;

- les compléments apportés par le commissaire enquêteur n'ont pas modifié le sens de l'avis et ne sont donc pas de nature à vicier la procédure suivie ;

- ses conclusions sont suffisamment motivées ;

- en l'absence de modification substantielle de la nature du projet, dont seul le périmètre a évolué, il n'y avait pas lieu de procéder à une nouvelle enquête publique ;

- dès lors que le conseil municipal d'Ambilly a levé la réserve émise par le commissaire enquêteur, en modifiant le périmètre du projet, l'avis donné par ce dernier ne pouvait pas être regardé comme défavorable ;

- l'opération de requalification urbaine programmée poursuit une finalité d'intérêt général ;

- elle ne porte pas à la propriété privée une atteinte excessive dès lors que la commune a démontré l'intérêt du maintien de l'opération en front de rue, où se situe la seule parcelle sur-bâtie d'un pavillon ;

- l'atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie n'est pas excessive au regard de l'intérêt public de l'opération ;

- l'opération présente dès lors un caractère d'utilité publique.

Par mémoire enregistré le 7 décembre 2023, l'établissement public foncier de Haute-Savoie, représenté par Me Petit, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. I... et Mme G... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la double modification de la chambre chargée de l'affaire au stade de l'instruction du dossier n'entache pas d'irrégularité la composition de la formation de jugement ; aucune partialité des membres de la formation ne saurait être retenue dès lors qu'en demandant au commissaire enquêteur de compléter ses conclusions, le magistrat désigné ne s'est pas prononcé sur l'utilité publique du projet ;

- le tribunal a répondu au moyen tiré du caractère incomplet du dossier d'enquête publique et à celui tiré de la méconnaissance du droit à la transparence et à l'indépendance dans le cadre de l'enquête publique ;

- les documents préparatoires invoqués par les requérants ne sauraient avoir une influence sur le jugement du litige dès lors qu'ils ne démontrent pas l'existence préalable d'un projet d'aménagement abouti ; ils n'avaient donc pas à être soumis au contradictoire ;

- le recours à la procédure d'enquête dite " simplifiée " n'était pas irrégulier, dès lors qu'à la date d'ouverture de l'enquête, le projet d'aménagement, dont le périmètre a été par la suite réduit, n'était pas abouti et que l'expropriant ne doit pas démontrer une urgence à acquérir ; en tout état de cause, il était nécessaire d'acquérir les parcelles utiles au projet d'aménagement et il a au surplus été démontré l'urgence à le faire ;

- dès lors que l'opération n'entrait pas dans le champ de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le moyen tiré de ce que les pièces dont la production est rendue obligatoire par ces dispositions n'auraient pas été produites ne peut qu'être écarté ;

- dès lors qu'il a été fait appel à bon droit à la procédure dite simplifiée, le moyen tenant à ce que ce recours serait constitutif d'un détournement de procédure doit être écarté ;

- les dispositions relatives à la procédure d'enquête publique prévues par le code de l'environnement étaient applicables en l'espèce, en l'absence de dispositions relative à la désignation du commissaire enquêteur par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; en tout état de cause, il n'est pas établi que l'intervention du magistrat désigné aurait eu une influence sur le sens de la décision finalement adoptée et celui des conclusions du commissaire enquêteur ;

- les compléments apportés par le commissaire enquêteur, dont l'avis est demeuré favorable avec réserve, n'ont pas modifié le sens de cet avis et ne sont donc pas de nature à vicier la procédure suivie ;

- ces conclusions sont suffisamment motivées ;

- dès lors que la modification consiste en une simple réduction de la superficie du projet, il n'y avait pas lieu de procéder à une nouvelle enquête publique ;

- dès lors que le conseil municipal d'Ambilly a levé la réserve, en modifiant le périmètre du projet, l'avis donné par le commissaire enquêteur n'était pas défavorable ;

- l'information des élus n'était pas insuffisante ;

- l'opération de requalification urbaine programmée poursuit une finalité d'intérêt général ;

- elle ne porte pas à la propriété privée une atteinte excessive dès lors que la commune a démontré l'intérêt du maintien de l'opération en front de rue, où se situe la parcelle en cause ;

- l'atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie n'est pas excessive au regard de l'intérêt public de l'opération.

