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06/12/2013 | FRANCE | N°12MA03482

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 06 décembre 2013, 12MA03482


Vu la décision n° 347814 du 1er août 2012 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour le syndicat d'agglomération nouvelle Ouest Provence, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n°08MA04050 en date du 14 février 2011 et a renvoyé l'affaire devant la même Cour ;

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 septembre 2008 et 4 décembre 2008, présentés pour le syndicat d'agglomération nouvelle (S.A.N.) Ouest Provence, dont le siège est au Chemin du Rouquier à Istres Cedex (

73808), par la Selarl cabinet Cabanes - Cabanes Neveu Associes ;

le S.A.N....

Vu la décision n° 347814 du 1er août 2012 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour le syndicat d'agglomération nouvelle Ouest Provence, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n°08MA04050 en date du 14 février 2011 et a renvoyé l'affaire devant la même Cour ;

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 septembre 2008 et 4 décembre 2008, présentés pour le syndicat d'agglomération nouvelle (S.A.N.) Ouest Provence, dont le siège est au Chemin du Rouquier à Istres Cedex (73808), par la Selarl cabinet Cabanes - Cabanes Neveu Associes ;

le S.A.N. Ouest Provence demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501889 du 8 juillet 2008 par lequel le tribunal administratif de Marseille l'a déclaré entièrement responsable des préjudices subis par les sociétés Dodin et TP Spada en raison de la résiliation du contrat ;

2°) de rejeter la requête des sociétés Dodin et TP Spada ;

3°) de condamner les sociétés Dodin et TP Spada à verser respectivement au S.A.N. Ouest Provence une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du marché public ;

Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 modifié, portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2013 :

- le rapport de Mme Marchessaux, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Marzoug, rapporteur public ;

- et les observations de Me A...pour le syndicat d'agglomération nouvelle du nord-ouest de l'Etang-de-Berre et de MeB..., pour la société Dodin Campenon Bernard et la société TP Spada ;

1. Considérant que le syndicat d'agglomération nouvelle du nord-ouest de l'Etang-de-Berre, aux droits duquel vient le syndicat d'agglomération nouvelle (S.A.N.) Ouest Provence, a confié, par un acte d'engagement en date du 3 mai 2002, au groupement conjoint des sociétés notamment, la société Dodin et la société TP Spada, la construction d'un pont nommé " pont de Cavaou " destiné à créer une nouvelle voie d'accès au terminal pétrolier de Fos ; que lesdites sociétés étaient chargées solidairement des lots n°1, 2 et 3 ; que le marché n'ayant pas fait l'objet d'un ordre de service ordonnant le démarrage des travaux, ces sociétés ont demandé sa résiliation; que le tribunal administratif de Marseille a, par jugement du 8 juillet 2008, prononcé la résiliation du marché, a retenu le principe de responsabilité du S.A.N. Ouest Provence en ce qui concerne les frais relatifs à la préparation du chantier et a ordonné une expertise pour déterminer le montant des indemnités que ce dernier doit verser ; que ce jugement a été confirmé par un arrêt de la Cour de céans en date du 14 février 2011 ; que par une décision en date du 1er août 2012, le Conseil d'Etat a toutefois annulé l'arrêt précité de la Cour et a renvoyé l'affaire devant elle ;

Sur la qualité à agir de la société Dodin Campenon Bernard :

