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08/06/2006 | FRANCE | N°04MA02321

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3eme chambre - formation a 3, 08 juin 2006, 04MA02321


Vu la requête, enregistrée le 18 octobre 2004, présentée pour Mme Patricia X, élisant domicile ... par Me Lazard ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0201938 en date du 28 juin 2004, par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Antibes à réparer les conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 9 mai 2001 dans cet établissement ;

2°) de condamner le centre hospitalier d'Antibes à réparer son entier préjudice selon les demandes de première insta

nce ;

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Vu le règlement CEE n°1408/71...

Vu la requête, enregistrée le 18 octobre 2004, présentée pour Mme Patricia X, élisant domicile ... par Me Lazard ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0201938 en date du 28 juin 2004, par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Antibes à réparer les conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 9 mai 2001 dans cet établissement ;

2°) de condamner le centre hospitalier d'Antibes à réparer son entier préjudice selon les demandes de première instance ;

……………………………………………………………………………………………………..

Vu le règlement CEE n°1408/71 du 14 juin 1971 ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

En application de l'article R.611-7 du code de justice administrative, les parties ayant été informées que le jugement paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mai 2006 :

- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteur ;

- les observations de Me Lazard pour Mme X ;

- et les conclusions de M. Trottier, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X fait appel du jugement du 28 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Antibes à réparer les conséquences dommageables de la coelioscopie qu'elle a subie le 9 mai 2001 dans cet établissement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'il ressort des pièces de la procédure suivie en première instance que le Tribunal administratif de Nice a statué sur la demande en responsabilité de Mme X dirigée contre le centre hospitalier d'Antibes sans avoir mis en cause l'organisme social anglais dénommé «Global Health» William Russel Limited ; qu'eu égard aux dispositions de l'article 93 du règlement CEE n°1408/71 du 14 juin 1971, cette omission constitue une irrégularité que la Cour, saisie de conclusions d'appel tendant à l'annulation du jugement qui lui est déféré, doit soulever d'office ; qu'ainsi, le jugement du Tribunal administratif de Nice du 28 juin 2004 doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme X ;

En ce qui concerne la responsabilité sans faute :

Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier d'Antibes :

Considérant que la requérante invoque les dispositions de la loi du 4 mars 2002 codifiées à l'article L.1142-1 du code de la santé publique et soutient qu'elle est fondée à obtenir la réparation de ses préjudices au titre de la solidarité nationale ; qu'aux termes de l'article 101 de la loi du 4 mars 2002, dans la rédaction que lui a donné l'article 3 de la loi du 30 décembre 2002 susvisée : «Les dispositions du titre IV du livre Ier de la première partie du code de la santé publique issues de l'article 98 de la présente loi, à l'exception du chapitre 1er de

l'article L.1142-2 de la section 5 du chapitre II, s'appliquent aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales consécutifs à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisés à compter du 5 septembre 2001, même si ces accidents, infections iatrogènes et infections nosocomiales font l'objet d'une instance en cours, à moins qu'une décision de justice irrévocable n'ait été prononcée.» ; qu'il résulte de ces dispositions, qui sont intervenues pour préciser les modalités d'entrée en vigueur de l'article 98 de la loi du 4 mars 2002, que le nouveau régime de responsabilité institué par les articles L.1142-1 et suivants du code de la santé publique s'applique aux accidents médicaux consécutifs à des actes réalisés à compter du 5 septembre 2001, même s'ils font l'objet d'une instance en cours ; qu'il n'est, en revanche, pas applicable aux procédures en cours relatives à des accidents médicaux consécutifs à des actes réalisés avant cette date ; que l'intervention que met en cause Mme X a été pratiquée le 9 mai 2001 ; qu'il s'ensuit, qu'elle ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L.1142-1 du code de la santé publique et que la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier doit être accueillie ;

Considérant toutefois, que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du patient présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ; qu'ainsi et en tout état de cause, le dommage subi par Mme X, qui a entraîné une incapacité permanente partielle de 1 sur une échelle de 5, soit un pourcentage de 20%, pour important et invalidant qu'il soit, n'est pas d'une gravité suffisante pour engager la responsabilité sans faute du service public hospitalier ;

Sur la responsabilité pour faute :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la coelioscopie pratiquée au centre hospitalier d'Antibes était justifiée par l'existence de la masse pelvienne détectée à l'issue de l'échographie à laquelle s'était soumise Mme X sur demande de son médecin traitant ; qu'il résulte également de l'instruction qu'il n'était pas indispensable de compléter le bilan pré-opératoire par des examens complémentaires telle la pratique d'un scanner dès lors que cet examen ne présentait aucune pertinence diagnostique supérieure à l'échographie et que, en dehors d'un contexte d'urgence, un examen de type IRM n'est pas proposé du fait du délai d'attente de trente à cinquante jours ; que si l'homme de l'art, professeur dans un service de gynécologie obstétrique, désigné par le Tribunal administratif de Nice a conclu à l'absence de faute dans le déroulement de la coelioscopie qui a permis de mettre en évidence le double utérus et à la nécessité du curetage du fait de la présence de petites lésions d'endométriose pelvienne chez la patiente, il résulte cependant de ces mêmes conclusions expertales que la malformation utérine a potentialisé le risque de perforage ; qu'ainsi, le fait pour le praticien de n'avoir pas suffisamment tenu compte des particularités anatomiques de l'utérus de la patiente alors qu'elle avaient été révélées par la coelioscopie et d'avoir perforé l'utérus bifide lors de la pratique du curetage a constitué, dans les circonstances de l'espèce, une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier d'Antibes ; que, par suite, Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a écarté la responsabilité dudit centre hospitalier ;

Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant que si Mme X soutient avoir subi une perte de salaires d'un montant de 29 831,25 euros au cours de la période du 30 mai au 31 octobre 2001, en l'absence d'éléments de nature à corroborer l'attestation établie postérieurement à la date des faits par le capitaine du bateau sur lequel il est allégué qu'elle devait embarquer, celle-ci ne démontre pas la perte de revenus invoquée ; qu'en revanche, et sans besoin qu'il soit utile de recourir à une mesure d'expertise, il sera fait une juste appréciation du préjudice personnel de l'intéressée résultant des souffrances endurées, du préjudice esthétique et des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence, y compris le préjudice d'agrément, le préjudice sexuel et la perte des joies usuelles de la vie courante résultant de la faute commise par le centre hospitalier en lui accordant une somme globale de 30 000 euros ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu, au regard de ce qui précède, de mettre à la charge définitive du centre hospitalier d'Antibes les frais d'expertise ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner le centre hospitalier d'Antibes à payer à Mme X la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1 : Le jugement du Tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier d'Antibes est condamné à verser à Mme X la somme de 30 000 euros.

Article 3 : Les frais d'expertise sont mis à la charge du centre hospitalier d'Antibes.

Article 4 : Le centre hospitalier versera à Mme X la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Patricia X, au centre hospitalier d'Antibes, à l'organisme «Global Health» William Russel Limited et au ministre de la santé et des solidarités.

Copie en sera adressée à Me Lazard, à Me Le Prado et au préfet des Alpes-Maritimes.

N°0402321 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 04MA02321
Date de la décision : 08/06/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. TROTTIER
Avocat(s) : LAZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-06-08;04ma02321 ?
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