La commune d'Ambilly a produit un mémoire, le 8 mars 2024, postérieurement à la clôture d'instruction, qui n'a pas été communiqué.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 mai 2022, le 11 mai 2023 et le 22 mars 2024 (non communiqué) sous le n° 22LY01385, l'association Ambilly, Terres Citoyennes, représentée par Me Barrut, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen selon lequel la commune d'Ambilly a cherché à minimiser la visibilité de l'avis d'enquête publique par différentes manœuvres ;

- l'arrêté litigieux est intervenu au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pas été précédé de la concertation préalable prévue par les dispositions des articles L. 103-2 et L. 103-3 du code de l'urbanisme ;

- les conditions prévues par les dispositions de l'article R 112-5 du code de l'expropriation pour recourir à une enquête publique dite simplifiée n'étaient pas réunies, dès lors que le projet avait été établi préalablement à l'enquête publique et qu'il n'y avait aucune urgence à acquérir les parcelles ; en conséquence, le dossier d'enquête publique était insuffisant en ce qu'il ne comportait pas les pièces prévues à l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- l'avis d'enquête publique n'a pas fait l'objet de mesures de publicité suffisantes ;

- M. S... a rencontré des difficultés pour remettre ses observations au cours de l'enquête publique ; en s'abstenant de mentionner cet élément dans son rapport, le commissaire enquêteur a minimisé les difficultés procédurales rencontrées pendant l'enquête publique ;

- les dispositions de l'article R.123-19 du code de l'environnement prévoyant que le rapport comporte une synthèse des observations du public ont été méconnues dès lors que les observations présentées au cours de l'enquête publique n'ont pas été inventoriées dans leur totalité ;

- le commissaire enquêteur n'a pas répondu aux observations de MM. Lassagne, Lurio Q..., AA... et O... ni à celles de l'association Ambilly, Terres Citoyennes, lesquelles n'ont pas été prises en compte ;

- l'absence d'appréciation par le commissaire enquêteur du bilan coût avantage, l'absence de réponse ou de prise en considération de certaines observations et les erreurs d'analyse vicient le rapport ;

- les conclusions du commissaire enquêteur sont insuffisamment motivées ;

- les conditions requises pour solliciter du commissaire enquêteur un complément à son

rapport n'étaient pas réunies ; le commissaire enquêteur ne pouvait régulièrement modifier son avis à la demande du président du tribunal administratif, dès lors que les dispositions de l'article R.123-20 du code de l'environnement n'étaient pas applicables en l'espèce, et sans une nouvelle enquête publique ;

- le complément apporté par le commissaire enquêteur modifie le sens et la portée du premier rapport ;

- dès lors que la réserve dont était assortie cet avis n'a été que partiellement levée, l'avis du commissaire enquêteur doit être regardé comme défavorable ; en conséquence, les dispositions de l'article R.112-23 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique qui imposent dans ce cas une délibération motivée du conseil municipal ont été méconnues ;

- la réduction du périmètre de la déclaration d'utilité publique consécutive à la remise du rapport du commissaire enquêteur, qui entraîne une redéfinition du projet d'aménagement, imposait la réalisation d'une nouvelle enquête publique ;

- en l'absence de projet de renouvellement urbain, il n'y a pas lieu de créer une réserve foncière ;

- les modifications apportées au projet, la variation de son périmètre et la nature des aménagements envisagés démontrent l'absence d'utilité publique du projet ;

- l'arrêté en litige, qui a pour objet et pour effet une régulation du marché immobilier, une densification de l'habitat et une spoliation de fait des propriétaires est entaché de détournement de procédure et de détournement de pouvoir ;

- les dispositions de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ont été méconnues dès lors qu'un des membres d'un conseil municipal n'a pu accéder à des documents existants dont il a été demandé la communication ;

- l'intérêt public de l'opération n'est pas établi ; cette dernière porte une atteinte excessive à la propriété privée en ce qu'elle inclue un pavillon ; le projet porte une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie dès lors que les cinq parcelles privées concernées sont le support d'activités économiques.

