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03/03/2008 | FRANCE | N°05MA00306

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 03 mars 2008, 05MA00306


Vu la requête enregistrée le 14 février 2005 présentée pour M. Thomas X, demeurant ..., par la SCP Fortunet, et les mémoires complémentaires en date des 31 mars 2006 et 10 décembre 2007 ;

M. Thomas X demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 9901433 en date du 7 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a condamné le département des Bouches-du-Rhône à verser à Mme Martine X, agissant en qualité de curatrice de son fils Thomas, la somme de 56.453,08 euros (cinquante six mille quatre cent cinquante trois euros et huit centimes) en ré

paration des préjudices que ce dernier a subis à la suite de l'accident dont...

Vu la requête enregistrée le 14 février 2005 présentée pour M. Thomas X, demeurant ..., par la SCP Fortunet, et les mémoires complémentaires en date des 31 mars 2006 et 10 décembre 2007 ;

M. Thomas X demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 9901433 en date du 7 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a condamné le département des Bouches-du-Rhône à verser à Mme Martine X, agissant en qualité de curatrice de son fils Thomas, la somme de 56.453,08 euros (cinquante six mille quatre cent cinquante trois euros et huit centimes) en réparation des préjudices que ce dernier a subis à la suite de l'accident dont il a été victime le 3 juin 1997, la somme de 288.879,94 euros (deux cent quatre vingt huit mille huit cent soixante dix neuf euros et quatre vingt quatorze centimes) et 760 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse, mis les frais d'expertise à la charge du département de Vaucluse et rejeté le surplus des conclusions des parties ;
2°) d'ordonner une contre-expertise, pour vérifier le taux d'incapacité permanente partielle, comprenant le recours à un sapiteur psychiatre et à un sapiteur ophtalmologue ;
3°) de condamner le département des Bouches-du-Rhône à verser, en réparation du préjudice subi par M. X, les sommes de : 4.000 euros, correspondant aux honoraires des psychothérapeutes que le requérant a consultés jusqu'en mai 2003, 13.264,35 euros au titre de la perte des revenus pendant la période d'incapacité temporaire totale, avec intérêts de droit à compter du 15 septembre 2000, 180.000 euros au titre de l'incapacité permanente partielle, 60.575,76 euros au titre de l'incidence professionnelle ; subsidiairement les sommes de 30.000 euros au titre de la perte d'une chance de trouver un emploi, 125.319 euros à titre d'indemnité pour l'emploi d'une tierce personne, sauf à prévoir une rente trimestrielle susceptible d'être réévaluée, sur une base annuelle de 9.123,40 euros, 30.500 euros au titre du pretium doloris, 3.200 euros au titre du préjudice esthétique, 30.000 euros au titre du préjudice d'agrément, 30.000 euros au titre du préjudice sexuel et d'établissement, 530 euros par mois au titre de l'aide ménagère et d'organisation des repas et 5.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

.............

Vu les mémoires présentés les 18 août 2005 et 12 décembre 2007 pour la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse par Me Depieds ; la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse conclut à la réformation du jugement, à la condamnation du département à lui verser une somme de 352.547,60 euros portés à 386.271,45 euros dans le dernier état de ses écritures, avec intérêts de droit au titre de ses débours et la somme de 926 euros au titre du 5ème alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

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Vu le mémoire présenté le 24 mars 2006 par le département du Vaucluse, par Me Porcher ; le département du Vaucluse conclut à titre principal à la confirmation du jugement sauf en ce qui concerne le taux horaire de la tierce personne et à titre subsidiaire à la limitation de la condamnation à 347.361,86 euros en ce qui concerne la caisse primaire d'assurance maladie et à la déduction des sommes dues à la caisse primaire d'assurance maladie des frais futurs sauf une somme de 412,68 euros, fixer le préjudice de M. X soumis à recours à 347.361,86 euros sous déduction d'une somme de 332.570,69 euros correspondant à la créance de la caisse primaire d'assurance maladie, fixer le préjudice personnel non soumis à recours à 56.000 euros sous déduction de la somme de 5.000 euros accordé à titre de provision, fixer le préjudice des parents à une somme maximale de 11.500 euros, fixer le point de départ des intérêts au plus tôt à la date de la décision à intervenir et subsidiairement dire que les intérêts ne porteront pas sur les sommes dues au titre de l'exécution provisoireet condamner M. X à verser une somme de 5.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2007,

- le rapport de M. Marcovici, rapporteur ;
- les observations de Me Fortunet représentant M. X ;
- et les conclusions de Mme Buccafurri, commissaire du gouvernement ;


