La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/10/2012 | FRANCE | N°10MA02977

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 22 octobre 2012, 10MA02977


Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 2010, présentée pour Mme Luigina , demeurant ... (20166) par Me Van Robays ; Mme demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900455 du 4 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de centre hospitalier d'Ajaccio et du Docteur B à lui verser la somme de 104 500 euros en réparation du préjudice subi lors de l'intervention chirurgicale du 5 mai 1999 ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de condamner solidairement le cent

re hospitalier d'Ajaccio et le Docteur B à lui verser la somme de 3 000 euros au ...

Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 2010, présentée pour Mme Luigina , demeurant ... (20166) par Me Van Robays ; Mme demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900455 du 4 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de centre hospitalier d'Ajaccio et du Docteur B à lui verser la somme de 104 500 euros en réparation du préjudice subi lors de l'intervention chirurgicale du 5 mai 1999 ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de condamner solidairement le centre hospitalier d'Ajaccio et le Docteur B à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge solidaire de centre hospitalier d'Ajaccio et du Docteur B les entiers dépens, y compris les frais d'expertise ;

....................................

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 18 mai 2011, le mémoire présenté pour le centre hospitalier général d'Ajaccio par Me Le Prado, qui conclut au rejet de la requête ;

............................

Vu, enregistré le 23 juillet 2012, le mémoire présenté par la caisse primaire d'assurance maladie de Corse du sud, qui indique que la caisse n'a pas servi de prestations à Mme , assurée sociale ;

Vu, enregistré le 25 septembre 2012, le mémoire présenté pour Mme par Me Van Robays, qui persiste dans ses précédentes écritures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er octobre 2012 :

- le rapport de Mme Carassic, rapporteure ;

- les conclusions de Mme Fédi, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Van Robayx pour Mme ;

1. Considérant que Mme , âgée de 38 ans, qui souffrait de lombalgies bilatérales et qui présentait un fibrome myo-utérin, a été hospitalisée le 4 mai 1999 dans le service gynécologique du Dr B, chef de service, du centre hospitalier d'Ajaccio ; que, lors de l'intervention chirurgicale du 5 mai 1999, le Dr B a découvert une masse très ferme de 9 cm de diamètre et, eu égard à la suspicion d'une tumeur cancéreuse, a procédé à une hystérectomie totale ; que Mme , se plaignant depuis cette intervention de douleurs physiques et psychologiques en raison de l'impossibilité d'avoir un autre enfant, a demandé au tribunal administratif de Bastia la condamnation solidaire du centre hospitalier d'Ajaccio et du Dr B à réparer le préjudice subi lors de cette intervention ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions dirigées contre le Dr B :

2. Considérant que la responsabilité personnelle du Dr B, pour faute personnelle détachable du service, doit être recherchée par Mme devant les tribunaux judiciaires ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que de telles conclusions, renouvelées en appel, devaient être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sur la faute du centre hospitalier :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport du 7 juillet 2007 de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Bastia, que, lors de l'intervention le 5 mai 1999 de Mme , qui présentait un utérus fibromateux et un ovaire gauche hypertrophié, le chirurgien du centre hospitalier d'Ajaccio a pratiqué une laparotomie, a découvert une masse très ferme de 9 cm de diamètre sur l'ovaire et a demandé, durant l'intervention, une analyse extemporanée de cette tumeur ; que, malgré la réponse histologique " fibromyomes sans signe de malignité " du service d'anatomie de l'hôpital, le médecin a procédé à une hystérectomie totale de Mme , eu égard à la suspicion d'une tumeur cancéreuse ; que l'expert affirme que l'exploration chirurgicale par laparotomie était tout à fait indiquée, contrairement à ce que soutient la requérante, dès lors que, en cas de découverte d'une importante tumeur solide sur l'ovaire, l'exérèse complète sans effraction de cette tumeur nécessitait une incision abdominale, que la technique de la coelioscopie n'aurait quant à elle pas permis ; que, toutefois, si l'expert affirme que l'ablation de l'ovaire gauche porteur de la tumeur, que cette dernière ait été bénigne ou maligne, était en tout état de cause nécessaire, il précise que le chirurgien aurait pu pratiquer cette ablation, dans un premier temps, de l'ovaire tumoral, puis, une fois les résultats de l'histologie complète et définitive connus, et, en cas de malignité de la tumeur seulement, pratiquer dans un deuxième temps l'hystérectomie complète de la patiente, dès lors que ce type de tumeur ne présente pas de risque d'évolution fulgurante ; qu'en l'espèce, l'expert indique que l'élargissement de cette intervention, par ablation de l'utérus et l'ovaire droit, n'aurait pas été nécessaire dès lors que les résultats histologiques ont montré que la tumeur n'était pas maligne ; que, dans ces conditions et sans qu'il importe de savoir si Mme avait ou non manifesté le désir d'avoir un enfant, la précipitation du médecin à pratiquer l'hystérectomie totale, qui ne pouvait être justifiée sur le plan médical, et l'absence d'investigations insuffisantes avant d'effectuer son choix thérapeutique, non conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science, de pratiquer l'hystérectomie de sa patiente pour extraire la tumeur, qui a rendu la requérante stérile, est ainsi constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier d'Ajaccio ; que, par suite, Mme est fondée à soutenir, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête tiré du défaut d'information, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia n'a pas retenu l'existence d'une faute du centre hospitalier d'Ajaccio de nature à engager sa responsabilité et a rejeté la demande indemnitaire dont il était saisi ; que par suite, ce jugement doit être annulé ;

