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13/11/2006 | FRANCE | N°06MA01269

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 13 novembre 2006, 06MA01269


Vu 1°) le recours, enregistré le 5 mai 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le numéro 06MA01269, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0100708 et 0100730 du 21 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nice a condamné l'Etat à verser à la SNC une somme de 30 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2000 et capitalisation de ces derniers échus à compter du 5 juin 2001 ;
>2°) de rejeter la demande présentée devant le Tribunal administratif de Nic...

Vu 1°) le recours, enregistré le 5 mai 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le numéro 06MA01269, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0100708 et 0100730 du 21 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nice a condamné l'Etat à verser à la SNC une somme de 30 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2000 et capitalisation de ces derniers échus à compter du 5 juin 2001 ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le Tribunal administratif de Nice par la SNC et M. et Mme ;

Le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE soutient :

- que la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée compte tenu de la légalité de la décision de résiliation du traité de gérance du 2 janvier 1997 ;

- qu'en se fondant sur l'ordonnance du juge-commissaire validée par la chambre commerciale de la cour de cassation, pour estimer que l'Etat avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en refusant d'assurer la continuité du traité de gérance de la SNC , le Tribunal administratif de Nice a violé le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires tel qu'il résulte de la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire et du décret du 16 fructidor an III ;

- que l'exploitation d'un débit de tabac ne saurait s'analyser comme une activité commerciale, et que par suite, les règles commerciales ne sont pas applicables à l'activité d'un gérant de débit de tabac ;

- que la nature administrative d'un tel contrat a été reconnue par la jurisprudence du Conseil d'Etat ;

- que par ailleurs, l'autorité administrative tient directement de l'article 5 du traité de gérance le droit de résilier le contrat conclu avec le débitant en cas de manquement à ses obligations ;

- qu'il n'appartient donc qu'aux juridictions administratives de statuer sur les litiges nés de l'exécution d'un contrat d'une telle nature ;

- qu'une telle immixtion du juge-commissaire revient en outre à nier l'agrément de l'administration nécessaire à la gérance d'un débit de tabac ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2006 au greffe de la Cour, présenté pour la SNC et M. et Mme , par Me Rolland ; la SNC et M. et Mme , par Me Rolland concluent au rejet de la requête, et à ce que la Cour condamne l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

La SNC et M. et Mme soutiennent qu'en aucun cas l'administration ne saurait s'affranchir d'une décision de justice, fussent-elles rendues par le juge commercial, dès lors que le droit des procédures collectives lui est applicable et qu'une poursuite du contrat avait été ordonnée ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 septembre 2006 au greffe de la Cour, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE qui conclut aux mêmes fins que précédemment ; il soutient en outre que seul le débitant de tabac dispose d'un lien juridique avec le fournisseur de tabac, à savoir la SEITA et que l'administration des douanes ne pouvait pas donner ordre à une société privée de reprendre ses livraisons avec l'un de ses clients ;

Vu la lettre en date du 28 septembre 2006, informant les parties, en application de l'article R.611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen d'ordre public ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 octobre 2006 au greffe de la Cour, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre, que les conditions d'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat ne sont pas réunies ;

Vu 2°) la requête enregistrée le 19 mai 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n°06MA01403, présentée par Me Rolland pour la SNC et M. et Mme ; la SNC et M. et Mme demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0100708 et 0100730 du 21 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nice a notamment rejeté la faute de la direction régionale des douanes dans la demande d'agrément de Melle Herpin, la demande de subvention de la SNC , et en ce qu'il a refusé d'indemniser la faute découlant de la décision du 25 septembre 2000 ;

2°) d'annuler la décision du directeur général des douanes et droits indirects en date du 2 janvier 1997 résiliant son contrat de gérance de débit de tabacs ;

3°) de condamner l'Etat à verser à la SNC la somme de 938 071,15 euros majorée des intérêts de droit à compter du 28 mai 2000 ;

4°) de condamner l'Etat à la capitalisation des intérêts ;

5°) de condamner l'Etat à payer à la SNC la somme de 150 000 euros et 80 000 euros pour M. Michel et Mme Viviane au titre du préjudice moral ;

6°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 5 000 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

La SNC et M. et Mme soutiennent :

- que la décision de résiliation du traité de gérance en date du 2 janvier 1997 est illégale ;

- qu'elle est notamment prématurée et excessive alors que toutes les conditions étaient réunies pour que l'appelant cède son fonds de commerce dans de bonnes conditions ;

