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19/02/2007 | FRANCE | N°04MA00393

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 19 février 2007, 04MA00393


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 19 février 2004 sous le n°04MA00393, présentée par Me Coppinger, avocat, pour la société SA RAZEL, représentée par le président de son directoire, dont le siège est 3 rue René Razel à Orsay (91892), et son mémoire enregistré le 10 janvier 2007 ;

La société SA RAZEL demande à la Cour de:

1) annuler le jugement n°0000539 du 4 décembre 2003, par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la collectivité territoriale de Cor

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 19 février 2004 sous le n°04MA00393, présentée par Me Coppinger, avocat, pour la société SA RAZEL, représentée par le président de son directoire, dont le siège est 3 rue René Razel à Orsay (91892), et son mémoire enregistré le 10 janvier 2007 ;

La société SA RAZEL demande à la Cour de:

1) annuler le jugement n°0000539 du 4 décembre 2003, par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la collectivité territoriale de Corse à lui verser l'indemnité de 4 270799 F, ramenée après expertise à la somme de 600 274,56 euros (3 937 543 F) par mémoires des 14 novembre 2001 et 7 octobre 2002, majorée de la TVA et augmentée des intérêts moratoires à compter du 9 novembre 1999, au titre du solde du marché de construction du pont du Vecchio, ensemble la somme de 50 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2) condamner ladite collectivité à lui verser une indemnité de 40 808,92 euros HT (267 689 F), majorée de la TVA et augmentée des intérêts moratoires à compter du 20 décembre 1999, en réparation des préjudices occasionnés par les retards de branchements EDF ;

3) condamner ladite collectivité à lui verser une indemnité de 31 087,56 euros HT (203 291 F), majorée de la TVA et augmentée des intérêts moratoires à compter du 20 décembre 1999, en réparation des préjudices occasionnés par les retards subis dans l'agrément de son sous-traitant GSM ;

4) condamner ladite collectivité à lui verser une indemnité de 303.729,82 euros HT (1.992.337 F), majorée de la TVA et augmentée des intérêts moratoires à compter du 20 décembre 1999, au titre des sujétions imprévues ayant affecté la fourniture des agrégats nécessaires au chantier en litige et au titre de l'obligation de renseignements du maître de l'ouvrage ;

5) condamner ladite collectivité à lui verser une indemnité de 91 645,78 euros HT (601 157 F), majorée de la TVA et augmentée des intérêts moratoires à compter du 20 décembre 1999, en réparation des préjudices occasionnés par la formule équivoque du bordereau contractuel concernant les prix des armatures ;

6) condamner ladite collectivité à lui verser une indemnité de 442 155,81 euros HT (2 900 352), majorée de la TVA et augmentée des intérêts moratoires à compter du 20 décembre 1999, au titre de la perte d'industrie correspondant à un décalage de chantier de six mois et demi, à titre subsidiaire, d'évaluer cette indemnité à 128.528, 39 euros HT (843.071 F) au titre d'un décalage de 8 semaines ;

7) capitaliser les intérêts en application de l'article 1154 du code civil ;

8) condamner la collectivité territoriale de Corse à supporter les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 5.911,29 euros ;

9) condamner ladite collectivité à lui verser la somme de 8 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

………………………………

Vu les mémoires, enregistrés au greffe de la Cour les 13 avril 2006 et 18 janvier 2007, présentés par Me Retali, avocat, pour la collectivité territoriale de Corse, qui demande à la Cour de rejeter la requête, de confirmer le jugement attaqué et de condamner l'appelante à lui verser la somme de 10 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

………………………..

