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11/02/2013 | FRANCE | N°11MA01168

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 11 février 2013, 11MA01168


Vu la requête, enregistrée le 21 mars 2011, présentée pour la commune de Sari Solenzara, représentée par son maire en exercice, sis en cette qualité Hôtel de Ville Sari Village à Sari Solenzara (20145), par Me Mauduit, avocat ; la commune de Sari Solenzara demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001018 du 20 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Bastia a, à la demande des consortsH..., annulé l'arrêté du 30 août 2010 par lequel le maire de la commune a opposé la prescription quadriennale à la demande indemnitaire des consorts H...en réparatio

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Vu la requête, enregistrée le 21 mars 2011, présentée pour la commune de Sari Solenzara, représentée par son maire en exercice, sis en cette qualité Hôtel de Ville Sari Village à Sari Solenzara (20145), par Me Mauduit, avocat ; la commune de Sari Solenzara demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001018 du 20 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Bastia a, à la demande des consortsH..., annulé l'arrêté du 30 août 2010 par lequel le maire de la commune a opposé la prescription quadriennale à la demande indemnitaire des consorts H...en réparation du préjudice subi résultant de la perte de leur exploitation agricole suite à un incendie ;

2°) de rejeter la demande des consortsH... ;

3°) de condamner les consorts H...à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune soutient que :

- le 1er août 1989, un incendie accidentel survenu sur une ancienne décharge fermée par la commune s'est propagé sur une exploitation agricole de la société civile particulière de Solenzara dont les associés sont les consortsH... ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune à leur demande indemnitaire devait être écartée ;

- l'action est prescrite en l'espèce en s'inspirant des règles civiles sur la prescription réformée par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, qui réduit globalement le délai de droit commun de 30 ans à 5 ans ;

- le juge administratif fait une interprétation trop libérale en faveur des victimes de l'article 2 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, car l'absence de limite à l'interruption de la prescription en matière administrative est contraire au principe de sécurité juridique et met en péril le budget de la commune en cas d'indemnisation d'un particulier désireux d'obtenir une indemnisation plus de 20 ans après les faits et après 20 ans de procédures infructueuses formées par les demandeurs ;

- le juge administratif doit réinterpréter la loi de 1968 en en faisant une application conforme à son esprit et de se rapprocher de la notion de " délai raisonnable " reconnue par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en l'espèce, les auteurs du recours étaient déjà parties à la précédente instance, ils avaient connaissance du fait générateur du dommage, à savoir l'incendie en 1989, et pouvaient former, dans le délai de la prescription quadriennale et sans attendre 2009, un recours cette fois recevable ;

- le juge devra, en s'inspirant du principe de l'article 2243 du code civil, considérer que la loi du 3 décembre 1968 n'attache un effet interruptif qu'à un recours couronné de succès ;

Vu, enregistré le 20 juillet 2011, le mémoire présenté pour les consorts H...par Me C...-F..., qui concluent au rejet de la requête, et à la condamnation de la commune à leur verser la somme totale de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux entiers dépens ;

Les consorts H...font valoir que :

- à titre principal, la présente requête de la commune, qui est un " copier-coller " de son mémoire de première instance et qui ne comporte aucune critique du jugement attaqué, est irrecevable en application de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- cette irrégularité n'est pas susceptible d'être couverte en cours d'instance ;

- à titre subsidiaire, contrairement à ce qu'affirme l'arrêté litigieux du maire, le délai de prescription de la créance, à savoir l'incendie survenu le 1er août 1989, a été interrompu, en application de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, par l'action exercée en 1991 devant le tribunal administratif de Bastia, qui n'a pris fin que le 25 mai 2007, date à laquelle le Conseil d'Etat a prononcé la non-admission du pourvoi dirigé contre l'arrêté de la cour administrative d'appel de Marseille du 18 mai 2006, soit le 26 mai 2007 ;

- le nouveau délai de prescription n'a recommencé à courir qu'à compter du 1er jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision qui clôt la procédure a été rendue, soit le 1er janvier 2008 ;

- l'arrêté litigieux du maire du 30 août 2010 opposant cette prescription au visa du seul article 1er de cette loi est ainsi entaché d'erreur de droit et méconnaît l'article 2 de cette même loi ;

