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18/12/2003 | FRANCE | N°00MA02046

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4eme chambre-formation a 3, 18 décembre 2003, 00MA02046


Vu la requête et le mémoire ampliatif enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 12 septembre 2000 et le 20 novembre 2000 sous le N° 00MA02046, présentés pour la SCI nouvelle Californie, dont le siège est 79, rue du Président Wilson à Levallois-Perret (92300), par Me X..., avocat ;

La société demande à la Cour :

Classement CNIJ : 68-02-401

C

1°/ d'annuler le jugement N° 962478-962501 en date du 23 mai 2000 par lequel le Tribunal administratif de Nice a refusé de faire droit a sa demande tendant à la décharge ou à la ré

duction des impositions mises à sa charge au titre de la taxe locale d'équipement et des t...

Vu la requête et le mémoire ampliatif enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 12 septembre 2000 et le 20 novembre 2000 sous le N° 00MA02046, présentés pour la SCI nouvelle Californie, dont le siège est 79, rue du Président Wilson à Levallois-Perret (92300), par Me X..., avocat ;

La société demande à la Cour :

Classement CNIJ : 68-02-401

C

1°/ d'annuler le jugement N° 962478-962501 en date du 23 mai 2000 par lequel le Tribunal administratif de Nice a refusé de faire droit a sa demande tendant à la décharge ou à la réduction des impositions mises à sa charge au titre de la taxe locale d'équipement et des taxes départementales annexes pour dépassement du plafond légal de densité ;

2°/ d'accorder la décharge ou la réduction demandée ;

3°/ de lui allouer 25.000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Elle soutient :

- que le Tribunal administratif a soulevé d'office le moyen tiré de la loi de validation, sans en aviser les parties ;

- qu'il n'a pas statué sur le moyen tiré de l'irrégularité de l'ordre de recettes en litige ni sur le moyen tiré de la violation de la convention européenne des droits de l'homme du 4 novembre 1950 ;

- que le signataire de la décision en litige était incompétent ;

- que la loi de validation qui écarte cette incompétence est contraire à la convention susdite ;

- que l'article L.112-1 du code de l'urbanisme qui institue la redevance en litige est contraire lui aussi à cette convention ;

- que la redevance en litige ne pourrait être réclamée sans titre exécutoire régulier ;

- que l'avis du service des domaines devait être pris ;

- que la loi de validation qu'on lui oppose est contraire à l'article 14 de la convention susmentionnée ;

- que l'article 13 de cette convention est aussi violé dès lors qu'elle n'a pas de recours effectif ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 20 janvier 2003, présenté par le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, le ministre conclut au rejet de la requête, il soutient que le Tribunal administratif n'a écarté implicitement que des moyens inopérants, ce qui n'entache pas le jugement d'irrégularité ; que le Tribunal administratif a répondu suffisamment sur le moyen tiré de l'inconventionnalité du versement pour dépassement du plafond légal de densité ;

Vu le mémoire enregistré le 24 février 2003, présenté pour la SCI nouvelle Californie, elle conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire enregistré le 5 décembre 2003, présenté par le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ; il conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la convention européenne des droits de l'homme du 4 novembre 1950 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en vigueur jusqu'au 31 décembre 2000, ensemble le code de justice administrative entré en vigueur le 1er janvier 2001 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience du 9 décembre 2003 :

- le rapport de M. DUBOIS, premier conseiller ;

- les observations de Me X... représentant la SCI nouvelle Californie ;

- et les conclusions de M. BEDIER, premier conseiller ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que si en principe le juge ne peut être regardé comme soulevant un moyen d'office lorsqu'il refuse de faire bénéficier le requérant des dispositions d'un texte invoqué par lui, au motif que les conditions d'application de ce texte ne sont pas remplies, il en va autrement lorsque ces conditions sont prévues par un texte distinct qu'il oppose au demandeur sans que ce texte n'ait été invoqué par l'une au moins des parties au cours de la procédure ; qu'ainsi, en l'espèce, en opposant aux moyens articulés par la SCI Californie contre la régularité des décisions d'assujettissements dont elle était l'objet, la loi N° 981267 du 30 décembre 1998 qui par son article 50-II portait validation de certains actes d'imposition et dont aucune partie n'avait fait état, les premiers juges ont soulevé ce moyen d'office ; que, dès lors qu'ils ont omis, ce faisant, de procéder aux formalités prévues par l'article L.611-7 du code de justice administrative, ils ont entaché en cela leur décision d'irrégularité ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la requête présentée par la SCI nouvelle Californie devant le Tribunal administratif de Nice ;

Considérant en premier lieu que la société requérante fait valoir que la décision d'assujettissement en litige n'a ni été prise en forme d'arrêté, ni rendue exécutoire par le préfet ; que d'une part aucun texte n'impose qu'une telle décision soit prise en forme d'arrêté ; que d'autre part, en application de l'article 50-II de la loi N° 981267 du 30 décembre 1998, de telles décisions sont réputées régulières si elles sont contestées pour un motif tiré de l'absence de signature ou de l'incompétence de l'auteur de l'acte ; que dès lors ces moyens sont inopérants ;