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2007 :

- le rapport de M. Brossier, premier conseiller,

- les observations de Me Coppinger pour la société RAZEL,

- et les conclusions de Mlle Josset, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la collectivité territoriale de Corse a confié à la société RAZEL les travaux de construction du pont du Vecchio, situé sur la nationale 193, par un marché public de travaux notifié le 6 mai 1996 d'un montant de 5 671 688,7 euros HT ( 37 203 839 F) ; que ladite collectivité, maître de l'ouvrage, assurait également la maîtrise d'oeuvre ; que le décompte général du 21 septembre 1999 a fait l'objet de la part de cet entrepreneur d'un mémoire en réclamation tendant à la prise en compte de coûts supplémentaires, non prévus selon lui et liés à des retards dans l'exécution du chantier, pour un montant total de 651 079,11 euros HT (4 270799 F) ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande d'indemnisation que la société RAZEL avait fixée à ladite somme de 651 079,11 euros HT (4 270 799 F), puis ramenée à 600 274,56 euros (3 937 543 F) dans le dernier état de ses écritures devant le juge de première instance ;

Considérant en premier lieu, et en ce qui concerne le retard allégué de 7 mois dans le branchement électrique du chantier par l'établissement Electricité de France, que la société RAZEL a recouru à la location et l'utilisation de deux groupes électrogènes représentant un surcoût qu'elle évalue à 40 808,92 euros ; que s'il résulte des stipulations de l'article 31.12 du cahier des clauses administratives générales, applicable au marché en cause, que toutes les sujétions de préparation et d'installation de chantier incombent à l'entrepreneur, ce dernier reste susceptible d'être indemnisé de toute sujétion présentant un caractère exceptionnel et imprévisible lors de la conclusion du contrat dont la cause est extérieure aux parties ; qu'il résulte cependant de l'instruction que le retard invoqué dans le branchement électrique du chantier, compte tenu de sa nature, ne peut être regardé comme présentant les critères susmentionnés autorisant une indemnisation ; qu'il ne peut, non plus, être susceptible de justifier une indemnisation sur le terrain des travaux indispensables, s'agissant non pas de travaux mais de frais de préparation et d'installation du chantier ;

Considérant en deuxième lieu, et en ce qui concerne le retard allégué dans l'agrément par la collectivité territoriale de Corse du sous-traitant GSM, que la société appelante invoque la faute contractuelle du maître de l'ouvrage qui n'aurait pas respecté le délai de 40 jours fixé par l'article 3.5 du cahier des clauses administratives particulières du marché, l'obligeant à consentir à ce sous-traitant deux avances de trésorerie au cours du premier trimestre 1997, dont elle n'a pu obtenir le remboursement du fait de la liquidation judiciaire de l'entreprise ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert, que le dossier de demande d'agrément a été déposé le 12 décembre 1996, que le maître de l'ouvrage ne s'est inquiété du caractère incomplet de ce dossier que le 17 février 1997, soit 26 jours après l'expiration des 40 jours contractuels, et que l'agrément a finalement été délivré le 14 mars 1997 ; que s'il est exact que la société RAZEL a avancé la somme de 220 235,40 F à son sous-traitant GSM, cependant, des versements directs ont été effectués par le maître de l'ouvrage à ce sous-traitant les 1er avril, 5 mai, 2 juin et 1er juillet 1997, pour un montant total de 560 591,47 euros, avant la défaillance dudit sous-traitant dont les mauvaises prestations ont conduit l'entrepreneur RAZEL à résilier le 4 juillet 1997 le contrat de sous-traitance ; que, dans ces conditions, le préjudice allégué par la société RAZEL né de l'absence de remboursement de l'avance de trésorerie accordée au sous-traitant GSM ne peut être regardé comme présentant un lien suffisamment direct et certain avec le retard de 26 jours susmentionné ;