2. Considérant que le S.A.N. Ouest Provence fait valoir que la société Dodin Campenon Bernard n'établit pas qu'elle vient aux droits de la société Dodin, entachant ainsi ses écritures d'irrecevabilité ; que, toutefois, ladite société a produit un extrait Kbis attestant de ce qu'à la suite de la fusion par voie d'absorption de la société Campenon Bernard le 1er juin 2008, sa dénomination sociale est désormais Dodin Campenon Bernard ; qu'en conséquence, la société Dodin et la société Dodin Campenon Bernard constituent une seule et même société ; que, par suite cette fin de non recevoir ne saurait être accueillie ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant que le S.A.N. Ouest Provence soutient que le tribunal administratif de Marseille a entaché le jugement attaqué d'une omission à statuer, en ce qu'il n'aurait pas examiné la fin de non recevoir tirée de l'absence de qualité pour agir de la société Dodin pour demander la résiliation du marché ; que, cependant, cette fin de non recevoir a été analysée et écartée expressément par le tribunal administratif au motif que, dans le dernier état de ses écritures, ladite société se présente en qualité de mandataire du groupement conjoint ; que, par ailleurs, contrairement à ce que soutient le S.A.N., les premiers juges ont suffisamment motivé le choix de procéder à une expertise laquelle avait été au demeurant demandée par le S.A.N., dans son mémoire en date du 23 juin 2008 ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 50.5 du cahier des clauses administratives générales (C.C.A.G.) applicables aux marchés publics de travaux : " Lorsque le marché est passé avec des entrepreneurs groupés conjoints, le mandataire représente chacun d'eux pour l'application des dispositions du présent article jusqu'à la date, définie au 1 de l'article 44, à laquelle prennent fin les obligations contractuelles, (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des stipulations du 4ème alinéa de l'article 2 de l'acte d'engagement du marché en litige que le mandataire du groupement conjoint formé par les quatre sociétés était le titulaire du lot n° 1, lequel titulaire était lui même un groupement constitué cette fois entre les seules sociétés Dodin et TP Spada ; que suivant l'article 2 de la convention préalable de groupement conjoint signée le 26 janvier 2001 entre les sociétés Dodin, TP Spada, Accma Entreprise et Py, les sociétés Dodin et TP Spada formaient un groupement solidaire pour les lots 1 à 3 du marché en cause ;

que chacune de ces entreprises étant indistinctement engagée pour la totalité dudit lot, ce groupement d'entreprises avait, en l'absence de stipulation expresse contraire la nature d'un groupement solidaire ; qu'ainsi, la société TP Spada et la société Dodin avaient chacune qualité pour agir en qualité de mandataire du groupement conjoint titulaire du marché en cause ; qu'il est constant que tant la société Dodin que la société TP Spada ont demandé la résiliation dudit marché et l'indemnisation des préjudices subis ; que, par suite, la circonstance que la demande indemnitaire n'ait pas été présentée par le seul mandataire ne rend pas leur réclamation préalable à la saisine du tribunal irrégulière au regard des stipulations de l'article 50.5 du C.C.A.G. Travaux précité ; que la fin de non recevoir opposée sur ce fondement par le S.A.N. Ouest Provence doit, dès lors, être écartée ;

Sur la résiliation du marché :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 46.6 du cahier susvisé : " Dans le cas où le marché prévoit que les travaux doivent commencer sur un ordre de service intervenant après la notification du marché, si cet ordre de service n'a pas été notifié dans le délai fixé par le marché ou, à défaut d'un tel délai, dans les six mois suivant la notification du marché, l'entrepreneur a le droit d'obtenir la résiliation du marché. Il perd ce droit si, ayant reçu l'ordre de commencer les travaux, il n'a pas, dans le délai de quinze jours, refusé d'exécuter cet ordre et demandé par écrit la résiliation du marché " ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la résiliation du marché en cause a été demandée et prononcée sur le fondement des stipulations de l'article 46.6 précité du C.C.A.G. Travaux ; que l'article 3 de l'acte d'engagement du marché prévoyait expressément que l'exécution du marché ne devait débuter qu'à compter de l'ordre de service prescrivant le commencement les travaux ; que, si l'établissement public et de développement (EPAD) Ouest Provence aux droits duquel vient le S.A.N. Ouest Provence a annoncé dans ses courriers des 9 juillet et 25 novembre 2002 qu'un ordre de service allait être notifié, il est constant que le marché en cause n'a jamais fait l'objet d'un ordre de service de démarrage des travaux ; que dès lors, le S.A.N. Ouest Provence n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont prononcé la résiliation du marché à compter du 25 mai 2007, date de la demande des sociétés Dodin et TP Spada ;

Sur la responsabilité :