Par mémoire enregistré le 30 décembre 2022, la ministre chargée des collectivités territoriales et de la ruralité conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle ne contient pas un exposé des faits et moyens dans les conditions prévues à l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- dès lors que l'arrêté en litige a pour objet la constitution de réserves foncières et n'autorise pas, par lui-même, la réalisation d'un projet de renouvellement urbain, il n'entre pas dans le champ de l'article L. 103-2 du code de l'urbanisme relatif à l'organisation d'une concertation préalable ;

- l'avis d'ouverture de l'enquête, qui a été publié dans deux journaux locaux à deux reprises, dans huit sites différents de la commune et sur le site internet de la commune a donné lieu à des mesures de publicité suffisantes ; au demeurant, l'association requérante n'établit pas que les manquements invoqués auraient fait obstacle à la bonne information de l'ensemble des personnes intéressées ;

- le commissaire enquêteur n'est pas tenu de répondre à chacune des observations présentées ;

- contrairement à ce que soutient la requérante, l'article R. 123-20 du code de l'environnement est applicable dans le cadre d'une enquête publique menées au titre du premier alinéa de l'article L. 110-1 du code ; par suite, le commissaire-enquête pouvait compléter son avis à la demande du magistrat désigné du tribunal ;

- l'avis du commissaire enquêteur est suffisamment motivé ;

- les compléments apportés à la motivation de l'avis du commissaire enquêteur n'en ont pas modifié le sens ;

- le recours à la procédure d'enquête dite " simplifiée " n'était pas irrégulier, dès lors que, le projet d'aménagement en vue duquel les réserves foncières sont constituées n'était défini que dans ses grandes lignes et qu'il était nécessaire d'acquérir les immeubles au préalable ;

- l'opération de requalification urbaine programmée poursuit une finalité d'intérêt général ;

- elle ne porte pas à la propriété privée une atteinte excessive dès lors que la commune a démontré l'intérêt du maintien de l'opération en front de rue, où se situe la parcelle en cause ;

- l'atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie n'est pas excessive au regard de l'intérêt public de l'opération ;

- l'opération présente dès lors un caractère d'utilité publique ;

- le moyen tiré du détournement de pouvoir et de procédure n'est assorti d'aucun élément probant.

Par mémoire enregistré le 7 décembre 2023, l'établissement public foncier de Haute-Savoie, représenté par Me Petit, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'association Ambilly, Terres Citoyennes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que l'association Ambilly, Terres citoyennes, qui ne produit pas ses statuts, était dépourvue d'intérêt pour agir en première instance et en appel ;

- dès lors que l'arrêté en litige a pour objet la constitution de réserves foncières et n'autorise pas, par lui-même, la réalisation d'un projet de renouvellement urbain, il n'entre pas dans le champ de l'article L. 103-2 du code de l'urbanisme relatif à l'organisation d'une concertation préalable ;

- l'avis d'ouverture de l'enquête publique a donné lieu à des mesures de publicité suffisantes ; au demeurant, la requérante n'établit pas que les manquements invoqués auraient fait obstacle à la bonne information de l'ensemble des personnes intéressées ;

- les observations de M. S... sont bien parvenues au commissaire enquêteur, qui les a prises en compte ;

- les dispositions de l'article R. 123-19 du code de l'environnement n'imposent pas au commissaire enquêteur de dénombrer les observations reçues ;

- si l'ensemble des observations recueillies auprès du public doivent être analysées par le commissaire enquêteur, celui-ci n'est pas tenu de répondre de manière détaillée à chacune des observations présentées, ni à tous les arguments d'une contre-proposition, mais seulement aux objections les plus significatives ou d'intérêt général ;

- le recours à la procédure d'enquête dite " simplifiée " n'était pas irrégulier, dès lors qu'à la date d'ouverture de l'enquête, le projet d'aménagement, dont le périmètre a été par la suite réduit, n'était pas abouti et que l'expropriant ne doit pas démontrer une urgence à acquérir ; en tout état de cause, il était nécessaire d'acquérir les parcelles utiles au projet d'aménagement et il a au surplus été démontré l'urgence à le faire ;

- les dispositions relatives à la procédure d'enquête publique prévues par le code de l'environnement étaient applicables en l'espèce, en l'absence de dispositions relative à la désignation du commissaire enquêteur par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; en tout état de cause, il n'est pas établi que l'intervention du magistrat désigné aurait eu une influence sur le sens de la décision finalement adoptée et celui des conclusions ;

