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18/12/2009 | FRANCE | N°07MA00934

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 18 décembre 2009, 07MA00934


Vu la requête, enregistrée le 17 mars 2007, présentée pour M. Didier B élisant domicile ..., Mme Muriel A née B élisant domicile ..., M. Thierry B élisant domicile ..., Mme Marie Chantal B élisant domicile ... ; par la Selarl Cabinet Guisiano, avocats ; Les consorts B demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0105297 du 3 janvier 2007 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à la condamnation du cercle des officiers mariniers de Toulon à leur verser la somme de 83 732,62 euros en réparation du préjudice causé à M. René B par

son licenciement en date du 10 juillet 1998 et d'annuler la décision imp...

Vu la requête, enregistrée le 17 mars 2007, présentée pour M. Didier B élisant domicile ..., Mme Muriel A née B élisant domicile ..., M. Thierry B élisant domicile ..., Mme Marie Chantal B élisant domicile ... ; par la Selarl Cabinet Guisiano, avocats ; Les consorts B demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0105297 du 3 janvier 2007 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à la condamnation du cercle des officiers mariniers de Toulon à leur verser la somme de 83 732,62 euros en réparation du préjudice causé à M. René B par son licenciement en date du 10 juillet 1998 et d'annuler la décision implicite de rejet de leur réclamation indemnitaire préalable ;

2°) d'accueillir leurs demandes et, en outre, de reconstituer les droits sociaux de M. René B ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 novembre 2009 :

- le rapport de Mme Gaultier, rapporteur,

- les conclusions de M. Brossier, rapporteur public,

- et les observations de Me Farhat, de la Selarl Cabinet Guisiano, pour les consorts B ;

Considérant que les héritiers de M. René B font appel du jugement n° 0105297 du tribunal administratif de Nice en date du 3 janvier 2007 qui a rejeté leur demande tendant à ce que le cercle des officiers mariniers de Toulon soit condamné à leur verser la somme de 37 232,31 euros au titre des salaires non perçus par M. B pendant la période allant du 10 juillet 1998, date de son licenciement pour faute grave jusqu'à son décès, survenu le 21 octobre 1999, ainsi que la somme de 22 456,65 euros au titre du préjudice moral subi par ce dernier du fait de ce licenciement injustifié ; qu'en appel, les requérants demandent, en outre, la reconstitution des droits sociaux de M. B ;

Sur les fins de non recevoir opposées par le cercle des officiers mariniers de Toulon et tirées de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires :

Considérant, en premier lieu, que le cercle des officiers mariniers de Toulon soutient à nouveau en appel que les conclusions relatives à l'indemnisation des pertes de salaires seraient irrecevables dès lors que la nature de l'indemnité demandée devant le juge diffère de celle figurant dans la réclamation préalable présentée au cercle des officiers mariniers ; qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir présenté au cercle des officiers mariniers de Toulon une réclamation préalable à hauteur d'une somme totale de 129 467 euros, à titre d'indemnité de préavis, d'indemnité de licenciement, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour préjudice moral et harcèlement, fondée sur l'illégalité interne et externe du licenciement de M. René B, ses héritiers ont, dans le dernier état de leurs écritures devant le tribunal administratif, demandé la condamnation du cercle à leur verser une somme de 61 275,96 euros au titre de la perte de salaires subie indûment par M. B à compter de son éviction illégale jusqu'à son décès et sur une somme de 22 456,65 euros au titre du préjudice moral subi par l'intéressé ; que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, et nonobstant la circonstance que les héritiers de M. B, qui avaient initialement saisi la juridiction judiciaire, laquelle s'est déclarée incompétente, aient initialement présenté une demande indemnitaire chiffrée par référence à différents articles du code du travail, le juge administratif peut accueillir la demande en paiement de salaires dès lors qu'il est constant que les requérants ont entendu, dès la réclamation préalable, solliciter la réparation des préjudices financiers découlant du licenciement ;

