La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/09/2008 | FRANCE | N°06MA02408

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 04 septembre 2008, 06MA02408


Vu : - I - la requête, enregistrée sous le n° 06MA02408 le 9 août 2006, présentée pour Mme Françoise BRETANDX, demeurant ..., par le cabinet Jean-Charles Msellati ;

Mme BRETANDX demande à la Cour :

11) d'annuler l'article 6 du jugement n° 0500521len date du 24 mai 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nice, après avoir, par l'article 2 du même jugement, condamné le CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN à lui verser la somme de 45 661,77 euros en ce compris une provision de 25 000 euros à titre d'indemnisation de ses différents préjudices, avec intérêts au taux

légal à compter du 7 décembre 2004 et, par l'article 3 du même jugement, mis...

Vu : - I - la requête, enregistrée sous le n° 06MA02408 le 9 août 2006, présentée pour Mme Françoise BRETANDX, demeurant ..., par le cabinet Jean-Charles Msellati ;

Mme BRETANDX demande à la Cour :

11) d'annuler l'article 6 du jugement n° 0500521len date du 24 mai 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nice, après avoir, par l'article 2 du même jugement, condamné le CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN à lui verser la somme de 45 661,77 euros en ce compris une provision de 25 000 euros à titre d'indemnisation de ses différents préjudices, avec intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2004 et, par l'article 3 du même jugement, mis à la charge du centre hospitalier la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier à lui verser la somme de 249 028,47 euros ;

2°) de porter à la somme de 243 000 euros le montant de la somme que le CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN a été condamné à lui verser ;

3°) de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN la somme de 3 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ainsi que les frais d'expertise ;

...........................................................................................................

Vu : - II - la requête, enregistrée sous le n° 06MA02475 le 14 août 2006, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN dont le siège social est situé route de Montferrat, BP 249 à Draguignan (83 007), par Me le Prado ;

Le CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN demande à la Cour :

11) d'annuler :

- l'article 2 du jugement n° 0500521 len date du 24 mai 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nice l'a condamné à verser à Mme BRETANDX la somme de 45 661,77 euros en ce compris une provision de 25 000 euros à titre d'indemnisation de ses différents préjudices, avec intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2004 ;

- l'article 3 du même jugement le condamnant à verser à la caisse de Mutualité Sociale Agricole du Var la somme de 80 470,68 euros ;

- l'article 4 du même jugement le condamnant à verser à la Caisse Centrale de Prévoyance Mutuelle Agricole (CCPMA Prévoyance) la somme de 120 583,73 euros ;

- l'article 5 du même jugement mettant à sa charge, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme BRETANDX ;

- l'article 7 du même jugement mettant à sa charge les frais d'expertise ;

22) de rejeter les demandes de Mme BRETANDX, de la caisse de Mutualité Sociale Agricole du Var et de la CCPMA Prévoyance ;

............................................................................................................

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 février 2007, présenté pour la Caisse Centrale de Prévoyance Mutuelle Agricole (CCPMA Prévoyance), par Me Pomatto ;

La CPPMA Prévoyance demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN ;

2°) de confirmer l'article 4 du jugement n° 0500521den date du 24 mai 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nice a condamné le CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN à lui verser la somme de 120 583,73 euros ;

3°) de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La CPPMA Prévoyance soutient qu'elle a versé à Mme BRETANDX des indemnités journalières pour un montant de 29 805,42 euros et que le capital constitutif de la rente qu'elle sera amenée à verser à Mme BRETANDX s'élève à 90 778,31 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 mars 2007, présenté pour la caisse de Mutualité Sociale Agricole du Var, par Me Pomatto ;

La Caisse de Mutualité Sociale Agricole du Var demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN ;

2°) de confirmer l'article 3 du jugement n° 0500521den date du 24 mai 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nice a condamné le CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN à lui verser la somme de 80 470,68 euros ;

3°) de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN la somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

............................................................................................................