8. Considérant que le S.A.N. Ouest Provence soutient qu'il n'a commis aucune faute alors que les sociétés Dodin et TP Spada étaient pour leur part conscientes des aléas du marché ; que, par une lettre du 25 novembre 2002, il leur a conseillé d'attendre l'ordre de service avant l'exécution du marché ; qu'en ne suivant pas cette recommandation, les entreprises du groupement ont manqué à leurs obligations de prudence et de vigilance ; que, toutefois, le simple fait de n'avoir jamais adressé au groupement d'ordre de service de commencer les travaux prévus par le marché est de nature à engager la responsabilité contractuelle du S.A.N. Ouest Provence ; qu'en outre, en soutenant ne pas avoir eu connaissance du projet de pont alternatif initié par Gaz de France avant d'avoir conclu le marché en litige, projet qui ressort notamment d'un mémo de Gaz de France daté du 2 juillet 2002 et intitulé " projet de terminal méthanier Fos-Cavaou-accès au site ", le syndicat requérant n'établit aucunement ne pas avoir commis de faute en annonçant, le 9 juillet 2002, la notification prochaine d'un ordre de service ni, à plus forte raison, en réitérant cette annonce le 25 novembre 2002 alors qu'il avait pris connaissance, lors d'une réunion en date du 24 octobre 2002, de la volonté exprimée par le port autonome de Marseille (PAM) de se désengager techniquement et financièrement du projet sur lequel portait le marché en litige ; que, par suite, le S.A.N. ne peut soutenir que les incertitudes sur la réalisation du marché étaient extérieures aux parties, imprévisibles et irrésistibles ;

que, par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que les sociétés Dodin et TP Spada aient été informées de l'existence d'aléas pesant sur le projet en cause avant le courrier du 25 novembre 2002 ; qu'en tout état de cause, en présence de l'annonce de la notification d'un ordre de service, les sociétés du groupement titulaire du marché se devaient, sur le fondement des stipulations du dernier alinéa de l'article 3 dudit marché, en vertu duquel il est fixé une période de préparation d'une durée de soixante jours, non comprise dans le délai d'exécution, de commencer la préparation du chantier avant la notification effective de l'ordre de service dont il ne pouvait être tenu pour acquis qu'il fixerait une date de commencement des travaux plus de soixante jours après sa notification ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le S.A.N., les sociétés Dodin et TP Spada n'ont commis aucun manquement à leur obligation de prudence et de vigilance ; que, par suite, le S.A.N. Ouest Provence n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a retenu le principe de son entière responsabilité ;

Sur les préjudices :

9. Considérant que le S.A.N. Ouest Provence soutient que les sociétés Dodin et TP Spada n'ont subi aucun préjudice, puisque le marché n'a pas été exécuté et qu'elles ne peuvent prétendre à aucune indemnité ; que si des dépenses ont été engagées, elles résultent seulement de l'imprudence du groupement ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 8 précédent, les sociétés dudit groupement n'ont commis aucune imprudence ; que, par ailleurs, s'agissant des pertes d'industrie, si le S.A.N. fait valoir que le marché n'ayant pas été exécuté, les sociétés du groupement ne peuvent prétendre à être indemnisées des frais qu'elles n'ont pas engagés, l'indemnisation de la résiliation en litige doit pouvoir réparer l'entier préjudice du groupement y compris des frais généraux à condition que leur réalité et leur montant soient établis ; qu'ainsi, c'est à bon droit que les juges de première instance ont considéré que les sociétés Dodin et TP Spada étaient fondées à solliciter le remboursement des frais de préparation de chantier, ainsi que des pertes d'industrie ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le S.A.N. Ouest Provence n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a prononcé la résiliation du marché du 9 avril 2002, a déclaré le syndicat requérant responsable des préjudices qui ont pu en résulter pour les sociétés Dodin et TP Spada et a ordonné, après avoir rejeté la demande relative aux frais engagés par cette société pour soumissionner au marché en cause, une expertise aux fins de déterminer l'étendue des préjudices indemnisables ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Dodin Campenon Bernard et de la société TP Spada, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le S.A.N. Ouest Provence demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le S.A.N. Ouest Provence à verser aux sociétés Dodin Campenon Bernard et TP Spada la somme de 1 500 euros chacune au titre des frais exposés par ces sociétés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du syndicat d'agglomération nouvelle Ouest Provence est rejetée.

Article 2 : Le syndicat d'agglomération nouvelle Ouest Provence versera aux sociétés Dodin Campenon Bernard et TP Spada la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros chacune au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat d'agglomération nouvelle Ouest Provence, à la société Dodin Campenon Bernard, à la société TP Spada et au ministre de l'intérieur.

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No 12MA03482


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA03482
Date de la décision : 06/12/2013
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Résiliation - Motifs.

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Résiliation - Droit à indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: Mme MARZOUG
Avocat(s) : SELARL CABINET CABANES - CABANES NEVEU ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-12-06;12ma03482 ?
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