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10/01/2005 | FRANCE | N°99MA01195

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6eme chambre - formation a 3, 10 janvier 2005, 99MA01195


Vu la requête, enregistrée au greffe le 28 juin 1999, présentée par Me Castillon, avocat, pour l'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DE CANNES ET RIVE DROITE DU VAR, dont le siège est 22 boulevard Louis Négrin à Cannes La Bocca cedex (06322), et pour la société MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (SMABTP), dont le siège est 300 boulevard Michelet à Marseille cedex 8 (13295) ;

Ils demandent que la Cour réforme le jugement rendu par le Tribunal administratif de Nice le 2 avril 1999, notifié le 29 avril 1999, en tant que ce jugement n'a que partiellement fait droit

à leur demande de condamnation solidaire de la société SA Cord Fr...

Vu la requête, enregistrée au greffe le 28 juin 1999, présentée par Me Castillon, avocat, pour l'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DE CANNES ET RIVE DROITE DU VAR, dont le siège est 22 boulevard Louis Négrin à Cannes La Bocca cedex (06322), et pour la société MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (SMABTP), dont le siège est 300 boulevard Michelet à Marseille cedex 8 (13295) ;

Ils demandent que la Cour réforme le jugement rendu par le Tribunal administratif de Nice le 2 avril 1999, notifié le 29 avril 1999, en tant que ce jugement n'a que partiellement fait droit à leur demande de condamnation solidaire de la société SA Cord France, représentée par M. Y en qualité de mandataire à sa liquidation judiciaire, de la société SA Bureau Veritas et de M. X, ingénieur, à leur payer les sommes de 4.191.699,11 francs et 978.617,18 francs, augmentées des intérêts au taux légal, en réparation des désordres affectant le réseau souterrain de chauffage du domaine de Ranguin à Cannes-La Bocca ;

La mutuelle appelante demande que la Cour porte son indemnisation à la somme de 3.537.177,18 francs, avec intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 1993 ;

……..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n°85-99 du 25 janvier 1985 et le décret 85-1389 du 27 décembre 1985 ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 décembre 2004 :

- le rapport de M. Brossier, rapporteur ;

- les observations orales de Me Luc-Johns de la SCP Guy, Vienot pour la société Bureau Veritas ; de Me Melloul du cabinet d'avocat Karoubi, Mingot, Esteve pour M. X ; de Me Guenot pour la compagnie Axa Corporate Solutions ;

-les conclusions de M. Firmin, commissaire du gouvernement ;

Considérant que L'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DE CANNES ET RIVE DROITE DU VAR était chargé de faire construire le réseau de chauffage du domaine de Ranguin à Cannes-La Bocca, qui comprenait un ensemble immobilier constitué de 491 logements HLM, de 392 logements privés, de deux groupes scolaires de la ville de Cannes et d'un centre commercial ; qu'à cette fin, l'office a conclu en qualité de maître d'ouvrage pour ses propres logements HLM, et en qualité de maître d'ouvrage délégué pour les autres propriétaires au sein dudit domaine, un marché d'entreprise générale de travaux avec la société Cord France le 22 juillet 1985, un marché de contrôle technique avec la société Bureau Veritas le 6 août 1985, et un marché d'ingénierie avec M. X, bureau d'études techniques, le 14 août 1985 ; que la société Cord France a signé un acte engageant le sous-traitant SARL Sobac, qui a été agréé par la personne responsable du marché ; que l'office public a par ailleurs souscrit une assurance dommages d'ouvrage auprès de la mutuelle SMABTP ; qu'il est constant que le réseau de chauffage en cause s'est trouvé ruiné au bout de deux années, en raison de multiples points de fuites nécessitant sa réfection totale ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a estimé, sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du Code civil, que l'entreprise Cord France, M. X et la société Bureau Veritas étaient solidairement responsables de tels dommages ; que le Tribunal a évalué le préjudice total subi par l'office public à la somme de 1.633.139 francs et condamné les responsables susmentionnés à la verser à l'office public ; qu'il a évalué le préjudice total subi par la mutuelle SMABTP, subrogée dans les droits de l'office, à la somme de 3.424.424 francs, mais a condamné les responsables susmentionnés à ne lui verser qu'une proportion de 54,54 % de cette somme (soit 1.867.681 francs), au motif que le juge judiciaire est seul compétent pour connaître de la composante privée du litige, représentée par le centre commercial et les logements de particuliers, dont il a estimé la proportion à 45,46 % ; qu'après examen des différents appels en garantie réciproques, le Tribunal a mis les indemnisations susrappelées, de 1.633.139 francs pour l'office public et de 1.867.681 francs pour la mutuelle subrogée, respectivement à la charge de la société Cord France dans la proportion de 80 % et à la charge de la société Bureau Veritas dans la proportion de 20 % ; que l'office public et sa mutuelle subrogée contestent, dans leur appel principal, les montants qui leur ont été alloués aux motifs, d'une part, qu'ils comporteraient une erreur de calcul et, d'autre part, que le Tribunal aurait mal apprécié la composante publique du litige et aurait ainsi sous-estimé l'indemnisation due à la mutuelle ; que M. X, dans son appel incident, demande que la Cour confirme sa mise hors de cause ; que le constructeur Cord France conteste, par son appel incident, le prorata de 80 % mis à sa charge, ainsi que les sommes qui ont été allouées à titre d'indemnisation à l'office et à sa mutuelle subrogée ; que la société Bureau Veritas, par son appel incident, conteste le prorata de 20 % mis à sa charge ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