Considérant que M. X, assisté de Mme X, agissant en sa qualité de curatrice de son fils Thomas, demande la réformation du jugement en date du 7 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a fixé les sommes dues par le département des Bouches-du-Rhône en réparation des préjudices subis par M. X à la suite de l'accident dont il a été victime le 3 juin 1997 ;



Sur les conclusions tendant à la nomination d'un expert afin de réévaluer le taux de l'incapacité permanente partielle :


Considérant qu'aux termes du jugement attaqué du Tribunal administratif de Marseille : « à la suite de l'accident et après de longues périodes de rééducation, M. X demeure atteint de lourdes séquelles d'ordre essentiellement neuro-psychologiques ; que le rapport d'expertise fait état, notamment, d'un syndrome frontal associant un désintérêt labile, une inattention constante, un état de jovialité inadapté aux circonstances accompagné d'un état de sub-excitation pouvant aller jusqu'à l'agressivité ; que si la marche, voire la course, restent possibles, sans boiterie, les faiblesses de la main gauche et des membres inférieurs ont occasionné des chutes, à l'origine de fractures dans certains cas ; que M. X présente de légères difficultés d'élocution, bien que son discours soit compréhensible ; qu'enfin, si sur le plan fonctionnel il paraît apte à effectuer tous les actes de la vie courante, un apprentissage professionnel est impossible pour le moment, en raison de la dispersion des intérêts, d'une grande distraction et d'un défaut de persévérance ; que ces différentes séquelles justifient que l'incapacité permanente partielle dont M. X est atteint depuis la consolidation de ses blessures, et à raison de laquelle une rente d'accident du travail lui est versée par la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse, ait été fixée à 60% ; que cette incapacité s'est traduite, pour la victime, par un repli sur elle-même, l'éloignement de ses amis et des difficultés à nouer des relations amicales ou amoureuses ; que M. X a également perdu tout intérêt pour la musique, activité qui le passionnait auparavant et dont il avait fait son métier jusqu'à l'accident » ; qu'en prenant en compte l'ensemble de ces éléments, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation des séquelles dont souffre M. X depuis son accident, lesquelles sont particulièrement lourdes ; que dans ces conditions, il n'y a lieu ni de faire droit à la demande de l'appelant tendant à ce que son taux d'incapacité permanente partielle, qui ne détermine pas directement le montant de l'indemnité allouée par le juge administratif, soit réévalué, ni de faire droit à sa demande tendant à ce qu'une nouvelle expertise soit ordonnée à cette fin ;



Sur le préjudice indemnisable :


Considérant, en premier lieu, que M. X a subi un préjudice matériel correspondant à la perte de ses vêtements et de sa montre pour un montant non contesté de 2.972 francs (soit 453,08 euros) ;


Considérant, en deuxième lieu, et s'agissant du préjudice corporel, que compte tenu de l'ensemble des séquelles décrites ci-dessus, les troubles dans les conditions d'existence qui résultent pour l'intéressé de l'accident en cause, compte tenu de son incapacité permanente partielle, y compris son préjudice sexuel et sphinctérien, de ses conséquences sociales ou amicales, et de son préjudice d'agrément, peuvent être évalués à la somme de 175.000 euros, dont, dans les circonstances de l'espèce, 95.000 euros représentent la part non physiologique propre à la victime ; qu'il y a lieu de fixer l'indemnisation due au titre de la douleur physique, qui a été estimée par l'expert désigné par les premiers juges à 6 sur une échelle de 7 à 25.000 euros ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice esthétique de 2,5 sur une échelle de 7 en évaluant la somme due à ce titre à 3.000 euros ;


Considérant, en troisième lieu, que s'il ne résulte pas de l'instruction que M. X ait subi une perte de revenus pendant la période d'incapacité temporaire totale distincte de celle prise en charge par les indemnités journalières, il justifie, en revanche subir un préjudice professionnel important pour la période postérieure, dont il sera fait une juste appréciation en fixant à 35 000 euros l'indemnité due à ce titre ; que les indemnités journalières se sont élevées à 8.985,86 euros ;


Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que l'état de M. X justifie l'assistance d'une tierce personne non spécialisée deux heures chaque jour ; qu'en se bornant à soutenir que le taux horaire de 11 euros retenu par le tribunal administratif serait excessif, le département n'établit pas que l'indemnisation de 125.319 euros accordée à ce titre procéderait d'une inexacte appréciation ;