Vu le mémoire, enregistré le 18 février 2008, présenté pour le CENTRE HOSPITALIER DE DRAGUIGNAN ;

............................................................................................................

Vu le mémoire, enregistré le 22 février 2008, présenté pour le CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN ;

.........................................................................................................

Vu le mémoire, enregistré le 9 mai 2008, présenté pour Mme BRETANDX ;

Mme BRETANDX demande à la Cour :

1°) de porter à la somme de 251 255 euros le montant de la somme que le CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN a été condamné à lui verser ;

2°) de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mme BRETANDX soutient que son préjudice d'agrément est réel ; qu'elle est en mesure de justifier par une attestation datée du 6 mai 2008 que la perte de chance d'une promotion a été à l'origine pour elle d'une perte de salaire de 78 euros mensuels soit un total de 12 168 euros pour la période allant de 2001 à 2007 ; que son préjudice moral, consécutif aux difficultés aggravées qu'elle a rencontrées pour prendre en charge son fils trisomique, est réel ; que sa perte de revenus sur le poste retraite peut être chiffrée à 30 154,90 euros dont 25 111,77 euros correspondent à la perte subie sur la pension servie par la Mutualité Sociale Agricole, 2 647,05 euros à la perte subie sur la pension complémentaire servie par le groupe Agrica et 2 396,08 euros à la perte subie sur la pension supplémentaire servie par le même groupe ; que son préjudice total doit être chiffré à la somme de 251 255 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 mai 2008, et le mémoire rectificatif, enregistré le 19 mai 2008, présentés pour Mme BRETANDX ;

Mme BRETANDX demande à la Cour de porter à la somme de 277 755,01 euros le montant de la somme que le CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN a été condamné à lui verser ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 juin 2008, présenté pour le CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN, tendant aux mêmes fins que ses précédents mémoires, par les mêmes moyens et, en outre, par les moyens que la demande de perte de revenus sur le poste retraite est présentée pour la première fois en appel ; qu'en tout état de cause, un tel préjudice est purement hypothétique ; que Mme BRETANDX ne cotisait plus au groupe Agrica depuis le 2 février 2001 ; que les frais futurs exposés par la MSA du Var et par la CCPMA Prévoyance ne sont pas détaillés et justifiés ; que le préjudice moral exposé par la requérante est indirect ; que l''indemnisation du préjudice d'agrément doit être refusée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale, notamment son article L. 376-1 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2008 :

- le rapport de M. Bédier, président-assesseur ;

- les observations de Me Demailly, pour le CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN ;

- les observations de Me Pomatto, pour la caisse de Mutualité Sociale Agricole (MSA) du Var et pour la Caisse Centrale de Prévoyance Mutuelle Agricole (CCPMA) ;

- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes n° 06MA02408 et n° 06MA02475 ont fait l'objet d'une instruction commune et présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;

Considérant que Mme BRETANDX, alors âgée de 51 ans, a subi le 4 novembre 1998 au CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN une hystérectomie totale pour remédier à la présence d'un volumineux fibrome utérin ; qu'à la suite de cette intervention et de l'hospitalisation, qui s'est achevée le 11 novembre 1998, Mme BRETANDX a souffert de douleurs abdominales persistantes qui l'ont empêchée de reprendre son travail ; qu'en avril 1999, la réalisation d'une échographie rénale a révélé une dilatation importante des cavités du rein gauche ; que des examens complémentaires ont mis en évidence une absence de fonctionnement du rein, rendant finalement nécessaire une néphro-urétérectomie pratiquée le 1er juillet 1999 ; que Mme BRETANDX, imputant l'ablation de son rein gauche à une faute commise par le CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN et estimant que la responsabilité de cet établissement était engagée à son égard, a saisi le Tribunal administratif de Nice d'une demande de réparation de ses différents préjudices ; que, par l'article 2 d'un jugement en date du 24 mai 2006, le tribunal a condamné le centre hospitalier à verser à Mme BRETANDX la somme de 45 661,77 euros, en ce compris une provision de 25 000 euros, à titre d'indemnisation de ses différents préjudices, avec intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2004 ; que, par les articles 3 et 4 du même jugement, le centre hospitalier a été condamné à verser à la caisse de Mutualité Sociale Agricole (MSA) du Var la somme de 80 470,68 euros et à la Caisse Centrale de Prévoyance Mutuelle Agricole (CCPMA Prévoyance), institution de prévoyance adhérente de l'association de gestion pour le compte des institutions paritaires agricoles (AGRICA), la somme de 120 583,73 euros, les articles 5 et 7 du même jugement mettant respectivement à la charge de l'établissement, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme BRETANDX et les frais d'expertise ; que le CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN demande à la Cour d'annuler ces articles du jugement ; que Mme BRETANDX demande pour sa part à la Cour d'annuler l'article 6 du jugement par lequel le tribunal a rejeté le surplus de ses conclusions et de porter à la somme de 277 755,01 euros le montant de la condamnation prononcée à son profit par les premiers juges ;

