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19/06/2008 | FRANCE | N°05MA02432

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 19 juin 2008, 05MA02432


Vu, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 14 septembre 2005 sous le n° 05MA02432, la requête présentée pour la SOCIETE EIFFAGE TP, venant aux droits de la société Fougerolle Ballot, dont le siège social est 2 rue Hélène Boucher à Neuilly-sur-Marne Cédex (93337), représentée par son représentant légal en exercice, par Me E. Coppinger, avocat au barreau de Paris ;

La SOCIETE EIFFAGE TP demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 9703320 en date du 17 juin 2005 du Tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a reje

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Vu, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 14 septembre 2005 sous le n° 05MA02432, la requête présentée pour la SOCIETE EIFFAGE TP, venant aux droits de la société Fougerolle Ballot, dont le siège social est 2 rue Hélène Boucher à Neuilly-sur-Marne Cédex (93337), représentée par son représentant légal en exercice, par Me E. Coppinger, avocat au barreau de Paris ;

La SOCIETE EIFFAGE TP demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 9703320 en date du 17 juin 2005 du Tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation des frais occasionnés par les difficultés de creusement du tunnel et du préjudice subi du fait de l'application unilatérale par l'Etat du rabais de 7 % aux nouveaux prix déterminés en cours de marché et qu'il a considéré que l'Etat lui avait appliqué à bon droit des pénalités de retard ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser au titre de l'indemnisation de son préjudice la somme totale de 3 905 080,36 euros HT augmentée d'une part de la TVA au taux applicable, d'autre part de 3,73 % au titre de la révision des coûts et enfin, des intérêts moratoires au taux de 8,65 % à compter du 10 décembre 1996 et jusqu'à la date de leur mandatement majorée de 15 jours ;

3°) de dire et juger qu'elle a droit à une prolongation du délai d'exécution jusqu'au 9 avril 1996 ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 134 957,32 euros HT au titre des pénalités de retard augmentée de la TVA au taux applicable et des intérêts moratoires au taux de 8,65 % du 16 mars 1996 au 14 avril 1996 sur 71 159,39 euros HT, du 15 avril 1996 au 15 mai 1996 sur 142 318,63 euros HT et à compter du 16 mai 1996 sur la somme de 134 957,32 euros HT jusqu'à la date de son mandatement majorée de 15 jours ;

5°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 465 351,56 euros au titre des frais financiers ;

6°) d'ordonner la capitalisation des intérêts moratoires ayant couru du 2 octobre 1997 au 7 octobre 1998, puis du 8 octobre 1998 au 3 mars 2000, puis du 4 mars 2000 au 28 novembre 2000, puis du 29 novembre 2000 au 29 novembre 2001 ;

7°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...............................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2008 :

- le rapport de M. Duchon-Doris, président assesseur ;

- les observations de Me Coppinger, avocat, pour la SOCIETE EIFFAGE TP ;

- les observations de Me Lieutaud, avocat, du cabinet Grange et Associés, pour le Ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable ;

-

- et les conclusions de Mme Steck-Andrez, premier conseiller ;