- les compléments apportés par le commissaire enquêteur, dont l'avis est demeuré favorable avec réserve, n'ont pas modifié le sens de cet avis et ne sont donc pas de nature à vicier la procédure suivie ;

- ses conclusions sont suffisamment motivées ;

- dès lors que le conseil municipal d'Ambilly a levé la réserve, en modifiant le périmètre du projet, l'avis donné par le commissaire enquêteur n'était pas défavorable ;

- l'information des élus n'était pas insuffisante ;

- l'opération de requalification urbaine programmée poursuit une finalité d'intérêt général ;

- elle ne porte pas à la propriété privée une atteinte excessive dès lors que la commune a démontré l'intérêt du maintien de l'opération en front de rue, où se situe la parcelle en cause ;

- l'atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie n'est pas excessive au regard de l'intérêt public de l'opération.

Par mémoire enregistré le 8 mars 2024, la commune d'Ambilly, représentée par Me Pyanet, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'association Ambilly, Terres Citoyennes la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- dès lors que l'arrêté en litige a pour objet la constitution de réserves foncières et n'autorise pas, par lui-même, la réalisation d'un projet de renouvellement urbain, il n'entre pas dans le champ de l'article L. 103-2 du code de l'urbanisme relatif à l'organisation d'une concertation préalable ;

- l'avis d'ouverture de l'enquête publique a donné lieu à des mesures de publicité suffisantes ; au demeurant, la requérante n'établit pas que les manquements invoqués auraient fait obstacle à la bonne information de l'ensemble des personnes intéressées ;

- les observations de M. S... sont bien parvenues au commissaire enquêteur, qui les a prises en compte ;

- les dispositions de l'article R. 123-19 du code de l'environnement n'imposent pas au commissaire enquêteur de dénombrer les observations reçues ;

- si l'ensemble des observations recueillies auprès du public doivent être analysées par le commissaire enquêteur, celui-ci n'est pas tenu de répondre de manière détaillée à chacune des observations présentées, ni à tous les arguments d'une contre-proposition, mais seulement aux objections les plus significatives ou d'intérêt général ;

- le recours à la procédure d'enquête dite " simplifiée " n'était pas irrégulier, dès lors qu'à la date d'ouverture de l'enquête, le projet d'aménagement, dont le périmètre a été par la suite réduit, n'était pas abouti et que l'expropriant ne doit pas démontrer une urgence à acquérir ; en tout état de cause, il était nécessaire d'acquérir les parcelles utiles au projet d'aménagement et il a au surplus été démontré l'urgence à le faire ;

- les dispositions relatives à la procédure d'enquête publique prévues par le code de l'environnement étaient applicables en l'espèce, en l'absence de dispositions relative à la désignation du commissaire enquêteur par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; en tout état de cause, il n'est pas établi que l'intervention du magistrat désigné aurait eu une influence sur le sens de la décision finalement adoptée et celui des conclusions ;

- les compléments apportés par le commissaire enquêteur, dont l'avis est demeuré favorable avec réserve, n'ont pas modifié le sens de cet avis et ne sont donc pas de nature à vicier la procédure suivie ;

- ses conclusions sont suffisamment motivées ;

- dès lors que le conseil municipal d'Ambilly a levé la réserve, en modifiant le périmètre du projet, l'avis donné par le commissaire enquêteur n'était pas défavorable ;

- l'information des élus n'était pas insuffisante ;

- l'opération de requalification urbaine programmée poursuit une finalité d'intérêt général ;

- elle ne porte pas à la propriété privée une atteinte excessive dès lors que la commune a démontré l'intérêt du maintien de l'opération en front de rue ;