Considérant en troisième lieu, et en ce qui concerne le changement de fournisseur des agrégats nécessaires à la fabrication du béton, que la société RAZEL demande, sur le terrain des sujétions imprévues, une indemnité de 303 729,82 euros HT (1 992 337 F) au titre de surcoûts supplémentaires ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que ces surcoûts sont dus au fait que la capacité du site d'extraction de Castilra initialement retenu par la société RAZEL n'était pas compatible avec la quantité de matériaux nécessaires ; que si le cahier des clauses techniques particulières du marché imposait des contraintes pour la qualité du béton, il laissait à l'entreprise le choix du site d'approvisionnement en granulats ; qu'ainsi les erreurs susceptibles d'avoir été commises dans l'appréciation des caractéristiques de la carrière de Castilra, au regard des résultats attendus pour le béton, ne sont imputables à la collectivité territoriale de Corse ni en sa qualité de maître d'ouvrage, ni en sa qualité de maître d'oeuvre ; qu'en ce qui concerne le caractère imprévisible des difficultés rencontrées à Castilra, il n'est pas contesté qu‘un soumissionnaire concurrent non retenu avait prévu un autre site pour la fourniture en agrégats, qui sera celui finalement retenu par la société RAZEL ; que, dans ces conditions, les surcoûts invoqués ne sauraient donner lieu à indemnisation ;

Considérant en quatrième lieu, et en ce qui concerne le calcul du prix des armatures de précontrainte, que la société appelante, en faisant valoir une ambiguïté dans la rédaction du bordereau des prix unitaires, réclame une indemnité de 91.645,79 euros sur le fondement de l'article 1162 du code civil en vertu duquel une convention, dans le doute, « s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation » ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, notamment du rapport d'expertise (page 25), que s'agissant des torons, la méthode de calcul des prix utilisée par la personne publique, en unité de masse et non de volume apparent, est conforme aux usages propres à l'activité du bâtiment et des travaux publics ; qu'il s'ensuit que l'interprétation que propose la société appelante ne peut être retenue ;

Considérant, en cinquième et dernier lieu, que la société RAZEL fait valoir que l'allongement de la durée du chantier serait à l'origine d'une perte d'industrie, incluant le non-amortissement de ses frais généraux, qu'elle avait évaluée dans sa requête introductive de première instance à la somme de 1 167 357 F HT (177 962,43 euros) puis ramenée, après expertise et à titre subsidiaire, à la somme de 843 091 F HT (128 528,39 euros) par mémoires des 14 novembre 2001 et 7 octobre 2002 ; que sa demande en appel est portée à ce titre au montant total de 2 900 352 F (442 155,81 euros) ; qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de cinq mémoires en réclamation, formés en cours d'exécution du chantier par l'entrepreneur le 2 juillet 1998 pour un montant de 4 450 116 F HT, la durée contractuelle du chantier initialement prévue pour 24 mois a été portée à 31 mois, jusqu'au 6 décembre 1998, par l'avenant n° 1 du 27 novembre 1998 ; que l'article 5 de cet avenant a prévu en contrepartie une augmentation de la masse du marché à 38 849 664,70 euros HT, incluant une indemnité de 4 720 872,80 euros, dont 334 656 F au titre du non-amortissement des frais généraux ; que son article 6 stipule à la suite : « L'entreprise Razel renonce à tout recours relatif à cet avenant » ; que, dans ces conditions, la société appelante n'est fondée à invoquer le dépassement du délai d'exécution que sur la période courant du 6 décembre 1998 au 31 janvier 1999, date d'un ultime report décidé le 15 février 1999 ; que la société RAZEL n'établit toutefois, pas plus en appel qu'en première instance, que ce dépassement, lié à des intempéries et à un mouvement de grève, serait imputable à une faute de la collectivité territoriale de Corse ou à une cause autre que les sujétions qui, aux termes de l'article 10.1 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché, sont réputées être comprises dans le prix ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SA RAZEL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande indemnitaire et ont, par voie de conséquence, mis à sa charge les frais d'expertise ;

Sur les frais exposés par les parties et non compris dans les dépens :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis aux juges ; que les conclusions présentées à ce titre par la société RAZEL doivent dès lors être rejetées ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la collectivité territoriale de Corse et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er: La requête n°04MA00393 de la société SA RAZEL est rejetée.

Article 2 : La société RAZEL versera à la collectivité territoriale de Corse la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SA RAZEL, à la collectivité territoriale de Corse et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

5

04MA00393


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 04MA00393
Date de la décision : 19/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: Melle JOSSET
Avocat(s) : COPPINGER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2007-02-19;04ma00393 ?
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