Considérant, en second lieu, que le cercle des officiers mariniers de Toulon soutient en appel que les héritiers de M. B ne seraient pas recevables à demander réparation, postérieurement au décès de l'intéressé, du préjudice moral subi par ce dernier du fait de son licenciement ; que, toutefois, le droit à réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est la cause ; que si la victime du dommage décède avant d'avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers ; qu'il suit de là que contrairement à ce que soutient le cercle des officiers mariniers de Toulon, les héritiers de M. B sont recevables à demander, même après le décès de l'intéressé, l'indemnisation du préjudice moral subi par M. B à raison de son licenciement et du harcèlement dont il aurait été l'objet ;

Considérant, en conséquence de ce qui précède, que le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a rejeté pour irrecevabilité la demande des requérants en paiement des salaires de M. B ; qu'il y a lieu de statuer sur ce point du litige par la voie de l'évocation, et pour le surplus des conclusions des requérants, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel ;

Sur le bien fondé des demandes indemnitaires des requérants :

Considérant que l'article 1er du décret susvisé du 29 juillet 1981 portant organisation et fonctionnement des cercles et des foyers dans les armées, dans sa rédaction initiale, disposait que : Les cercles et les foyers dans les armées, organismes administratifs à vocation sociale et culturelle dotés de la personnalité morale, procurent aux militaires des possibilités de relations, d'entraide, d'information et de loisirs (...) Ces organismes sont placés sous la tutelle du ministère de la défense. ; que l'article 6 de ce décret prévoyait que : les cercles sont administrés par un conseil d'administration composé de cinq membres au moins et de quinze membres au plus. Les membres du conseil sont élus (...) ; que l'article 8 de ce décret prévoyait que : La direction du cercle est assurée par le président du conseil d'administration. Ce dernier a autorité sur le personnel civil et militaire du cercle (...) ;

Considérant que ce décret a été modifié par décret n° 98-154 du 4 mars 1998 qui a notamment rendu possible la fréquentation des cercles par des membres adhérents, s'ajoutant aux militaires membres de droit, ouvert en conséquence le conseil d'administration aux membres adhérents et prévu dans son article 9 : Le cercle est dirigé par un directeur nommé par l'autorité exerçant les pouvoirs de tutelle. Cette fonction ne peut être assurée par un membre du conseil d'administration (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. René B, qui assurait les fonctions de directeur gérant du cercle depuis 1992, a été licencié pour faute grave par décision du président du conseil d'administration en date du 10 juillet 1998 ; qu'il lui a été reproché un comportement agressif et discourtois, une absence de dynamisme dans sa gestion compromettant l'équilibre financier du cercle, un manque de concertation et de communication avec le personnel, ainsi que des faits d'ébriété, d'utilisation irrégulière d'un véhicule de fonction et l'impossibilité de justifier de fonds débloqués en fin d'année 1996 et 1997 ;

Considérant, en premier lieu, qu'à la date à laquelle M. René B a été recruté par le président du conseil d'administration pour gérer, sous son autorité, le cercle des officiers mariniers de Toulon, les dispositions issues du décret n° 98-154 du 4 mars 1998 qui prévoient la fonction de directeur de cercle militaire, nommé par l'autorité de tutelle, n'étaient pas en vigueur ; qu'il suit de là que les héritiers de M. B ne sont pas fondés à soutenir que la décision de licenciement litigieuse, prise par le président du conseil d'administration, autorité ayant procédé au recrutement de l'intéressé, émanerait d'une autorité incompétente ; qu'il n'est, par contre, pas contesté que M. B, qui avait la qualité d'agent public, n'a pas été mis en mesure de prendre connaissance de son dossier préalablement à son licenciement et que les droits de la défense n'ont, dès lors, pas été respectés ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des pièces du dossier que M. B assumait les fonctions de direction du cercle depuis 1992, et que son efficacité et sa rigueur financière y avaient été appréciées ; que le déficit financier du cercle et sa baisse de fréquentation ont été évoqués lors des séances du conseil d'administration tenues en 1997 ; que lors de la séance du conseil tenue le 10 avril 1998, après l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions réglementaires relatives aux cercles militaires, l'aptitude de M. B à assumer ses fonctions avec le dynamisme et l'ouverture souhaitées a été mise en cause et des griefs d'ordre comportemental, étayés par un nombre conséquent de témoignages , ont été formulés à son encontre ; que M. B, alors en congé de maladie, a démissionné puis retiré sa démission ;

