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02/04/2010 | FRANCE | N°09MA01644

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 02 avril 2010, 09MA01644


Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2009, présentée pour A, demeurant ...), par Me Bellier ; ... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802433 du 25 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant d'une part à l'annulation de la décision du 23 avril 2008 par laquelle l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices qui ont résulté de sa vaccination contre le virus de l'hépatite B, et

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Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2009, présentée pour A, demeurant ...), par Me Bellier ; ... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802433 du 25 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant d'une part à l'annulation de la décision du 23 avril 2008 par laquelle l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices qui ont résulté de sa vaccination contre le virus de l'hépatite B, et, d'autre part à la condamnation solidaire de l'Etat et de l'ONIAM à l'indemniser des préjudices qui ont résulté de cette vaccination ;

2°) de condamner l'Etat et l'ONIAM à assurer la réparation de l'intégralité des préjudices subis ;

3°) de nommer un expert chargé de procéder à l'évaluation de ses préjudices ;

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu l'arrêt de la Cour en date du 8 octobre 2009 décidant de surseoir à statuer jusqu'à ce que le Conseil d'Etat se soit prononcé sur des questions de droit conformément aux dispositions de l'article L.113-1 du code de justice administrative ;

Vu l'avis du Conseil d'Etat rendu le 22 janvier 2010 ;

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Vu le jugement rendu par le Tribunal administratif de Montpellier le 11 juillet 2007 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n°91-73 du 18 janvier 1991 portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales ;

Vu la loi n° 2004-806 du 9 août 2004, relative à la politique de santé publique et notamment son article 118 ;

Vu la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ;

Vu le décret n° 2005-1768 du 30 décembre 2005 relatif aux nouvelles missions confiées à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales par la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique et modifiant le code de la santé publique ;

Vu l'arrêté du 15 mars 1991 fixant la liste des établissements ou organismes publics ou privés de prévention ou de soins dans lesquels le personnel exposé doit être vacciné, modifié ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mars 2010 :

- le rapport de Mme Menasseyre,

- les conclusions de M. Dubois, rapporteur public,

- et les observations de Me Philippe D'Antuoni, pour le service départemental d'incendie et de secours du département de l'Hérault ;

Considérant que ..., sapeur-pompier professionnel employé par le service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault est atteint d'une sclérose en plaques qu'il estime liée à l'administration des injections en vue de sa vaccination contre l'hépatite B qu'il a reçues les 19 juillet, 18 août et 20 septembre 1993 et le 3 novembre 1994 ; qu'il relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant d'une part à l'annulation de la décision du 23 avril 2008 par laquelle l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices qui ont résulté de sa vaccination contre l'hépatite B, et, d'autre part, à la condamnation solidaire de l'Etat et de l'ONIAM à l'indemniser des préjudices qui ont résulté de cette vaccination ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable en l'espèce, issue de la loi susvisée du 9 août 2004 : Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre, est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales institué à l'article L. 1142-22, au titre de la solidarité nationale.(...) ; que le même article, dans sa rédaction d'origine disposait que cette réparation était supportée par l'Etat ; que le décret relatif aux nouvelles missions confiées à l'Office est intervenu à cette fin le 30 décembre 2005 et entré en vigueur, selon les termes de son article 9, le 1er janvier 2006 ; que, s'agissant des demandes présentées au titre de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique postérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 30 décembre 2005, leur instruction est désormais assurée par l'Office, qui supporte également la charge de la réparation des préjudices ; qu'il en résulte que, dès lors que la demande de ... a été présentée le 14 janvier 2008, la réparation, sur le fondement des dispositions susmentionnées, des préjudices que ... impute à des vaccinations obligatoires ne saurait relever de l'Etat ; que ce dernier est, par suite, fondé à demander à être mis hors de cause, le requérant n'étant, pour sa part pas fondé à demander sa condamnation solidaire ;