En ce qui concerne la quittance subrogatoire de la mutuelle appelante :

Considérant que les contrats passés par l'office public d'habitations à loyer modéré appelant, établissement public administratif, pour l'exécution de la mission d'intérêt général qui lui est confiée, sont des contrats administratifs ; qu'ils conservent ce caractère alors même qu'ils ont été conclus, comme en l'espèce, non seulement pour le compte de l'office public, mais aussi pour le compte de personnes privées, aux fins de réaliser des installations en partie communes ; que, par suite, le présent litige tendant à mettre en cause les architectes, entrepreneurs et la société d'études qui ont participé aux opérations susmentionnées de construction d'un réseau de chauffage destiné à desservir un ensemble urbain comprenant 491 logements HLM de l'office public, deux groupes scolaires de la ville de Cannes, un centre commercial, et 392 logements privés, en vertu de contrats les liant à l'office public en sa qualité de maître d'ouvrage pour son propre compte et de maître d'ouvrage délégué pour le compte d'une association syndicale libre de propriétaires, doit être porté devant la juridiction administrative, seule compétente pour connaître d'une action en responsabilité se rattachant à l'exécution de contrats administratifs ; qu'il en est ainsi notamment de l'action en garantie décennale introduite par l'office public appelant en sa qualité de maître d'ouvrage et de maître d'ouvrage délégué ; qu'il s'ensuit que la mutuelle appelante, régulièrement subrogée en sa qualité d'assureur de dommages d'ouvrages dans les droits de l'office public, est fondée à soutenir que les juges de première instance ont méconnu leur compétence en estimant qu'il lui appartenait de saisir la juridiction judiciaire pour obtenir le reliquat de sa quittance subrogatoire ; que, dès lors, ladite mutuelle est fondée à demander que la Cour réforme le jugement attaqué en tant qu'il ne fait droit à sa demande indemnitaire qu'à concurrence d'une quote-part publique du litige estimée par le Tribunal à 54,54 % ;

En ce qui concerne l'exception soulevée par le liquidateur judiciaire de la société Cord France :

Considérant que les dispositions des articles 47 à 53 de la loi susvisée du 25 janvier 1985, d'où résultent, d'une part, le principe de la suspension ou de l'interdiction de toute action en justice de la part de tous les créanciers à compter du jugement d‘ouverture de la procédure de redressement judiciaire, d'autre part, l'obligation, qui s'impose aux collectivités publiques comme à tous les créanciers, de déclarer leurs créances dans les conditions et délais fixés, ne comportent pas de dérogation aux dispositions régissant les compétences respectives des juridictions administratives et judiciaires ; que s'il appartient de façon exclusive à l'autorité judiciaire de statuer sur l'admission ou la non-admission des créances déclarées, la circonstance que la collectivité publique, dont l'action devant le juge administratif tend à faire reconnaître et évaluer ses droits à la suite de désordres constatés dans un ouvrage construit pour elle par une entreprise admise ultérieurement à la procédure de redressement puis de liquidation judiciaire, n'aurait pas déclaré sa créance éventuelle dans un délai fixé par l'article 66 du décret du 27 décembre 1985 susvisé, et n'aurait pas demandé à être relevée de la forclusion dans les conditions prévues par l'article 53 de ladite loi et l'article 70 dudit décret, est sans influence sur la compétence du juge administratif pour se prononcer sur ces conclusions, dès lors qu'elles ne sont elles-mêmes entachées d'aucune irrecevabilité au regard des dispositions dont l'appréciation relève de la juridiction administrative, et ce sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur l'extinction de cette créance ; que dès lors, il appartenait au Tribunal administratif de Nice d'examiner si l'office public et sa mutuelle subrogée avaient droit à réparation et de fixer le montant des indemnités dues à ce titre par la société Cord France, ou son liquidateur, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur le recouvrement de cette créance ;