Sur le principe de la responsabilité du centre hospitalier :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des conclusions du rapport d'expertise établi à la suite de l'ordonnance du 18 mars 2003 du juge des référés du Tribunal administratif de Nice qu'à la suite de l'hystérectomie pratiquée le 4 novembre 1998, Mme BRETANDX, qui ne présentait pas d'anomalies ou d'antécédents rénaux, a souffert de douleurs abdominales, accompagnées de fièvres et d'hématuries et qu'en présence de ces symptômes, le risque de lésion de l'uretère lors d'une hystérectomie étant connu et non exceptionnel, le médecin chargé du suivi postopératoire de la patiente aurait dû impérativement prescrire un contrôle de la voie urinaire avant sa sortie du centre hospitalier ; que, si le « rapport critique » établi le 24 février 2004 par le médecin conseil du centre hospitalier souligne que l'atténuation des symptômes sous l'effet des antalgiques et l'allergie à l'iode, portée par la patiente à la connaissance des praticiens, justifiaient que des investigations supplémentaires ne soient pas pratiquées, il résulte des conclusions du rapport d'expertise contradictoire que ces faits n'autorisaient pas les praticiens du centre hospitalier à renoncer à pratiquer une exploration de la voie urinaire, qu'ils avaient d'ailleurs initialement décidée, dès lors qu'une urographie intraveineuse restait possible moyennant une préparation préalable adaptée et que cet examen pouvait être remplacé, dans un premier temps, par une échographie urinaire ; qu'il résulte également des constatations de l'expert, que, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier au vu du « rapport critique » du 24 février 2004, il ne saurait être reproché à la patiente de ne pas avoir davantage appelé l'attention des praticiens du centre hospitalier au sujet des troubles ressentis après l'intervention, l'état clinique de celle-ci justifiant à lui seul des investigations complémentaires avant sa sortie de l'établissement ; que c'est donc l'absence de contrôle de la voie urinaire, suite à une chirurgie d'exérèse délicate, qui est à l'origine de la perte de son rein gauche par la patiente, alors que les signes du risque de lésion étaient nombreux et évocateurs et que des possibilités d'investigation existaient nonobstant l'allergie à l'iode de Mme BRETANDX ;

