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26/05/2014 | FRANCE | N°12MA02744

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 26 mai 2014, 12MA02744


Vu, sous le numéro 12MA02744, la requête enregistrée le 9 juillet 2012, présentée pour la société par actions simplifiée Domaine Porte des neiges, prise en la personne de son représentant légal, domicilié..., par MeB... ; la société Domaine Porte des neiges demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002759 du 25 mai 2012 du tribunal administratif de Montpellier rejetant sa demande tendant à la condamnation de la commune de Porta à lui verser la somme de 12 782 702 euros en réparation du préjudice résultant de manquements à ses obligations contractuelles ain

si que de la résiliation de la convention du 12 janvier 2006 ;

2°) de cons...

Vu, sous le numéro 12MA02744, la requête enregistrée le 9 juillet 2012, présentée pour la société par actions simplifiée Domaine Porte des neiges, prise en la personne de son représentant légal, domicilié..., par MeB... ; la société Domaine Porte des neiges demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002759 du 25 mai 2012 du tribunal administratif de Montpellier rejetant sa demande tendant à la condamnation de la commune de Porta à lui verser la somme de 12 782 702 euros en réparation du préjudice résultant de manquements à ses obligations contractuelles ainsi que de la résiliation de la convention du 12 janvier 2006 ;

2°) de constater la résiliation de la convention du 12 janvier 2006 et ce, en toute hypothèse, avant le 18 décembre 2009 ;

3°) de dire et juger que cette résiliation est intervenue aux torts et griefs exclusifs de la commune de Porta ;

4°) à titre subsidiaire, de dire et juger que cette résiliation est intervenue pour motifs d'intérêt général ;

5°) de requalifier, en tant que de besoin, la décision de suspension du 20 octobre 2009 en décision de résiliation ;

6°) à titre infiniment subsidiaire, si la cour constatait la caducité de la convention du 12 janvier 2006, de dire et juger que rien n'empêche dans ce cas également qu'elle soit indemnisée ;

7°) de condamner en conséquence la commune de Porta à lui payer la somme de 12 782 702 euros ;

8°) de la condamner en outre au paiement de la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mai 2014 :

- le rapport de M. Thiele, rapporteur,

- les conclusions de Mme Felmy, rapporteur public,

- les observations de Me B...pour la société Domaine Porte des neiges,

- et les observations de Me A...pour la commune de Porta ;

1. Considérant que, par convention-cadre du 2 juillet 1996 modifiée le 17 décembre 2004, la commune de Porta, souhaitant réaliser, sous la forme d'une zone d'aménagement concertée, une unité touristique nouvelle (UTN), d'une capacité de 4 000 lits touristiques, la reliant à la station andorrane du Pas de la Case et à la station de Porte-Puymorens, a fixé avec la société Domaine Porte des neiges, la société Porte des neiges et la société Les Résidences Porte des neiges, " le cadre juridique dans lequel doivent s'inscrire (...) les conventions particulières conclues sur le fondement de l'article 42 de la loi du 9 janvier 1985 et relatives à : / - l'aménagement foncier et la réalisation des équipements collectifs ; / - la gestion des équipements publics et de déneigement ; / - la construction et l'exploitation des remontées mécaniques ; / - l'animation et la promotion de la station " ; que le recours contre l'arrêté préfectoral du 16 décembre 1996 autorisant la création de l'UTN sur le fondement de l'article L. 145-11 du code de l'urbanisme, issu de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne a finalement été rejeté par décision n° 246750 du Conseil d'Etat du 28 juillet 2004 ; que, le 12 janvier 2006, la commune de Porta a conclu avec la société Domaine Porte des neiges une convention particulière par laquelle elle a confié à cette dernière l'aménagement et l'exploitation des remontées mécaniques de la future station ; qu'en application de cette convention, la société Domaine Porte des neiges a réalisé, pour des coûts respectifs de 4 145 124 et 274 291 euros, le télésiège dit de l'Estany ainsi que les pistes qui en étaient le complément, alors que les aménagements devant être réalisés par les sociétés Porte des neiges et Les Résidences Porte des neiges étaient retardés par diverses procédures juridictionnelles ; que, par arrêt du 17 mars 2011 devenu définitif, la cour a rejeté le déféré préfectoral dirigé contre la délibération du 9 mars 2007 du conseil municipal de Porta créant la zone d'aménagement concerté ; que les résultats d'exploitation de la société Domaine Porte des neiges ayant été constamment déficitaires sur la période allant de 2005 à 2009, la société et la commune se sont réunies en comité de concertation dans le cadre de l'article 13 de la convention du 12 janvier 2006 ; que, toutefois, le 20 octobre 2009, la commune de Porta a mis en demeure la société, " en application de la convention-cadre du 17 décembre 2004 ", de justifier d'une caution bancaire " d'un montant équivalent au coût des équipements et des frais de fonctionnement de ceux-ci " et a suspendu, dans l'attente de cette justification, l'exécution de la convention du 12 janvier 2006 ; que, le 15 janvier 2010, la commune a indiqué à la société qu'en l'absence de production de cette caution dans le délai de deux mois, elle considérait la convention d'exploitation du 12 janvier 2006 comme caduque ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la société tendant à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 12 782 702 euros en réparation du préjudice résultant de manquements à ses obligations contractuelles ainsi que de la résiliation de la convention du 12 janvier 2006 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;

