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18/10/2004 | FRANCE | N°00MA00531

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ere chambre - formation a 3, 18 octobre 2004, 00MA00531


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 14 mars 2000 sous le n°'00MA00531, présentée pour la COMMUNE DE CERBERE, représentée par son maire en exercice à ce dûment autorisé par une délibération du conseil municipal en date du 29 février 2000 par la SCP d'avocats COULOMBIE - GRAS ; la COMMUNE DE CERBERE demande à la Cour :

1') d'annuler le jugement n° 98-1086 en date du 20 décembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à payer à M. X et à Mme Y une somme de 50.000 F en réparation du préju

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 14 mars 2000 sous le n°'00MA00531, présentée pour la COMMUNE DE CERBERE, représentée par son maire en exercice à ce dûment autorisé par une délibération du conseil municipal en date du 29 février 2000 par la SCP d'avocats COULOMBIE - GRAS ; la COMMUNE DE CERBERE demande à la Cour :

1') d'annuler le jugement n° 98-1086 en date du 20 décembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à payer à M. X et à Mme Y une somme de 50.000 F en réparation du préjudice subi par les intéressés résultant du retard dans la réalisation de leur projet de construction du fait du refus illégal de permis de construire opposée aux intéressés par un arrêté du maire de CERBERE en date du 5 juillet 1994 ;

2') de rejeter la demande de première instance ;

3') de condamner M. X et Mme Y au paiement d'une somme de 10.000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

.....................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en vigueur jusqu'au 31 décembre 2000, ensemble le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 septembre 2004 :

- le rapport de Mme Buccafurri, rapporteur ;

- les observations de Me Cretin de la SCP Coulombie-Gras-Cretin-Becquevort, et celles de M. X

- et les conclusions de M. Cherrier, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'en ne répondant pas au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré par la COMMUNE DE CERBERE devant le Tribunal administratif de Montpellier de l'irrecevabilité pour tardiveté de la demande indemnitaire introduite devant lui par M. X et Mme Y, le Tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen relatif à la régularité du jugement attaqué, la COMMUNE DE CERBERE est fondée à demander l'annulation du jugement susvisé du Tribunal administratif de Montpellier en date du 20 décembre 1999 ;

Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X et Mme Y devant le Tribunal administratif de Montpellier ;

Sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté :

Considérant qu'aux termes de l'article R.102 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors applicable : Sauf en matière de travaux publics, le tribunal administratif ne peut être saisi que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée./ Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. / Les intéressés disposent, pour se pouvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période de quatre mois susmentionnée. Néanmoins, lorsqu'une décision implicite de rejet intervient dans ce délai de deux mois, elle fait à nouveau courir le délai du pourvoi. Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet :

1° en matière de plein contentieux ; ... ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X et Mme Y ont adressé le 10 juillet 1997 une réclamation préalable au maire de la COMMUNE DE CERBERE aux fins d'indemnisation des préjudices qu'ils estimaient avoir subis du fait des refus de permis de construire qui leur avaient été opposés depuis 1993, refus qu'ils estimaient illégaux ; que cette réclamation préalable a été reçue en mairie le 18 juillet 1997 ; que, par un courrier en date du 20 janvier 1998, notifié aux intéressés le 23 janvier suivant, le maire de la commune a expressément rejeté ladite demande ; que, M. X et Mme Y ont alors saisi le 23 mars 1998, le Tribunal administratif de Montpellier d'une demande d'annulation de cette décision expresse de rejet et de condamnation de la commune à leur payer une indemnité d'un montant de 257.443,80 F, demande qui doit être regardée comme présentée en matière de plein contentieux au sens des dispositions précitées ; que ladite demande déposée le 23 mars 1998 devant le tribunal par voie de télécopie, confirmée par l'envoi ultérieur d'un exemplaire original, a été enregistrée, ainsi, avant l'expiration du délai de deux mois courant de la notification de la décision expresse de rejet et n'était donc pas tardive ; que si la commune soutient que l'exemplaire original de la demande présentée devant le tribunal administratif mentionnait que le rejet exprès de la réclamation préalable était intervenu le 23 janvier 1998 alors que l'exemplaire transmis par télécopie mentionnait la date du 23 janvier 1997, cette erreur purement matérielle était sans effet sur la recevabilité de la demande de première instance ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la décision expresse de rejet était jointe à l'exemplaire original de la demande de première instance, enregistré au greffe du tribunal administratif le 26 mars 1998 ; que la circonstance que ladite production n'ait été ainsi effectuée qu'après l'expiration du délai du recours contentieux est sans incidence sur la recevabilité de la demande de première instance dès lors qu'il est constant que M. X et Mme Y avaient saisi l'administration d'une demande préalable avant la saisine du tribunal administratif ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance par la COMMUNE DE CERBERE doivent être écartées ;

Sur la responsabilité de la commune :

Considérant que M. X et Mme Y n'établissent pas que les refus de permis de construire, non contestés devant la juridiction administrative, opposés par le maire de CERBERE, antérieurement au refus de permis de construire du 5 juillet 1994 annulé par un jugement n° 94-2969 en date du 20 décembre 1999 du Tribunal administratif de Montpellier, étaient eux-mêmes entachés d'illégalité ; qu'à cet égard, la seule circonstance que le maire de CERBERE leur a délivré le 22 décembre 1995 un permis de construire pour la réalisation d'un projet identique à un projet antérieur refusé, n'est pas à elle seule de nature à démontrer l'existence d'une illégalité fautive ; que, par suite, ils ne sont pas fondés à demander l'engagement de la responsabilité de la COMMUNE DE CERBERE au motif d'une prétendue illégalité des refus en cause ;

