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29/05/2008 | FRANCE | N°05MA03214

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 29 mai 2008, 05MA03214


Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2005, présentée pour M. Franck X, élisant domicile ...), par Me Moulinier ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0200120 en date du 10 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1995 et 1996 ainsi que des pénalités qui ont assorti ces impositions ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme

de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

......

Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2005, présentée pour M. Franck X, élisant domicile ...), par Me Moulinier ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0200120 en date du 10 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1995 et 1996 ainsi que des pénalités qui ont assorti ces impositions ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 mai 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui conclut au rejet de la requête ;

.........................................................................................................

Vu le mémoire, enregistré le 16 février 2007, présenté pour M. X ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 modifiée portant statut des navires et autres bâtiments de mer ;

Vu la loi n° 77-1467 du 30 décembre 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 avril 2008 ;

- le rapport de M. Bédier, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X a acquis le 30 décembre 1995 douze parts de copropriété d'un navire de pêche dénommé « Viking Gladius », destiné à être exploité à partir de l'île de la Réunion ; qu'il a déduit de son revenu global les déficits industriels et commerciaux résultant, d'une part, pour l'année 1995, de sa quote-part de l'investissement réalisé pour l'acquisition de ce navire sur le fondement de l'article 238 bis HA du code général des impôts, et, d'autre part, pour l'année 1996, de sa quote-part du résultat d'exploitation de ce navire, sur le fondement du 1° du I de l'article 156 du même code ; que la copropriété a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en 1998 ; qu'à la suite de ce contrôle, l'administration a remis en cause pour l'année 1995 la déduction par M. X de l'investissement réalisé, et, pour l'année 1996, la déduction du déficit d'exploitation ; que M. X relève appel du jugement en date du 10 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1995 et 1996, en conséquence de ces redressements ;

Sur la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 quater du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : « Chaque membre des copropriétés de navires régies par le chapitre IV de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer est personnellement soumis à l'impôt sur le revenu à raison de la part correspondant à ses droits dans les résultats déclarés par la copropriété » ; que si, comme le soutient le requérant, aucune des dispositions de l'article 61 A du code général des impôts ne fixe de règle relative à la procédure d'imposition, les termes du 1° du I de l'article 73 de la loi susvisée du 30 décembre 1977, demeuré en vigueur pour les copropriétés de navire, prévoient que « la procédure de vérification des déclarations est suivie directement entre l'administration et la copropriété » ; qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : « (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification » ; qu'il résulte de ces dispositions combinées, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 1977, que l'avis de vérification de comptabilité prévu par l'article L.47 du livre des procédures fiscales doit être adressé à la copropriété et non à chacun de ses membres ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait dû lui adresser en tant que copropriétaire du navire « Viking Gladius » l'avis de vérification de comptabilité de la copropriété de ce navire ou que la procédure de vérification de comptabilité aurait été irrégulièrement menée par l'administration fiscale avec la copropriété du navire, irrégularité qui aurait affecté son imposition personnelle ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'était jointe à la notification de redressement datée du 4 décembre 1998 adressée à titre personnel au contribuable la notification de redressement datée du 9 juillet 1998 adressée à la copropriété du navire ; qu'il résulte de l'examen de ces documents que, contrairement à ce que soutient le contribuable, le vérificateur a suffisamment motivé les redressements en rappelant notamment que le navire à raison duquel la déduction de l'investissement était demandée n'était pas achevé au 31 décembre 1995 ni même encore livré à la même date ; que cette motivation permettait au contribuable de répondre utilement aux éléments de fait et de droit avancés par l'administration ;

