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05/12/2011 | FRANCE | N°09MA02909

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 05 décembre 2011, 09MA02909


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 31 juillet 2009, présentée pour la SOCIETE SPIE BATIGNOLLES SUD EST, dont le siège est 68, chemin du Moulin Carron, BP 6, Dardilly Cedex (69571), prise en la personne de son représentant légal, par Me Brin ;

La SOCIETE SPIE BATIGNOLLES SUD EST demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900283 du 23 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'ordonnance en date du 18 décembre 2008 par laquelle le président du t

ribunal a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expert désigné en ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 31 juillet 2009, présentée pour la SOCIETE SPIE BATIGNOLLES SUD EST, dont le siège est 68, chemin du Moulin Carron, BP 6, Dardilly Cedex (69571), prise en la personne de son représentant légal, par Me Brin ;

La SOCIETE SPIE BATIGNOLLES SUD EST demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900283 du 23 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'ordonnance en date du 18 décembre 2008 par laquelle le président du tribunal a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expert désigné en référé dans l'instance n°0506082 à la somme de 52 139,67 euros et mis ces dépens à sa charge ;

2°) de dire et juger que la demande de l'expert en taxation de ses frais et honoraires est injustifiée ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'expert et de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement attaqué est irrégulier ; que l'expert, M. Fréani, a déposé un mémoire après la clôture d'instruction ; que ce mémoire ne lui a pas été communiqué ; que les premiers juges ont tenu compte de l'argumentation développée tardivement et non contradictoirement par l'expert ; que le principe du contradictoire a été méconnu ; que les premiers juges auraient dû s'assurer de la communication par l'expert de tous les justificatifs des frais exposés et diligences apportées dans le cadre de sa mission ; qu'elle a été privée du droit d'exercer un recours concret et effectif au regard de l'article 6§1 de la convention européenne des droit de l'homme ; que l'expert désigné par le Tribunal s'en est remis, pour l'accomplissement de sa mission, aux sapiteurs dont il a demandé et obtenu la désignation, alors qu'il se devait d'accomplir personnellement sa mission ; que partant, la taxe est dépourvue de cause ; que les premiers juges ont considéré qu'il lui appartenait d'établir le caractère excessif des dépens ; que cependant, il incombe à l'expert, et lui seul, de joindre à son rapport un état de ses vacations, frais et débours ; qu'il ne lui appartenait pas de rapporter la preuve du caractère excessif des dépens ; que par ailleurs, les premiers juges ont ajouté à la loi en exigeant la preuve par l'exposante du caractère excessif des frais d'expertise ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2009, présenté pour M. Fréani, par Me Devaux, qui conclut à la confirmation du jugement attaqué et au rejet de la demande et à ce que soit mise à la charge de la société appelante la somme de 3 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 2011 :

- le rapport de Mme Carotenuto, rapporteur,

- les conclusions de Mme Markarian, rapporteur public,

- et les observations de Me Franceschetti représentant la SOCIETE SPIE BATIGNOLLES SUD EST ;

Considérant que, par un marché du 23 décembre 2002, le groupement solidaire d'entreprises composé des sociétés SPIE BATIGNOLLES, METALU INDUSTRIES INTERNATIONAL et ECTM s'est vu confier par la communauté urbaine Marseille Provence Métropole les travaux portant sur le renouvellement et la création d'appontements flottants sur la zone Nord-Est du port de plaisance du Frioul ; qu'en cours d'exécution des travaux, des tempêtes survenues les 17 août, 31 octobre, 22 et 23 décembre 2003, ont provoqué la rupture du système d'ancrage des appontements flottants ainsi que des dégâts sur les pannes flottantes et leurs équipements ; qu'à la suite de ces incidents, une nouvelle analyse des hypothèses retenues pour le système d'amarrage des pannes flottantes a mis en évidence le sous-dimensionnement de ce système, qui a nécessité de nouveaux travaux destinés à tenir compte du caractère particulièrement exposé au vent du site du Frioul ; que saisi par la SOCIETE SPIE BATIGNOLLES SUD EST, le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille, par une ordonnance en date du 17 mars 2006 a ordonné une expertise qu'il a confiée à M. Laurent A ; que par une ordonnance en date du 18 décembre 2008, le président du tribunal a taxé à la somme de 52 139,67 euros toutes taxes comprises le montant des frais et honoraires dus à l'intéressé qu'il a mis à la charge de la SOCIETE SPIE BATIGNOLLES SUD EST ; que celle-ci a alors contesté ce montant devant le tribunal administratif, lequel, par le jugement attaqué du 23 juin 2009, a rejeté sa demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : ( ...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...) Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ; qu'aux termes de l'article R. 613-3 du même code : Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction. Si les parties présentent avant la clôture de l'instruction des conclusions nouvelles ou des moyens nouveaux, la juridiction ne peut les adopter sans ordonner un supplément d'instruction ; qu'il ressort de l'examen des pièces versées au dossier que le second mémoire en défense présenté par M. A a été enregistré au greffe du Tribunal postérieurement à la clôture de l'instruction ; que ce mémoire a été visé mais n'a pas été analysé par le Tribunal dans son jugement ; qu'il ne ressort pas des motifs de ce jugement que le tribunal administratif se serait fondé sur des éléments qui n'auraient été portés à sa connaissance que par ce seul mémoire ;

Sur le bien fondé de la demande :

