La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/02/2012 | FRANCE | N°09MA01655

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 27 février 2012, 09MA01655


Vu la requête, enregistrée le 13 mai 2009, présentée pour le CABINET MPC AVOCATS, dont le siège est au 11 rue Saint Lazare à Paris (75009), par Me Letessier ;

Le CABINET MPC AVOCATS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702753 du 27 mars 2009 par lequel le Tribunal Administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 3 mai 2007 par laquelle la commune du Soler a rejeté son offre dans le cadre d'un marché d'assistance juridique et de représentation devant la justice, de la procédure d'appel d'offres ainsi que

des décisions d'attribution dudit marché et à la condamnation de la commun...

Vu la requête, enregistrée le 13 mai 2009, présentée pour le CABINET MPC AVOCATS, dont le siège est au 11 rue Saint Lazare à Paris (75009), par Me Letessier ;

Le CABINET MPC AVOCATS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702753 du 27 mars 2009 par lequel le Tribunal Administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 3 mai 2007 par laquelle la commune du Soler a rejeté son offre dans le cadre d'un marché d'assistance juridique et de représentation devant la justice, de la procédure d'appel d'offres ainsi que des décisions d'attribution dudit marché et à la condamnation de la commune du Soler à lui verser les sommes de 3 115 et 35 820 euros au titre de son éviction irrégulière de ce marché ;

2°) d'annuler la décision du 3 mai 2007 et la décision d'attribution du marché et de condamner ladite commune à lui verser les sommes précitées en réparation de son préjudice ;

3°) de mettre à la charge de la commune la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 31 mars 2004 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 janvier 2012 :

- le rapport de Mme Felmy, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Markarian, rapporteur public ;

Considérant que le cabinet d'avocats MPC a présenté une offre dans le cadre de la passation d'un marché d'assistance juridique et de représentation en justice par la commune du Soler le 10 avril 2007 ; que son offre a été rejetée par la commune par décision du 3 mai 2007 ; qu'à la suite de sa demande, la commune lui a adressé le 4 juin 2007 les motifs du rejet de son offre ; que par réclamation préalable en date du 28 juin 2007, il a demandé à être indemnisé de son éviction qu'il a estimé irrégulière ; qu'il interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du

3 mai 2007 rejetant son offre et celle attribuant le marché, ainsi qu'à l'indemnisation de son éviction de la procédure de passation du marché ;

Sur la légalité de la décision de rejet de la candidature de la requérante et d'attribution du marché, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement et sur les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 45 du code des marchés publics dans sa version alors en vigueur : I.- Le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats que des renseignements ou documents permettant d'évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières ainsi que des documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilitées à les engager. (...) Lorsque le pouvoir adjudicateur décide de fixer des niveaux minimaux de capacité, il ne peut être exigé des candidats que des niveaux minimaux de capacité liés et proportionnés à l'objet du marché. Les documents, renseignements et les niveaux minimaux de capacité demandés sont précisés dans l'avis d'appel public à concurrence ou, en l'absence d'un tel avis, dans les documents de la consultation. ; qu'aux termes de l'article 52 du même code dans sa version alors en vigueur : Les candidatures (...) sont examinées au regard des niveaux de capacités professionnelles, techniques et financières mentionnées dans l'avis d'appel public à la concurrence, ou, s'il s'agit d'une procédure dispensée de l'envoi d'un tel avis, dans le règlement de la consultation. Les candidatures qui ne satisfont pas à ces niveaux de capacité sont éliminées. / L'absence de références relatives à l'exécution de marchés de même nature ne peut justifier l'élimination d'un candidat et ne dispense pas le pouvoir adjudicateur d'examiner les capacités professionnelles, techniques et financières des candidats./ (...) ; qu'aux termes de l'article 53 dudit code : I.- Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l'environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, les performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, le coût global d'utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d'exécution, la sécurité d'approvisionnement, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ; 2° Soit, compte tenu de l'objet du marché, sur un seul critère, qui est celui du prix. II.- Pour les marchés passés selon une procédure formalisée et lorsque plusieurs critères sont prévus, le pouvoir adjudicateur précise leur pondération (...) Les critères ainsi que leur pondération ou leur hiérarchisation sont indiqués dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation. III.- Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées. Les autres offres sont classées par ordre décroissant. L'offre la mieux classée est retenue (...) ;