Sur le préjudice :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

4. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Corse du sud affirme qu'elle n'a pas versé de débours à Mme , assurée sociale ;

5. Considérant que Mme n'établit pas avoir versé des frais à son médecin conseil lors de l'expertise susmentionnée ; qu'il n'y a pas lieu d'allouer à la victime la somme demandée à ce titre ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

6. Considérant que la requérante ne saurait prétendre à réparation d'un préjudice fonctionnel temporaire dès lors que l'expert indique que ce déficit ainsi que les suites opératoires auraient été les mêmes en cas d'annexectomie ou d'hystérectomie ; qu'en revanche, le déficit fonctionnel permanent résultant de la stérilité définitive dont Mme a été atteinte par suite de l'hystérectomie qu'elle a du subir, alors qu'elle était âgée de 38 ans, a été évalué par l'expert à 23 % et le préjudice subi à ce titre donnera lieu à l'allocation d'une somme de 20 000 euros ; qu'elle ne peut prétendre à la réparation d'un préjudice d'agrément dès lors que l'expert indique que l'hystérectomie ne fait pas obstacle à l'exercice de la marche et de la natation qu'elle pratiquait précédemment ; que, compte tenu des souffrances endurées de 4/7, d'un léger préjudice esthétique résultant d'une cicatrice de 5 cm plus grande que celle qui aurait résulté d'une annexectomie unilatérale, d'un préjudice sexuel de 2,5/7, il y a lieu d'allouer à Mme la somme de 7 000 euros ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme est seulement fondée à demander que le centre hospitalier d'Ajaccio soit condamné à lui verser la somme totale de 27 000 euros à titre de réparation de son préjudice ;

Sur les frais d'expertise :

8. Considérant que les frais de l'expertise ordonnée en référé par le tribunal administratif de Bastia, taxés et liquidés à la somme de 2 400 euros par ordonnance du 12 septembre 2007, doivent être mis à la charge définitive du centre hospitalier d'Ajaccio ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier d'Ajaccio le versement à Mme d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 4 juin 2010 du tribunal administratif de Bastia est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier d'Ajaccio est condamné à verser à Mme la somme de 27 000 (vingt sept mille) euros au titre de son préjudice.

Article 3 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 400 (deux mille quatre cents) euros, sont mis à la charge définitive du centre hospitalier d'Ajaccio.

Article 4 : Le centre hospitalier d'Ajaccio versera la somme de 2 000 (deux mille) euros à Mme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus de la requête de Mme est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme , au centre hospitalier d'Ajaccio et à la caisse primaire d'assurance maladie de Corse du sud.

Copie pour information à l'expert.

''

''

''

''

N° 10MA029772

MD


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA02977
Date de la décision : 22/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-01-03 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Préjudice. Caractère direct du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : SCP LE BARS-VAN ROBAYS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-10-22;10ma02977 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award