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25/05/2007 | FRANCE | N°04MA02058

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 25 mai 2007, 04MA02058


Vu, la télécopie enregistrée le 14 septembre 2004 puis la requête enregistrée le 16 septembre 2004, sous le n° 04MA02058, présentées pour la REGIE DES REMONTEES MECANIQUES DE SERRE-CHEVALIER, dont le siège est Le Serre d'Aigle, 05330 Saint Chaffrey, par la société d'avocats Barneoud Guy Lecoyer Millias ; la REGIE DES REMONTEES MECANIQUES DE SERRE-CHEVALIER demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0000405 du 30 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à verser une somme de 400.000 euros augmentée des intérêts à compter du 3 jui

n 1999 et de leur capitalisation à compter du 6 septembre 2000, outre 1.0...

Vu, la télécopie enregistrée le 14 septembre 2004 puis la requête enregistrée le 16 septembre 2004, sous le n° 04MA02058, présentées pour la REGIE DES REMONTEES MECANIQUES DE SERRE-CHEVALIER, dont le siège est Le Serre d'Aigle, 05330 Saint Chaffrey, par la société d'avocats Barneoud Guy Lecoyer Millias ; la REGIE DES REMONTEES MECANIQUES DE SERRE-CHEVALIER demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0000405 du 30 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à verser une somme de 400.000 euros augmentée des intérêts à compter du 3 juin 1999 et de leur capitalisation à compter du 6 septembre 2000, outre 1.000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à la société Delas pour réparer le préjudice que lui a causé son éviction irrégulière du marché de réalisation de la deuxième tranche de l'équipement d'enneigement artificiel ;

2°) de rejeter la requête de la société Delas devant le Tribunal administratif de Marseille ;

3°) de condamner Me Roche, mandataire judiciaire, à verser 4.575 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………..

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire complémentaire enregistré le 16 septembre 2004 présenté pour la REGIE DES REMONTEES MECANIQUES DE SERRE-CHEVALIER ;

Vu le mémoire enregistré les 14 et 16 février 2005, présenté pour Me André Charles Roche, mandataire judiciaire représentant des créanciers et commissaire à l'exécution du plan de la société anonyme Delas, par Me Chavent ; la Société Delas demande le rejet de la requête, et, par la voie de l'appel incident, la condamnation de la REGIE DES REMONTEES MECANIQUES DE SERRE-CHEVALIER à verser 459.633,78 euros TTC supplémentaires en réparation du préjudice commercial subi, outre intérêts et capitalisation des intérêts et 10.000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que : la REGIE DES REMONTEES MECANIQUES DE SERRE-CHEVALIER doit justifier de sa dénomination, de son siège et de l'habilitation à relever appel ; l'éviction irrégulière de le la société Delas a eu pour conséquence son dépôt de bilan et sa reprise ; le mandataire judiciaire est habilité à poursuivre ou exercer toute action judiciaire formée dans l'intérêt des créanciers ; l'action indemnitaire est la poursuite de l'action antérieurement menée par la société Delas pour obtenir l'annulation de l'attribution du marché ; l'action ne fait pas partie des droits transférés au cessionnaire ; seuls sont cédés les droits figurant comme tels dans le plan de cession ; le règlement de consultation n'imposait pas une technique bi-fluide ; l'engagement d'assurer la maintenance et le service après-vente découlait directement de la signature de l'acte d'engagement ; le tribunal s'est expressément prononcé sur les chances d'emporter le marché ; les prétendues défaillances de la société Delas dans l'exécution du marché antérieur ne sont nullement établies et sont parfaitement infondées ; le moyen tiré des critères de la consultation est dépourvu de toute précision ; la décision d'attribution n'était pas illégale que pour des motifs de légalité externe, mais a été le fruit de manoeuvres tendant à éliminer l'offre de la société Delas, présentée à tort comme moins intéressante ; ces manoeuvres démontrent que la société Delas avait une chance sérieuse ; l'évaluation du manque à gagner est conforme aux marges habituellement pratiquées ; le préjudice commercial constitue un préjudice distinct du manque à gagner et est indemnisable au cas d'éviction irrégulière, d'autant plus quand il résulte de pratiques pénalement sanctionnables et qui sont à l'origine directe du dépôt de bilan ;