Considérant que ces dispositions imposent au pouvoir adjudicateur d'informer les candidats des critères de sélection des offres ainsi que de leur pondération ou hiérarchisation ; que si le pouvoir adjudicateur décide, pour mettre en oeuvre ces critères de sélection des offres, de faire usage de sous-critères également pondérés ou hiérarchisés, il doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l'importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats et doivent, en conséquence, être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection ; que ces dispositions permettent au pouvoir adjudicateur de retenir, en procédure adaptée, pour choisir l'offre économiquement la plus avantageuse, un critère reposant sur la proximité géographique du candidat lorsque sa prise en compte est rendue objectivement nécessaire par l'objet du marché et la nature des prestations à réaliser et n'a pas d'effet discriminatoire ;

Considérant que l'avis d'appel public à la concurrence en date du 6 avril 2007 précisait que l'objet du marché consistait en une assistance juridique en assurant une prestation de conseil pour le traitement des problèmes de droit public relatifs aux activités administratives de la commune et une assistance et une représentation en justice ; qu'il précisait que les critères d'attribution étaient le prix de la prestation à hauteur de 30%, la valeur technique de l'offre à hauteur de 35% et la disponibilité du prestataire pour 35% ; que l'article 1.2 du cahier des charges portant sur les caractéristiques du marché prévoit la possibilité d'une collaboration à distance en exigeant, au sujet de consultations juridiques, que les réponses du titulaire seront acheminées par les moyens téléphoniques, de messagerie électronique, de télécopie et courrier ; que le cahier des charges annexé au marché a prévu, s'agissant de la réalisation de montages juridiques, projets de courrier et actes administratifs, que : Les services habilités de la commune adresseront au prestataire l'ensemble des documents et dossiers pour lesquels ils souhaitent obtenir un montage juridique, un projet de courrier et d'acte administratif. Il appartiendra au titulaire du marché de provoquer une réunion de travail s'il considère que les dossiers et documents remis, nécessitent des explications particulières ou conduisent à plusieurs options décisionnelles. Ces réunions se dérouleront dans les locaux de la commune ou dans tous les lieux dans le département des Pyrénées-Orientales utiles à la bonne conduite de ses affaires. Le service habilité de la commune pourra demander au candidat retenu d'assister à des réunions de travail auxquelles participeront d'autres partenaires ou acteurs impliqués par le projet. Celui-ci validera le montage juridique effectué par le prestataire. ;

Considérant que pour rejeter la candidature du cabinet MPC, la commune du Soler a précisé par courrier en date du 4 juin 2007, que Les critères retenus étaient les suivants : - Qualité de l'offre 35% - Disponibilité du prestataire 35 % - Prix de l'offre 30 % puis que Les motifs de notre classement sont les suivants (...) - Disponibilité totale pour une prise en charge immédiate de notre problème tant au point de vue administratif (délibérations, arrêtés, contrats, ...) ou juridique (négociations, transactions, contrats, ...), - Proximité géographique permettant une rapidité d'intervention dans l'assistance et la représentation devant toutes les juridictions administratives, ainsi qu'une assistance aux côtés des élus ou des agents lors des réunions publiques concernant le montage d'opérations juridiques avec des partenaires publics ou privés. De plus, nous sommes convaincus qu'une présence physique se révèle plus efficace car elle permet de mieux appréhender un problème ou de mieux identifier une situation et, par voie de conséquence, de mieux répondre. (...). ; qu'ainsi, la commune du Soler a privilégié un critère de proximité du candidat dans le choix des offres, critère de sélection qui ne figurait ni dans l'avis d'appel public à la concurrence ni dans le cahier des charges relatif au marché ; que si la commune soutient que cet élément se rapportait à l'appréciation du critère de disponibilité pondéré à 35 % dans l'avis d'appel d'offre, il résulte tant de l'instruction que de l'exposé des motifs du rejet de l'offre du requérant que la proximité ainsi relevée par la commune a constitué un critère à part entière, indépendant de l'appréciation de la disponibilité du prestataire ; qu'ainsi, en retenant, pour écarter la candidature du cabinet MPC avocats, le critère de la proximité géographique de l'attributaire du marché au pouvoir adjudicateur, la commune du Soler a méconnu les dispositions précitées ; que, par suite, la décision du 3 mai 2007 écartant l'offre du cabinet requérant, ainsi que celle par laquelle la commune a attribué le marché, qui a été dès lors prise à la suite d'une procédure irrégulière, doivent être annulées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CABINET MPC AVOCATS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu d'annuler ce jugement et les décisions précitées ;