Considérant, en outre, que, si l'expert n'a pu identifier avec précision l'origine du traumatisme de l'uretère qui est lui-même à l'origine du dommage subi par la patiente, cette circonstance demeure sans incidence sur la détermination de la responsabilité du centre hospitalier dès lors que ne se trouve pas en cause un geste chirurgical fautif mais l'insuffisance du suivi postopératoire de la patiente ; que les conclusions de l'expert sur ce dernier point sont d'ailleurs confirmées par celles du rapport, déposé au cours de l'instance pénale mettant en cause le praticien du centre hospitalier ayant suivi la patiente, établi le 21 août 2000 par deux spécialistes, respectivement chef du service de gynécologie-obstétrique et chef du service d'urologie du centre hospitalier du pays d'Aix, rapport au vu duquel la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans un arrêt en date du 3 mai 2004, a également retenu que le défaut d'investigations lors de l'hospitalisation était à l'origine du dommage subi par la patiente ; que, dans ces conditions, même si aucune autorité de chose jugée ne s'attache à l'appréciation à laquelle se livre le juge répressif quant à l'existence d'un lien de causalité, les premiers juges ont pu retenir à bon droit, par un jugement suffisamment motivé, que la responsabilité du centre hospitalier était engagée à l'égard de Mme BRETANDX du fait de la faute médicale consistant à ne pas avoir diagnostiqué les risques présentés pour la patiente par les suites de l'intervention du 4 novembre 1998, faute qui est seule à l'origine de la perte de son rein gauche ;

Sur les droits à réparation de Mme BRETANDX et les recours subrogatoires de la MSA du Var et de la CCPMA Prévoyance :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant du III de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 applicable aux événements ayant occasionné des dommages survenus antérieurement à son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une décision passée en force de la chose jugée : « Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. Conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée. Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice » ;

Considérant qu'en application de ces dispositions, le juge, saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et d'un recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;

Considérant qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu, pour mettre en oeuvre la méthode sus-décrite, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'organisme de sécurité sociale ne peut exercer son recours que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial de Mme BRETANDX :

Considérant, en premier lieu, que la MSA du Var justifie avoir pris en charge les dépenses de santé résultant de l'état de Mme BRETANDX, en relation avec la faute commise par le centre hospitalier, pour un montant de 13 361,83 euros ; qu'il y a lieu de lui allouer cette somme ;

Considérant, en deuxième lieu, que Mme BRETANDX a subi une incapacité temporaire totale du 1er décembre 1998 au 1er décembre 2001 ; que la MSA du Var et la CCPMA Prévoyance, justifient respectivement lui avoir versé au titre des indemnités journalières durant cette période la somme de 29 210,90 euros et la somme de 29 805,42 euros ; qu'il y a lieu d'allouer ces sommes à chacun des deux organismes ; que Mme BRETANDX ne fait état au titre de cette période d'aucun préjudice qui serait resté à sa charge ;

Considérant, en troisième lieu, que Mme BRETANDX demande, dans le dernier état de ses conclusions, au titre du préjudice lié à la perte de revenus d'activité constatée pour la période de six années allant de décembre 2001, fin de sa période d'incapacité temporaire totale jusqu'à décembre 2007, date à compter de laquelle elle perçoit une pension de vieillesse, une réparation d'un montant de 24 814,64 euros correspondant à une perte de revenus de 169 415,33 euros, compensée, selon ses propres calculs, par les pensions d'invalidité servies, à concurrence de 144 600,69 euros par la MSA du Var et par la CCPMA Prévoyance ;

Considérant que la requérante justifie, par la production de bulletins de paie, d'un avis d'imposition de ses revenus de l'année 1998 et d'attestations établies par la société d'assurances Groupama, son employeur, avoir subi une perte annuelle moyenne de revenus de 25 000 euros de traitement de base auxquels s'ajoutent 750 euros par an en moyenne de perte d'intéressement ; que Mme BRETANDX établit en outre, par la production d'une attestation de son employeur datée du 6 mai 2008, la perte de chances réelles de promotion se traduisant par un manque à gagner de 12 168 euros de 2001 à 2007 ; que son préjudice total au titre de cette période peut donc être fixé à la somme de 166 668 euros ; que la MSA du Var justifie avoir versé à Mme BRETANDX depuis la fin de sa période d'incapacité temporaire totale jusqu'au 31 décembre 2004 une pension d'invalidité d'un montant de 37 897,85 euros, laquelle doit être regardée comme réparant, en l'espèce, dans leur intégralité les conséquences économiques de l'invalidité ; que la CCPMA Prévoyance justifie également qu'elle verse à Mme BRETANDX jusqu'à l'âge de son départ à la retraite une rente dont le capital représentatif s'élève à 90 778,31 euros, laquelle doit être regardée également comme réparant, en l'espèce, dans leur intégralité les conséquences économiques de l'invalidité ; qu'il y a lieu d'allouer les sommes de 37 897,85 euros et de 90 778,31 euros à chacun des deux organismes sans procéder, comme le demande le centre hospitalier, à une répartition de ces créances « au marc le franc » dès lors qu'elles peuvent être imputées dans leur intégralité sur le chef de préjudice concerné ; que la perte de revenus d'activité de Mme BRETANDX, non compensée par les pensions reçues, sera en outre indemnisée à concurrence du montant demandé par la requérante de 24 814,64 euros ;