Vu les nouveaux mémoires enregistrés les 13 juin 2005 et 30 mars 2006 présentés pour Me Roche par Me Chavent, qui maintient ses conclusions antérieures et demande subsidiairement que soit ordonnée une expertise afin de déterminer l'étendue des préjudices subis ;

Vu le mémoire enregistré le 14 décembre 2005, présenté pour la REGIE DES REMONTEES MECANIQUES DE SERRE-CHEVALIER, et tendant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire enregistré le 1er mars 2007, présenté pour la COMMUNE DE SAINT CHAFFREY, venant aux droits de la REGIE DES REMONTEES MECANIQUES DE SERRE-CHEVALIER, par Me Lecoyer ; la COMMUNE DE SAINT CHAFFREY reprend les conclusions de la REGIE DES REMONTEES MECANIQUES et porte à 10.000 euros la demande formulée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que : le directeur de la régie avait été dûment habilité par son conseil d'administration à engager une procédure ; en revanche, la requête introduite devant le tribunal par Me Roche était irrecevable car ce dernier n'avait pas qualité pour intenter un recours indemnitaire ; Me Roche avait toujours indiqué agir au nom de la société Delas et non dans l'intérêt de la masse des créanciers ; les créanciers se sont vu délivrer des certificats d'irrecouvrabilité, ce qui va dans le sens d'une action au nom de la société et non dans l'intérêt de ses créanciers ; la procédure est distincte de celle visant à faire annuler la décision d'attribution du marché ; la mission impartie à Me Roche a pris fin avec le paiement du prix de cession par la société Hervé thermique, le 15 mai 1995 ; la prolongation de la mission décidée par le tribunal de commerce de Saint Etienne est dénuée de fondement juridique ; l'action exercée au nom de la société Delas faisait partie des éléments incorporels du fonds cédés en intégralité à la société Hervé Thermique ; subsidiairement au fond, l'offre de la société Delas n'était pas conforme aux prescriptions techniques du marché ; la première tranche a connu des problèmes, liés à la conception de l'ouvrage ; la société Delas n'avait donc pas de chance sérieuse d'emporter le marché ; encore plus subsidiairement, les demandes indemnitaires ne sont pas fondées ; dans une instance similaire, relative à la station Isola 2000, le tribunal administratif de Marseille a condamné la régie à une indemnité quatre fois inférieure ; le préjudice commercial ne figure pas au nombre des préjudices pouvant faire l'objet d'une indemnisation, et n'est, au demeurant, pas établi ; le manque à gagner prétendument subi ne repose sur aucun élément probant ; au cours de son meilleur exercice comptable, celui de l'année 1994, la marge brute de la société Delas s'est élevée à 2,57% ; l'indemnisation ne saurait être supérieure à 10.000 euros ; les intérêts ne sauraient courir avant l'enregistrement de la requête au tribunal administratif ;

Vu le nouveau mémoire enregistré le 24 avril 2007, présenté pour Me Roche et tendant aux mêmes fins que son précédent mémoire et en outre, en l'absence de tout document établissant la dissolution de la REGIE DES REMONTEES MECANIQUES DE SERRE-CHEVALIER à la condamnation solidaire de cette régie de la COMMUNE DE SAINT CHAFFREY ; il soutient que : le commissaire à l'exécution du plan a qualité pour agir ; il a toujours agi au nom de la société et dans l'intérêt des créanciers ; la délivrance de certificats d'irrecouvrabilité ne supprime pas pour autant la possibilité ultérieure de règlement ; la créance n'est pas incluse dans le plan de cession ; toute illégalité est fautive et l'illégalité a été reconnue par un jugement du 2 février 1996 devenu définitif ; des irrégularités de fond avaient également été invoquées devant le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de statuer sur tous les moyens ; la jurisprudence retient la possibilité d'indemniser le préjudice commercial ; les fautes commises par la REGIE DES REMONTEES MECANIQUES DE SERRE-CHEVALIER ont contribué à la faillite de l'entreprise ; le tribunal administratif n'a retenu les pièces comptables produites comme un élément d'appréciation, sans se fonder exclusivement sur eux ; les marges généralement invoquées par la société York sont très largement supérieures au manque à gagner sollicité ; la TVA est due ; les intérêts commencent à courir à compter de la demande préalable, soit le 3 juin 1999 ; la capitalisation doit être ordonnée comme en première instance au 6 septembre 2000 et à chaque échéance annuelle ;

