La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/04/2024 | FRANCE | N°23LY01467

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 30 avril 2024, 23LY01467


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 24 juin 2020 par laquelle le préfet de la Savoie a rejeté sa demande de regroupement familial formulée au bénéfice de son épouse et de leur fils.



Par un jugement n° 2004806 du 2 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision et a enjoint au préfet de la Savoie de procéder, sous deux mois, au réexamen de la demande de M. C....
<

br>



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 27 avril 2023, le préfet de la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 24 juin 2020 par laquelle le préfet de la Savoie a rejeté sa demande de regroupement familial formulée au bénéfice de son épouse et de leur fils.

Par un jugement n° 2004806 du 2 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision et a enjoint au préfet de la Savoie de procéder, sous deux mois, au réexamen de la demande de M. C....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 avril 2023, le préfet de la Savoie demande à la cour d'annuler le jugement n° 2004806 du 2 mars 2023 du tribunal administratif de Grenoble.

Le préfet soutient que :

- il n'a pas entaché sa décision de l'erreur de droit retenue par le tribunal car il a examiné attentivement la situation de M. C... au regard de l'article 4 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans s'estimer lié par l'irrégularité du séjour de l'épouse du demandeur ;

- l'autorité administrative n'est pas tenue d'assumer les conséquences du choix du couple C... de mener une vie familiale en France malgré l'irrégularité du séjour de Mme C..., alors que cette dernière avait été invitée, après un précédent refus de regroupement familial, à formuler une nouvelle demande depuis l'Algérie ;

- les étrangers ne tirent aucun droit de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de choisir le lieu le plus approprié au développement de leur vie privée et familiale et le requérant ne démontre pas une impossibilité pour ses enfants d'entamer ou de poursuivre une scolarité en Algérie.

M. C..., régulièrement mis en cause, n'a pas produit.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 avril 2024, le rapport de M. Gros, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant algérien né le 10 juin 1983, titulaire d'un certificat de résidence de dix ans délivré en janvier 2001, renouvelé depuis, a, en 2008, épousé une compatriote, laquelle est entrée en France en septembre 2016, accompagnée du premier enfant du couple. Par une décision du 20 juin 2018, le préfet de la Savoie a rejeté la demande de regroupement familial formulée par M. C... au profit de son épouse et de leur fils. En août 2019, M. C... a présenté une nouvelle demande, également rejetée le 24 juin 2020 par la même autorité. Par un jugement du 2 mars 2023, dont le préfet de la Savoie interjette appel, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ce second refus de regroupement familial et a enjoint au préfet de procéder au réexamen de la demande de M. C....

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Il ressort des termes de la décision attaquée qu'après avoir énoncé que la demande de M. C... avait fait l'objet d'un examen attentif au regard des stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de celles de de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le préfet a relevé que l'épouse du requérant se maintenait irrégulièrement en France, pour décider de rejeter cette demande. Il ressort de cette motivation que le préfet de la Savoie ne s'est pas borné à constater la seule présence sur place de Mme C..., mais a fait usage de son pouvoir d'appréciation et ne s'est pas estimé en situation de compétence liée. Par suite, c'est à tort que les premiers juges, pour annuler la décision attaquée, ont retenu que le préfet s'était estimé lié par la circonstance de la présence irrégulière en France de Mme C... et n'avait pas exercé son pouvoir d'appréciation au regard, notamment, de la vie privée et familiale de M. C....

3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

4. Aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. / Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. / Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1 - le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille (...) / 2 - le demandeur ne dispose ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France. / Peut être exclu de regroupement familial : (...) / 2 - un membre de la famille séjournant à un autre titre ou irrégulièrement sur le territoire français. / (...) ".

5. Si le préfet, lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, est en droit de rejeter la demande dans le cas où l'intéressé ne justifierait pas remplir l'une ou l'autre des conditions légalement requises notamment, comme, en l'espèce, en cas de présence anticipée sur le territoire français du membre de la famille bénéficiaire de la demande, il dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu de rejeter la demande, notamment dans le cas où ce rejet porterait une atteinte excessive au droit du demandeur de mener une vie familiale normale tel qu'il est protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui stipule que " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance " ou lorsqu'il est porté atteinte à l'intérêt supérieur d'un enfant tel que protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., titulaire, depuis janvier 2001, d'un certificat de résidence de dix ans, a, en Algérie, le 7 avril 2008, épousé une compatriote, laquelle l'a rejoint en France en septembre 2016, sous couvert d'un visa espagnol de court séjour. De cette union sont nés trois enfants, B..., le 2 avril 2013, Nehal, le 20 avril 2017, Sirin, le 15 novembre 2018. La famille occupe un logement d'une superficie de 86 m² et M. C... est titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée qui lui a procuré un revenu mensuel de l'ordre de 1 800 euros en 2019. Dans ces conditions, en opposant de nouveau un refus à la demande de regroupement familial formulée par M. C..., le préfet de la Savoie a porté une atteinte excessive au droit du requérant à mener une vie privée et familiale normale, et, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Il résulte de ce qui précède, sans besoin de statuer sur les autres moyens de la demande de M. C... que le préfet de la Savoie n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 24 juin 2020 refusant à M. C... le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse et de son fils aîné.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Savoie est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... C.... Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2024.

Le rapporteur,

B. GrosLe président,

F. Pourny

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01467


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01467
Date de la décision : 30/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Bernard GROS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-30;23ly01467 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award