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17/04/2014 | FRANCE | N°12MA00937

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 17 avril 2014, 12MA00937


Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2012, présentée pour M. C...B..., demeurant..., par Me A...;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0903285 du 31 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 568 951,26 euros en réparation du préjudice subi à la suite des redressements qui lui ont été imputés au titre des années 1992 à 1994 ;

2°) de prononcer la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 568 951,26 euros ainsi que les intérêts lé

gaux à compter du 25 novembre 1998 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2...

Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2012, présentée pour M. C...B..., demeurant..., par Me A...;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0903285 du 31 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 568 951,26 euros en réparation du préjudice subi à la suite des redressements qui lui ont été imputés au titre des années 1992 à 1994 ;

2°) de prononcer la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 568 951,26 euros ainsi que les intérêts légaux à compter du 25 novembre 1998 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 2014 :

- le rapport de M. Sauveplane, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public ;

1. Considérant que M. B...relève appel du jugement du 31 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 568 951,26 euros en réparation du préjudice subi à la suite des redressements qui lui ont été imputés au titre des années 1992 à 1994 ;

2. Considérant qu'une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard du contribuable ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice ; qu'un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de l'impôt, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et, le cas échéant, des troubles dans ses conditions d'existence dont le contribuable justifie ; que le préjudice invoqué ne trouve pas sa cause directe et certaine dans la faute de l'administration si celle-ci établit soit qu'elle aurait pris la même décision d'imposition si elle avait respecté les formalités prescrites ou fait reposer son appréciation sur des éléments qu'elle avait omis de prendre en compte, soit qu'une autre base légale que celle initialement retenue justifie l'imposition ; qu'enfin l'administration peut invoquer le fait du contribuable ou, s'il n'est pas le contribuable, du demandeur d'indemnité comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité ;

Sur la faute des services chargés de l'établissement de l'impôt :

3. Considérant, que pour demander la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité, M. B...soutient que les services fiscaux ont commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat en raison de l'illégalité de la rectification de son revenu imposable à l'impôt sur le revenu résultant de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle dont il a fait l'objet pour les années 1992 à 1994 ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme B...ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 1992 à 1994 à l'issue duquel l'administration a considéré que leur domicile fiscal se situait en France et non à Madagascar, comme déclaré par eux ; qu'en conséquence, l'administration leur a notifié un redressement de 187 019 euros en droits et pénalités au titre de l'impôt sur le revenu ; que, par deux jugements des 15 décembre 2003 et 2 février 2004, le tribunal administratif de Marseille a considéré que les époux B...avaient la qualité de résident fiscal en France au sens des articles 4 A et 4 B du code général des impôts et de la convention fiscale franco-malgache ; que, toutefois, par un arrêt devenu définitif du 6 décembre 2007, la Cour a considéré, au contraire, que M. et Mme B...n'avaient pas la qualité de résident fiscal en France pendant les années en litige au vu des copies des bulletins de salaires de M. B...pour un emploi rémunéré à Madagascar de 1992 à 1994, de l'attestation établie le 21 février 2000 par les services fiscaux d'Antananarivo indiquant que M. B... avait été imposé à Madagascar au titre des années 1992 à 1994 sur son revenu mondial en raison de son domicile fiscal situé 15 bis Patrice Lumumba à Antananarivo à Madagascar, information qui était corroborée par les éléments figurant sur les bulletins de salaires produits ; que la Cour a également relevé, au soutien de son arrêt, que M. et Mme B...avaient produit des factures d'électricité et d'eau à leur nom pour les années 1992 à 1994 faisant état d'une consommation régulière d'eau et d'électricité à Tananarive, que M. B... disposait d'une carte de sécurité sociale de la caisse des Français à l'étranger fixant à la date du 2 février 1992 le début de son activité à l'étranger dans l'entreprise " Abasubong Group Madagascar " et, enfin, que M. B... avait été nommé président directeur général de la Société générale des transports malgaches le 10 mai 1990 et administrateur de la société SA Abasubong Cimenterie Malagasy Abacimal dont le siège est à Antananarivo le 2 avril 1993 pour une durée de cinq ans ;

5. Considérant que M. B...soutient, sans être contredit sur ce point par l'administration, que les documents, retenus par la Cour et établissant sa résidence à Madagascar, étaient en possession de l'administration fiscale au cours de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, à l'exception de l'attestation établie par les services fiscaux malgaches le 21 février 2000 ; que ces documents étaient suffisamment explicites pour établir que M. et Mme B...n'avaient pas la qualité de résident fiscal en France pendant les années en litige ; que les documents avancés par l'administration à l'appui de son argumentation devant la Cour, notamment l'existence de courriers d'EDF-GDF, l'ouverture de comptes bancaires en France en 1986, 1988, 1989 et 1990, l'immatriculation de six véhicules automobiles en France acquis en 1976, 1984, 1985, 1989 et 1993 et l'acquisition en janvier 1989 d'une maison d'habitation à Martiel (Aveyron) imposée au titre de la taxe d'habitation en résidence secondaire, ne permettaient pas raisonnablement d'infirmer cette appréciation ; que si l'administration fait valoir qu'une " divergence d'interprétation " sur les documents produits par M. et Mme B...a été à l'origine du redressement initial, cette divergence d'interprétation doit être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat envers le requérant ;