Considérant, en cinquième lieu, que, comme l'a jugé le Tribunal administratif de Marseille, l'accident a entraîné pour la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse des frais d'hospitalisation médicaux et pharmaceutiques, des indemnités journalières et des prestations en nature, notamment des frais de transport pour un montant non contesté de 78.753,12 euros, ainsi que des frais de réadaptation professionnelle dans un centre UEROS à hauteur de 29.027,82 euros ; qu'en revanche, les frais médicaux futurs, compte tenu de leur montant forfaitaire, ne peuvent être pris en compte dans le calcul de l'indemnité représentant le préjudice indemnisable ; que M. X a par ailleurs exposé des frais correspondant à des honoraires de psychothérapeutes, dont il ne justifie toutefois qu'à hauteur de 780 euros, correspondant à 20 séances facturées à 39 euros ;


Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préjudice total dont la réparation doit être mise à la charge du département des Bouches-du-Rhône s'élève à la somme de 481.318,88 euros, dont 453,08 euros au titre des dommages matériels et 480.865,80 euros au titre du préjudice corporel, au sein duquel la somme de 123.000 euros représente la part personnelle restant acquise à M. X ;



Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse :


Considérant qu'en application de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale, applicable en matière d'accident du travail, la caisse d'assurance maladie de Vaucluse a droit au remboursement de ses débours comprenant les frais médicaux et de transport et les indemnités journalières qu'elle a servies à son assuré, soit un montant total de 116.766,80 euros ; qu'elle peut prétendre également au remboursement des arrérages de rente accident du travail qu'elle verse à M. X, soit, dans le dernier état de ses conclusions, 83.590,64 euros correspondant aux arrérages échus et 174.510,28 euros correspondant au capital représentatif de la rente ; qu'au total, la créance de la caisse représente donc 374.867,72 euros ; que cette somme étant supérieure à la fraction de l'indemnité réparant le préjudice corporel, il y a lieu de condamner le département des Bouches du Rhône à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse une somme de 357.865,80 euros correspondant à la part non personnelle de l'indemnité représentative du préjudice corporel ;


Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse a également demandé les intérêts sur les sommes qui lui sont dues ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande, à compter du 8 mars 1999, date de la première demande, pour les frais et débours qui y sont mentionnés, soit 27 481,95 euros et à compter du 19 octobre 2004, date de la seconde demande, pour le solde ;



Sur les droits de M. X :


Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département des Bouches-du-Rhône doit être condamné à verser à M. X, assisté de sa curatrice, une somme de 123.000 euros en réparation de son préjudice corporel et de 453,08 euros représentant son préjudice matériel ; que cette somme de 123.453,08 euros portera intérêt au taux légal à compter du 21 janvier 1999, date d'introduction de la requête devant le Tribunal administratif de Marseille ; que les intérêts seront capitalisés à la date du 14 février 2005, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ; qu'en outre, et compte tenu de l'imputation de la créance de la caisse primaire d'assurance maladie sur la fraction du préjudice correspondant à la nécessité d'une tierce personne, il n'est pas possible de faire droit aux conclusions formulées par Mme X agissant en tant que curatrice de son fils Thomas et tendant à ce que l'indemnité due à ce titre soit versée sous le forme d'une rente trimestrielle ;



Sur la demande de la Caisse tendant au paiement de l'indemnité prévue par l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 :


Considérant qu'aux termes des cinquième et sixième alinéas de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale résultant du I de l'article 9 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 : « En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu dans les limites d'un montant maximum de 5.000 Frs et d'un montant minimum de 500 Frs » ;


Considérant que le tribunal ayant fait droit à la demande de la caisse primaire d'assurance maladie, il n'y a pas lieu, pour la Cour, de prononcer une condamnation supplémentaire à ce titre ;


Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. X ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit mis à la charge de M. X les sommes que le département du Vaucluse demande au titre des frais non compris dans les dépens ;




D E C I D E :

Article 1er : Le département des Bouches-du-Rhône est condamné à verser à M. Thomas X, assisté de Mme Martine X sa curatrice, une somme de 123.453,08 euros en réparation des préjudices subis par M. Thomas X à la suite de l'accident du 3 juin 1997. Cette somme portera intérêts au 21 janvier 1999. Les intérêts échus à la date du 14 février 2005 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le département des Bouches-du-Rhône est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse la somme de 357.865,80 euros en remboursement des sommes qu'elle a versées à la suite de l'accident de M. Thomas X dont 27 481,95 euros porteront intérêts au taux légal à compter du 8 mars 1999 et le solde à compter du 19 octobre 2004.

Article 3 : Le département des Bouches-du-Rhône est condamné à verser à M. Thomas X la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Thomas X est rejeté.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse est rejeté.

Article 6 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. Thomas X, à Mme Martine X, au département des Bouches-du-Rhône, à la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

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N° 05MA00306


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05MA00306
Date de la décision : 03/03/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme FAVIER
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: Mme BUCCAFURRI
Avocat(s) : PORCHER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2008-03-03;05ma00306 ?
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