que, le 10 juillet 1998, le président du conseil d'administration a décidé de licencier M. B pour faute grave en ajoutant aux griefs précédemment invoqués des fautes professionnelles tirées de faits d'ébriété, d'utilisation irrégulière de fonds, du logement ou du véhicule de fonction dont bénéficiait l'intéressé ; que lesdites fautes professionnelles ne sont, toutefois, pas sérieusement étayées par les pièces versées au dossier et ne peuvent, en conséquence, être considérées comme établies par l'établissement public employeur, qui supporte la charge de la preuve ; qu'il suit de là, que si le licenciement de l'intéressé pouvait éventuellement être justifié par des raisons d'ordre professionnel, son licenciement décidé pour faute grave est entaché d'erreur de fait et est, dès lors, intervenu illégalement ; qu'il suit de là que les héritiers de M. B sont fondés à rechercher la responsabilité du cercle des officiers mariniers de Toulon à raison des préjudices financiers et moraux subis par M. B du fait de son licenciement illégal ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des pièces du dossier que M. B percevait une rémunération mensuelle nette de 16 281 francs par mois, au moment de son licenciement et qu'il aurait en conséquence perçu, au cours de la période allant du 10 juillet 1998 au 21 octobre 1999, la somme totale de 244 227 francs soit 37 232 euros s'il était resté en fonctions jusqu'à son décès ; qu'il y a toutefois lieu de déduire de sa perte de revenus indemnisable la somme des revenus de remplacement qu'il a perçu de l'ASSEDIC, soit la somme de 191 952 francs soit 29 262 euros, telle qu'elle ressort au vu des pièces fournies à la suite de la mesure d'instruction effectuée par la Cour ; qu'il y a lieu de condamner le cercle des officiers mariniers de Toulon à verser aux héritiers de M. B une somme de 7 970 euros, en réparation de la perte nette de revenus subie par ce dernier ;

Considérant, en quatrième lieu, que les circonstances ci-dessus relatées dans lesquelles la décision incriminée a été prise, alors qu'au su de l'autorité administrative M. B, atteint d'une grave maladie, s'efforçait d'assurer néanmoins ses fonctions, ont nécessairement généré un préjudice moral important ; que des faits de harcèlement moral autres que ceux tenant aux circonstances du licenciement ne sont toutefois pas établis ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. B en condamnant le cercle des officiers mariniers à verser aux héritiers de l'intéressé une somme de 5 000 euros ; que les héritiers de M. B sont donc fondés à demander la réformation du jugement du tribunal administratif de Nice sur ce point ;

Sur les conclusions aux fins de reconstitution des droits sociaux de M. B durant sa période d'éviction illégale :

Considérant que ces conclusions sont, en tout état de cause, nouvelles en appel et sont, par suite, irrecevables ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que les héritiers de M. B, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, soient condamnés à verser au cercle des officiers mariniers de Toulon une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a donc lieu de rejeter la demande présentée par le cercle des officiers mariniers de Toulon à l'encontre des héritiers de M. B ; qu'en revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, d'allouer à ces derniers, au titre de leurs frais de procédure, la somme de 2 000 euros, à la charge du cercle des officiers mariniers de Toulon ;

DECIDE :

Article 1er : Le cercle des officiers mariniers de Toulon est condamné à verser aux héritiers de M. B une somme de 7 970 euros (sept mille neuf cent soixante dix euros) à titre de réparation du préjudice financier subi par M. B ainsi qu'une somme de 5 000 euros (cinq mille euros) à titre de réparation de son préjudice moral.

Article 2 : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Nice, en date du 3 janvier 2007, est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le surplus des conclusions des héritiers de M. B est rejeté.

Article 4 : Le cercle des officiers mariniers de Toulon est condamné à verser aux héritiers de M. B une somme de 2 000 euros (deux mille euros) sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Didier B, à Mme Muriel A, à M. Thierry B, à Mme Marie Chantal B et au cercle mixte de la marine qui s'est substitué au cercle des officiers mariniers de Toulon.

Copie en sera adressée pour information au ministre de la défense.

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N° 07MA009342


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07MA00934
Date de la décision : 18/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Joëlle GAULTIER
Rapporteur public ?: M. BROSSIER
Avocat(s) : CABINET IMBERT-REBOUL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2009-12-18;07ma00934 ?
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