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25/04/2024 | FRANCE | N°22LY00940

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 25 avril 2024, 22LY00940


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 1901398 du 28 janvier 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.



Procédure devant la cour



Par une requêt

e et un mémoire, enregistrés les 30 mars 2022 et 4 septembre 2023, M. D... C..., représenté par Me Couderc, demande à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1901398 du 28 janvier 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 mars 2022 et 4 septembre 2023, M. D... C..., représenté par Me Couderc, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la convention du 12 mars 1998 est l'acte constitutif d'une société créée de fait ;

- c'est à tort que la redevance a été imposée, pour partie dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, dès lors qu'il est propriétaire par prescription acquisitive des parcelles ayant antérieurement appartenu au cousin de son père.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il y a lieu de ramener à 5,56 % la part de la redevance de fortage imposée dans la catégorie des revenus fonciers à hauteur de 11,12 % et de porter à 19,44 % la part de cette redevance imposée à hauteur de 13,88 % dans la catégorie des bénéfices non commerciaux dans la limite des montants notifiés ;

- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 14 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 14 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Porée, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,

- et les observations de Me Couderc, représentant M. C... ;

Une note en délibéré présentée par M. C... a été enregistrée le 2 avril 2024 ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D... C..., propriétaire indivis, avec ses deux frères, MM. Bernard et Pierre C..., de plusieurs parcelles comprises dans un terrain situé à Etrembières (Haute-Savoie), d'une superficie totale de 178 555 m², exploité à usage de carrière par la SARL C... Père et fils en vertu d'un contrat de fortage conclu entre cette société et M. A... C..., leur père, décédé en 1998, renouvelé depuis lors à plusieurs reprises, a, comme ses frères et sa mère, Mme E... C..., laquelle détenait l'usufruit d'autres parcelles, fait figurer, dans ses déclarations de revenus des années 2013, 2014 et 2015, un revenu foncier égal à 25 % de la redevance de fortage versée par la société. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration estimant, au vu des actes qui lui ont été présentés, que la superficie totale des parcelles détenues en pleine propriété par M. C... et ses frères, soit 59 559 m², représentait, pour celui-ci une proportion de seulement 11,12 % du terrain d'emprise de la carrière, a soumis à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, sur le fondement de l'article 92-1 du code général des impôts, dans la mesure de cette proportion, les redevances que celui-ci avait déclarées dans la catégorie des revenus fonciers. M. C... a, par conséquent, été assujetti, au titre des années 2013, 2014 et 2015, à des compléments d'impôt sur le revenu résultant, d'une part, de la perte de l'abattement spécifique de 40 % applicable aux revenus de fortage et, d'autre part, de l'application de la majoration d'assiette de 1,25 prévue au 1°, alors en vigueur, de l'article 158-7 du même code à la fraction des redevances imposées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Les impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu assignées à M. C... ont été assorties des intérêts de retard et de la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts. Celui-ci relève appel du jugement du 28 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge de ces impositions, des contributions sociales corrélativement mises à sa charge et des pénalités correspondantes.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. D'une part, aux termes de l'article 14 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 15, sont compris dans la catégorie des revenus fonciers, lorsqu'ils ne sont pas inclus dans les bénéfices d'une entreprise industrielle, commerciale ou artisanale, d'une exploitation agricole ou d'une profession non commerciale : / (...) / 2° Les revenus des propriétés non bâties de toute nature, y compris ceux des terrains occupés par les carrières (...) ". Aux termes de l'article 29 de ce code : " Sous réserve des dispositions des articles 33 ter et 33 quater, le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires. (...) / Dans les recettes brutes de la propriété sont comprises notamment celles qui proviennent (...) de la concession du droit d'exploitation des carrières, de redevances tréfoncières ou autres redevances analogues ayant leur origine dans le droit de propriété ou d'usufruit. ". Aux termes de l'article 92 du même code : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 578 du code civil : " L'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance. ". Aux termes de l'article 582 de ce code : " L'usufruitier a le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l'objet dont il a l'usufruit. ". Aux termes de l'article 598 du même code : " Il jouit aussi, de la même manière que le propriétaire, des mines et carrières qui sont en exploitation à l'ouverture de l'usufruit (...) ". Aux termes de l'article 712 de ce code : " La propriété s'acquiert aussi par accession ou incorporation, et par prescription. ".