- l'atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie n'est pas excessive au regard de l'intérêt public de l'opération.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me Fedida pour M. I... et Mme G... et l'association Ambilly, de Me Louis pour l'établissement public foncier de Haute-Savoie, et de Me Frigiere pour la commune d'Ambilly.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibérations du 19 septembre 2016 et du 16 novembre 2017, la commune d'Ambilly (Haute-Savoie) a demandé à l'établissement public foncier de Haute-Savoie d'acquérir les parcelles inscrites en emplacement réservé au plan local d'urbanisme de la commune afin de créer une réserve foncière dans le secteur de la rue de Genève en vue d'un projet de renouvellement urbain de ce quartier dans le cadre du passage du tramway, et de solliciter en ce sens la déclaration d'utilité publique du projet auprès du préfet de la Haute-Savoie. Par un arrêté du 26 avril 2018, le préfet de la Haute-Savoie a déclaré l'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique, laquelle a été organisée du 5 juin au 21 juin 2018. Le commissaire enquêteur a émis un avis favorable à ce projet avec réserve le 10 juillet 2018, complété à la demande du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble le 24 juillet 2018. Par des délibérations du 27 septembre 2018 et du 26 octobre 2018, le conseil municipal de la commune d'Ambilly et le conseil d'administration de l'établissement public foncier de Haute-Savoie ont réduit le périmètre de l'emprise de l'opération. M. I..., Mme G..., Mme Z..., M. A..., M. C..., MM. Q..., M. R..., M. AA... et M. S..., d'une part, et l'association Ambilly, Terres citoyennes, Mme T..., M. O..., M. W... et Mme X..., d'autre part, ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a déclaré d'utilité publique le projet d'acquisitions d'immeubles relatives au projet de renouvellement urbain du quartier de la rue de Genève en vue du passage du tramway sur la commune d'Ambilly. M. I... et Mme G..., d'une part, et l'association Ambilly, Terres citoyennes d'autre part, relèvent appel du jugement du 8 mars 2022 par lequel le tribunal a rejeté leur demande.

2. Les requêtes n° 22LY01355 et 22LY01385 présentées par M. I... et Mme G..., d'une part, et l'association Ambilly, Terres citoyennes, d'autre part, sont relatives au même arrêté. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur les fins de non-recevoir opposées à la requête n° 22LY01385 :

En ce qui concerne le respect de l'article R. 411-1 du code de justice administrative :

3. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. (...) Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

4. La requête d'appel de l'association Ambilly, Terres citoyennes énonce les moyens invoqués à l'appui des conclusions en réformation du jugement et en annulation de l'arrêté en litige. Une telle motivation, même si elle est succincte, répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Ainsi, la fin de non-recevoir soulevée par la ministre chargée des collectivités territoriales et de la ruralité doit être écartée.

En ce qui concerne l'intérêt à agir de l'association Ambilly, Terres citoyennes

5. En vertu des principes généraux de la procédure, tels qu'ils sont rappelés à l'article R. 811-1 du code de justice administrative, le droit de former appel des décisions de justice rendues en premier ressort est ouvert aux parties présentes à l'instance sur laquelle le jugement qu'elles critiquent a statué. L'association Ambilly, Terres citoyennes avait la qualité de partie à l'instance devant le tribunal administratif de Grenoble. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par l'établissement public foncier de Haute-Savoie et tirée du défaut de qualité de l'association Ambilly, Terres citoyennes pour faire appel du jugement attaqué doit être écartée.

Sur la recevabilité de la demande de première instance de l'association Ambilly, Terres citoyennes :

6. Il ressort des pièces du dossier, et, notamment, des statuts de l'association Ambilly, Terres citoyennes produits en première instance, que cette dernière a pour objet de promouvoir un urbanisme maîtrisé qui respecte l'identité de la commune, et, notamment, de réfléchir à l'aménagement des quartiers de la rue de Genève et du secteur Martinière-Ravier pour réussir une bonne intégration paysagère du tramway et éviter les quartiers " dortoir " insuffisamment reliés au bâti actuel, de favoriser le maintien et le développement des services et commerces pour éviter que la ville ne devienne une " ville dortoir " et de représenter la voix de ses membres et l'intérêt collectif dans les procédures liées au périmètre de déclaration d'utilité publique du quartier de la rue de Genève à Ambilly. Au regard du ressort géographique de cette association et du but que celle-ci s'est donné de limiter la densification urbaine, l'association Ambilly, Terres citoyennes a un intérêt suffisant pour demander l'annulation de l'arrêté litigieux par lequel le préfet de la Haute-Savoie a déclaré d'utilité publique le projet d'acquisitions d'immeubles relatives au projet de renouvellement urbain du quartier de la rue de Genève. Par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir en première instance de cette association opposée par l'établissement public foncier de Haute-Savoie doit être écartée.