Sur la responsabilité de la commune du Soler :

Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;

Considérant que la candidature du CABINET MPC AVOCATS présentait des compétences et des qualités professionnelles suffisantes de nature à correspondre au profil recherché par la commune du Soler pour exécuter le marché ; que, toutefois, compte tenu de ce que le requérant ne présentait qu'une équipe de trois avocats permanents contre cinq pour le cabinet retenu et s'appuyait sur des collaborateurs extérieurs, la valeur technique de l'offre du requérant était inférieure à celle du cabinet retenu ; que le CABINET MPC ne conteste pas que le prix de son offre, soit 59 800 euros, est supérieur à celui de l'offre retenue, à savoir 57 408 euros pour la cabinet HG et C ; que, par suite, le requérant n'établit pas, en dépit de sa qualité d'unique concurrent au prestataire retenu, la chance sérieuse qu'il aurait eue d'obtenir le marché si celui-ci avait été accordé dans des conditions régulières ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin d'enjoindre à la commune du Soler la production de l'offre de l'attributaire qui aurait permis d'apprécier la valeur de sa candidature en réponse à l'avis publié en avril 2007, le requérant peut seulement soutenir qu'il n'était pas dépourvu de toute chance de remporter le marché ;

Considérant qu'eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par le cabinet requérant en lui allouant une indemnité de 600 euros pour le temps passé à la constitution de son dossier de candidature ; qu'il y a par suite lieu de condamner la commune du Soler à lui verser cette somme au titre des frais exposés pour la présentation de la candidature, assortie des intérêts au taux légal à compter de la demande présentée devant le Tribunal administratif de Montpellier, soit le 3 juillet 2007, dès lors que le requérant ne prouve pas la date de réception par la commune du Soler de sa demande préalable d'indemnisation en date du 28 juin 2007 ; que le requérant ne peut arguer, dans le cadre de sa demande d'indemnisation de la perte de chance qu'il a subie, des frais exposés pour présenter sa défense, qui relèvent de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CABINET MPC AVOCATS, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune du Soler demande au titre des frais exposés non compris dans les dépens ; qu'il y a en revanche lieu de mettre à la charge de cette commune la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le CABINET MPC AVOCATS en première instance et en appel et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal Administratif de Montpellier du 27 mars 2009, la décision de la commune du Soler en date du 3 mai 2007 rejetant l'offre du CABINET MPC AVOCATS et la décision de la commune du Soler d'attribution du marché de prestations de conseil et d'assistance juridique sont annulés.

Article 2 : La commune du Soler est condamnée à verser au CABINET MPC AVOCATS la somme de 600 euros en réparation de son préjudice, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2007.

Article 3 : La commune du Soler versera au CABINET MPC AVOCATS la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la commune du Soler tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au CABINET MPC AVOCATS, à la commune du Soler et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

''

''

''

''

2

N° 09MA01655


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award