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04/12/2008 | FRANCE | N°06MA00404

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 04 décembre 2008, 06MA00404


Vu la requête, enregistrée le 7 février 2006, présentée par Me Planchat pour la SNC ASHOKA, dont le siège est 7 rue Fortia à Marseille (13001) ;

La société demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0202432 en date du 28 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de décharge du supplément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997 ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de la décharger desdites impositions ;

3°) de mett

re à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais d'instance ;

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Vu la requête, enregistrée le 7 février 2006, présentée par Me Planchat pour la SNC ASHOKA, dont le siège est 7 rue Fortia à Marseille (13001) ;

La société demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0202432 en date du 28 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de décharge du supplément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997 ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de la décharger desdites impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais d'instance ;

.........................................................................................................

Elle soutient que l'administration, qui a écarté sa comptabilité, pour reconstituer le montant des recettes a eu recours à la méthode dite des vins ; qu'après avoir arrêté un montant des recettes engendrées par la vente des vins à partir des factures enregistrées en comptabilité et d'informations recueillies auprès des fournisseurs, elle a déterminé le montant des recettes du restaurant en calculant le rapport entre les recettes de la vente du vin et celles du restaurant sur la base d'un sondage pour ensuite multiplié ce rapport par le montant de la vente des vins ; que l'administration ne l'a pas informée des modalités qui l'ont conduit à retenir un taux de perte de et de casse ; qu'elle n'a pas plus précisé les motifs qui l'ont autorisé à ne pas appliquer aux achats non comptabilisés une réfaction en raison de ces mêmes pertes ; qu'ainsi, elle se trouve dans l'incapacité de discuter des chiffres fixés par le service ; que si le tribunal a considéré que la notification de redressements respectait les dispositions prévues par l'article L.57 du livre des procédures fiscales, en ne précisant toutefois pas les modalités et les motifs des chiffres retenus pour la reconstitution du chiffre d'affaires, l'administration la met dans l'incapacité de les discuter et méconnait, de ce fait, le principe des droits de la défense ; que, concernant les achats sans facture, il appartient à l'administration d'apporter la preuve de la matérialité des achats dont elle prétend qu'ils n'ont pas fait l'objet de facturation ; qu'en l'espèce, les informations recueillies auprès des tiers ne lui sont pas opposables dès lors qu'elles ne sont pas corroborées par des constatations propres à l'entreprise ; qu'au surplus, un restaurant du même nom « Ashoka » situé à Aix-en-Provence a pu provoquer des erreurs dans la comptabilité des fournisseurs ; qu'ainsi, le tribunal ne pouvait écarter ce moyen sans exiger de la part de l'administration la production d'éléments de preuve ; que, le taux de perte et des offerts de 5% a été sous-évalué et doit être arrêté, au regard de la jurisprudence, à 10% afin de tenir compte de la consommation journalière des salariés et des gérants qui ne saurait être inférieure à une bouteille de vin ; que ce taux de 10% aurait dû être également appliqué aux achats non comptabilisés au regard des recoupements effectués par le service auprès du fournisseur de la société Ashoka ; que le tribunal a omis de répondre au moyen selon lequel un taux de perte devait s'appliquer aux achats non comptabilisés ; qu'enfin, s'agissant de l'application des pénalités, l'article L.195 A du livre des procédures fiscales fait peser la preuve de la mauvaise foi du contribuable sur l'administration ; qu'au cas particulier, son intention maligne et l'absence de sa bonne foi ne sont établies ni par la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires ni par l'existence de minoration des recettes ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 31 octobre 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Le ministre demande à la Cour de rejeter la requête de la SNC ASHOKA ;