Considérant, en troisième lieu, que s'il incombe à l'administration d'informer le contribuable dont elle envisage de rehausser les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis auprès de tiers afin que l'intéressé soit mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition, il résulte des propres affirmations du requérant que la réponse à ses observations que lui a adressée l'administration par lettre modèle n° 3926 portait à sa connaissance, avant la mise en recouvrement des impositions, la nature et l'origine des documents précisément identifiés que le vérificateur avait recueillis dans le cadre de son droit de communication auprès de la SA « Compagnie Viking » et de la société Océa, respectivement armateur et constructeur du navire ; que M. X ne soutient pas qu'il aurait demandé à l'administration fiscale la communication de ces documents ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par l'administration fiscale du principe du contradictoire ne peut qu'être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la déduction de l'investissement au titre de l'année 1995 :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi susmentionnée du 3 janvier 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer : « Sauf convention contraire, le constructeur est propriétaire du navire en construction jusqu'au transfert de propriété au client. Ce transfert se réalise avec la recette du navire après essais » ; qu'aux termes de l'article 238 bis HA du code général des impôts dans sa rédaction applicable : « I. Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou assujetties à un régime réel d'imposition peuvent déduire de leurs résultats imposables une somme égale au montant total des investissements productifs réalisés dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion à l'occasion de la création ou de l'extension d'exploitations appartenant aux secteurs d'activité de l'industrie, de la pêche, de l'hôtellerie, du tourisme, des énergies nouvelles, de l'agriculture, du bâtiment et des travaux publics, des transports et de l'artisanat. La déduction est opérée sur le résultat de l'exercice au cours duquel l'investissement est réalisé, le déficit éventuel de l'exercice étant reporté dans les conditions prévues au I des articles 156 et 209 (...) » ; qu'aux termes de l'article 46 quaterdecies D de l'annexe III audit code : « La déduction est pratiquée par l'entreprise propriétaire. Elle est opérée sur les résultats imposables, déterminés avant toute autre déduction ou abattement, de l'exercice au cours duquel l'immobilisation a été livrée à l'entreprise ou créée par elle » ; enfin, qu'aux termes de l'article 1604 du code civil : « La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur » ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, contrairement à ce que soutient le contribuable, le fait générateur du droit à déduction du montant total des investissements que peut exercer l'entreprise est constitué, soit par la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé, soit, comme c'est le cas en l'espèce, par la livraison effective de l'immobilisation dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, et de La Réunion et non par l'achat des parts de copropriété ;

Considérant que, s'il résulte de l'instruction qu'un permis provisoire de navigation a été délivré le 26 décembre 1995 pour le « Viking Gladius », la validité de ce document, qui a été accordé au constructeur, la société Océa et non à la copropriété elle-même, est limitée à la seule journée du 26 décembre 1995 sous réserve de la mise en place sur le navire d'une drome de sauvetage réglementaire et ne permet pas de retenir cette date du 26 décembre 1995 comme celle de la livraison du navire à la copropriété dès lors que celle-ci n'est pas la bénéficiaire du permis et qu'il n'est pas contesté que le permis de navigation définitif n'a été accordé que le 19 juin 1996 ; que, s'il résulte également de l'instruction qu'un procès-verbal de recette du navire, établi le 26 décembre 1995 entre le constructeur et la société « Compagnie Viking », mentionne que le navire est considéré comme livré à la même date à 18 heures, ce document a été suivi d'un second procès-verbal de recette, établi le 21 juin 1996 entre les mêmes parties, attestant que le navire n'a été livré qu'à cette même date à 24 heures après essais de la jauge et du franc-bord ; que, contrairement à ce que soutient le contribuable, les circonstances que la « cession de quirats » entre la société « Compagnie Viking » et lui-même a été réalisée le 30 décembre 1995 et que la demande d'immatriculation du navire a été déposée le 15 décembre 1995 ne permettent pas de retenir que la livraison du navire auquel étaient attachées ces parts aurait été effectuée avant le 31 décembre 1995 ; qu'enfin, il n'est pas contesté par le requérant que le navire n'a été assuré par la copropriété que le 2 mai 1996 et se trouvait donc, jusqu'à cette date, sous la responsabilité du constructeur, le certificat de franc-bord n'étant délivré que le 26 avril 1996 ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments, et sans qu'il y ait lieu de se référer aux modalités de paiement du navire qui sont indépendantes de sa date de livraison, que le navire ne peut être regardé comme ayant été livré à la copropriété avant le 31 décembre 1995 et que l'investissement, dont la déduction a été opérée par le requérant, pour sa quote-part, en 1995, ne peut être regardé comme réalisé au cours de l'année 1995 ; que, par suite, l'administration a pu à bon droit réintégrer la somme déduite par M. X aux revenus perçus par l'intéressé au titre de l'année 1995 ; qu'en outre, les instructions administratives référencées 5 B-20-86 du 7 novembre 1986 et 4 H-3-96 du 22 octobre 1996, la seconde étant en toute hypothèse postérieure à l'expiration du délai de déclaration des revenus de l'année 1995, ne comportent au sujet de la date de réalisation de l'investissement et de la notion de livraison des navires aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait ici application ;

