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11/01/2013 | FRANCE | N°10MA02088

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 11 janvier 2013, 10MA02088


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, le 31 mai 2010, sous le n°10MA02088, présentée pour la SOCIETE DE SAUVEGARDE DEFENSE ET DEVELOPPEMENT DES CINEMAS DE CANNES, dont le siège est au 5, rue d'Antibes à Cannes (06400), par la SCP Franck Berliner Dutertre Lacrouts ;

La SOCIETE DE SAUVEGARDE DEFENSE ET DEVELOPPEMENT DES CINEMAS DE CANNES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805369 du 2 avril 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation du contrat signé entre la

commune de Cannes et la société Europalaces Ciné 1 portant sur l'aménage...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, le 31 mai 2010, sous le n°10MA02088, présentée pour la SOCIETE DE SAUVEGARDE DEFENSE ET DEVELOPPEMENT DES CINEMAS DE CANNES, dont le siège est au 5, rue d'Antibes à Cannes (06400), par la SCP Franck Berliner Dutertre Lacrouts ;

La SOCIETE DE SAUVEGARDE DEFENSE ET DEVELOPPEMENT DES CINEMAS DE CANNES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805369 du 2 avril 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation du contrat signé entre la commune de Cannes et la société Europalaces Ciné 1 portant sur l'aménagement et l'exploitation du multiplexe de cinéma du technopôle de l'image numérique ;

2°) d'annuler le contrat en cause ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cannes la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2012 :

- le rapport de Mme Felmy, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Markarian, rapporteur public,

- et les observations de Me Portelli, représentant la commune de Cannes ;

1. Considérant que dans le but de dynamiser le quartier d'entrée de ville de Cannes La Bocca et d'en faire un technopôle de l'imagerie numérique, la ville de Cannes a confié l'aménagement et la gestion du site de la Bastide Rouge à Cannes La Bocca à la Compagnie de Phalsbourg, laquelle a la charge, conformément à un bail à construction qu'elle a signé avec la commune de Cannes, de la construction d'un multiplexe cinématographique d'une surface d'environ 7 200 m2 ; que la commune souhaitant préserver le tissu cinématographique du

centre-ville et conserver la maîtrise du choix de l'exploitant du multiplexe a décidé de conclure un contrat d'aménagement et d'exploitation du multiplexe du technopôle de l'image numérique à Cannes La Bocca et pour ce faire publié un avis d'appel à la concurrence le 7 février 2008 ; que les candidatures de la société de Sauvegarde, Défense et Développement des Cinémas de Cannes (SSDDCC) et de la société Europalaces Ciné 1 ont été retenues par une commission chargée de l'ouverture des plis et de l'examen des offres ; que le 6 novembre 2008, un contrat d'aménagement et d'exploitation a été signé avec la société Europalaces Ciné 1 ; que la SSDDCC interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nice a refusé de faire droit à sa demande d'annulation de ce contrat ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'en estimant que le projet d'aménagement et d'exploitation du multiplexe de cinéma ne prévoyait aucune mission d'intérêt général, hormis l'objectif de préserver l'activité cinématographique au centre-ville puis, après avoir examiné les engagements contractuels de la société et relevé que la société n'était dotée d'aucune prérogative de puissance publique et n'était soumise à aucun contrôle d'objectifs précis, que l'activité de la société Europalaces Ciné 1, si elle poursuit notamment l'objectif de protéger l'activité cinématographique du centre-ville, ne revêt pas toutefois le caractère d'une mission de service public que la ville de Cannes lui aurait confiée, les premiers juges n'ont pas entaché leur décision d'une contradiction dans ses motifs dès lors qu'une mission d'intérêt général ne révèle pas l'existence d'une mission de service public ;

Sur la qualification et la validité du contrat :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales : " Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d'acquérir des biens nécessaires au service... " ;

4. Considérant qu'indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l'inverse, exclure l'existence d'un service public, une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un service public ; que, même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier une telle mission ;

5. Considérant que la convention du 6 novembre 2008 intitulée " Contrat d'aménagement et d'exploitation entre la commune de Cannes et Europalaces Ciné 1 " stipule notamment, s'agissant de l'exploitation du multiplexe que : "...2.2 la société s'engage à adapter ses équipements et son personnel aux évolutions éventuelles des prescriptions en matière de sécurité, d'hygiène et de tous autres textes réglementaires s'appliquant au cinéma (..) 2.2.5 Horaires : Le cinéma sera ouvert de façon ininterrompue de 13 h 30 à 0 h 30, tous les jours de l'année (...) 2.2.6 Services offerts aux spectateurs : La société assurera, de façon permanente, la totalité des services : réservation et achat de billets sur place ou à distance Information permanente sur les films et horaires Accessibilité à toutes les salles et à tous les services aux handicapés Accès aux offres complémentaires à la séance de cinéma (...) 2.2.8 Programmation : elle mettra en valeur la diversité de l'offre cinématographique grâce à la multiplicité des genres et des nationalités des films proposés, s'adressant avant tout au public le plus large (famille) 2.2.9 Insertion de l'offre cinématographique existante : (...) le cinéma de la Bastide Rouge est programmé par le GIE de programmation Europalaces qui est soumis à un accord de programmation national (...) Les règles qui s'appliqueront donc au multiplexe, sous le contrôle du comité consultatif de la diffusion cinématographique, avec un rapport annuel sur les différentes obligations sont : - respect du libre accès de tous les cinémas aux copies de films en égalité - limitation du nombre de copies (...) - limitation du nombre de séances : maximum de 30 % des séances hebdomadaires à un même film - engagement vis-à-vis des salles art et essai à leur permettre l'accès suffisant à des films correspondant à leur programmation (...) Art et essai (...) la société s'engage à limiter la programmation des films d'art et d'essai à la Bastide Rouge (...) Maintien de l'activité en centre-ville (...) la société s'engage à maintenir le cinéma Le Star en activité (...) la société garantit financièrement le niveau d'activités des Arcades (...) le cinéma de la Bastide Rouge est favorable au maintien des activités cinématographiques scolaires dans les cinémas de centre-ville (...) la société s'engage à participer à la promotion des films projetés dans les cinémas de centre-ville (...) la société s'engage à organiser un comité de suivi de l'ensemble des engagements pris en matière de programmation et de soutien à l'activité de centre-ville (...) " ;