- que la direction générale des douanes était parfaitement informée du fait que M. souhaitait vendre son débit de tabacs dès lors qu'un compromis de vente sous conditions suspensives en faveur de Melle Herpin avait été signé le 19 mars 1996 et alors que le dossier de demande d'agrément du cessionnaire avait été transmis le 5 avril 1996 à la direction générale des douanes ;

- que le jugement querellé n'a pas pris en compte dans sa motivation le fait qu'un compromis de vente sous conditions suspensives en faveur de Melle Herpin avait été signé ;

- que le compromis de vente avait été aménagé, qu'il ne restait plus qu'à l'entériner, ce qui permettait à la SNC d'apurer sa dette et au débit de tabacs de continuer son activité, alors que l'administration des douanes a préféré couper court par une décision de résiliation dont la date n'est pas innocente ;

- qu'en procédant à l'interruption de livraison de tabacs, la direction générale des douanes s'est livrée à une abstention volontaire fautive créant un grave préjudice commercial pour la SNC et ses associés gérants M. et Mme ;

- que la décision de refus d'une subvention sollicitée par la SNC en date du 24 août 2000 de la direction générale des douanes en vue de réaliser un investissement dans son établissement révèle toute sa mauvaise foi, alors qu'elle savait très bien qu'elle n'avait aucune chance d'obtenir l'infirmation du jugement du 25 juin 2997 par son appel formé devant la Cour d'Aix-en-Provence ;

- que la décision du 25 septembre 2000 refusant d'examiner le dossier du 2ème successeur est tout aussi illégale ;

- qu'enfin, le jugement querellé justifie une indemnisation qui va bien au-delà de 30 000 euros, et que la réformation demandée justifie l'allocation des sommes mentionnées en première instance ;

Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe de la Cour le 19 juin 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut d'une part, au rejet de la requête, d'autre part, à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Nice du 21 mars 2006 ;

Le ministre soutient :

- que dès lors que l'administration de douanes a constaté à l'encontre de M. des manquements à ses obligations résultant du traité de gérance, elle n'a pas commis d'illégalité en procédant à la résiliation de ce dernier ;

- que, compte tenu de ce que, en vertu de principes constitutionnels, l'administration était en droit de faire appel du jugement du tribunal de commerce en date du 25 juin 1997, elle a légitimement pu refusé le versement de la subvention sécurité par décision du 24 août 2000 ;

- que l'administration n'a fait qu'appliquer la réglementation en vigueur en refusant d'agréer Melle Herpin le 24 octobre 1996 dès lors que son apport personnel était inférieur au quart de la valeur du fonds de commerce ;

- que s'agissant du prétendu délai excessif entre l'avenant au compromis de vente du fonds de commerce et la seconde décision de refus d'agrément de Melle Herpin du 2 janvier 1997, M. ayant commis des manquements graves et répétés à ses obligations dès le 3 octobre 1996, l'administration n'a pris sa décision qu'après que la partie adverse ait pu présenter ses observations sur le rapport d'enquête notifié le 11 décembre 1996, le 20 décembre 1996 ;

- que la nature juridique de la gérance d'un débit de tabac ne saurait s'analyser comme une activité commerciale, et qu'elle empêche ainsi l'immixtion de la juridiction judiciaire ;

- que la nature administrative du contrat de gérance d'un débit de tabac a été reconnue par la jurisprudence du Conseil d'Etat ;

- qu'en outre, l'autorité administrative tient directement du traité de gérance le droit de résilier le contrat conclu avec le débitant en cas de manquement à ses obligations ;

- que par conséquent, en décidant de la continuation du contrat de gérance du débit de tabac, alors qu'il avait été résilié par l'administration, le juge commissaire a commis une immixtion manifeste dans la compétence légale détenue par la direction générale des douanes en matière de tabac ;

- qu'une telle immixtion revient en outre, à nier l'agrément de l'administration nécessaire à la gérance d'un débit de tabac ;

Vu la lettre en date du 28 septembre 2006, informant les parties, en application de l'article R.611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen d'ordre public ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 octobre 2006 au greffe de la Cour, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre, que les conditions d'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat ne sont pas réunies ;

Vu 3°) le recours, enregistré le 22 mai 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n°06MA01404, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la Cour de décider qu'il sera sursis à l'exécution du jugement sus mentionné du Tribunal administratif de Nice du 21 mars 2006 ;

Il soutient :