Considérant qu'un marché de travaux de génie civil pour le creusement du tunnel de Montjezieu sur l'autoroute A 75 a été passé le 23 septembre 1993 entre l'Etat, maître de l'ouvrage, et la société Fougerolle Ballot aux droits de laquelle vient la SOCIETE EIFFAGE TP, la Direction Départementale de l'Equipement de Lozère (DDE) étant la personne responsable du marché et l'Arrondissement Interdépartemental des Ouvrages d'Art A 75 (AIOA) étant le maître d'oeuvre ; que le marché a été conclu pour un montant de 42 945 986,40 francs HT pour la tranche ferme et 48 287 032,20 francs HT pour la tranche conditionnelle et que les travaux ont démarré respectivement le 25 octobre 1993 pour une durée prévue de 15 mois et le 20 juillet 1994 pour 14 mois ; que le chantier a rencontré de sérieuses difficultés qui ont entraîné un retard dans l'exécution des travaux dont la réception finale n'a eu lieu que 18 avril 1996, que dans son projet de décompte final du 19 juillet 1996, la société Fougerolle a demandé le règlement supplémentaire d'une somme de 55 789 084 francs HT ce qui a été refusé dans le décompte général et définitif notifié le 14 octobre 1996 par le maître d'ouvrage ; que la société a présenté une réclamation à l'AIOA ; que la DDE de Lozère lui a notifié le 19 décembre 1996 une proposition d'indemnité pour règlement définitif du litige de 8 100 000 francs avec remise des pénalités de retard, révision des prix et frais financiers inclus que la société Fougerolle Ballot a refusé ; que, par ordonnance du 3 juin 1998, le juge des référés du Tribunal administratif de Montpellier, s'il a rejeté les conclusions de la société Fougerolle Ballot tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une provision de 8 100 000 francs TTC, a fait droit à ses conclusions tendant à la désignation d'un expert ; que, par jugement en date du 17 juin 2005, le Tribunal administratif de Montpellier a condamné l'Etat à verser à la société Fougerolle Ballot une somme de 281 606,85 euros avec intérêts légaux au titre de la réalisation des trottoirs du tunnel mais a rejeté les conclusions de la société tendant à l'indemnisation, d'une part, des frais occasionnés par les difficultés de creusement du tunnel et, d'autre part, du préjudice subi par l'application unilatérale par l'Etat du rabais de 7 % aux nouveaux prix déterminés en cours de marché, ainsi que ses conclusions en contestation des pénalités de retard qui lui ont été appliquées ; que la SOCIETE EIFFAGE TP, d'une part, le ministre de l'équipement, des transports et du logement, d'autre part, demandent la réformation de ce jugement en ce qu'il leur est défavorable ;

Sur les conclusions présentées par le ministre de l'équipement, des transports et du logement :

Considérant que l'appel incident n'est recevable que s'il ne soumet pas au juge d'appel un litige distinct de celui dont il est saisi par l'appel principal ; que les conclusions en réformation du jugement présentées par le ministre de l'équipement, des transports et du logement tendent à la contestation de l'indemnité mise à la charge de l'Etat au titre de la rémunération contractuelle due à la SOCIETE EIFFAGE TP pour la réalisation des trottoirs et soulève ainsi un litige distinct de celui, relatif à l'application de la théorie des sujétions imprévues, qui fait l'objet de l'appel principal ; que, par suite, et nonobstant la circonstance que l'ensemble des demandes de la SOCIETE EIFFAGE TP constituent une contestation du décompte général du marché, ces conclusions incidentes ne sont pas recevables ;

Sur les conclusions présentées par la SOCIETE EIFFAGE TP et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité :

Considérant que, pour demander la réformation du jugement litigieux en ce qu'il lui est défavorable, la SOCIETE EIFFAGE TP, venant aux droits de la société Fougerolle Ballot, soutient que les difficultés de creusement du tunnel résultant des conditions géotechniques défavorables du terrain constituent en l'espèce des sujétions imprévues lui permettant de revendiquer, d'une part, l'indemnisation de l'entier préjudice en découlant, d'autre part, une prolongation du délai d'exécution des travaux et corrélativement le remboursement des pénalités de retard ;

En ce qui concerne l'existence de sujétions imprévues :

Considérant que, pour soutenir en appel que la société Fougerolle Ballot a dû faire face à des sujétions imprévues liées aux caractéristiques géologiques des terrains à creuser, la SOCIETE EIFFAGE TP fait valoir que les courbes de niveau des plans de schistosité se sont révélées sub-parallèles à la direction de creusement sur l'essentiel du tracé des tubes contrairement à ce que l'on pouvait déduire du dossier de synthèse géologique, circonstance aggravée par l'état d'altération de la roche et la présence de niveaux de micaschistes au sein du gneiss constituant des zones de fragilité et que cette situation, qui a généré d'importants problèmes lors de l'excavation, n'était pas normalement prévisible à partir des données du marché ainsi que l'a reconnu l'expert nommé par le juge des référés et que le confirme l'analyse technique à laquelle elle a elle-même procédé;