4. En premier lieu, l'existence d'une société de fait pour l'exploitation d'une entreprise résulte tant des apports faits à cette entreprise par deux ou plusieurs personnes, que de la participation de celles-ci à la direction et au contrôle de l'affaire, ainsi qu'aux bénéfices et aux pertes.

5. Par une convention du 12 mars 1998, le requérant, ses deux frères et leur mère ont décidé, d'un commun accord, de maintenir l'ensemble des terrains exploitables en carrière sous un seul contrat de fortage dont le bénéficiaire demeurerait la SARL C... Père et fils, de mettre en commun leurs droits et de diviser le revenu par parts égales. Si M. C... soutient avoir, par cette convention, apporté les parcelles dont il était propriétaire à une société de fait constituée entre les parties signataires, il ne résulte ni des stipulations de cette convention, qui a pour seul objet de répartir les revenus de fortage provenant de la société, ni de l'instruction que M. C... et les autres signataires ont pris part à la direction et au contrôle de l'affaire. Par suite, si M. C... entend soutenir que l'existence d'une société de fait serait de nature à faire obstacle à l'imposition des revenus de fortage dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, ce moyen ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, pour imposer une partie de la redevance de fortage dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, l'administration a pris en compte l'intégralité des parcelles cadastrées n° B 847, B 848, B 854, B 865, B 1847, B 1850 et B 1889, d'une surface totale de 59 559 m² comme étant la propriété du requérant et de ses frères. Il est constant que la moitié de ces parcelles, qui a été la propriété du père du requérant, appartient en pleine propriété à M. C... et ses deux frères. Il résulte par ailleurs du jugement, devenu définitif, du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains du 12 mai 2023 déclaré commun et opposable à l'administration fiscale, produit pour la première fois en appel, que le requérant et ses deux frères ont acquis par prescription, depuis le 11 avril 1987, des parcelles situées sur le territoire de la commune d'Etrembières et notamment la partie des sept parcelles mentionnées ci-dessus ayant appartenu auparavant au cousin du père du requérant. Il ne résulte pas de l'instruction, et notamment de l'annexe 2 à la proposition de rectification donnant la liste des terrains dont la mère du requérant est usufruitière avec les quotités d'usufruit, que celle-ci aurait l'usufruit de parcelles ayant antérieurement appartenu au cousin du père du requérant, alors que l'administration indique, dans ses écritures en défense, que 50 % des sept parcelles d'une superficie totale de 59 559 m² appartient au cousin du père de M. C... et que la mère du requérant détient l'usufruit de 100 % de quatre parcelles d'une superficie totale de 15 527 m² et de 50 % de trente-trois parcelles d'une superficie totale de 103 469 m².

7. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'annexe 2 à la proposition de rectification mentionnée au point 6, que l'intégralité des parcelles cadastrées n° B 616, B 861, B 1890 et B 1893 d'une superficie totale de 15 527 m², dont le requérant est nu-propriétaire avec ses frères, est grevée d'un usufruit au bénéfice de leur mère. Ainsi, dans cette mesure, la redevance de fortage ne peut pas relever de la catégorie des revenus fonciers.

