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26/03/2012 | FRANCE | N°09MA02065

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 26 mars 2012, 09MA02065


Vu la requête, enregistrée le 15 juin 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 09MA02065, présentée pour la SOCIETE NATIXIS FACTOR, dont le siège est au 115 rue Montmartre à Paris (75002), par la Selarl Fleury - Mares - Delvolvé - Rouche, avocats ;

la SOCIETE NATIXIS FACTOR demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0607561 du 7 avril 2009 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la ville de Marseille à lui payer la somme de 311 186,50 euros en réparation du préjudice

que lui a causé le comportement d'un agent communal ;

2°) de condamner la...

Vu la requête, enregistrée le 15 juin 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 09MA02065, présentée pour la SOCIETE NATIXIS FACTOR, dont le siège est au 115 rue Montmartre à Paris (75002), par la Selarl Fleury - Mares - Delvolvé - Rouche, avocats ;

la SOCIETE NATIXIS FACTOR demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0607561 du 7 avril 2009 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la ville de Marseille à lui payer la somme de 311 186,50 euros en réparation du préjudice que lui a causé le comportement d'un agent communal ;

2°) de condamner la ville de Marseille à lui payer la somme de 311 186,50 euros majorée des intérêts de droit à compter du 20 décembre 2004 ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Marseille la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- les délits dont elle a été victime ont été commis dans le cadre de marchés confiés par la Ville à CNF, par l'agent qui assurait le suivi desdits marchés en sa qualité de chef de la Division Nord des services de la ville, par apposition sur les certificats pour paiement par ce même agent de ses timbres humides et de sa signature ; l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 16 novembre 2005, définitif, a l'autorité de la chose jugée et a constaté la matérialité des faits et a jugé que le comportement de l'agent présente le caractère à la fois d'une faute non dépourvue de tout lien avec le service et d'une faute personnelle détachable du service ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2010, présenté pour la ville de Marseille, par MeB..., qui conclut à l'irrecevabilité de la requête, et, à titre subsidiaire au rejet de la requête, et à ce que soit mise à la charge de la société Natixis Factor la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la requête a été déposée plus de deux mois après la lecture du jugement et est irrecevable ;

- M. A...a commis une faute personnelle inexcusable détachable du service ; il s'agit de plus d'une faute dépourvue de tout lien avec le service ; la ville de Marseille n'a commis aucune faute de service ;

- la SOCIETE NATIXIS FACTOR a seulement engagé la responsabilité de ce dernier et a obtenu l'indemnisation de l'intégralité de son préjudice par le juge judiciaire ; les difficultés que connaîtrait la société pour faire exécuter son jugement sont inopérantes s'agissant de la question de la responsabilité de la ville ;

- à titre subsidiaire, la société a commis une négligence en ne s'assurant pas du service fait, ce qui limite son indemnisation ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 septembre 2010, présenté pour la SOCIETE NATIXIS FACTOR, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

elle soutient, en outre, que :

- sa requête est recevable ;

- la décision du Tribunal administratif de Marseille jugeant que le comportement de M. A... constituait une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions n'a pas d'incidence en l'espèce ;

- elle peut obtenir la condamnation de la ville, à charge pour la juridiction administrative de préciser que la ville sera subrogée dans les droits de la Banque à l'encontre de M. A...;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2011, présenté pour la ville de Marseille, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 février 2012 :

- le rapport de Mme Felmy, rapporteur,

- les conclusions de Mme Markarian, rapporteur public,

- et les observations de Me Pedinielli, avocat, représentant la SOCIETE NATIXIS FACTOR et de Me Charat, avocat, représentant la ville de Marseille ;

Après avoir pris connaissance des notes en délibéré présentées pour la ville de Marseille le 29 février 2012 et pour la SOCIETE NATIXIS FACTOR le 8 mars 2012 ;

Considérant que la Banque du Dôme, aux droits de laquelle est venue la SOCIETE NATIXIS FACTOR, a conclu le 19 octobre 1999 une convention d'affacturage et de compte courant avec la Compagnie Nationale des Fluides (CNF), dans le cadre de laquelle elle a acquis des créances portant sur des travaux de plomberie, climatisation, sanitaire exécutés dans le cadre de marchés d'entretien et de rénovation signés avec la ville de Marseille pour l'école de la 2ème chance, la Vieille Charité et divers autres bâtiments communaux ; qu'elle n'a pu en obtenir le paiement pour la commune ; qu'elle interjette régulièrement et dans le délai qui lui était imparti pour le faire, appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la ville de Marseille à lui payer la somme de 311 186,50 euros ;

Sur la responsabilité de la Ville de Marseille :

