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03/09/2009 | FRANCE | N°07MA01977

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 03 septembre 2009, 07MA01977


Vu la requête et le mémoire confirmatif, enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 31 mai 2007 et le 15 mai 2009 sous le n° 07MA01977, présentés par Me Sire, avocat pour Me CLEMENT, agissant en qualité de liquidateur de la S.C.I. LES RESIDENCES DU PORT, dont le siège est quai Arthur Rimbaud à Saint-Cyprien (66750) ;

La S.C.I. LES RESIDENCES DU PORT demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0204423, 0300903 du 30 mars 2007 du Tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la

commune de Saint-Cyprien à lui verser la somme de 4 400 000 euros en répa...

Vu la requête et le mémoire confirmatif, enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 31 mai 2007 et le 15 mai 2009 sous le n° 07MA01977, présentés par Me Sire, avocat pour Me CLEMENT, agissant en qualité de liquidateur de la S.C.I. LES RESIDENCES DU PORT, dont le siège est quai Arthur Rimbaud à Saint-Cyprien (66750) ;

La S.C.I. LES RESIDENCES DU PORT demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0204423, 0300903 du 30 mars 2007 du Tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Saint-Cyprien à lui verser la somme de 4 400 000 euros en réparation du préjudice que lui auraient causé les fautes commises par la commune et de son enrichissement sans cause ;

2°) de condamner la commune de Saint-Cyprien à lui verser la somme de 4 400 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise, afin d'évaluer la nature et le montant du préjudice qu'elle a subi ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Cyprien une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...........................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du domaine de l'Etat ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 juin 2009 ;

- le rapport de Mme Chenal-Peter, rapporteur ;

- les conclusions de M. Dieu, rapporteur public ;

- les observations de Me Barbeau Bournoville de la CGCB et associés pour La Commune de Saint-Cyprien ;

Considérant que, par une convention du 23 octobre 1987, régie par un cahier des charges type dit fascicule n° 2 des conditions d'amodiation de terre-pleins portuaires, la commune de Saint-Cyprien a donné en amodiation à la société civile immobilière (SCI) Hôtel de St-Cyprien Port, devenue ultérieurement SCI LES RESIDENCES DU PORT, une parcelle de terre-plein située dans l'enceinte du port de plaisance de la commune, pour une durée de 35 ans ; que cette parcelle, d'une superficie totale de 11 615 m² comportait, d'une part, des immeubles et installations déjà construits par cette société dans le cadre d'une précédente convention d'amodiation, en date du 9 novembre 1979, résiliée depuis le 13 novembre 1986, et, d'autre part, des terrains à bâtir ; que ladite S.C.I. a notamment fait édifier sur ces terrains des bâtiments à usage d'habitation et à usage commercial, lesquels ont été divisés en lots et commercialisés ; que, par un premier jugement en date du 27 février 2002, devenu définitif, le Tribunal administratif de Montpellier après avoir considéré que l'article 4-3 de la convention du 23 octobre 1987, qui stipulait que l'amodiataire est propriétaire des bâtiments construits ou à édifier, et en a la libre jouissance en application de l'article 9 du fascicule n° 2 et reconnaissait ainsi à l'amodiataire la propriété des installations à construire, et des bâtiments édifiés antérieurement à la signature de l'amodiation, qui n'avaient fait l'objet d'aucun déclassement, méconnaissait les principes mêmes de la domanialité publique portuaire, a en conséquence constaté la nullité de l'ensemble de cette convention ; que, par une requête enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Montpellier le 16 septembre 2002, la S.C.I. LES RESIDENCES DU PORT a demandé la condamnation de la commune de Saint-Cyprien à lui verser une indemnité de 4 400 000 euros, correspondant aux investissements réalisés en pure perte, à hauteur de 1 200 000 euros, en se fondant sur l'enrichissement sans cause et à son manque à gagner, à hauteur de 3 200 000 euros, du fait du contrat déclaré nul, sur le fondement de la faute commise par la commune ; qu'en outre, la société requérante a également demandé au tribunal, par une requête enregistrée le 24 février 2003, l'annulation de la décision en date du 16 décembre 2002 par laquelle le maire de Saint-Cyprien a opposé la prescription quadriennale aux créances réclamées devant le tribunal ; que, par un second jugement du 30 mars 2007 le Tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, rejeté sa demande indemnitaire et d'autre part a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur sa demande tendant à l'annulation de la décision précitée du maire de Saint-Cyprien du 16 décembre 2002 ; que la S.C.I. LES RESIDENCES DU PORT relève appel de ce jugement dans les limites susvisées ;