Sur la légalité de l'arrêté du 26 novembre 2018 :

7. Il ressort des pièces du dossier que la déclaration d'utilité publique en litige a été prononcée pour l'acquisition de terrains nécessaires à une opération de renouvellement urbain du quartier de la rue de Genève à Ambilly, à la suite de la déclaration d'utilité publique, le 25 février 2014, du projet d'extension de la ligne de tramway reliant Moëllesulaz (Suisse) à Annemasse en empruntant cette rue et dont l'achèvement était prévu pour l'année 2019. Il ressort toutefois des pièces du dossier que ce projet, qui portait initialement sur l'acquisition de trente-six parcelles, dont vingt-huit bâties, d'une surface totale d'un hectare et quarante-neuf ares en vue, selon le dossier soumis à enquête publique, de la création de deux cents à deux cent cinquante logements, de la construction d'équipements publics et l'aménagement d'espaces publics, a été modifié par des délibérations du conseil municipal de la commune d'Ambilly du 27 septembre 2018 et du conseil d'administration de l'établissement public foncier de Haute-Savoie du 26 octobre 2018 afin de prendre en compte l'avis du commissaire enquêteur tenant à la nécessité pour l'établissement public foncier de justifier de l'utilité de l'expropriation des parcelles situées en deuxième et troisième rangs par rapport à la rue de Genève, comptant plusieurs maisons d'habitation individuelles, si bien que l'opération déclarée d'utilité publique ne portait plus que sur l'acquisition de neuf parcelles, situées de part et d'autre de la rue de Genève, d'une superficie totale de 5 597 m2 et dont quatre appartenaient au demeurant déjà à l'autorité expropriante. Cette modification, qui a eu pour effet de réduire très sensiblement le périmètre de la réserve foncière et de transformer l'opération, laquelle n'avait plus pour finalité la maîtrise de terrains nécessaire à la reconversion d'ensemble du quartier mais la simple reconfiguration du front de rue, a ainsi porté atteinte à l'économie générale du projet. Dans ces conditions, M. I... et Mme G... ainsi que l'association Ambilly, Terres citoyennes, sont fondés à soutenir que la modification apportée au projet à la suite de l'avis du commissaire enquêteur imposait la réalisation d'une nouvelle enquête.

8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, M. I..., Mme G... et l'association Ambilly, Terres citoyennes sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes et à demander l'annulation de l'arrêté du 26 novembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a déclaré d'utilité publique le projet d'acquisitions d'immeubles relatives au projet de renouvellement urbain du quartier de la rue de Genève.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. I... et Mme G... ainsi que l'association Ambilly, Terres citoyennes, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la commune d'Ambilly et l'établissement public foncier de Haute-Savoie demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. I... et Mme G..., d'une part, et de l'association Ambilly, Terres citoyennes, d'autre part.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 26 novembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a déclaré d'utilité publique le projet d'acquisitions d'immeubles relatives au projet de renouvellement urbain du quartier de la rue de Genève en vue du passage du tramway sur la commune d'Ambilly et le jugement n° 1902848-1903463 du tribunal administratif de Grenoble du 8 mars 2022 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. I... et Mme G... ensemble, d'une part, et à l'association Ambilly, Terres citoyennes, d'autre part, la somme de 1000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. K... I..., à Mme L... G..., à l'association Ambilly, Terres citoyennes, à l'établissement public foncier de Haute-Savoie, à la ministre chargée des collectivités territoriales et de la ruralité et à la commune d'Ambilly.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Arbaretaz, président,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2024.

La rapporteure,

A. EvrardLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière

F. Faure

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01355-22LY01385


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01355
Date de la décision : 18/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-02-01-01-005-05 Expropriation pour cause d'utilité publique. - Règles générales de la procédure normale. - Enquêtes. - Enquête préalable. - Procédure d'enquête. - Nécessité d'une nouvelle enquête.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : CABINET PHILIPPE PETIT & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-18;22ly01355 ?
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