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05/06/2003 | FRANCE | N°98MA01198

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ere chambre - formation a 3, 05 juin 2003, 98MA01198


Vu 1°), la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 21 juillet 1998 sous le n° 98MA01198, présentée pour M. Simon X, demeurant ..., par Me GIRARD, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°/ de réformer l'ordonnance n° 98-2357, en date du 30 juin 1998, par laquelle le magistrat délégué chargé des référés du Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices résultant pour lui du retrait d'agrément d'employé de je

ux pris à son encontre par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ;

Classement CNIJ : 49-05

63-...

Vu 1°), la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 21 juillet 1998 sous le n° 98MA01198, présentée pour M. Simon X, demeurant ..., par Me GIRARD, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°/ de réformer l'ordonnance n° 98-2357, en date du 30 juin 1998, par laquelle le magistrat délégué chargé des référés du Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices résultant pour lui du retrait d'agrément d'employé de jeux pris à son encontre par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ;

Classement CNIJ : 49-05

63-02

C

2°/ de dire qu'il détient une obligation non sérieusement contestable à l'encontre du MINISTRE DE L'INTERIEUR et, en conséquence, de condamner l'Etat à lui payer, à titre de provision, une indemnité de 500.000 F ;

3°/ de condamner également l'Etat à lui payer la somme de 10.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Il fait valoir qu'en procédant au retrait de l'agrément d'employé de jeux dont il était titulaire, sur la seule considération de l'existence d'une instruction pénale diligentée à son encontre, le MINISTRE DE L'INTERIEUR a méconnu la présomption d'innocence et le principe mentionné à l'article 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'il aurait dû se contenter de prendre une mesure de suspension ; que d'ailleurs, il a bénéficié d'une décision de relaxe à l'issue de la procédure pénale confirmant qu'il n'avait pas commis les faits qui lui étaient reprochés ; que par suite, le ministre a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que les décisions du juge pénal s'imposent à l'administration ; que l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence confirmant le caractère définitif de sa relaxe n'a pas été pris en compte ; que dans d'autres affaires similaires des solutions inverses ont été adoptées et des provisions ont été versées ; qu'en l'état du caractère non sérieusement contestable de sa créance, il a droit à une provision du montant demandé ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu la mise en demeure de produire sa défense adressée au MINISTRE DE L'INTERIEUR le 6 mai 1999 ;

Vu, enregistré le 5 juillet 1999, le mémoire en défense présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, qui demande à la Cour de rejeter la demande de M. X ;

Le ministre fait valoir que le requérant n'établit pas détenir une créance non sérieusement contestable ; que la décision du 4 octobre 1990 en litige n'a pas porté atteinte à la présomption d'innocence, la mesure de retrait d'agrément n'ayant aucune influence sur le cours de la procédure pénale ; que les dispositions applicables ne prévoient pas de mesure de suspension de l'agrément d'employé de jeux ; que le retrait d'agrément est justifié compte tenu des charges qui pesaient à l'époque sur l'intéressé et à la nature de ses fonctions ; que l'existence d'une procédure pénale ne fait pas obstacle à ce que l'agrément soit retiré ; que le jugement puis l'arrêt prononçant sa relaxe, au motif que les faits qui lui étaient reprochés n'étaient pas établis, sont sans incidence sur la mesure prise ; que par suite, le retrait d'agrément n'est pas constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que le préjudice allégué est sans lien direct avec la décision du 4 octobre 1990 dès lors qu'il n'est imputable qu'à la décision de le licencier prise par son employeur bien avant le retrait de l'agrément ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu 2°), la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 4 février 2000 sous le n° 00MA00243, présentée pour M. Simon X, demeurant ..., par Me GIRARD, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 96-3505 et 98-2810, en date du 4 novembre 1999, en tant que le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices résultant pour lui du fait de la mesure de retrait d'agrément d'employé de jeux prise à son encontre par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ;

2°/ de condamner le MINISTERE DE L'INTERIEUR à lui payer la somme de 2.500.000 F au titre de son préjudice économique et celle de 500.000 F au titre de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la présente requête ;

3°/ de condamner le MINISTERE DE L'INTERIEUR à lui verser en outre la somme de 50.000 F au titre des frais irrépétibles ;