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête :

Considérant que l'entrepreneur dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que les fautes éventuellement commises par l'intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l'administration, ce qui fait obstacle à l'exercice d'une telle action ; que dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, l'entrepreneur peut en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration ; qu'à ce titre il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;

Sur l'enrichissement sans cause :

Considérant qu'il appartient à la S.C.I. LES RESIDENCES DU PORT de justifier du préjudice subi sur le fondement de l'enrichissement sans cause , et en particulier de son appauvrissement ; que la SCI fait valoir qu'elle a édifié des bâtiments sur les parcelles du domaine public portuaire visées par la convention annulée et chiffre la perte de ses investissements non amortis à 1 200 000 euros, la commune ayant repris l'ensemble des installations édifiées sur le terrain amodié ; que toutefois, la société requérante n'apporte aucun élément comptable de nature à établir une telle allégation ; qu'en l'absence de la moindre justification de ses pertes, qui selon elle s'élèvent à 1 200 000 euros, il n'appartient pas à la Cour d'ordonner une expertise pour déterminer l'étendue d'un tel préjudice ; que les conclusions fondées sur l'enrichissement sans cause doivent dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la prescription quadriennale opposée par la commune de Saint-Cyprien, être rejetées ;

Sur l'indemnisation du manque à gagner :

Considérant qu'il appartient au cocontractant de l'administration qui entend obtenir l'indemnisation du préjudice que lui a causé la faute commise par cette administration en signant un contrat entaché de nullité, de justifier de la réalité de son préjudice, et notamment des dépenses et des charges qu'il a supportées pour exécuter ce contrat ainsi que de sa perte de bénéfice ;

Considérant que la S.C.I. LES RESIDENCES DU PORT demande à être indemnisée de la perte de ses bénéfices qu'elle évalue à 3 200 000 euros pour les 20 années à venir, au titre de la perte de rentabilité des locaux à usage commercial qu'elle a construits ; que la société requérante, se borne à produire dans sa requête, pour justifier de son manque à gagner, des calculs qu'elle a elle même effectués pour évaluer la perte de ses bénéfices, à l'aide de la valeur locative du m² commercial, en appliquant un taux de frais de gestion de 30 % sur son chiffre d'affaires ; que ces éléments ne sont, là encore, corroborés par aucun document comptable, ni même confirmés par un expert comptable indépendant ; qu'ils ne sont pas non plus assortis de pièces justificatives permettant de porter une appréciation sur le poids des charges incombant à la société et qu'aucune précision n'est apportée sur les bénéfices réalisés au cours des exercices précédant la constatation de la nullité de la convention ; que, dans ces conditions, la S.C.I. LES RESIDENCES DU PORT ne justifie pas du préjudice qu'elle aurait subi du fait de la privation du bénéfice qu'elle escomptait de l'exécution de la convention et que par suite, cette société n'est ainsi pas fondée à demander l'indemnisation d'un tel préjudice, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune de Saint-Cyprien et sur les responsabilités respectives des cocontractants relatives à l'illégalité fautive entachant le contrat en cause ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la S.C.I. LES RESIDENCES DU PORT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la S.C.I. LES RESIDENCES DU PORT doivent dès lors être rejetées ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées de la commune de Saint-Cyprien ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la S.C.I. LES RESIDENCES DU PORT est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Cyprien tendant à la condamnation de la S.C.I. LES RESIDENCES DU PORT au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la S.C.I. LES RESIDENCES DU PORT et à la commune de Saint-Cyprien .

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07MA01977
Date de la décision : 03/09/2009
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. FERULLA
Rapporteur ?: Mme Anne-Laure CHENAL-PETER
Rapporteur public ?: M. DIEU
Avocat(s) : SIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2009-09-03;07ma01977 ?
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