Sur le caractère obligatoire des vaccinations :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 10 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi du 18 janvier 1991 susvisée, applicable à la date à laquelle ... a reçu les injections litigieuses, et désormais codifié à l'article L. 3111-4 du code de la santé publique : Toute personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins, exerce une activité professionnelle l'exposant à des risques de contamination doit être immunisée contre l'hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. (...) Un arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et du ministre chargé du travail, pris après avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France, détermine les catégories d'établissements et organismes concernés. (...) Les conditions de l'immunisation prévue au présent article sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France et compte tenu, en particulier, des contre-indications médicales. ; que l'arrêté du 15 mars 1991 fixant la liste des établissements ou organismes publics ou privés de prévention ou de soins dans lesquels le personnel exposé doit être vacciné, n'a mentionné le personnel des centres d'incendie et de secours que dans sa rédaction issue de l'arrêté du 29 mars 2005 susvisé ;

Considérant toutefois qu'aux termes de l'article 104 de la loi du 4 mars 2002 : Les dispositions de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique sont applicables aux personnes visées à l'article L. 3111-4 du même code qui ont été vaccinées contre l'hépatite B avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales. ; qu'il résulte de l'examen des travaux parlementaires qui ont présidé à l'adoption de cette disposition qu'il est alors apparu au législateur injustifié et contraire au principe d'équité de continuer à exclure du dispositif d'indemnisation alors assurée par l'Etat, institué par l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, les personnes vaccinées avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 18 janvier 1991 rendant cette vaccination obligatoire pour les intéressés, dès lors que les fortes recommandations qui tendaient à leur vaccination étaient systématiquement interprétées comme une obligation de fait ; qu'il en résulte que, contrairement à ce que soutient l'office en défense, l'intention du législateur n'était pas de cantonner l'extension du dispositif d'indemnisation institué par les dispositions de l'article L. 3111-9 du code de la Santé publique aux seules catégories professionnelles qui faisaient l'objet d'une mesure de vaccination obligatoire en 2002, mais d'étendre ce dispositif aux personnes auxquelles cette vaccination était présentée de fait comme obligatoire, avant qu'elle ne le devienne de droit ; que cette intention n'est pas démentie par l'adoption par le législateur de l'article 42 de la loi du 21 juillet 2009, qui témoigne de la persistance, chez le législateur, de cette préoccupation ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que ... a subi une première injection du vaccin Engerix B le 19 juillet 1993, une deuxième injection du même vaccin le 18 août 1993, une troisième injection du même vaccin le 20 septembre 1993, puis un rappel le 3 novembre 1994, dans le cadre d'une campagne de revaccination complète, dont les personnels ont été informés par voie de note d'information du 21 avril 1993 intitulé mise à jours de l'ensemble des vaccinations de chacun des agents du corps , et visant tous les personnels professionnels et volontaires (équipes et SHR), et tous les officiers ; qu'il résulte des circonstances dans lesquelles cette vaccination a été pratiquée qu'elle présentait, pour les personnels en cause, un caractère obligatoire ; que c'est donc à tort que le bénéfice des dispositions de l'article L. 3111-9 a été refusé au requérant au motif que cette vaccination n'était pas obligatoire ;

Sur l'existence d'un lien de causalité entre les vaccinations en cause et l'affection dont souffre ... :

Considérant que ... fait en outre valoir que, par un jugement du 11 juillet 2007, devenu définitif, le Tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision en date du 22 avril 2004 par laquelle le président du service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault a refusé de reconnaître comme imputable au service la sclérose en plaques dont il est atteint, et invoque l'autorité de chose jugée qui s'attache à ce jugement ; que ce jugement a notamment estimé que eu égard, d'une part, au bref délai ayant séparé les injections de 1993 de l'apparition des symptômes, d'autre part, à la bonne santé de ... et à l'absence de tous antécédents à cette pathologie, antérieurement à sa vaccination, la sclérose en plaques dont il souffre devait être regardée comme imputable au service ; que l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache au jugement du 11 juillet 2007, et aux motifs qui en sont le support nécessaire, s'oppose à ce que l'imputabilité de l'affection dont souffre ... aux vaccinations qu'il a reçues dans le cadre de son activité puisse faire l'objet d'une nouvelle discussion contentieuse ; qu'il revient dès lors à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, en application des dispositions précitées, de réparer, au titre de la solidarité nationale, les dommages subis par ... du fait de cette affection, en déduisant du montant du préjudice total les prestations énumérées à l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985, et plus généralement les indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du même chef de préjudice ;

Sur la demande d'expertise :

Considérant que l'état du dossier ne permet pas à la Cour de se prononcer sur les droits à réparation de ... qu'il y a lieu, en conséquence, d'ordonner une expertise, aux fins mentionnées dans le dispositif du présent arrêt ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'Etat est mis hors de cause.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 25 mars 2009 est annulé.