Vu la note en délibéré, présentée par Me Chavent pour Me Roche ;

Vu la note en délibéré, présentée par Me Lecoyer pour LA REGIE DES REMONTEES MECANIQUES DE SERRE-CHEVALIER ;

II/ Vu la télécopie enregistrée le 14 septembre 2004 puis la requête enregistrée le 16 septembre 2004, sous le n° 04MA02059, présentées pour la REGIE DES REMONTEES MECANIQUES DE SERRE-CHEVALIER, dont le siège est Le Serre d'Aigle, 05330 Saint Chaffrey, par la société d'avocats Barneoud Guy Lecoyer Millias ; la REGIE DES REMONTEES MECANIQUES DE SERRE-CHEVALIER demande à la Cour :

1°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 0000405 du 30 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à verser une somme de 400.000 euros augmentée des intérêts à compter du 3 juin 1999 et de leur capitalisation à compter du 6 septembre 2000, outre 1.000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative à la société Delas pour réparer le préjudice que lui a causé son éviction irrégulière du marché de réalisation de la deuxième tranche de l'équipement d'enneigement artificiel ;

2°) de condamner Me Roche à verser 2.000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que l'exécution du jugement risque de l'exposer à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge ; en effet, la société Delas a été mise en règlement judiciaire puis liquidation judiciaire à la suite du plan de cession dont elle a fait l'objet ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er décembre 2004, présenté pour la Société Delas représentée par Me Roche, mandataire judiciaire par Me Chavent ; la société Delas demande le rejet de la requête et la condamnation de la régie appelante à verser 2.500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que : le risque de perte définitive n'est pas établi ; l'article L. 621-33 du code de commerce prévoit que les sommes versées au représentant des créanciers sont déposées à la caisse des dépôts et consignations et sont insaisissables ; ces sommes ne sont pas affectées par le risque d'exploitation puisqu'il n'y a plus d'exploitation ; le commissaire à l'exécution du plan a certifié que les sommes versées en application du jugement ne seront pas employées dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire avant l'obtention d'une décision définitive ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 janvier 2005, présenté pour la REGIE DES REMONTEES MECANIQUES DE SERRE-CHEVALIER qui maintient ses conclusions antérieures et fait valoir que l'argument tiré de la non utilisation des sommes a déjà été jugé comme non pertinent ; le tribunal de commerce pourrait décider de l'utilisation des sommes concernées ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 février 2005, présenté pour la Société Delas représentée par Me roche, mandataire judiciaire qui maintient ses conclusions antérieures ;

Vu les mémoires, enregistrés les 9 mai 2005, 17 mai 2005 et 14 décembre 2005 présentés pour la REGIE DES REMONTEES MECANIQUES DE SERRE-CHEVALIER qui reprennent les moyens exposés dans le cadre de la requête n° 04MA02058 susvisée ;

Vu les mémoires, enregistrés les 8 juillet 2005, 26 août 2005 et 3 avril 2006 présentés pour la Société Delas représentée par Me Roche, mandataire judiciaire qui communique également ses écritures sur le dossier n° 04MA02058 susvisé ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 avril 2007 :

- le rapport de Mme Favier, président-assesseur,

- les observations de Me Millias pour la commune de Saint Chaffrey et de Me Chavent pour la société Delas,