Il fait valoir qu'en prenant la mesure de retrait d'agrément en litige, le ministre a fait preuve d'une légèreté blâmable et d'une précipitation coupable alors que, même inculpé, il bénéficiait de la présomption d'innocence ; que le principe visé à l'article 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen a été méconnu ; que le ministre aurait dû se contenter de prendre une simple mesure de suspension ; que la relaxe définitivement prononcée en sa faveur par un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence s'impose à la juridiction administrative ; que le ministre a également refusé de lui délivrer un nouvel agrément et donc de tirer les conséquences de cette relaxe ; que le jugement attaqué est critiquable en ce qu'il ne prend pas en compte la décision de relaxe prononcée en sa faveur ; que le reproche qui lui est fait de n'avoir pas exercé une surveillance suffisante dans le cadre de son activité professionnelle ne constituait pas le motif de la décision de retrait d'agrément et porte sur une obligation qui n'est prévue par aucun texte ; que la distinction opérée par le tribunal administratif entre les employés ayant bénéficié d'une relaxe, pour lesquels aucune indemnité n'a été allouée et ceux ayant obtenu un non lieu, dont le préjudice moral a été réparé, ne se justifie pas ; que la mesure contestée, qui est fautive, lui a causé un préjudice économique en le privant de la possibilité de trouver un nouvel emploi dans la même activité alors qu'il n'a jamais fait l'objet dans son travail d'appréciations défavorables ; que ce qui constitue une sanction lui a également causé un préjudice moral ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 11 décembre 2001, le mémoire en défense présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, qui demande à la Cour :

1°/ de confirmer le jugement attaqué, en date du 4 novembre 1999, du Tribunal administratif de Nice ;

2°/ de rejeter la requête de M. X ;

Le ministre fait valoir que la mesure prise à l'encontre de M. X est une sanction qui tient compte de l'existence d'une procédure pénale pour escroquerie engagée contre plusieurs employés du Casino de Cannes dont l'intéressé, lesquels faisaient l'objet d'une inculpation ; qu'eu égard à sa nature, l'administration dispose, pour prendre cette mesure, d'un entier pouvoir d'appréciation, sous le contrôle du juge ; que la décision en litige est suffisamment motivée ; que s'agissant d'une mesure de police administrative, le principe de présomption d'innocence ne peut être opposé ; que la circonstance que l'intéressé ait bénéficié d'une relaxe n'est pas de nature à démontrer l'absence de bien fondé de la mesure ; que dès lors, aucune faute n'a été commise, ce qui fait obstacle à ce que la responsabilité de l'Etat soit engagée ; qu'en conséquence, aucune indemnisation du préjudice ne peut intervenir ; que, de plus, aucun lien direct entre la décision du 4 octobre 1990 et une privation de revenu n'est établi ; qu'en ce qui concerne le refus d'abroger cette mesure, il n'est pas davantage la cause de ce préjudice ; que la somme demandée par le requérant au titre de son préjudice moral n'est pas justifiée ; que ce préjudice n'est pas davantage la conséquences des mesures prises à l'encontre de M. X ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 15 juin 1907 réglementant le jeu dans les cercles et les casinos des stations balnéaires, thermales et climatiques ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le décret n° 59-1498 du 22 décembre 1959 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 2003 :

- le rapport de M. HERMITTE, premier conseiller ;

- les observations de M. X Simon ;

- et les conclusions de M. BENOIT, premier conseiller ;

Considérant que les requêtes présentées par M. X concernent la même décision du MINISTRE DE L'INTERIEUR et présentent à juger des mêmes questions ; que par suite, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la requête n° 00MA00244 :

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant que pour retirer, par décision en date du 3 août 1990, à M. X son agrément comme employé de jeux, le MINISTRE DE L'INTERIEUR s'est fondé sur le motif, porté à sa connaissance, que l'intéressé avait été impliqué dans une affaire d'escroquerie concernant l'établissement de jeux de Cannes dans lequel il exerçait ses fonctions ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que M. X ait commis les faits qui lui ont été imputés ; que d'ailleurs il a bénéficié d'une décision de relaxe prononcée le 29 juillet 1994 par le Tribunal correctionnel de Grasse confirmé en appel par un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 15 février 1996 ; que le MINISTRE DE L'INTERIEUR n'établit pas plus en appel qu'il ne l'avait fait en première instance, que d'autres faits que ceux ayant donné lieu à la procédure pénale susmentionnée étaient de nature à justifier le retrait d'agrément prononcé ; que par suite la décision du 3 août 1990 du MINISTRE DE L'INTERIEUR est entachée d'illégalité ; que cette illégalité est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que par suite, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué ;

Sur le préjudice :