Il soutient que la comptabilité de la SNC ASHOKA au titre de la période vérifiée en litige a été regardée comme irrégulière en raison notamment du défaut de pièces justificatives des recettes, de l'absence de relevés bancaires, de la non-présentation d'inventaires détaillés des stocks et de l'existence de comptes courants d'associés débiteurs ; que ces anomalies ont été constatées par un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité ; que la charge de la preuve du caractère exagéré appartient à la requérante du fait de la mise en oeuvre de la procédure de taxation d'office consécutive au défaut de dépôt dans les délais des déclarations de TVA ; que le chiffre d'affaires a été reconstitué à partir des éléments propres à l'entreprise déterminé de manière contradictoire en utilisant la méthode dite des vins ; qu'ont été pris en compte dans cette évaluation, les achats non enregistrés et les recettes générées non déclarées par l'entreprise ; que les recettes relatives à la vente de vins ont été calculées à partir d'un dépouillement exhaustif des achats et de la détermination des quantités vendues par produits après prise en compte des pertes, de la consommation personnelle et des offerts pour un taux forfaitaire de 5% ; que les recettes des vins ont été déterminées en appliquant aux quantités vendues les tarifs pratiqués par l'entreprise tels qu'ils ressortaient des cartes des prix couvrant la période vérifiée ; que le dépouillement exhaustif des notes clients a permis de déterminer un ratio stable de 8,13 du montant du vin facturé et l'application de ce ratio à l'ensemble des recettes réalisées sur le vin a permis de reconstituer le montant total des recettes ; qu'afin de tenir compte du fonctionnement propre à l'établissement, un taux de réfaction de 5% a été arrêté ; que le vin en pichet n'a pas été retenu dans le cadre de la reconstitution des recettes, celle-ci ne visant que les vins en bouteilles ; qu'ainsi, le pourcentage de réfaction sur les vins en bouteille a été limité aux offerts à la clientèle et aux pertes ; que les notes clients n'ayant pas été conservées, il a été défalqué, par exercice, des quantités achetées et revendues, un nombre de bouteilles utilisées en cas de rupture de stock à titre de vin ordinaire qui correspond au taux de réfaction de 5% ; que pour les achats occultes non comptabilisés, aucune réfaction n'a été appliquée ; que la société a été informée, par la notification de redressement, des paramètres ainsi retenus pour la détermination du pourcentage de réfaction ; que, s'agissant des achats non comptabilisés révélés par un recoupement, le rapprochement de la réponse obtenue du fournisseur SCA Cellier des quatre Tours avec le compte achats tenu par la société requérante a permis de mettre en évidence l'existence de transactions non comptabilisées ; que les éléments de la comptabilité du fournisseur ont fait apparaître un compte client 108 intitulé « Ashoka Marseille » pour l'année 1995 et ensuite « Ashoka » ; qu'il apparait que ces achats ont été effectués par des chèques et des tickets restaurant à des noms divers ; que cette analyse n'a pas été contredite par la société et cette démonstration établit un lien cohérent entre le fournisseur et le restaurant vérifié ; qu'enfin, en ce qui concerne le sanctions exclusives de bonne foi, les carences relevées dans la comptabilité constituent non de simples négligences mais de graves irrégularités ; qu'en outre, le rapprochement de la comptabilité avec les relevés bancaires des années 1995 et 1996 a révélé des versements sur les comptes professionnels très supérieurs aux recettes déclarées ; que ces éléments démontrent le caractère volontaire de ces pratiques ; que le contribuable, en sa qualité de gérant et associé prépondérant ne peut nier sa participation active au fonctionnement de la société ; que M. SINGH a, par ailleurs, admis le principe d'une dissimulation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 novembre 2008,

- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SNC ASHOKA relève appel du jugement du 28 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de décharge du supplément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997 ainsi que des pénalités y afférentes à la suite d'une vérification de comptabilité ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que les premiers juges ont estimé que « l'administration était fondée