- et les conclusions de Mlle Josset, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par deux requêtes enregistrées sous les numéros 04MA02058 et 04MA02059, la REGIE DES REMONTEES MECANIQUES DE SERRE-CHEVALIER, à laquelle s'est substituée la COMMUNE DE SAINT CHAFFREY, demande l'annulation et le sursis à l'exécution du jugement du 30 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à verser 400.000 euros à la société Delas en réparation du préjudice que lui a causé son éviction irrégulière en 1992 du marché de réalisation de la deuxième tranche de l'équipement d'enneigement artificiel de la station ; que ces deux requêtes présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt ;

- sur la recevabilité de la requête d'appel :

Considérant que la REGIE DES REMONTEES MECANIQUES DE SERRE-CHEVALIER a produit devant la Cour la délibération de son conseil d'administration du 30 août 2004 autorisant son directeur à faire appel du jugement du tribunal administratif de Marseille et à mandater un cabinet d'avocats pour défendre les intérêts de la régie ; qu'en outre, l'instance a été reprise par la COMMUNE DE SAINT CHAFFREY, venant aux droits de la régie dissoute, et dont le maire a été régulièrement habilité par délibération du conseil municipal du 21 décembre 2006 ; que la fin de non recevoir opposée par la société Delas et tirée de l'absence de justification de la qualité de l'appelante doit donc écartée ;

- sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que par un jugement du tribunal de commerce de Saint Etienne du 29 mars 1995, la société Delas a été autorisée à céder ses actifs à la société Hervé Thermique ; que le plan de cession prévoyait le rachat par la société Hervé Thermique de la totalité des éléments incorporels pour 100.000 francs, des éléments corporels tels que décrits par l'inventaire de l'expert pour 580.000 francs et des stocks pour 320.000 francs, ainsi que la poursuite des chantiers en cours, des contrats de travail et la reprise d'un bail immobilier et de plusieurs crédits baux ; que ces éléments cédés ne comprennent nullement la mise en oeuvre des actions indemnitaires que la société Delas aurait pu mener pour obtenir réparation de préjudices qu'elle aurait subis antérieurement ; que dans ces conditions, la COMMUNE DE SAINT CHAFFREY n'est pas fondée à soutenir que seule la société Hervé Thermique aurait eu qualité pour agir devant le tribunal administratif de Marseille en raison de préjudices nés fin 1992 ;

Considérant d'autre part, qu'aucune disposition de la loi relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, dont les dispositions ont été reprises au code de commerce, ne faisait obstacle à ce que la société Delas, qui avait cessé son activité mais subsistait pour les besoins de son plan de cession, prolongé par jugement du 2 octobre 2003 jusqu'au 31 décembre 2005, exerçât une action contentieuse pour demander réparation de son préjudice à l'encontre de toute personne à qui elle reprochait d'avoir contribué, par ses agissements fautifs, à la diminution de l'actif ou à l'aggravation du passif ; qu'il appartenait donc au mandataire judiciaire désigné pour l'assister dans la mise en oeuvre du plan de cession d'introduire une telle action, même non prévue par le plan de cession ; que par suite, la COMMUNE DE SAINT CHAFFREY n'est pas fondée à soutenir que Me Roche, commissaire à l'exécution du plan de cession n'aurait pas eu qualité pour présenter, au nom de la société Delas, et dans l'intérêt de la masse des créanciers, une requête tendant à voir réparer le préjudice subi ;

- sur l'indemnisation de la société Delas :

- en ce qui concerne la responsabilité de la REGIE DES REMONTEES MECANIQUES DE SERRE CHEVALIER :

Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que par un jugement en date du 2 février 1996, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision de la REGIE DES REMONTEES MECANIQUES DE SERRE-CHEVALIER du 28 décembre 1992 attribuant le marché de réalisation de la deuxième tranche de l'équipement d'enneigement artificiel à la société York France ; que par le jugement du 30 mars 2004, le même tribunal a estimé qu'il n'était pas sérieusement contesté que l'offre présentée par la société requérante présentait les garanties techniques requises et proposait notamment un prix en réalité inférieur à celui proposé par la société York France et qu'ainsi, la société requérante était fondée à soutenir qu'elle détenait des chances sérieuses d'obtenir le marché illégalement attribué à la société York France, que compte tenu de ces mentions, et contrairement à ce que soutient la COMMUNE DE SAINT CHAFFREY, venant aux droits de la REGIE DES REMONTEES MECANIQUES DE SERRE-CHEVALIER le Tribunal a bien examiné les chances qu'avait la société Delas d'emporter le marché ;

Considérant, par ailleurs, que pour contester l'existence de telles chances, la COMMUNE DE SAINT CHAFFREY soutient, en premier lieu, que l'offre de la société Delas ne satisfaisait pas aux conditions techniques posées par le cahier des clauses techniques particulières, qu'il avait, en second lieu, été tenu compte des défaillances de cette société dans le déroulement du marché dont elle avait été titulaire pour la première tranche de l'équipement, et qu'enfin, l'offre de la société Delas n'avait aucune chance de succès au regard des critères de la consultation ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qu'affirme la COMMUNE DE SAINT CHAFFREY, le cahier des clauses techniques particulières soumis aux candidats n'imposait pas, par son article 22-1, la fourniture de canons de technologie bifluide ; que s'il prévoyait le recours à cette technologie, il n'excluait nullement, de par son article 22-2, le recours à des canons de type monofluide ; que la circonstance que la société Delas n'ait proposé que des canons de technologie monofluide n'était donc pas de nature à priver sa candidature de toute chance de succès ;

Considérant que ce même cahier des clauses techniques particulières prévoyait en son article 11 que le candidat devait fournir un engagement explicite de l'entreprise à assurer le service maintenance et après-vente de l'installation finale ; que si la commune appelante affirme que les moyens proposés pour assurer le service maintenance et après vente par la société Delas étaient trop limités, cette seule circonstance n'était pas de nature à faire regarder cette candidature comme non valable, dès lors que l'engagement d'assurer ces services était souscrit ;

Considérant que si la COMMUNE DE SAINT CHAFFREY invoque les défaillances de la société Delas dans l'exécution de la première tranche de l'équipement réalisé en 1989, il résulte de l'instruction, éclairée par un rapport d'expertise ordonnée en référé en 1995, que les difficultés de fonctionnement causées par la corrosion de la tuyauterie, auxquelles il a été remédié en 1996, ont été particulièrement rencontrées à la date de la mise en service de la deuxième tranche et qu'il pouvait y être remédié sans remettre en cause l'installation ; que par suite, ces difficultés, constatées après l'attribution de la deuxième tranche, ne peuvent être regardées comme ayant justifié la décision de l'attribuer à une autre entreprise ;

Considérant, enfin, que le moyen tiré de ce que l'offre de la société Delas ne pouvait qu'être écartée au regard des critères de la consultation est dépourvu de toute précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que ce moyen ne peut qu'être rejeté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE SAINT CHAFFREY n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la société Delas disposait de chances sérieuse d'emporter le marché ; qu'en vertu des principes énoncés ci-dessus, cette seule appréciation justifiait qu'une indemnité tendant à réparer le préjudice subi soit mise à la charge de la personne publique responsable, quel qu'ait été le motif, fût-il de forme, pour lequel la décision d'attribution avait été reconnue irrégulière ;

en ce qui concerne le montant de l'indemnité accordée :