Considérant en deuxième lieu que l'article 6, § 1 de la convention européenne des droits de l'homme du 4 novembre 1950 concerne seulement les contestations portant sur les « droits et obligations de caractère civil » et « le bien-fondé de toute accusation en matière pénale », que, par suite, hormis le cas de litige portant sur des sanctions fiscales, qui n'est pas celui de la présente espèce, ces dispositions ne peuvent être utilement invoquées devant le juge de l'impôt ; que par suite les moyens qui en sont tirés sont inopérants ;

Considérant en troisième lieu que, dès lors que les dispositions de l'article 1 du protocole additionnel N° 1 à la convention européenne des droits de l'homme du 4 novembre 1950 réservent aux Etats la possibilité de réglementer l'usage des biens dans un but d'intérêt général et d'édicter des règles propres à assurer le paiement de l'impôt, les dispositions critiquées du code de l'urbanisme relatives au versement pour dépassement du plafond légal de densité, dont, en tout état de cause, aucun élément ne vient établir qu'elles auraient été prises dans un but autre que l'intérêt général, ne sont en rien contraires à cette convention, dès lors qu'elles ne privent les redevables de la taxe en cause que de la seule possibilité d'invoquer au contentieux des moyens d'incompétence de pure forme et qu'elles ne font pas obstacle à la présentation de tout autre moyen touchant la procédure ou le bien-fondé de cette taxe ;

Considérant en quatrième lieu que la société requérante a eu la possibilité de saisir la juridiction administrative du présent litige, qu'elle n'apporte aucun élément de nature à établir que ce recours formé devant un juge indépendant et disposant d'un pouvoir de pleine juridiction n'aurait pas le caractère d'un recours effectif au sens des dispositions de l'article 13 de la convention européenne des droits de l'homme du 4 novembre 1950 ;

Considérant en cinquième lieu que la loi N° 981267 en date du 30 décembre 1998 en son article 50-II se borne à modifier rétroactivement la compétence des agents de l'administration en ce qui concerne certaines procédures d'impositions ; que ce texte, qui ne revient sur aucune garantie particulière accordée aux administrés n'a en lui-même aucun effet sur la jouissance par ceux-ci des droits et libertés reconnus par la convention européenne des droits de l'homme du 4 novembre 1950 ; que par suite il ne saurait être regardé comme contraire à l'article 14 de cette convention qui prohibe toute discrimination dans la jouissance de ces droits et libertés ;

Considérant en sixième lieu que si la procédure d'élaboration du versement pour dépassement du plafond légal de densité, prévue par l'article R.333-4 du code de l'urbanisme prévoit que l'avis du directeur des services fiscaux sur la valeur du bien en cause doit être recueillie, et non d'ailleurs celui du service des domaines, le moyen tiré de l'absence de cet avis est en l'espèce inopérant, dès lors que le versement en litige a été établi conformément à la valeur locative déclarée par la société requérante ;

Considérant en septième lieu que si la société requérante soutient que le conseil municipal d'Antibes n'avait pas informé, lorsqu'il a pris sa délibération en date du 10 mars 1987 décidant le maintien au taux de 2 du versement pour dépassement du plafond légal de densité, les communes limitrophes de son projet en violation de l'article L.112 du code de l'urbanisme en sa rédaction alors en vigueur, il échêt de relever que cette formalité n'est imposée que pour l'instauration d'un plafond légal de densité et non pour le maintien du taux du versement ; que, dès lors, ce moyen est inopérant ; que, par ailleurs, ce texte n'impose pas que le conseil municipal concerné soit informé des réponses données par les organes des communes limitrophes ;

Considérant en huitième lieu que la société requérante fait valoir que l'absence de paiement de la taxe en litige résulte pour elle d'un cas de force majeure dès lors que des recours formés par des tiers contre le permis de construire dont s'agit rendaient incertaine la conclusion de l'opération ; que toutefois la seule existence d'une telle incertitude ne saurait en aucune hypothèse revêtir le caractère imprévisible et irrésistible qui s'attache à l'existence d'un cas de force majeure ; que dès lors le moyen ne peut qu'être écarté ;

Considérant en neuvième lieu que si la société requérante entend se prévaloir de l'inexistence matérielle de la décision, il est constant que cette décision est matérialisée par la lettre du directeur départemental de l'équipement en date du 17 juillet 1992 produite au dossier ; que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susvisées de l'article L.761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à rembourser à la SCI nouvelle Californie les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement N° 962478-962507 en date du 23 mai 2000 du Tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la requête présentée par la SCI nouvelle Californie devant le Tribunal administratif de Nice sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la SCI nouvelle Californie relatives aux frais irrépétibles sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI nouvelle Californie et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

Délibéré à l'issue de l'audience du 9 décembre 2003, où siégeaient :

M. BERNAULT, président de chambre,

M. DUCHON-DORIS, président assesseur,

M. DUBOIS, premier conseiller,

assistés de Mme GIORDANO, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 18 décembre 2003.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

François BERNAULT Jean DUBOIS

Le greffier,

Signé

Danièle GIORDANO

La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

N°00MA02046 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4eme chambre-formation a 3
Numéro d'arrêt : 00MA02046
Date de la décision : 18/12/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: M. DUBOIS
Rapporteur public ?: M. BEDIER
Avocat(s) : S.C.P. RICARD PAGE et DEMEURE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-12-18;00ma02046 ?
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