Sur les responsabilités :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les fuites qui ont affecté le réseau enterré de tuyaux en fibres composites assurant la distribution du chauffage des immeubles du domaine de Ranguin, doivent être regardées, eu égard à leur généralisation, comme constituant des désordres de nature à rendre cet ouvrage impropre à sa destination et, par suite, de nature à mettre en jeu la responsabilité décennale des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du Code civil ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise Campanella du 18 décembre 1988, que les désordres constatés ont pour principale origine la médiocre qualité des tuyaux en fibres composites fabriqués et livrés par la société Cord France ; qu'ainsi cette société n'a pas respecté ses obligations de constructeur, non seulement par l'insuffisance de ses contrôles en usine lors de la fabrication, mais également par l'insuffisance de ses contrôles sur le chantier lors de la pose des tuyaux, alors même qu'une telle obligation de surveillance lui incombait en vertu de son marché d'entreprise générale de travaux passé le 22 juillet 1985 ; qu'il résulte également de l'instruction que le bureau de contrôle technique Veritas, à qui avait été confiée en août 1985 une mission spécifique d'analyse des risques encourus du fait du procédé novateur utilisé (fibres composites), n'a émis aucune réserve, dans son rapport du 15 octobre 1985, sur ledit procédé utilisé pour la fabrication des tuyaux, dont la qualité s'est toutefois révélée rapidement désastreuse ; qu'une telle insuffisance engage la responsabilité de la société Bureau Veritas, laquelle doit être regardée, contrairement à ce qu'elle soutient, comme un constructeur dont la responsabilité décennale peut être engagée solidairement avec celle d'autres constructeurs ; qu'il résulte enfin de l'instruction, notamment du contrat d'ingénierie signé le 14 août 1985 par M. X et de l'article I bis du C.C.T.P. applicable à la mission d'ingénierie, qu'avait été confiée à ce dernier, outre la mission technique de calculer les charges et les sections, la mission plus générale de s'assurer de la qualité des produits utilisés ; que dès lors, en l'absence de toute réserve de sa part et nonobstant la circonstance que le choix du procédé utilisé ait été décidé par le maître de l'ouvrage, la responsabilité de M. X doit être regardée comme engagée solidairement avec celle d'autres constructeurs ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Tribunal a pu, sans commettre d'erreur, estimer engagée la responsabilité des constructeurs Cord France, Bureau Veritas et X, sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du Code civil ;

Sur l'évaluation des préjudices subis :

Considérant que l'office public appelant qui, en application de l'article 256B du code général des impôts, n'est pas assujetti à la TVA pour ses activités relevant du service public du logement social, ne relève pas d'un régime fiscal lui permettant normalement de déduire tout ou partie de la TVA grevant les travaux ; que, dès lors, celle-ci doit être incluse dans le montant de l'indemnité due par les responsables à l'office public ;

En ce qui concerne le montant du préjudice total subi par l'ensemble des propriétaires publics et privés du domaine de Ranguin ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise Campanella du 19 décembre 1988, que les désordres litigieux ont provoqué, d'une part, une surconsommation totale en fluides de 191.699 francs TTC (161.635 HT), d'autre part, la nécessité de reconstruire entièrement le réseau de distribution ruiné ; que cette reconstruction complète a été réalisée sous le régime d'une concession de seize ans, comprenant l'exécution de travaux présentant des améliorations techniques ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du second rapport d'expertise Campanella du 11 juin 1990, que la part correspondant à la stricte réfection à l'identique du réseau ruiné atteint le montant de 3.977.939 francs TTC ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant du préjudice total subi par l'ensemble des propriétaires publics et privés du domaine de Ranguin atteint la somme de 4.169.638 francs (191.699 francs plus 3.977.939 francs ) ; que ce préjudice a été indemnisé par la mutuelle subrogée SMABTP à concurrence d'un montant de 2.558.560 francs, qu'elle a versé à l'office public assuré, et pour lequel elle produit la quittance subrogatoire ; que le solde en litige atteint par suite la somme de 1.611.078 francs (4.169.638 francs moins 2.558.560 francs), et non la somme de 1.633.139 francs retenue par le Tribunal, laquelle ne peut être ainsi regardée comme définitivement établie comme le soutient la société Cord France ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de l'indemnisation des préjudices subis par l'ensemble des propriétaires du domaine de Ranguin et non pris en charge par la mutuelle subrogée, en condamnant solidairement la société Cord France, la société Bureau Veritas et M. X à verser à l'OPH de CANNES ET RIVE DROITE DU VAR, maître d'ouvrage pour lui-même et maître d'ouvrage délégué, la somme de 1.611.078 francs en réparation desdits préjudices ;

