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30/04/2024 | FRANCE | N°23LY01664

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 30 avril 2024, 23LY01664


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SARL La Reacana a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer, d'une part, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er septembre 2014 au 31 août 2016, du supplément de taxe sur les véhicules de sociétés mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015, du rappel de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue auquel elle a é

té assujettie au titre de l'année 2015, des majorations correspondantes et de l'amende qui ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL La Reacana a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer, d'une part, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er septembre 2014 au 31 août 2016, du supplément de taxe sur les véhicules de sociétés mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015, du rappel de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2015, des majorations correspondantes et de l'amende qui lui a été appliquée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, et, d'autre part, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et 2016 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2006965-2007019 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 15 mai 2023, la SARL La Reacana, représentée par Me Daly, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents à la période du 1er septembre 2014 au 31 août 2016, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et 2016 et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la vérification de comptabilité, qui a duré plus de neuf mois, a excédé le délai de trois mois, porté à six mois lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités, prévu à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ; elle n'a pas été informée de la prolongation du délai de vérification de comptabilité ;

- la reconstitution de ses chiffres d'affaires est incohérente dès lors que les entrées en discothèque représentent les deux tiers de l'ensemble des chiffres d'affaires reconstitués incluant également les recettes du bar au titre des exercices clos en 2015 et 2016 ;

- elle n'a pas ouvert son établissement lors du championnat d'Europe de football organisé en France du 10 juin au 10 juillet 2016 ;

- l'estimation excessive du nombre d'entrées en discothèque a pour conséquence une évaluation erronée des recettes du bar ;

- le taux de marge brut après reconstitution des chiffres d'affaires est excessif par rapport aux données sectorielles.

Par un mémoire, enregistré le 28 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 8 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 29 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Porée, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL La Reacana, qui est la mère d'un groupe fiscalement intégré, exerce une activité de holding, de débit de boissons et de discothèque. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité concernant son établissement Le Club 18 situé à La Clusaz (Haute-Savoie), qui exploite une discothèque, portant sur la période du 1er septembre 2014 au 31 août 2016. Dans le cadre de ce contrôle, et après avoir rejeté la comptabilité présentée comme non probante, le vérificateur a, selon la procédure contradictoire, procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires des activités de bar et de vente de billets d'entrée dans la discothèque. Il a également remis en cause le caractère déductible des résultats imposables de certaines dépenses comptabilisées par la société et de la taxe sur la valeur ajoutée y afférente et procédé à des rectifications en matière de taxe sur les véhicules de société, de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue. La SARL Le Reacana a, en conséquence, été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2015 et 2016, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er septembre 2014 au 31 août 2016, assortis, selon les chefs de rectification, de la majoration de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts ou de la majoration de 80 % prévue au c. du même article, ainsi qu'à des suppléments de taxe sur les véhicules de société au titre de la période du 1er septembre 2014 au 30 septembre 2015, de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue au titre de l'année 2015, assortis de la majoration de 10 % prévue au a. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts. Elle s'est, enfin, vu infliger une amende en application de l'article 1759 du même code. Par un jugement du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble, après les avoir jointes, a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a assujettie et sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, de taxe sur les véhicules de société, de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue qui lui ont été réclamés, des majorations correspondantes, ainsi que de l'amende qui lui a été appliquée. Elle doit être regardée comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses demandes en matière d'impôt sur les sociétés, de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations correspondantes.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. La SARL La Reacana ne conteste pas le rejet de la comptabilité présentée, mais critique la reconstitution des recettes de son établissement Le Club 18.

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que pour procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires des entrées en discothèque, le vérificateur s'est fondé, d'une part, sur les prix d'entrée au Club 18, tels qu'il ressortent des affiches promotionnelles, et, d'autre part, sur le nombre réel de billets vendus déterminé en fonction du nombre de billets commandés auprès du fournisseur de rouleaux de billets vierges, obtenu par l'exercice du droit de communication, toute entrée gratuite ayant été exclue en l'absence de délivrance de billets d'entrée gratuits. La SARL La Reacana soutient que la reconstitution des chiffres d'affaires des entrées opérée par le service, qui représente deux tiers du chiffre d'affaires global, est incohérente, dans la mesure où selon le syndicat professionnel des exploitants de discothèques, les ventes de boissons représentent environ 65 % des recettes des discothèques, le surplus étant constitué des prix d'entrée et des vestiaires. Toutefois, outre qu'elle ne produit pas la documentation sur laquelle elle s'appuie, les chiffres retenus par le service vérificateur procèdent, ainsi qu'il vient d'être dit, des conditions de fonctionnement propres à l'entreprise, notamment du nombre de billets d'entrée commandés et de leur prix de vente, et ce alors que chaque billet d'entrée au Club 18 comprend une boisson gratuite, ce qui n'est pas forcément le cas dans toutes les discothèques. Il résulte par ailleurs de l'instruction que le vérificateur a reconstitué les chiffres d'affaires du bar de l'ensemble de la période vérifiée en appliquant au nombre d'entrées le rapport moyen de consommations payées au bar par entrée payante comptabilisées par la société requérante au titre l'exercice clos en 2016, rapport qu'elle ne conteste pas. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme justifiant du bien-fondé de la méthode selon laquelle a été reconstitué, pour les deux exercices en litige, le chiffre d'affaires des entrées et, corrélativement, celui des ventes de boissons.

4. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que l'administration, en se fondant sur les publications de l'établissement sur le réseau social Facebook, a retenu que le Club 18 avait été ouvert en dehors de la période hivernale, notamment les week-ends du printemps 2016 et les week-ends et les jours de matchs de l'équipe de France pendant la coupe d'Europe de football du 10 juin au 10 juillet 2016, les recettes supplémentaires réalisées ayant été déterminées, en dernier lieu, comme correspondant à 20 % des recettes de la saison hivernale. Si la SARL La Reacana soutient que l'affiche promotionnelle mentionnant l'ouverture du Club 18 pendant la coupe d'Europe de football n'était qu'un projet, cette publication figurait toujours sur Facebook lors de la vérification de comptabilité et il ne résulte pas de l'instruction que les soirées annoncées auraient été annulées. Si elle soutient n'avoir pas acheté de boissons avant l'été 2016, le contrat conclu le 14 janvier 2016 avec la société MHD Moët Hennessy Diagéo ne prévoit pas un approvisionnement exclusif auprès de ce fournisseur et il ressort du " compte de résultat détail " que les achats de boissons sont passés de 21 381 euros pour l'exercice clos en 2015 à 28 990 euros pour l'exercice clos en 2016. Enfin, l'administration relève que la SARL La Reacana a déclaré une charge salariale mensuelle d'environ 8 000 euros au cours de l'été 2016 au niveau du groupe et qu'elle effectue la répartition de cette charge entre les différentes entités du groupe, de telle sorte que l'absence de comptabilisation de charges de personnel pendant l'été 2016 au niveau de l'établissement Le Club 18, dont la comptabilité a été écartée comme non probante, ne suffit pas à remettre en cause l'ouverture de la discothèque. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a pris en compte, dans la reconstitution opérée, un chiffre d'affaires réalisé au titre de la période du 10 juin au 10 juillet 2016.

5. En troisième et dernier lieu, la SARL La Reacana soutient que les taux de marge brute de 91 % et de 93 %, retenus par le service au titre, respectivement, des exercices clos en 2015 et 2016, sont excessifs. Il résulte toutefois de l'instruction que ce taux de marge brute a été ramené à 89,30 % au stade de la réponse aux observations du contribuable, correspondant à la moyenne des taux relevés dans les discothèques en France issue de données officielles de l'INSEE. Si la SARL La Reacana se prévaut d'un taux de marge brute de 82,63 % au 5 décembre 2017 ressortant du site internet www.jesuisentrepreneur.fr, ce site ne précise pas les sources sur lesquelles il s'appuie pour déterminer ce taux. Enfin, la société requérante ne peut utilement se prévaloir d'une majoration artificielle de ses achats par le service, dès lors, d'une part, que la reconstitution des recettes du bar a été opérée, non à partir des achats revendus, mais en fonction du nombre d'entrées en discothèque vendues, et, d'autre part, que cette majoration des achats a été effectuée dans le seul but de permettre, en dernier lieu, une diminution du taux de marge brut initialement retenu, ce qui est favorable à la société dont les résultats imposables ont été réduits à due proportion. Par suite, la SARL La Reacana n'est pas fondée à soutenir que le taux de marge retenu par l'administration est excessif.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

6. Aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales : " I. - Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; (...) II. - Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : (...) 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois. (...) ". Aux termes du I de l'article 302 septies A du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Il est institué par décret en Conseil d'Etat un régime simplifié de liquidation des taxes sur le chiffre d'affaires dues par les personnes dont le chiffre d'affaires, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'exploitation au titre de l'année civile précédente, n'excède pas 783 000 €, s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou 236 000 €, s'il s'agit d'autres entreprises. Ces limites s'apprécient en faisant abstraction de la taxe sur la valeur ajoutée et des taxes assimilées. ".

7. Lorsque l'activité d'une entreprise ressortit à la fois aux deux catégories ci-dessus, la limitation à trois mois de la durée de la vérification ne s'applique qu'à la double condition que le chiffre d'affaires global n'excède pas le seuil prévu pour l'activité de vente de marchandises et que le chiffre d'affaires afférent aux autres opérations ne dépasse pas lui-même le seuil correspondant. En outre, il résulte des dispositions précitées qu'une vérification de comptabilité portant sur plusieurs exercices peut durer plus de trois mois lorsque le chiffre d'affaires de la société contrôlée excède, au titre de l'un des exercices vérifiés, les seuils fixés par cet article pour l'activité qu'elle exerce. Enfin, il appartient au juge de l'impôt d'apprécier si la limite ainsi fixée a été ou non dépassée en tenant compte des rectifications apportées à bon droit par l'administration au chiffre d'affaires de l'entreprise.

8. Il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité de la SARL La Reacana s'est déroulée du 13 septembre 2017 au 28 juin 2018. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que c'est à bon droit que l'administration a rectifié le chiffre d'affaires des entrées en discothèque au titre de l'exercice clos le 31 août 2016 pour l'établir à la somme de 257 893 euros HT, qui est supérieure au seuil de 236 000 euros fixé par les dispositions précitées du I de l'article 302 septies A pour les prestations autres que la vente de marchandises. Ainsi, et en tout état de cause, la SARL La Reacana ne peut utilement se prévaloir de la limitation de la durée de la vérification de comptabilité à trois mois, portée à six mois en cas de graves irrégularités entachant la comptabilité, prévue à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans le champ d'application duquel elle n'entre pas. Elle ne saurait, dès lors, utilement soutenir qu'elle aurait dû être informée, par le service, du dépassement de l'un ou l'autre de ces délais. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que la SARL La Reacana n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL La Reacana est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL La Reacana et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,

M. Laval, premier conseiller,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 avril 2024.

Le rapporteur,

A. Porée

La présidente,

A. Courbon

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01664


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01664
Date de la décision : 30/04/2024
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net.


Composition du Tribunal
Président : Mme COURBON
Rapporteur ?: M. Arnaud POREE
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : JURISOPHIA SAVOIE - BUREAU D'ANNECY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-30;23ly01664 ?
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