- qu'il est fondé à craindre l'insolvabilité de M. devant l'effet conjugué d'une accumulation de dettes et de la cessation de toutes activités commerciales ;

- que la jurisprudence du Conseil d'Etat admet l'octroi du sursis dès lors que le demandeur de première instance est en liquidation judiciaire ;

- qu'il existe au surplus des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement du tribunal administratif du 21 mars 2006 ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 septembre 2006 au greffe de la Cour, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Il soutient en outre que seul le débitant de tabac dispose d'un lien juridique avec le fournisseur de tabac, à savoir la SEITA et que l'administration des douanes ne pouvait pas donner ordres à une société privée de reprendre ses livraisons avec l'un de ses clients ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 octobre 2006 :

- le rapport de Mme Pena, conseiller ;

- et les conclusions de M. Louis, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'un contrat de gérance de débit de tabacs situé à Six-Fours-les-Plages a été signé le 30 septembre 1992 entre l'Etat, la SNC , représentée par M. gérant, et M. ; que ce contrat a été résilié par une décision en date du 2 janvier 1997 du directeur régional des douanes ; que parallèlement, le tribunal de commerce de Toulon a ouvert, le 6 janvier 1997, une procédure simplifiée de redressement judiciaire à l'égard de la SNC et de M. ; que le Tribunal administratif de Nice, devant lequel la SNC et M. et Mme ont recherché la responsabilité de l'Etat, a condamné ce dernier à verser à la seule SNC la somme de 30 000 euros ; que, par les requêtes enregistrées sous les numéros 06MA01269 et 06MA01403, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE d'une part, la SNC et M. et Mme d'autre part, relèvent appel de ce jugement ; qu'en outre, par la requête enregistrée sous le numéro 06MA01404, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande que soit prononcé le sursis à l'exécution du jugement du Tribunal administratif de Nice du 21 mars 2006 ;

Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la légalité de la décision du 2 janvier 1997 :

Considérant qu'aux termes de l'article 5 du traité de gérance de débit de tabacs signé entre l'Etat et SNC le 30 septembre 1992 : « La résiliation du présent traité aura lieu de plein droit et l'administration se réservera la possibilité de la prononcer et d'évincer le gérant, si au cours de la période pour laquelle la gérance du débit de tabacs a été concédée, le gérant n'exploitait plus son débit personnellement à la suite d'un abandon de gérance, d'une mise en gérance libre ou délégation de gérance ou ne l'approvisionnait plus régulièrement ou suffisamment. » ; qu'il résulte d'un rapport d'enquête de la direction régionale des douanes en date du 11 décembre 1996 que M. a commis de graves et nombreux manquements à ses obligations contractuelles ; qu'ainsi, il n'approvisionnait plus son débit depuis le 3 octobre 1996 ; qu'il ne conteste pas en outre, avoir été débiteur d'une importante somme d'argent envers la SEITA, ne pas avoir déposé la déclaration de TVA pour le 3ème trimestre de l'année 1996 et avoir déposé avec retard ses déclarations de TVA pour le 4ème semestre de l'année 1996 sans avoir acquitté la somme due ; que dans ces conditions, et alors que l'exploitation d'un débit de tabacs est soumise à l'agrément préalable de l'administration et ne peut être poursuivie qu'avec le maintien de cet agrément, l'Etat était en droit, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, de prononcer la résiliation du traité de gérance du débit de tabacs par une décision du 2 janvier 1997 notifiée à l'intéressée le 7 janvier suivant ;

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne le refus d'examiner la candidature des successeurs :