En ce qui concerne le montant du préjudice total subi par la mutuelle subrogée SMABTP :

Considérant que le préjudice subi par la mutuelle subrogée SMABTP consiste, d'une part, en la prise en charge des factures de premières réparations du réseau, d'autre part, en l'indemnisation négociée du solde du coût du sinistre ; qu'il est constant que ladite indemnisation négociée a donné lieu au versement, par la mutuelle subrogée SMABTP à son assuré l'OPH de CANNES et RIVE DROITE DU VAR, maître d'ouvrage pour lui-même et maître d'ouvrage délégué, d'un solde de 2.558.560 francs ; que la mutuelle appelante conteste en revanche l'évaluation du coût des factures de premières réparations qu'elle a engagées, estimé à 865.864,29 francs par le Tribunal au lieu de 978.617,18 francs selon ses dires ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la mutuelle SMABTP doit être regardée comme ayant formulé, dès l'introduction de sa requête devant les premiers juges, des conclusions communes avec son assuré, l'OPH de CANNES et RIVE DROITE DU VAR, tendant à être indemnisés, conjointement, de l'ensemble des préjudices subis du fait de la réfection totale du réseau, estimés alors à 4.191.699,11 millions de francs ; que, dans ces conditions, doit être rejetée la fin de non-recevoir incidente soulevée par la société Cord France et tirée de ce que les conclusions de la mutuelle SMABTP ne seraient recevables qu'à concurrence de la seule somme de 978.617, 18 francs ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise Campanella du 19 décembre 1988, que le montant allégué de 978.617,18 francs correspond au montant TTC des factures de réparation adressées à la mutuelle subrogée, et que le montant de 865.864,29 francs retenu par le Tribunal correspond au montant de ces factures réellement payé par la mutuelle, la TVA étant ou non incluse selon les factures ; que la mutuelle subrogée appelante n'établit pas sérieusement avoir, à la suite des calculs du rapport précité, effectivement payé la TVA sur les factures prises en charge initialement HT ; qu'ainsi le préjudice réellement subi par la mutuelle subrogée au titre de cette prise en charge a été, sans erreur, évalué par le Tribunal à la somme de 865.864,29 francs ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant du préjudice total subi par la mutuelle subrogée, pour l'ensemble du litige du domaine de Ranguin, atteint 3.424.424,29 francs (2.558.560 francs plus 865.864,29 francs) ; que ladite mutuelle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que ce préjudice aurait dû être évalué par le Tribunal à 3.537.177,18 francs ; qu'elle est en revanche fondée à soutenir, comme cela a été dit, que le Tribunal a méconnu sa compétence en ne lui accordant que la proportion de 54,54 % de ladite somme de 3.424.424,29 francs ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de la société Cord France, de M. X et de la société Bureau Veritas les frais des expertises ordonnées, tels qu'ils ont été liquidés par ordonnances du président du Tribunal aux sommes de 4.456,54 euros (29.233 francs) et 706,60 euros (4.635 francs) ;

Sur les appels en garantie :

Considérant, en premier lieu, que la société Bureau Veritas, dans la présente instance, ne conteste pas le rejet par le Tribunal de son appel en garantie dirigé en première instance contre le sous-traitant SARL Sobac ; que l'appel en garantie formé par la société Cord France contre son sous-traitant SARL Sobac doit être rejeté comme porté devant une juridiction incompétente pour en connaître, dès lors qu'un tel litige est relatif à des obligations de droit privé entre deux personnes privées et qu'aucun contrat ne lie directement le maître de l'ouvrage et le sous-traitant ;