Considérant que la victime non fautive d'un préjudice causé par l'agent d'une administration peut, dès lors que le comportement de cet agent n'est pas dépourvu de tout lien avec le service, demander au juge administratif de condamner cette administration à réparer intégralement ce préjudice, quand bien même une faute personnelle commise par l'agent devrait être regardée comme détachable du service ; que cette dernière circonstance permet seulement à l'administration condamnée à assumer les conséquences de cette faute personnelle, d'engager une action récursoire à l'encontre de son agent ; que si l'action engagée devant le juge administratif ne saurait avoir pour effet d'obtenir une réparation supérieure à la valeur totale du préjudice subi, la victime peut également saisir le juge administratif à fin de condamnation de la personne publique sous la réserve toutefois que le paiement de l'indemnité en soit subordonné à sa subrogation par la victime jusqu'à concurrence de ladite somme aux droits qui résulteraient pour elle des condamnations qui auraient été ou qui seraient prononcées à son profit contre l'agent à raison des mêmes faits par l'autorité judiciaire ;

Considérant que le préjudice dont la SOCIETE NATIXIS FACTOR a demandé réparation devant le juge administratif du fait des faux en écriture commis par M.A..., responsable de la Division Nord des services de la ville de Marseille s'élève à la somme de 311 186,50 euros ; que, par un arrêt du 16 novembre 2005, devenu définitif, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a condamné cet agent à payer à la SOCIETE NATIXIS FACTOR la somme de 311 186,50 euros en réparation de ce même préjudice ; que si la société requérante a obtenu la condamnation de M. A...à l'indemniser du préjudice subi et que M. A...ne serait pas insolvable puisque la donation qu'il a faite à ses enfants de son seul bien immobilier a été regardée comme constitutive d'une fraude paulienne et a été annulée par le Tribunal de grande instance de Marseille le 24 mars 2009 dont le jugement a été confirmé en appel le 23 novembre 2010, les fautes personnelles commises par M. A...l'ont été à l'occasion du service et engagent la responsabilité de la ville de Marseille, alors même que la ville n'a commis aucune faute de service comme l'a indiqué la Cour de céans dans un arrêt du 13 décembre 2011 rejetant la demande de protection présentée par M. A...en application de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ;

Considérant que la ville de Marseille soutient que la société NATIXIS FACTOR ne peut se prévaloir de la créance qui lui a été cédée, dès lors qu'en l'absence de service fait, cette créance n'est en tout état de cause pas fondée ; que la société requérante fonde toutefois sa demande non sur la créance elle-même mais sur la faute commise par l'agent municipal qui, en certifiant frauduleusement le service fait , a permis au prétendu créancier de la commune de céder sa créance en échange d'une avance ; que, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit cette faute est susceptible d'engager la responsabilité de la commune, la circonstance que la créance ne serait pas exigible est sans conséquence sur le droit à réparation de la société requérante ; qu'il ne résulte pas, par ailleurs de l'instruction qu'en acceptant la créance que lui présentait la CNF, la société NATIXIS FACTOR , alors même qu'elle est spécialisée dans l'affacturage, aurait commis une imprudence de nature à atténuer la responsabilité de la ville de Marseille ;

Sur le préjudice :

Considérant que le préjudice de la SOCIETE NATIXIS FACTOR a été fixé par les juridictions judiciaires à 311 186,50 euros, somme correspondant au montant des certificats pour paiement de travaux non réalisés sur lesquels M. A...a néanmoins apposé sa signature et son timbre humide ; qu'il y a par suite lieu de condamner la ville de Marseille à verser cette somme à la SOCIETE NATIXIS FACTOR, sous réserve qu'elle soit subrogée dans les droits de la SOCIETE NATIXIS FACTOR dans la créance que celle-ci détient à l'encontre de M. A...dans la limite de ce montant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE NATIXIS FACTOR est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE NATIXIS FACTOR, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, une somme sur leur fondement ; qu'il y a en revanche lieu de faire droit à la demande présentée par ladite société et de mettre à la charge de la ville de Marseille la somme de 2 000 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille du 7 avril 2009 est annulé.

Article 2 : La ville de Marseille est condamnée à verser à la SOCIETE NATIXIS FACTOR la somme de 311 186,50 euros augmentée des intérêts à compter du 20 décembre 2004. Le paiement de cette somme sera subordonné à la subrogation de la ville par la SOCIETE NATIXIS FACTOR, à concurrence de cette somme, dans les droits qui résulteraient pour elle des condamnations qui ont été définitivement prononcées à son profit à raison des mêmes faits par l'autorité judiciaire.

Article 3 : La ville de Marseille versera à la SOCIETE NATIXIS FACTOR la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE NATIXIS FACTOR, à la ville de Marseille et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Délibéré après l'audience du 27 février 2012, où siégeaient :

- M. Guerrive, président,

- Mme Lopa Dufrénot, premier conseiller,

- Mme Felmy, conseiller,

Lu en audience publique, le 26 mars 2012.

Le rapporteur,

E. FELMYLe président,

JL GUERRIVE

Le greffier,

J.P. LEFEVRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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N° 09MA02065 2

hw


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 09MA02065
Date de la décision : 26/03/2012
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services publics communaux.

Responsabilité de la puissance publique - Problèmes d'imputabilité - Personnes responsables.

Responsabilité de la puissance publique - Recours ouverts aux débiteurs de l'indemnité - aux assureurs de la victime et aux caisses de sécurité sociale - Subrogation.


Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: Mme MARKARIAN
Avocat(s) : SELARL FLEURY - MARES - DELVOLVE - ROUCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-03-26;09ma02065 ?
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