Considérant, en premier lieu, que M. X demande une indemnité au titre de son préjudice matériel correspondant à la perte de son salaire et à la perte de chance de retrouver un emploi dans le même secteur d'activité ; que si M. X a été licencié par son employeur à compter du 17 juillet 1989 après que l'inspecteur du travail ait donné son accord à ce licenciement, le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a, sur recours hiérarchique de M. X, annulé l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ; que suite à cette annulation et au refus d'autorisation de licenciement subséquent, la Société Palm Beach de Cannes a réintégré M. X par lettre en date du 21 décembre 1989 ; que toutefois, celui-ci s'est vu notifié son licenciement par lettre en date du 20 décembre 1990, après que l'inspecteur du travail ait donné son autorisation à ce licenciement au vu du retrait d'agrément d'employé de jeux pris par le MINISTRE DE L'INTERIEUR le 3 août 1990 ; que la suspension du contrat de travail de l'intéressé à compter du 12 juin 1990 alléguée par le MINISTRE DE L'INTERIEUR n'est pas établie ; que toutefois M. X, qui était sous le coup d'une mesure d'interdiction de fréquenter les salles de jeux prononcée par le juge d'instruction, le 10 septembre 1990, ne pouvait, à compter de cette date et jusqu'au jugement en date du 29 juillet 1994 du Tribunal correctionnel de Grasse, exercer son activité professionnelle ; que, de plus, il n'a saisi le ministre d'une demande tendant à ce que le retrait d'agrément le concernant soit abrogé que le 22 avril 1996 étant précisé qu'un tel agrément n'est pas une condition nécessaire à l'engagement mais uniquement un préalable à la prise de fonction ainsi que cela résulte des dispositions de l'article 8 du décret du 22 décembre 1959 susvisé ; que par suite, M. X ne se trouvait pas dans l'impossibilité de rechercher un nouvel emploi à compter de la date du jugement du 29 juillet 1994 prononçant sa relaxe, qui a eu pour effet de mettre fin à la mesure d'interdiction de pénétrer notamment dans les casinos prononcée par le juge d'instruction ; que le requérant ne justifie pas avoir fait de démarche particulière pour retrouver un emploi dans un établissement de jeux ; que par suite, M. X n'établit pas avoir subi un préjudice économique directement imputable à la mesure de retrait d'agrément dont il a fait l'objet ;

Considérant, en second lieu, que le retrait d'agrément a entraîné pour M. X un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ; qu'alors même que l'atteinte à sa réputation résulte essentiellement de sa mise en cause dans l'affaire du Casino de Cannes, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant à 5.000 euros (32.797,85 F) l'indemnité correspondante ;

Sur les intérêts :

Considérant que M. X demande que lui soient versés les intérêts de droit sur l'indemnité que l'Etat est condamné à lui payer à compter de la date d'enregistrement de sa requête d'appel ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à cette date, soit le 4 février 2000 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit déclaré responsable du préjudice résultant pour lui du retrait de son agrément d'employé de jeux ;

Sur la requête n° 98MA01198 :

Considérant que dès lors qu'il vient d'être statué sur la requête tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer le préjudice subi par M. X, ses conclusions tendant à ce qu'une provision lui soit accordée sont dépourvues d'objet ; que par suite, il n'y a plus lieu d'y statuer ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser la somme de 1.000 euros à M. X sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 98MA01198 de M. X.

Article 2 : Le jugement n° 96-3505 et 98-2810, en date du 4 novembre 1999, du Tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 3 : L'Etat (ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales) est condamné à payer à M. X la somme de 5.000 euros (cinq mille euros), avec intérêts au taux légal à compter du 4 février 2000.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : L'Etat (ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales) est condamné à payer à M. X la somme de 1.000 euros (mille euros) sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. X et au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES.

Délibéré à l'issue de l'audience du 7 mai 2003, où siégeaient :

M. ROUSTAN, président de chambre ;

M. HERMITTE, Mme BUCCAFURRI, premiers conseillers,

assistés de Mme RANVIER, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 5 juin 2003.

Le président, Le rapporteur,

Marc ROUSTAN Gilles HERMITTE

Le greffier,

signé

Patricia RANVIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

N° 98MA01198 00MA00244 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 98MA01198
Date de la décision : 05/06/2003
Sens de l'arrêt : Non-lieu
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. ROUSTAN
Rapporteur ?: M. HERMITTE
Rapporteur public ?: M. BENOIT
Avocat(s) : GIRARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-06-05;98ma01198 ?
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