Considérant, en revanche, que, par un arrêt de ce jour, la Cour de céans a confirmé le jugement susvisé n° 94-2969 en date du 20 décembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a annulé le refus de permis de construire qui leur avait été opposé par le maire de CERBERE par un arrêté du 5 juillet 1994 ; que l'illégalité ainsi constatée de ce refus constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la COMMUNE DE CERBERE ; que si la commune soutient, en appel, qu'aucune responsabilité ne peut être retenue à son encontre dès lors que le maire aurait été tenu de rejeter cette demande pour des motifs légalement justifiés, cette circonstance, qui peut seulement avoir des conséquences sur le droit à réparation des intéressés, est sans incidence sur l'engagement de la responsabilité de la collectivité publique ;

Sur le préjudice :

Considérant, en premier lieu, que si la commune soutient devant la Cour, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, que le maire de la commune était tenu de rejeter la demande de permis de construire déposée par M. X et Mme Y qui a fait l'objet du refus illégal du 5 juillet 1994, elle n'établit pas, comme elle le soutient, que la construction projetée empiéterait sur le domaine public ni même que le projet en litige méconnaissait les dispositions de l'article UA 10 du règlement du plan d'occupation des sols (POS) de la commune ; qu'ainsi il n'est pas établi que les pétitionnaires ne justifiaient d'aucun droit à réparation à raison de l'illégalité fautive susmentionnée ;

Considérant, en deuxième lieu, que si M. X et Mme Y demandent l'allocation d'une indemnité destinée à la réparation du préjudice qui résulterait pour eux des pertes locatives de gîtes ruraux qui n'auraient pu être exploités dans l'immeuble existant du fait du refus de permis de construire, il résulte de l'instruction que le projet de construction refusé par l'arrêté du 5 juillet 1994 avait pour unique objet la surélévation d'une habitation existante à usage d'habitation, occupée par les intéressés à titre de résidence principale pour une occupation personnelle ; qu'ainsi, le préjudice ainsi allégué ne présente aucun lien avec l'illégalité du refus de permis de construire du 5 juillet 1994 ; que, par suite, ce chef de préjudice doit être rejeté ;

Considérant, en troisième lieu, que M. X et Mme Y soutiennent que, du fait du retard pris dans la réalisation de leur projet de construction, en raison du refus illégalement opposé par le maire de CERBERE le 5 juillet 1994, ils ont supporté des frais liés au surenchérissement du coût de la construction ; que, si les intéressés ont fait état d'un devis d'une entreprise chiffrant le coût initial de la construction à 400.000 F, ils n'ont pas versé le devis en cause au dossier ; qu'en outre, le devis prévisionnel des travaux établi en octobre 1991 ainsi que l'estimatif établi en octobre 1993 par un architecte, versés au dossier en annexe à leur mémoire enregistré le 26 juillet 2004, chiffrent le coût des travaux respectivement à 531.673 F et 932.814 F ; qu'ainsi, en produisant de tels documents, qui ne permettent pas de déterminer avec exactitude le coût initial des travaux et en se référant à l'évolution de l'indice du coût de la construction entre 1993 et 1996, les intéressés ne justifient pas de la réalité et du montant du préjudice allégué ; que ce chef de préjudice ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que M. X et Mme Y font valoir, qu'alors qu'ils étaient en mesure initialement d'assurer le financement de leur projet de construction par voie d'autofinancement, ils ont dû, du fait du refus illégal de permis de construire, recourir à un emprunt pour financer le coût de la construction projetée ; que, toutefois, les intéressés n'ont versé au dossier aucun document de nature à établir qu'ils auraient effectivement contracté un emprunt pour la construction en cause ; qu'ils n'établissent pas en outre que le recours à l'emprunt allégué serait la conséquence directe du refus illégal qui leur a été opposé ; qu'ainsi ce chef de préjudice ne peut qu'être rejeté ;

Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction qu'entre la date du refus de permis de construire illégal du 5 juillet 1994 et le 22 décembre 1995, date à laquelle les intéressés ont obtenu un permis de construire pour la réalisation de leur projet, M. X et Mme Y ont subi des troubles dans leurs conditions d'existence qui résultent directement de l'illégalité du refus susvisé ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant de ce chef la somme de 7.622,45 euros ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. X et Mme Y , qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à payer à la COMMUNE DE CERBERE une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de condamner la COMMUNE DE CERBERE à verser à M. X et Mme Y une somme de 1.000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé n° 98-1086 en date du 20 décembre 1999 du Tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La COMMUNE DE CERBERE versera à M. X et à Mme Y une indemnité de 7.622,45 (sept mille six cent vingt deux euros et quarante cinq centimes) euros.

Article 3 : La COMMUNE DE CERBERE versera à M. X et à Mme Y une somme de 1.000 (mille euros) euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions formulées par la COMMUNE DE CERBERE sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande présentée devant le Tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE CERBERE, à M. X, à Mme Y et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00MA00531
Date de la décision : 18/10/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ROUSTAN
Rapporteur ?: Mme Isabelle BUCCAFURRI
Rapporteur public ?: M. CHERRIER
Avocat(s) : SCP COULOMBIE - GRAS - CRETIN - BECQUEVORT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-10-18;00ma00531 ?
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