Considérant, en quatrième lieu, que Mme BRETANDX demande la réparation du préjudice subi du fait de la perception de pensions inférieures à celles qui lui auraient été versées si elle avait été en mesure de cotiser normalement auprès de la MSA et de l'AGRICA ; que, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, cette demande ne peut être regardée comme nouvelle en appel dès lors que Mme BRETANDX avait expressément réservé, tant dans sa demande préalable datée du 1er décembre 2004 adressée au centre hospitalier que dans sa requête présentée le 2 février 2005 devant le Tribunal administratif de Nice, sa demande de réparation de ce chef de préjudice, qu'elle n'était pas en mesure de chiffrer à ces dates ; qu'il résulte des attestations de la MSA en date du 6 mars 2008 et de l'AGRICA en date du 3 avril 2007 et du 13 août 2007 ainsi que des calculs de Mme BRETANDX fondés sur l'âge du bénéficiaire de la pension, qu'il convient d'avaliser, que l'intéressée a subi une perte de droits à la retraite d'un montant total de 30 154,90 euros correspondant à concurrence de 25 111,77 euros à la perte sur la pension servie par la MSA, à concurrence de 2 647,05 euros à la perte sur la retraite complémentaire servie par l'AGRICA et à concurrence de 2 396,08 euros à la perte sur la retraite supplémentaire servie par le même organisme ; qu'en revanche, il y a lieu de retrancher de la somme de 30 154,90 euros le montant des cotisations que Mme BRETANDX aurait été amenée à verser pour percevoir les pensions susrappelées à un taux plus favorable ; que le montant annuel de ces cotisations pouvant être évalué à la somme de 2 000 euros, soit 12 000 euros pour une période de six années, le droit à réparation de Mme BRETANDX au titre de ce chef de préjudice sera fixé à la somme de 18 154,90 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, qu'il y a lieu de confirmer le montant des condamnations prononcées par les premiers juges à l'encontre du CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN au profit de la MSA du Var et de la CCPMA Prévoyance, qui correspondent aux sommes dues à ces organismes à raison des préjudices à caractère patrimonial de la victime ; que la perte de revenus d'activité et de retraite de Mme BRETANDX doit en revanche être portée à la somme de 42 969,54 euros ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel de Mme BRETANDX :

Considérant, en premier lieu, que l'incapacité permanente partielle de Mme BRETANDX a été fixée par l'expert au taux de 20 % ; que les premiers juges ont inclus la réparation de ce chef de préjudice ainsi que le préjudice qualifié de « personnel » par Mme BRETANDX dans les troubles dans les conditions d'existence de la victime, en fixant la réparation de ceux-ci à la somme de 25 000 euros ; que l'intéressée demande que le montant de la réparation qui lui a été accordée soit porté à la somme de 26 500 euros en ce qui concerne l'incapacité permanente partielle et que son préjudice « personnel » caractérisé par les souffrances morales liées à la perte d'un rein, à l'inquiétude engendrée par les complications possibles de son état, aux contraintes d'un régime alimentaire strict et aux répercussions quotidiennes dans sa vie sociale, familiale et personnelle soit réparé à hauteur de la somme de 140 000 euros ;