Considérant, en second lieu, que le Tribunal a fait droit à l'appel en garantie formé par la société Bureau Veritas et M. X à l'encontre de la société Cord France, en condamnant ladite société à les garantir à concurrence de 80 % des condamnations prononcées ; que le Tribunal a, en revanche, rejeté l'appel en garantie formé par la société Bureau Veritas à l'encontre de M. X, en l'absence d'allégations afférentes à des fautes de conception ou de contrôle du chantier imputables à ce dernier ; qu'il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise Campanella, que les désordres ont eu pour origine principale les vices de fabrication des tubes en fibres composites, qui sont imputables à la société Cord France ; que le maître de l'ouvrage, qui a retenu un tel procédé innovant en confiant la réalisation du réseau à la société Cord France par un marché d'entreprise générale de travaux, sans architecte, doit être regardé comme ayant pris les précautions suffisantes en demandant à la société Bureau Veritas, d'une part, une analyse spécifique des risques encourus, et en confiant à M. X, d'autre part, une mission plus générale de contrôle de la qualité des produits, outre la mission technique de calculer les charges et les sections ; que la société Bureau Veritas a manqué à sa mission spécifique en n'émettant aucune réserve sur le procédé utilisé, alors que ce dernier s'est révélé rapidement défaillant ; que M. X, qui se contente de soutenir qu'il n'aurait commis aucune erreur de calcul et d'invoquer le rapport du Bureau Veritas du 15 octobre 1985, ne conteste pas sérieusement l'existence de négligences et d'insuffisances dans sa mission plus générale de contrôle de la qualité des produits, révélées notamment par les rapports d'expertise Campanella, et doit être ainsi regardé comme ayant manqué à une partie de ses obligations contractuelles ; qu'il sera fait, dans ces conditions, une juste appréciation des responsabilités respectives des constructeurs en condamnant la société Cord France à garantir la société Bureau Veritas et M. X à concurrence de 70 % des condamnations prononcées à leur encontre, et sur le solde de 30 % restant à charge solidaire de la société Bureau Veritas et M. X, en condamnant M. X à garantir la société Bureau Veritas à concurrence du tiers des condamnations prononcées ; que les proportions de responsabilité ainsi définies atteignent respectivement les taux de 70 % pour la société Cord France, de 20 % pour la société Bureau Veritas et de 10 % pour M. X ;

Sur l'erreur entachant l'article 2 du dispositif du jugement attaqué :

Considérant que le Tribunal a régulièrement motivé sa décision en estimant que l'office public et la mutuelle SMABTP avaient droit de percevoir, sur les sommes leur revenant, les intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 1993, date d'enregistrement de leur requête introductive de première instance ; que le Tribunal a toutefois omis d'appliquer ces intérêts aux sommes figurant à l'article 2 du dispositif de son jugement, allouées à la mutuelle SMABTP ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de réformer le jugement attaqué en faisant droit à la demande de la mutuelle SMABTP relative à l'application des intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 1993 ;

Sur les conclusions de la société Bureau Veritas tendant à ce que la Cour ordonne la restitution de toute somme versée :

Considérant que le présent arrêt ayant valeur exécutoire dès sa notification, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions à fin d'injonction susmentionnées ;

Sur les frais exposés par les parties et non compris dans les dépens :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties tendant au remboursement de leurs frais exposés et non compris dans les dépens, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du Code de justice administrative ;

DECIDE

Article 1er : La société Cord France, la société Bureau Veritas et M. X sont condamnés solidairement à verser à l'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DE CANNES ET RIVE DROITE DU VAR la somme de 245.607,26 euros (1.611.078 francs). Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 1993.

Article 2 : La société Cord France, monsieur X, la société Bureau Veritas et M. X sont condamnés solidairement à verser à la MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (SMABTP) la somme de 522.050,12 euros (3.424.424,29 fancs). Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 1993.

Article 3 : Les frais d'expertises d'un montant de 4.456,54 euros (29.233 francs) et de 706,60 euros (4.635 francs) sont mis à la charge solidaire de la société Cord France, de la société Bureau Veritas et de M. X.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DE CANNES ET RIVE DROITE DU VAR et de la MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (SMABTP) est rejeté.

Article 5 : Les condamnations prononcées aux articles 1, 2 et 3 du présent arrêt sont mises à charge respectivement de la société Cord France à concurrence de 70 %, de la société Bureau Veritas à concurrence de 20%, et de M. X à concurrence de 10%.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la société Bureau Veritas est rejeté.

Article 7 : Les conclusions de M. X tendant au remboursement de ses frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 8 : Le jugement attaqué du Tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à l'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DE CANNES ET RIVE DROITE DU VAR, à la MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (SMABTP), à M. Y, liquidateur de la société Cord France, à la société Bureau Veritas, à M. X, à la compagnie CGU Insurances, à la compagnie Axa Corporate Solutions, à la société MAAF assurances, à la société SARL Sobac, et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

N°99MA01195 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99MA01195
Date de la décision : 10/01/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GANDREAU
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: M. FIRMIN
Avocat(s) : SCP GUY-VIENOT BRYDEN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-01-10;99ma01195 ?
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