En ce qui concerne l'imputation des déficits sur le revenu global de l'année 1996 :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 72 de la loi de finances pour 1996 : « L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : 1. du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la cinquième année inclusivement. Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : (...) 1° bis. Des déficits provenant, directement ou indirectement, des activités relevant des bénéfices industriels et commerciaux lorsque ces activités ne comportent pas la participation personnelle continue et directe de l'un des membres du foyer fiscal à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité. (...) Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables au déficit ou à la fraction du déficit provenant de l'exploitation de biens meubles corporels acquis à l'état neuf, non encore livrés au 1er janvier 1996 et ayant donné lieu avant cette date à une commande accompagnée du versement d'acomptes au moins égaux à 50 % de leur prix (...)» ;

Considérant, d'une part, qu'il est constant que ni M. X ni aucun membre de son foyer fiscal ne participe pas de manière personnelle, continue et directe à l'exploitation du navire de pêche « Viking Gladius » basé à la Réunion et que sa situation entre dans les prévisions du 1° bis du 1. de l'article 156 du code général des impôts qui refusent l'imputation sur le revenu global des déficits provenant d'activités ne comportant pas la participation personnelle continue et directe de l'un des membres du foyer fiscal à l'accomplissement des actes nécessaires à cette activité ;

Considérant, d'autre part, que le requérant ne soutient pas que sa situation relèverait du champ d'application des mesures transitoires légales, prévues au 1° bis du 1. de l'article 156 du code général des impôts ;

Considérant, en second lieu, que le contribuable n'est pas fondé à se prévaloir des termes du second alinéa du paragraphe 90 de l'instruction référencée 4 A-7-96 du 1er août 1996, qui admet d'assimiler les biens livrés avant le 1er janvier 1996 à des biens non encore livrés pour l'application des mesures transitoires prévues au 1° bis du 1. de l'article 156 du code général des impôts dès lors que, comme il a été dit, le navire de pêche « Viking Gladius » ne peut être regardé comme ayant été livré avant le 1er janvier 1996 ; qu'en toute hypothèse, en ce qui concerne les biens livrés, comme c'est le cas du navire « Viking Gladius » après le 31 décembre 1995, il résulte des termes mêmes de l'instruction susrappelée que l'administration a subordonné le bénéfice des mesures de faveur qu'elle institue à la condition que les biens aient donné lieu au 1er janvier 1996 à une commande accompagnée du versement d'acomptes au moins égaux à 50 % de leur prix et à la condition que le démarrage effectif de l'activité, caractérisé par la réalisation de premières opérations commerciales de ventes ou de prestations de services, soit intervenu au plus tard à la fin du premier semestre de l'année 1996 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le versement effectif par la copropriété au constructeur ou à d'autres opérateurs d'acomptes au moins égaux à 50 % du prix du navire aurait été réalisé au 1er janvier 1996 ou que la copropriété aurait réalisé au premier semestre de l'année 1996 des opérations commerciales de ventes de produits ou de réalisation de prestations de services ; qu'à cet égard, l'acquisition par la copropriété d'immobilisations et de fournitures diverses nécessaires à l'activité et l'embauche de personnel, réalisée au premier semestre de l'année 1996, même si elles ont concouru à la réalisation postérieure d'opérations commerciales de ventes ne peuvent être assimilées à de telles opérations ; que la circonstance que l'activité de pêche présente dans la région où naviguait le « Viking Gladius» un caractère saisonnier n'est pas davantage de nature à permettre aux requérants de s'exonérer de la condition prévue par la doctrine ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Franck X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

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N°05MA03214


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05MA03214
Date de la décision : 29/05/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. Jean-Louis BEDIER
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : MOULINIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2008-05-29;05ma03214 ?
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