Considérant d'une part, que si l'administration reconnaît au gérant du débit de tabacs, en vertu d'une instruction publique de la direction générale des impôts en date du 8 août 1991, le droit de présenter à son agrément l'acquéreur du fonds de commerce associé au débit pour lui succéder dans la gestion du comptoir de vente, et ce, même dans le cas de redressement judiciaire, cette procédure ne dispense en aucun cas le successeur pressenti de respecter les conditions requises pour exploiter un débit de tabacs ; qu'aux termes d'une instruction publique publiée au bulletin officiel des impôts en date du 2 mai 1991 : « l'achat du fonds de commerce associé doit être financé par un apport personnel au moins égal au quart du prix de cession des éléments corporels et incorporels servant à l'assiette des droits d'enregistrement. » ; qu'en refusant une première fois, par une décision en date du 24 octobre 1996, l'agrément à Melle Herpin avec laquelle M. avait signé un compromis de vente de son fonds de commerce le 19 mars 1996 pour lui succéder dans la gérance du débit de tabac, au motif qu'elle ne disposait pas d'un apport suffisant, l'administration, en faisant application de l'instruction sus mentionnée laquelle n'impose pas de conditions excessives ou abusives, n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de la SNC et des consorts ; que si à l'appui de leurs conclusions dirigées contre le jugement contesté, la SNC et M. et Mme font également valoir que le délai ayant séparé le premier et le second refus d'agrément de Melle Herpin serait excessif, il résulte néanmoins de l'instruction, qu'un avenant au compromis de vente du 19 mars 1996 est intervenu le 28 octobre de la même année afin d'abaisser le prix de vente du fonds de commerce ; qu'en portant alors à la connaissance de Melle Herpin, le 2 janvier 1997, la résiliation du traité de gérance laquelle pouvait s'analyser comme un second refus d'agrément implicite, il ne s'est écoulé qu'un peu plus de 2 mois ; qu'au vu des circonstances de l'espèce, et notamment de ce que Melle Herpin n'a présenté ses observations au rapport d'enquête du 11 décembre 1996 qu'à la date du 20 décembre suivant, ledit délai n'apparaît pas manifestement excessif ni, par conséquent, fautif ;

Considérant d'autre part, que dès lors que la décision de résiliation du traité de gérance en date du 2 janvier 1997 n'était, comme il vient d'être dit, pas illégale et que l'administration devait par conséquent, remettre à l'adjudication une nouvelle gérance, la direction générale des douanes n'a pas davantage commis de faute en refusant, par une décision en date du 25 septembre 2000, d'examiner le dossier du second successeur présenté par M. ;

En ce qui concerne le refus d'une subvention :

Considérant que la SNC et M. et Mme font valoir que la décision de la direction générale des douanes en date du 24 août 2000 refusant « dans l'immédiat » la subvention sollicitée par ladite société en vue de réaliser un investissement de sécurité dans son établissement serait illégale, dès lors que l'administration savait n'avoir aucune chance d'obtenir l'infirmation du jugement du tribunal de commerce du 25 juin 2997 par son appel formé devant la Cour d'Aix-en-Provence ; que cependant, à la date de refus « dans l'immédiat » d'accorder la subvention sollicitée, ladite Cour d'Appel n'avait pas encore statué ; que dans ces conditions, et alors que le conseiller de la mise en l'état près de ladite Cour avait admis sa position, l'administration des douanes était fondée à estimer avoir encore une chance d'obtenir la réformation du jugement du tribunal de commerce sus mentionné ; qu'ainsi, l'administration n'a commis, à cet égard, aucune faute de nature à engager sa responsabilité envers la SNC et les consorts ;

En ce qui concerne l'interruption des livraisons de tabac :

Considérant d'une part, que le tribunal de commerce de Toulon a ouvert, le 6 janvier 1997, une procédure simplifiée de redressement judiciaire à l'égard de la SNC et de M. ; qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 alors en vigueur, repris par l'article L.621-28 du code de commerce consacré à la période d'observation des entreprises au cours du redressement judiciaire : « L'administrateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur » ; que sur demande de M. , qui doit être regardé comme « l'administrateur » pour l'application des dispositions susvisées, le juge-commissaire a, par une ordonnance en date du 21 janvier 1997, autorisé la poursuite du traité de gérance de tabacs en dépit de la résiliation prononcée le 2 janvier 1997 mais notifiée le 7 janvier suivant seulement ; que, par jugement en date du 25 juin 1997, le tribunal de commerce de Toulon a rejeté l'opposition formée par la direction générale des douanes à l'encontre de ladite ordonnance ;

Considérant d'autre part, que par courrier en date du 2 janvier 1997, la SEITA a été informée par l'administration des douanes de la résiliation du traité de gérance de la SNC ; qu'il ressort du dossier, qu'à compter du 16 février 1997, date d'effet de ladite résiliation, la SEITA a interrompu ses livraisons de tabac à la SNC ;