à réintégrer dans les achats servant à la reconstitution du chiffre d'affaires, sans réfaction compte-tenu de leur caractère occulte, ceux, non comptabilisés, qui ressortaient du relevé de factures obtenu auprès du fournisseur (...) » ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la société, le tribunal n'a pas omis de répondre au moyen selon lequel un taux de perte devait s'appliquer aux achats non comptabilisés ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant que la requérante soutient que l'administration a méconnu le principe des droits de la défense en ne lui précisant pas les modalités de détermination du taux de perte retenu lors de la reconstitution du chiffre d'affaires du restaurant ; que, toutefois, il résulte des notifications de redressement en date des 17 décembre 1998 et 1er mars 1999 qui lui ont été adressées, que le vérificateur a précisé qu'un taux de réfaction de 5,35% représentant 200 bouteilles de vin pour l'année 1995 et qu'un taux de 5% représentant 130 bouteilles de vin pour les années 1996 et 1997 avaient été retenus afin de tenir compte « des offerts, de la consommation personnelle et des employés, de la casse et de l'utilisation, dite exceptionnelle en cas de rupture de stock de vin non dénommé comme vin ordinaire » ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas été suffisamment informée des motifs qui ont conduit l'administration à retenir les taux de 5,35% et 5% ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le taux de pertes et de consommation :

Considérant que la SNC ASHOKA a fait l'objet d'une procédure de taxation d'office en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; que, pour contester le montant de son chiffre d'affaires reconstitué par l'administration, elle se borne à faire état d'un taux de perte de 10% en se fondant sur des décisions jurisprudentielles rendues à l'égard d'autres contribuables sans même apporter d'éléments comptables ou extra-comptables tirés des modalités propres de l'exploitation

du restaurant de nature à démontrer que les taux retenus par le service de 5,35% et 5% ont été sous-estimés ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

En ce qui concerne les achats sans facture :

Considérant que la requérante, qui soutient que l'administration n'a pas produit d'éléments propres à l'entreprise corroborant l'existence d'achats sans facture, ne conteste toutefois pas que, dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, l'administration a obtenu des éléments auprès du fournisseur de vin « Cellier des quatre Tours » faisant apparaître au titre des années 1996 et 1997 des achats de vin sans facture non comptabilisés dont le paiement s'effectuait par des tickets restaurant ou par de nombreux chèques des clients ; que, par suite, l'administration était fondée à réintégrer dans les achats servant à la reconstitution du chiffre d'affaires, sans réfaction compte-tenu de leur caractère occulte, ceux, non comptabilisés, qui ressortaient des relevés de factures obtenus auprès du fournisseur précité et dont la société ne conteste pas utilement la réalité et le montant dès lors qu'elle ne démontre pas, alors que la charge de la preuve lui incombe, que cette absence de réfaction sur les achats occultes a eu une incidence sur le montant des redressements ;

Sur l'application des pénalités de mauvaise foi :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au présent litige : «1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (... ) » ;

Considérant, qu'ainsi que l'a jugé le tribunal, l'administration a démontré les insuffisances graves et répétées de la comptabilité présentée ainsi que la réalisation d'achats sans facture ; que l'analyse du fonctionnement de l'entreprise a permis, en outre, d'établir une insuffisance de marge brute déclarée et des versements bancaires sur les comptes professionnels supérieurs aux recettes ; que, par ailleurs, les résultats reconstitués de la société, fondés sur les conditions propres d'exploitation de l'entreprise, ont fait apparaître d'importantes omissions de recettes sur les trois années de la période vérifiée ; que l'ensemble de ces constatations met en évidence l'importance et le caractère répétitif des omissions commises et traduit la volonté délibérée d'éluder l'impôt ; que, dès lors, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de la mauvaise foi de la requérante ;

Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que la SNC ASHOKA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, le versement de la somme demandée par la SNC ASHOKA de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SNC ASHOKA est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC ASHOKA et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Copie en sera adressée à Me Planchat et au directeur de contrôle fiscal Sud-Est.

2

N° 06MA00404


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06MA00404
Date de la décision : 04/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : SCP NATAF ET PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2008-12-04;06ma00404 ?
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