6. Considérant que l'activité en cause, qui a pour but d'assurer localement l'exploitation cinématographique dans un quartier qui en était dépourvu et que la municipalité veut dynamiser dans le cadre de l'aménagement d'un technopôle de l'image numérique, présente un caractère d'intérêt général ; qu'il résulte des stipulations précitées du contrat que les prestations offertes par la société Europalaces Ciné 1 consistent en une programmation de films ayant une vocation ludique à destination du grand public et sont par suite de nature commerciale ; que si la commune a montré sa volonté de préserver l'activité cinématographique de centre-ville, laquelle s'adresse à un public différent de celui du multiplexe, en demandant à son cocontractant de limiter sa programmation des films d'art et essai et non, ainsi que l'allègue la requérante, de maintenir une programmation art et essai, elle n'intervient cependant pas dans le choix de la programmation artistique ; que l'engagement de la part de la société Europalaces Ciné 1 d'apporter une garantie financière pour l'activité de deux cinémas de centre-ville, qui n'est pas chiffrée et dont la méconnaissance ne l'expose à aucune sanction, ne relève ni d'une sujétion financière imposée par l'administration ni d'une clause exorbitante du droit commun ; que la circonstance que le multiplexe est inclus dans une zone permettant d'obtenir des séances à prix réduit pour des accès illimités ne démontre pas davantage l'intervention de la personne publique dans le contrôle du fonctionnement du multiplexe de la Bastide Rouge ; que la ville de Cannes ne fait peser sur son cocontractant que des obligations restreintes s'agissant de la qualité technologique de ses équipements, en vertu de l'article 2.1.5 du contrat litigieux, sans exiger, contrairement à ce que soutient la société requérante, une évolution technologique des équipements ; que si la convention indique une ouverture quotidienne du cinéma de 13 h à minuit et demi, la ville de Cannes n'exerce aucun contrôle sur les objectifs définis par la convention, notamment ceux relatifs à la volonté précitée de maintenir l'activité cinématographique de centre-ville, ou sur les tarifs pratiqués par la société Europalaces Ciné 1, nonobstant sa participation à un comité de suivi de l'ensemble des engagements pris en matière de programmation et de soutien à l'activité en centre-ville ; que la ville de Cannes ne peut par suite être regardée comme faisant preuve d'une implication telle que les conditions d'organisation et d'exploitation du cinéma révéleraient sa volonté d'ériger cette activité d'intérêt général en mission de service public et d'en confier la gestion à un tiers sous son contrôle ;

7. Considérant, par suite, que les moyens tirés de l'illégalité de l'activité déléguée et de la méconnaissance des articles L. 1411-2, L. 1411-4, L. 1411-7 et L. 1411-9 du code général des collectivités territoriales, relatifs aux délégations de service public, doivent être écartés comme inopérants, de même que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 2121-12 du même code, dès lors que n'est pas en cause un contrat de délégation de service public ;

8. Considérant, enfin, que si la société requérante soutient que la commune aurait instauré une distorsion de concurrence en mettant à disposition de l'exploitant des anciens terrains communaux et aurait exercé, en choisissant cet exploitant, un droit de regard faussant la concurrence dans une activité privée, elle ne démontre pas l'avantage particulier qu'elle aurait accordé à son cocontractant par rapport aux autres sociétés ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par la ville de Cannes tirée de la tardiveté de la demande devant le tribunal, que la SOCIETE DE SAUVEGARDE DEFENSE ET DEVELOPPEMENT DES CINEMAS DE CANNES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que par suite ses conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à sa charge la somme de 1 000 euros au bénéfice de la société Europalaces Ciné 1 et la somme de 1 000 euros au bénéfice de la ville de Cannes sur ce fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE DE SAUVEGARDE DEFENSE ET DEVELOPPEMENT DES CINEMAS DE CANNES est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE DE SAUVEGARDE DEFENSE ET DEVELOPPEMENT DES CINEMAS DE CANNES versera la somme de 1 000 euros (mille euros) à la ville de Cannes

et la somme de 1 000 euros (mille euros) à la société Europalaces Ciné 1 au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE DE SAUVEGARDE DEFENSE ET DEVELOPPEMENT DES CINEMAS DE CANNES, à la commune de Cannes et à la société Europalaces Nice 1.

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N° 10MA02088


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA02088
Date de la décision : 11/01/2013
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-02-005 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Formalités de publicité et de mise en concurrence.


Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: Mme MARKARIAN
Avocat(s) : SCP FRANCK BERLINER DUTERTRE LACROUTS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-01-11;10ma02088 ?
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