Considérant, comme il a été dit, qu'au vu des manquements graves à ses obligations, commis par M. et en vertu des larges pouvoirs dont elle dispose dans le cadre de l'exécution d'un traité de gérance de débit de tabac, l'administration des douanes était en droit, le 2 janvier 1997, de résilier le traité la liant à la SNC et à M. ; que si elle pouvait également se croire légitimement fondée à ne pas exécuter l'ordonnance du juge-commissaire du 21 janvier 1997 qu'elle estimait alors illégale et à ordonner en conséquence à la SEITA de suspendre l'approvisionnement du débit de tabac en cause, en conservant en revanche cette même position postérieurement au jugement rendu par le tribunal de commerce de Toulon le 25 juin 1997 d'ailleurs confirmé par la Cour d'appel d'Aix en Provence puis par la Cour de Cassation, l'administration des douanes a refusé d'exécuter une décision de justice ; qu'elle a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de la SNC et des époux ; que l'argumentation développée à cet égard par le ministre, fondée sur la méconnaissance du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires et qui, en réalité, a pour effet de contester le bien-fondé des décisions juridictionnelles judiciaires sus mentionnées, s'avère sans incidence sur la réalité de la faute commise et ne saurait par suite exonérer ni même atténuer la responsabilité l'Etat ;

Sur les préjudices :

En ce qui concerne la SNC :

Considérant d'une part, qu'il n'est pas contesté que, suite à l'intervention de l'ordonnance du 1er août 1997 du juge des référés du tribunal de commerce, la SEITA a repris ses livraisons de tabac à compter du 4 août 1997 ; que, dans ces conditions, la période au cours de laquelle la faute commise par l'administration du fait de son abstention à exécuter le jugement du tribunal de commerce de Toulon susmentionné a pu être à l'origine d'un préjudice commercial, ne saurait s'étendre au-delà de la reprise effective des livraisons de tabac ;

Considérant d'autre part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des documents comptables produits par M. pour les années 1995 et 1999, que le taux de marge total, pour l'ensemble de l'activité du fonds de commerce était de 16,65% ; qu'il sera fait une juste évaluation du préjudice commercial subi par la SNC en appliquant ce taux de marge au chiffre d'affaires de l'année 1995 ramené au prorata de la période ci-dessus définie ; qu'ainsi, la perte de marge pour la période courant de la notification du jugement du tribunal de commerce du 25 juin 1997, à la date de reprise d'approvisionnement en tabac de la SNC soit le 4 août suivant, laquelle constitue le préjudice commercial indemnisable, s'élève à 2 000 euros ;

En ce qui concerne M. et Mme :

Considérant que compte tenu de la résistance de l'administration des douanes à exécuter la décision de justice rendue par le tribunal de commerce de Toulon d'une part, des difficultés inhérentes à toute procédure judiciaire d'autre part, M. et Mme ont subi un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en condamnant l'Etat à verser à chacun des époux, de ce chef, une indemnité de 1 500 euros laquelle portera, dans les conditions précisées en ce qui concerne la SNC, par les premiers juges, intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2000 et capitalisation à la date du 5 juin 2001 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions aux fins de sursis à l'exécution du jugement dont il est fait appel :

Considérant que la Cour ayant statué sur le fond du litige, les conclusions aux fins de sursis à l'exécution dudit jugement sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : «Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à la SNC et aux époux une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 30 000 euros que l'Etat a été condamné à verser à la SNC par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nice du 21 mars 2006 est ramenée à 2000 euros. Ladite somme portera pareillement intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2000. Les intérêts échus à la date du 5 juin 2001 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : L'Etat est condamné à payer une somme totale de 3 000 euros à M. et Mme . Ladite somme portera pareillement intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2000. Les intérêts échus à la date du 5 juin 2001 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le jugement du Tribunal Administratif de Nice du 21 mars 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : l'Etat versera à la SNC et aux époux une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, de la SNC et de M. et Mme est rejeté.

Article 6 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE aux fins de sursis à l'exécution du jugement attaqué.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC , à M. Michel , à Mme Viviane , et au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE.

Copie en sera adressée pour information, à Me Jean-Pierre Grossetti, représentant des créanciers, et à M. Cananzi, juge-commissaire près le tribunal de commerce de Toulon.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2006, où siégeaient :

- Mme Bonmati, président de chambre,

- M. Moussaron, président-assesseur,

- Mme Pena, conseiller,

Lu en audience publique, le 13 novembre 2006.

Le rapporteur,

Signé

E. PENA

Le président,

Signé

D. BONMATI

Le greffier,

Signé

P. RANVIER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

N° 06MA01269, 06MA01403, 06MA01404 2

vt


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06MA01269
Date de la décision : 13/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BONMATI
Rapporteur ?: Mme Eleonore PENA
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : ROLLAND

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-11-13;06ma01269 ?
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