Article 3 : Il sera procédé à une expertise contradictoire en présence de ... et de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

L'expert aura pour mission :

- en premier lieu, de prendre connaissance de l'ensemble des dossiers médicaux de ... et notamment du rapport d'expertise rendu le 2 octobre 2003 dans le cadre de l'instance opposant ... à son employeur devant le tribunal administratif de Montpellier ainsi que des résultats des autres examens médicaux disponibles ;

- en deuxième lieu, de décrire l'état de santé de ....

- en troisième lieu, de préciser si l'état de santé de ... peut être considéré comme consolidé et dans l'affirmative de fixer la date de consolidation.

- en quatrième lieu, de rechercher et de quantifier tous les éléments de préjudice susceptibles de découler de la pathologie dont ... est atteint (dépenses de santé laissées à sa charge, frais liés au handicap laissés à sa charge, perte de revenus, incidence professionnelle du dommage corporel, autres dépenses liées au dommage corporel, préjudices personnels tels que les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément et les divers troubles dans les conditions d'existence) ;

- en cinquième lieu, de dire si ... peut poursuivre une activité professionnelle, et dans quelles conditions, et de dire si son état de santé nécessite l'assistance d'une tierce personne.

Article 4 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R.621-2 à R.621-14 du code de justice administrative. L'expert déposera son rapport au greffe de la Cour en quatre exemplaires dans le délai de quatre mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Article 5 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 6 : Les frais d'expertise sont mis provisoirement à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à A, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et au ministre de la santé et des sports.

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N°09MA01644


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA01644
Date de la décision : 02/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-03 RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE. RESPONSABILITÉ EN RAISON DES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DES SERVICES PUBLICS. SERVICE PUBLIC DE SANTÉ. SERVICE DES VACCINATIONS. - DOMMAGES RÉSULTANT D'UNE VACCINATION CONTRE L'HÉPATITE B PRATIQUÉE EN 1993 ET 1994 - CARACTÈRE OBLIGATOIRE DE LA VACCINATION - PERSONNEL DES CENTRES D'INCENDIE ET DE SECOURS NON MENTIONNÉS DANS L'ARRÊTE DU 15 MARS 1991 AVANT 2005 - INCIDENCE - ABSENCE.

60-02-01-03 L'arrêté du 15 mars 1991 fixant la liste des établissements ou organismes publics ou privés de prévention ou de soins dans lesquels le personnel exposé doit être vacciné, n'a mentionné le personnel des centres d'incendie et de secours que dans sa rédaction issue de l'arrêté du 29 mars 2005. Il résulte toutefois de l'examen des travaux parlementaires qui ont présidé à l'adoption de l'article 104 de la loi du 4 mars 2002 que l'intention du législateur n'était pas de cantonner l'extension du dispositif d'indemnisation institué par les dispositions de l'article L. 3111-9 du code de la Santé publique aux seules catégories professionnelles qui faisaient l'objet d'une mesure de vaccination obligatoire en 2002, mais d'étendre ce dispositif aux personnes auxquelles cette vaccination était présentée de fait comme obligatoire, avant qu'elle ne le devienne de droit. C'est donc à tort que le bénéfice des dispositions de l'article L. 3111-9 est refusé à un sapeur pompier vacciné en 1993 et 1994 au motif que cette vaccination n'était pas obligatoire, dès lors qu'il résulte des circonstances dans lesquelles elle a été pratiquée qu'elle présentait, pour les personnels en cause, un caractère obligatoire.


Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : SELARL SANDRA BELLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-04-02;09ma01644 ?
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