Considérant, toutefois, que l'indemnisation des sujétions imprévues n'est possible que si les difficultés rencontrées dans l'exécution du contrat présentent un caractère à la fois exceptionnel, imprévisible et extérieur aux parties et, pour les marchés à forfait, si, en outre ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie générale du contrat ; qu'il ressort à cet égard de l'instruction, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que, dans le dossier d'appel d'offres, les soumissionnaires au marché de génie civil ont reçu un rapport d'étude géotechnique en annexe 3 du cahier des clauses techniques particulières comportant divers passages qui attirent expressément l'attention des entreprises candidates sur l'existence d'un risque potentiel de rencontrer des roches très altérées, des accidents géologiques ainsi que des discontinuités tenant à la schistosité variable des terrains ; que, s'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que les conditions de percement ont été plus difficiles que ce qui était prévu par les documents contractuels et que le rapport géotechnique retenait une schistosité ayant des directions quelconques et non une orientation systématique des discontinuités, la société Fougerolle n'était pas dénuée d'informations sur le risque encouru de rencontrer un terrain plus défavorable qu'escompté; qu'en outre, au vu des documents fournis, ainsi que l'ont également relevé les premiers juges, il appartenait au titulaire du marché, en raison de ses compétences professionnelles en la matière, d'effectuer, avant de déterminer son offre, les contrôles supplémentaires qui pouvaient lui paraître utiles ; qu'il résulte de ce qui précède que les difficultés rencontrées dans l'exécution du contrat ne peuvent être regardées comme des sujétions imprévues au sens des principes sus-rappelés; que, par suite, la SOCIETE EIFFAGE TP n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des frais occasionnés par les difficultés de creusement du tunnel résultant des conditions géotechniques défavorables du terrain ;

En ce qui concerne la prolongation du délai d'exécution des travaux et ses conséquences sur les pénalités de retard :

Considérant que, pour demander la condamnation de l'Etat à lui restituer les pénalités de retard imputées à la société Fougerolle Ballot à hauteur de 134.957,32 euros, la SOCIETE EIFFAGE TP soutient que le retard constaté à livrer l'ouvrage est la conséquence des sujétions imprévues qu'elle a supportées ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les difficultés rencontrées dans l'exécution du contrat ne peuvent être regardées comme des sujétions imprévues ; que, par suite, son argumentation sur ce point ne peut être que rejetée ;

En ce qui concerne le surplus des conclusions de la requête d'appel :

Considérant que si la SOCIETE EIFFAGE TP demande également l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à être indemnisée du préjudice subi par l'application unilatérale par l'Etat du rabais de 7 % aux nouveaux prix déterminés en cours de marché, elle ne développe en appel, à l'appui de cette demande, aucun moyen en ce sens ; que, par suite, son argumentation sur ce point ne peut être que rejetée ;

Sur les conclusions aux fins d'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : «Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation» ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de condamner d'une part l'Etat, d'autre part la SOCIETE EIFFAGE TP, à verser à l'autre partie une somme au titre des frais supportés et non compris dans les dépens ;

Par ces motifs,

D E C I D E :

Article 1er : la requête de la SOCIETE EIFFAGE TP est rejetée.

Article 2 : les conclusions présentées par le ministre de l'équipement, des transports et du logement sont rejetées.

Article 3 : le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE EIFFAGE TP et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

N° 05MA02432 2

CL


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05MA02432
Date de la décision : 19/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FERULLA
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe DUCHON-DORIS
Rapporteur public ?: Mme STECK-ANDREZ
Avocat(s) : COPPINGER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2008-06-19;05ma02432 ?
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