Considérant qu'aux termes des dispositions du premier alinéa de l'article R. 621-13 du code de justice administrative : Lorsque l'expertise a été ordonnée sur le fondement du titre III du livre V, le président du tribunal ou de la cour, après consultation, le cas échéant, du magistrat délégué, ou, au Conseil d'Etat, le président de la section du contentieux en fixe les frais et honoraires par une ordonnance prise conformément aux dispositions des articles R. 621-11 et R. 761-4. Cette ordonnance désigne la ou les parties qui assumeront la charge de ces frais et honoraires. Elle peut faire l'objet, dans le délai d'un mois à compter de sa notification, du recours prévu à l'article R. 761-5 ; qu'aux termes de l'article R. 621-11 du même code : Les experts et sapiteurs mentionnés à l'article R. 621-2 ont droit à des honoraires, sans préjudice du remboursement des frais et débours./ Ils joignent à leur rapport un état de leurs vacations, frais et débours./ Dans les honoraires sont comprises toutes sommes allouées pour étude du dossier, frais de mise au net du rapport, dépôt du rapport et, d'une manière générale, tout travail personnellement fourni par l'expert ou le sapiteur et toute démarche faite par lui en vue de l'accomplissement de sa mission./ Le président de la juridiction, après consultation du président de la formation de jugement, ou, au Conseil d'Etat, le président de la section du contentieux fixe par ordonnance, conformément aux dispositions de l'article R. 761-4, les honoraires en tenant compte des difficultés des opérations, de l'importance, de l'utilité et de la nature du travail fourni par l'expert ou le sapiteur. Il arrête sur justificatifs le montant des frais et débours qui seront remboursés à l'expert ; qu'aux termes de l'article R. 761-4 du même code : La liquidation des dépens, y compris celle des frais et honoraires d'expertise définis à l'article R. 621-11, est faite par ordonnance du président de la juridiction, après consultation du président de la formation de jugement ou, en cas de référé ou de constat, du magistrat délégué (...) ; qu'aux termes de l'article R. 761-5 dudit code : Les parties, ainsi que, le cas échéant, les experts intéressés, peuvent contester l'ordonnance mentionnée à l'article R. 761-4 liquidant les dépens devant la juridiction à laquelle appartient son auteur. Celle-ci statue en formation de jugement. Le recours mentionné au précédent alinéa est exercé dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance sans attendre l'intervention de la décision par laquelle la charge des frais est attribuée. ;

Considérant qu'en vertu de l'article R. 621-11 du code de justice administrative, la taxation des honoraires tient compte des difficultés des opérations, de l'importance, de l'utilité et de la nature du travail fourni par l'expert ;

Considérant que par un jugement du 16 novembre 2010 devenu définitif, le Tribunal administratif de Marseille, saisi par la SOCIETE SPIE BATIGNOLLES SUD EST d'une demande indemnitaire, a déclaré que le rapport d'expertise de M. Laurent Fréani était entaché d'irrégularités substantielles et l'a écarté des débats ; qu'il a considéré que M. Laurent Fréani ne s'est pas contenté de demander un éclairage sur un point particulier à M. Jacques Piallat mais lui a confié l'essentiel des missions qui lui étaient personnellement dévolues par l'ordonnance du 17 mars 2006 susvisée ; qu'il résulte du rapport établi par l'expert que ce dernier a repris à son compte l'ensemble des conclusions du rapport de M. Jacques Piallat ; que par un arrêt en date du 9 mars 2009, la Cour administrative d'appel de Marseille a récusé M. Jacques Piallat, les intérêts communs existant entre son employeur, la société BCEOM, et la communauté urbaine Marseille Provence Métropole constituant une raison sérieuse de mettre en doute son impartialité ; qu'eu égard à l'étendue de la mission dévolue à M. Jacques Piallat et à son influence certaine dans le déroulement de l'expertise et sur les conclusions de celles-ci, les sociétés requérantes sont fondées soutenir que le rapport d'expertise de M. Laurent Fréani est entaché d'irrégularités substantielles ; que, par suite, il doit être écarté des débats ; que les irrégularités entachant le rapport d'expertise sont donc telles qu'elles ont privé ledit rapport, qui n'a pas été utilisé par les premiers juges, de tout caractère utile pour la solution du litige, même à titre d'élément d'information, et par conséquent, sont de nature à justifier la suppression des honoraires qui sont dus à l'expert ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la SOCIETE SPIE BATIGNOLLES SUD EST est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que, par suite, ledit jugement doit être annulé de même que l'ordonnance du 18 décembre 2008 par laquelle le président du Tribunal a taxé et liquidé les frais et honoraires de l'expert désigné en référé à la somme de 52 139,67 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. Fréani, partie perdante dans la présente instance, puisse prétendre au bénéfice de ces dispositions ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. Fréani la somme que demande la SOCIETE SPIE BATIGNOLLES SUD EST au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille du 23 juin 2009 et l'ordonnance en date du 18 décembre 2008 par laquelle le président du tribunal a taxé et liquidé les frais et honoraires de l'expert désigné en référé à la somme de 52 139,67 euros sont annulés.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de taxer et liquider les frais et honoraires de l'expert désigné en référé dans l'instance n° 0506082.

Article 3 : Les conclusions présentées par la SOCIETE SPIE BATIGNOLLES SUD EST et par M. Laurent Fréani au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE SPIE BATIGNOLLES SUD EST, à la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, à M. Laurent Fréani, à la société Bureau Veritas, à la société le Getec, à la société Cete Apave sud et au ministre de la justice et des libertés.

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N° 09MA02909


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA02909
Date de la décision : 05/12/2011
Type d'affaire : Administrative

Analyses

54-04-02-02-02 Procédure. Instruction. Moyens d'investigation. Expertise. Honoraires des experts.


Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: Mme MARKARIAN
Avocat(s) : SEL LE ROUX BRIN MORAINE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-12-05;09ma02909 ?
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