8. Les autres parcelles cadastrées n° B 615, B 617, B 818, B 845, B 846, B 852, B 853, B 860, B 862, B 863, B 864, B 866, B 867, B 1002, B 1400, B 1405, B 1407, B 1897, B 1901, B 1902, B 1905, B 1906, B 1908, B 1911, B 2210, B 2211, B 2213, B 2215, B 2217, B 2219, B 2222 et B 2224 ont une superficie totale de 103 469 m². Il résulte de l'instruction, notamment de l'annexe 2 à la proposition de rectification mentionnée au point 6 ci-dessus, que la partie des parcelles précitées, qui a été la propriété du père de M. C..., est grevée d'un usufruit au bénéfice de sa mère. Ainsi, dans cette mesure, la redevance de fortage ne peut pas relever de la catégorie des revenus fonciers. Par ailleurs, le jugement du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains ne vise pas les parcelles cadastrées n° B 615, B 818, B 1002, B 1400, B 1405, B 1407, B 1901, B 1902, B 1905, B 1906, B 1908, B 1911, B 2210, B 2211, B 2213, B 2215, B 2217, B 2219, B 2222 et B 2224. Ainsi, dans la mesure des parcelles ayant appartenu au cousin du père du requérant, la redevance de fortage ne peut pas davantage relever des revenus fonciers. En revanche, il résulte du jugement du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains que le requérant et ses deux frères ont acquis par prescription, depuis le 11 avril 1987, la partie des parcelles cadastrées n° B 617, B 845, B 846, B 852, B 853, B 860, B 862, B 863, B 864, B 866, B 867 et B 1897 visées dans l'annexe 1 à la proposition de rectification donnant la liste des terrains objets du contrat de fortage (44 parcelles) ayant appartenu auparavant au cousin du père de M. C.... Il ne résulte pas de l'instruction, et notamment de l'annexe 2 à la proposition de rectification mentionnée au point 6, que la mère du requérant aurait l'usufruit des parcelles ayant antérieurement appartenu au cousin du père de M. C... acquises par prescription, alors que l'administration indique, dans ses écritures en défense, que 50 % des trente-trois parcelles d'une superficie totale de 103 469 m² appartient au cousin du père du requérant, et que sa mère détient l'usufruit, à hauteur de 100 %, de quatre parcelles d'une superficie totale de 15 527 m² et, à hauteur de 50 %, des trente-trois parcelles précitées d'une superficie totale de 103 469 m². Ainsi, dans la mesure de la partie des parcelles cadastrées n° B 617, B 845, B 846, B 852, B 853, B 860, B 862, B 863, B 864, B 866, B 867 et B 1897 ayant appartenu au cousin du père du requérant, la redevance de fortage doit être imposée dans la catégorie des revenus fonciers et c'est à tort qu'elle a été imposée dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

9. En troisième et dernier lieu, si le ministre fait valoir que la vérificatrice a considéré par erreur que M. C... et ses frères avaient la pleine propriété des sept parcelles d'une superficie de 59 559 m² alors qu'ils ne détenaient que la moitié de la propriété de ces parcelles et soutient qu'il y aurait lieu de ramener l'imposition de la redevance dans la catégorie des revenus fonciers à la moitié du montant imposable dans cette catégorie d'imposition admis à l'issue du contrôle sans, pour autant, tirer de conséquence du changement de catégorie d'imposition sur le montant de l'imposition assignée, une telle demande de substitution de base légale ne peut qu'être rejetée dès lors qu'elle concerne la partie des revenus déclarés par l'intéressé qui n'a pas été remise en cause par l'administration. Au demeurant, il résulte du point 6 du présent arrêt que l'intégralité des parcelles cadastrées n° B 847, B 848, B 854, B 865, B 1847, B 1850 et B 1889 est la pleine propriété de M. C... et de ses frères.

10. Il résulte de ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble ne lui a pas accordé une réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes, à concurrence de la prise en considération des revenus issus de la partie des parcelles ayant appartenu au cousin du père du requérant et cadastrées n° B 617, B 845, B 846, B 852, B 853, B 860, B 862, B 863, B 864, B 866, B 867 et B 1897, dans la catégorie des revenus fonciers et non dans celle des bénéfices non commerciaux.

Sur les frais liés aux litiges :

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. C... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est accordé à M. C... la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes, à concurrence de la prise en considération des revenus issus de la partie des parcelles ayant appartenu au cousin du père de M. C... et cadastrées n° B 617, B 845, B 846, B 852, B 853, B 860, B 862, B 863, B 864, B 866, B 867 et B 1897, dans la catégorie des revenus fonciers et non dans celle des bénéfices non commerciaux.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 janvier 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

M. Laval, premier conseiller,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 avril 2024.

Le rapporteur,

A. Porée

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

,

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00940


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00940
Date de la décision : 25/04/2024
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus fonciers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Arnaud POREE
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : COUDERC

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-25;22ly00940 ?
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