- il est entaché aussi d'erreur d'appréciation dès lors qu'il vise comme date de demande des requérants, la date de la requête introduite le 21 juillet 2009 devant le tribunal administratif, alors que c'est la date de la demande indemnitaire du 23 avril 2009, reçue le 27 avril par le maire, qui aurait dû être prise en compte ;

- de plus, le maire ne pouvait pas, le jour même de l'édiction de son arrêté le 30 août 2010, certifier le caractère exécutoire de cet arrêté, avant la transmission au contrôle de légalité, le 6 septembre 2010, en application de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales et de la loi du 22 juillet 1982 ;

- le maire a donc commis un détournement de pouvoir et de procédure ;

- cette violation a aussi des conséquences sur le recours 11MA00395 pendant devant la cour de céans ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 modifiée relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et leurs établissements publics ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 janvier 2013 :

- le rapport de MmeE..., rapporteure ;

- les conclusions de MmeA..., rapporteure publique ;

- et les observations de Me Mauduit pour la commune de Sari Solenzara et de Me I...substituant Me C...F...pour les consorts H...;

1. Considérant que la commune de Sari Solenzara relève appel du jugement du 20 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Bastia a, à la demande des consortsH..., annulé l'arrêté du 30 août 2010 par lequel le maire de la commune a opposé la prescription quadriennale à la demande indemnitaire de M. et Mme H...en réparation du préjudice subi résultant de la perte de leur exploitation agricole suite à un incendie le 26 novembre 2010 ;

2. Considérant que lorsque, dans le cadre d'un litige indemnitaire, l'administration oppose à la créance, objet de ce litige, la prescription prévue par les dispositions de la loi du 31 décembre 1968, le créancier qui entend contester le bien-fondé de la prescription doit le faire devant le juge saisi de ce même litige ; que, dans cette hypothèse, le créancier n'est par conséquent pas recevable à demander au juge de l'excès de pouvoir l'annulation de la décision opposant la prescription quadriennale à la créance dont il se prévaut ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date du 6 octobre 2010, à laquelle les consorts H...ont saisi le tribunal administratif de Bastia d'une demande d'annulation de la décision du maire de Sari Solenzara du 30 août 2010 opposant la prescription quadriennale à leur demande indemnitaire, la prescription avait déjà été opposée aux intéressés par la commune dans le cadre du recours de plein contentieux de ces derniers tendant à la condamnation de la commune à leur payer la somme de 356 413,62 euros, portant intérêt au taux légal et capitalisés, en réparation du préjudice résultant de la destruction de leur exploitation agricole par l'incendie accidentel survenu sur une ancienne décharge fermée par la commune ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que les consorts H...n'étaient pas recevables à exercer un recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté litigieux du 30 août 2010 ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête, le jugement attaqué, par lequel le tribunal a annulé cette décision, doit être annulé ;

4. Considérant que la commune de Sari Solenzara est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a fait droit à la demande des consortsH... ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que la commune de Sari Solenzara, qui n'est pas la partie perdante au litige, soit condamnée à verser quelque somme que ce soit aux consorts H...au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n' y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des consorts H...le versement à la commune de Sari Solenzara de la somme qu'elle demande au titre des dispositions de cet article ;

DECIDE :

Article 1 : Le jugement n° 1001018 du 20 janvier 2011 du tribunal administratif de Bastia est annulé.

Article 2 : La demande présentée par les consorts H...devant le tribunal administratif de Bastia est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Sari Solenzara au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sari Solenzara, à M. G...H..., à M. B...H...et à Mme D...H....

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2013, où siégeaient :

- M. Duchon Doris, président

- MmeJ..., première conseillère,

- MmeE..., première conseillère,

Lu en audience publique, le 11 février 2013.

La rapporteure,

M.C. E...Le président,

J. C. DUCHON DORIS

Le greffier,

P. AGRY

La République mande et ordonne au préfet de Corse du sud en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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N° 11MA01168


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA01168
Date de la décision : 11/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-01 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages sur les voies publiques terrestres.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS MAUDUIT LOPASSO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-02-11;11ma01168 ?
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