Considérant que les premiers juges ont fait une juste appréciation de la réparation de l'incapacité permanente partielle de la victime, qu'ils ont intégrée dans la réparation des troubles dans les conditions d'existence, en la fixant à la somme de 25 000 euros ; qu'en revanche, le préjudice « personnel » dont fait état Mme BRETANDX, lié aux craintes éprouvées par l'intéressée quant à l'évolution de son état de santé et aux difficultés supplémentaires qu'elle rencontre dans sa vie quotidienne notamment pour prendre soin de son fils trisomique, dont la réalité résulte de l'instruction, justifie que la réparation accordée par le tribunal administratif au titre des troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires, soit portée à la somme de 30 000 euros ;

Considérant, en second lieu, que le tribunal a fait une juste appréciation de la réparation des souffrances physiques, fixées par l'expert à 4 sur une échelle de 1 à 7, et du préjudice esthétique, fixé par l'expert à 2 sur la même échelle de 1 à 7, subis par Mme BRETANDX en les fixant respectivement aux sommes de 7 000 et 1 500 euros ; que les premiers juges ont également retenu à bon droit que, si Mme BRETANDX soutenait avoir subi un préjudice d'agrément, elle n'établissait pas que la perte de son rein gauche l'empêchait de pratiquer une ou plusieurs activités dont elle était coutumière ;

Considérant que le total des préjudices à caractère personnel de Mme BRETANDX doit être fixé à la somme de 38 500 euros ;

En ce qui concerne les frais de procédure exposés par Mme BRETANDX :

Considérant qu'il y a lieu de porter, au vu des justificatifs présentés par Mme BRETANDX, à un montant de 1 964,69 euros la somme de 1 764,69 euros accordée par les premiers juges en remboursement de frais d'expertise médicale non déjà mis à la charge du centre hospitalier par l'article 7 du jugement et qui présentent un lien avec la faute de l'établissement ; qu'en revanche, Mme BRETANDX ne peut prétendre au remboursement de frais d'avocat restés à sa charge dans le cadre de procédures engagées devant les juridictions de l'ordre judiciaire, lesquels ne présentent pas en l'espèce de lien de causalité direct avec la faute indemnisable par le juge administratif ;

Considérant qu'il résulte de ce qui tout ce qui précède que Mme BRETANDX est seulement fondée à demander que la somme que le CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN a été condamné à lui verser par l'article 2 du jugement attaqué soit portée de 45 661,77 euros à 83 434,23 euros (42 969,54 + 38 500 + 1964,69) en ce compris la provision de 25 000 euros déjà accordée par le tribunal ; qu'il y a lieu de réformer en ce sens l'article 2 du jugement, qui n'est pas entaché d'omission à statuer, et de rejeter les conclusions incidentes du centre hospitalier tendant à la réduction des sommes allouées à la victime et aux organismes sociaux ;

Sur les conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu' il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme BRETANDX, la même somme au titre des frais exposés par la caisse de Mutualité Sociale Agricole du Var et la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la CPPMA Prévoyance ;

DÉCIDE

Article 1er : La somme de 45 661,77 euros que le CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN a été condamné à verser à Mme BRETANDX est portée à un montant de 83 434,23 euros en ce compris la provision de 25 000 euros déjà allouée à l'intéressée.

Article 2 : L'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 24 mai 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN versera en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la somme de 1 500 euros à Mme BRETANDX, la somme de 1 500 euros à la caisse de Mutualité Sociale Agricole du Var et la somme de 1 000 euros à la Caisse Centrale de Prévoyance Mutuelle Agricole.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme BRETANDX et les conclusions incidentes du CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme BRETANDX, au CENTRE HOSPITALIER de DRAGUIGNAN, à la caisse de Mutualité Sociale Agricole du Var, à la Caisse Centrale de Prévoyance Mutuelle Agricole et au ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

2

N° 06MA02408 et N° 06MA02475


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06MA02408
Date de la décision : 04/09/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. Jean-Louis BEDIER
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : CABINET JEAN-CHARLES MSELLATI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2008-09-04;06ma02408 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award