Considérant, ainsi qu'il l'a été dit ci-dessus, que lorsque l'entreprise irrégulièrement évincée d'un marché, avait des chances sérieuses de l'emporter, elle a droit à être indemnisée du manque à gagner que la décision irrégulière lui a causé ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'analyse des documents comptables produits par Me Roche et concernant les exercices 1991 à 1994 de la société Delas, que cette société ne réalisait un bénéfice que lorsque son chiffre d'affaires annuel excédait 30.000.000 francs, mais qu'au-delà de cette somme, son taux de marge connaissait une augmentation plus que proportionnelle à l'évolution du chiffre d'affaires ; qu'au cours de l'année 1993 les produits d'exploitation comptabilisés par la société Delas se sont élevés à 37.242.585 francs ; que, dans ces conditions, le bénéfice supplémentaire que pouvait induire l'attribution d'un marché de 13.000.000 francs tel que celui de la réalisation de la deuxième tranche de l'enneigement artificiel de Serre Chevalier, pouvait être raisonnablement estimé à 1.300.000 francs, soit environ 200.000 euros ; qu'ainsi, en l'évaluant à 400 000 euros, les premiers juges ont fait une évaluation excessive du préjudice indemnisable ;

- en ce qui concerne les intérêts :

Considérant que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la condamnation prononcée devait être assortie des intérêts à compter de la demande préalable adressée le 3 juin 1999 par la société Delas, et non, comme le soutient la COMMUNE DE SAINT CHAFFREY, à compter de la requête introductive du 24 janvier 2000 ;

- sur l'appel incident de la société Delas :

Considérant, tout d'abord, que la société Delas demande, par la voie de l'appel incident, que l'indemnité mise à la charge de la COMMUNE DE SAINT CHAFFREY soit majorée pour tenir compte de son préjudice commercial ; qu'ainsi qu'il l'a été dit ci-avant, l'éviction irrégulière d'une entreprise détenant des chances sérieuses d'emporter un marché est sanctionnée par l'attribution d'une indemnité représentative de son manque à gagner, à l'exclusion de toute autre somme ; qu'ainsi, les conclusions d'appel incident tendant à ce que soient indemnisées l'atteinte à l'image commerciale de la société Delas et l'obligation dans laquelle elle s'est trouvée de céder ses actifs, ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant, ensuite, que l'indemnité mise à la charge de la COMMUNE DE SAINT CHAFFREY, qui vise à réparer un préjudice et ne correspond pas à la rémunération d'une prestation, n'a pas à être assortie de la taxe sur la valeur ajoutée;

Considérant, enfin, que la COMMUNE DE SAINT CHAFFREY s'est substituée en cours d'instance à la REGIE DES REMONTEES MECANIQUES DE SERRE-CHEVALIER, dont elle a repris les droits et obligations du fait de sa dissolution ; que seule la COMMUNE DE SAINT CHAFFREY est désormais présente à l'instance ; que dès lors, les conclusions de la société Delas tendant à voir la commune et sa régie condamnées solidairement, outre qu'elles sont nouvelles en appel, ne peuvent être accueillies ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de ramener à la somme de 200 000 euros le montant de la condamnation prononcée par les premiers juges, de réformer en ce sens le jugement attaqué, et de rejeter le surplus des conclusions de la commune de Saint Chaffrey ainsi que les conclusions incidentes de la société Delas ;

- sur la demande de la COMMUNE DE SAINT CHAFFREY tendant qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué :

Considérant que, dès lors qu'il a été statué sur la requête au fond, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué sont devenues sans objet ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;

- sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accorder à la société Delas et à la COMMUNE DE SAINT CHAFFREY les sommes qu'elles demandent au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 04MA2059.

Article 2 : l'indemnité de 400.000 euros due à la société Delas avec intérêts au 3 juin1999 et capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle à compter du 6 septembre 2000 accordée par le tribunal administratif de Marseille est ramenée à 200.000 euros dans les mêmes conditions d'intérêts ;

Article 3 : le surplus des conclusions de la COMMUNE DE SAINT CHAFFREY est rejeté.

Article 4 : les conclusions d'appel incident de la société Delas sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Delas, à la COMMUNE DE SAINT CHAFFREY et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

N° 04MA02058 et 04MA02059 - 2 -


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 04MA02058
Date de la décision : 25/05/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Sylvie FAVIER
Rapporteur public ?: Melle JOSSET
Avocat(s) : SELARL BARNEOUD GUY LECOYER MILLIAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2007-05-25;04ma02058 ?
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