Sur le préjudice :

6. Considérant que M. B...soutient que son préjudice peut être évalué à la somme de 568 951,26 euros et fait valoir à cet égard qu'il a subi une perte de revenus du fait de son départ de Madagascar pour la France en raison du redressement fiscal, ainsi qu'une perte de chance de céder un bien immobilier, qu'il a dû engager des frais de justice et, enfin, qu'il a subi des troubles dans ses conditions d'existence et un préjudice moral ;

En ce qui concerne la perte de revenus invoquée :

7. Considérant que M. B...soutient qu'il a subi une perte de revenus d'un montant de 525 600 euros du fait de son départ de Madagascar pour la France, en raison du redressement fiscal, et que ce départ a été à l'origine de la perte de son emploi au sein de la société SGTM SA et de son mandat d'administrateur de la SA Abasubong Cimenterie Malagasy Abacimal ; que, toutefois, M. B... n'apporte pas la preuve d'un lien de causalité entre le redressement fiscal subi, le départ pour la France et la perte de son emploi à Madagascar ; qu'en particulier, un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, dont la durée peut s'étendre sur une année et peut donner lieu à un débat contradictoire par écrit, ne requiert pas la présence continuelle en France du contribuable ; qu'au demeurant, il lui était loisible de confier la défense de ses intérêts à un conseil et de limiter ses déplacements en France à un aller et retour ponctuel en fonction des diverses échéances de la procédure administrative puis juridictionnelle ; que, dès lors, les conclusions doivent être rejetées s'agissant de ce chef de préjudice ;

En ce qui concerne la perte de chance de céder un bien immobilier invoquée :

8. Considérant que M. B...soutient qu'il a subi une perte de chance évaluée à 2 000 euros de céder une maison d'habitation située à Martiel (Aveyron) en raison d'une hypothèque prise par le Trésor sur ce bien ; que, toutefois, M. B... n'apporte pas la preuve d'un lien de causalité entre le redressement fiscal subi et la perte de chance de céder le bien ; qu'en effet, il résulte de l'instruction que les époux B...ont conclu dans leurs écritures en défense devant le tribunal de grand instance de Rodez, dans l'instance qui les opposait à l'acquéreur potentiel, que le compromis de vente signé le 17 novembre 1999 pour la vente de cette maison était nul en raison d'une nullité étrangère à cette inscription hypothécaire ; qu'au demeurant, une seconde inscription hypothécaire prise par un établissement bancaire et dont la mainlevée n'avait pas été faite, faisait, en tout état de cause, obstacle à la vente ; que, dès lors, les conclusions doivent être rejetées s'agissant de ce chef de préjudice ;

En ce qui concerne les frais de justice invoqués :

9. Considérant que M. B...soutient qu'il a dû engager des frais d'avocat à hauteur de 28 070,11 euros ; qu'il verse au dossier les factures des frais d'avocat et des frais d'huissiers engagés lors de la procédure judiciaire et de la procédure de saisie immobilière initiée par le Trésor pour avoir paiement des impositions supplémentaires mises à la charge de M.B... ;

10. Considérant que les frais de justice, s'ils ont été exposés en conséquence directe d'une faute de l'administration, sont susceptibles d'être pris en compte dans le préjudice résultant de l'illégalité fautive imputable à l'administration ; que toutefois, lorsque l'intéressé a fait valoir devant le juge une demande fondée sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le préjudice est intégralement réparé par la décision que prend le juge sur ce fondement ; qu'il n'en va autrement que dans le cas où le demandeur ne pouvait légalement bénéficier de ces dispositions ;

11. Considérant qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, M. B...ayant pu bénéficier de ces dispositions durant les diverses instances engagées, les frais exposés pour sa défense ont fait l'objet d'une appréciation d'ensemble dans ce cadre qui exclut toute demande indemnitaire de ce chef sur un autre fondement juridique ; que, dès lors, les conclusions doivent être rejetées s'agissant de ce chef de préjudice ;

En ce qui concerne les troubles dans ses conditions d'existence et le préjudice moral invoqués :

12. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans les conditions d'existence de M. B...et de son préjudice moral en lui allouant une somme de 13 000 euros ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur les intérêts :

14. Considérant que M. B...demande à ce que ce que cette somme porte intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 1998 ; que, toutefois, les intérêts ne sont dus, en application de l'article 1153 du code civil, qu'à compter du jour de la sommation de payer, c'est-à-dire en l'espèce, à partir du jour où la demande de paiement du principal est parvenue à l'administration ; que, dès lors, la somme portera intérêt à compter du 6 février 2009, date de la réception de la demande préalable par l'administration ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

16. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à M. B...de la somme de 2 000 euros qu'il demande en l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 31 janvier 2012 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à payer à M. B...la somme de 13 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 6 février 2009.

Article 3 : L'Etat versera à M. B...la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction générale des finances publiques (service juridique de la fiscalité, bureau JF-2A).

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N° 12MA00937


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA00937
Date de la décision : 17/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services économiques. Services fiscaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme LASTIER
Rapporteur ?: M. Mathieu SAUVEPLANE
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : MOLY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-04-17;12ma00937 ?
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