3. Considérant, en premier lieu, que, si l'exigence de loyauté des relations contractuelles fait obstacle à ce que certaines irrégularités entachant un contrat puissent être invoquées par les parties à ce contrat dans le but d'échapper aux obligations résultant pour elles de ce dernier, cette exigence ne peut en revanche faire obstacle à ce qu'une des parties se prévale de la méconnaissance, par l'autre partie, de ses propres obligations et en tire les conséquences prévues par la convention ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'en constatant la caducité de la convention, la commune aurait méconnu l'exigence de loyauté des relations contractuelles, était inopérant ; qu'en ne statuant pas sur ce moyen, le tribunal administratif n'a donc pas entaché son jugement d'irrégularité ;

4. Considérant, en second lieu, que la société soutient que " le tribunal ne pouvait statuer sur le moyen (...) tiré de la caducité de la convention (...) sans statuer d'abord sur la demande de constatation de la résiliation " ; que, toutefois, les premiers juges ont considéré que la mise en demeure adressée à la société par le maire de Porta ne pouvait " ni par son objet, ni par ses effets, être réputée constituer une mesure de résiliation de la convention conclue le 12 janvier 2006 " ; qu'ils ont ainsi écarté la demande de la société tendant à ce que soit constatée la résiliation, par la commune, de la convention ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

5. Considérant, en premier lieu, que la société Domaine Porte des neiges, en sa qualité de partie à la convention du 12 janvier 2006, était recevable à présenter une demande tendant à la condamnation de la commune sur le terrain contractuel ; que la circonstance que les deux autres sociétés chargées de la réalisation de la station, qui s'étaient engagées solidairement vis-à-vis de la commune en vue du respect de leurs engagements respectifs, étaient également signataires de la convention du 12 janvier 2006 n'est pas de nature à priver la société Domaine Porte des neiges de sa qualité pour agir ;

6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) " ; qu'il résulte de l'instruction que la société Domaine Porte des neiges a présenté une réclamation indemnitaire à la commune de Porta, par courrier du 10 juillet 2009 ; que la circonstance que cette réclamation porte sur des montants différents de ceux demandés dans l'instance contentieuse est sans influence sur la recevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif ;

Sur la caducité de la convention :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 1.7 de la convention du 17 décembre 2004 : " L'Opérateur devra justifier d'une caution bancaire avant la réalisation de chaque phase opérationnelle définie sur le fondement de la convention d'aménagement de la ZAC, à intervenir, pour un montant correspondant à l'intégralité des travaux à réaliser dans le cadre de ladite phase. / L'Opérateur devra également justifier d'une caution bancaire avant la mise en route de la station, pour le montant des équipements publics et de déneigement, et leurs frais de fonctionnement. / Cette caution devra être renouvelée à chaque début de saison. / Faute pour l'Opérateur de justifier de ces différentes cautions dans les délais prévus, les présentes pourront être résiliées de plein droit deux mois après mise en demeure restée infructueuse. / (...). " ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 1.8 de cette convention : " La présente convention sera résiliée de plein droit si dans un délai de cinq ans à compter de sa signature, le dossier de la ZAC n'a pas été approuvé et la convention d'aménagement signée ou si l'autorisation de création de l'UTN est devenue caduque. Il en ira de même si la convention d'aménagement du domaine skiable n'a pas été conclue. / Si, au terme de ce délai, les conventions précitées n'avaient pas été régularisées pour un motif extérieur aux parties contractantes, celles-ci s'engagent à rechercher les bases d'un nouvel accord, sans préjudice des dispositions de l'acte de vente du 27 décembre 1990. / En revanche et en dehors de l'hypothèse envisagée à l'alinéa qui précède, si à l'expiration du délai susvisé, les conventions particulières prévues aux articles 1.5, 2.2 et 4.2 ne sont pas conclues, ou si les garanties financières au titre de la mise en place des remontées mécaniques et de la convention de ZAC ne sont pas fournies, ou si les travaux d'équipement du domaine skiable et d'aménagement de la zone à urbaniser ne sont pas significativement entrepris comme il est précisé ci-après, l'ensemble des accords figurant dans la présente convention et dans les conventions particulières qui pourront être souscrites en exécution de la présente convention seront frappés de caducité. / (...) " ;

9. Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que la réalisation des remontées mécaniques par la société appelante n'a pas été effectuée dans le cadre de la zone d'aménagement concertée, pour laquelle aucune convention d'aménagement n'avait d'ailleurs pu être conclue du fait de l'annulation de la délibération du 9 mars 2007 créant la zone d'aménagement concerté par jugement du 25 novembre 2008 du tribunal administratif de Montpellier ; que, dans ces conditions, les stipulations du premier alinéa de l'article 1.7 de la convention du 17 décembre 2004 qui font obligation à l'opérateur de justifier d'une caution bancaire " avant la réalisation de chaque phase opérationnelle définie sur le fondement de la convention d'aménagement de la ZAC, à intervenir, pour un montant correspondant à l'intégralité des travaux à réaliser dans le cadre de ladite phase ", étaient inopposables à la société Domaine Porte des neiges ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des termes du deuxième alinéa de l'article 1.8 de la convention du 17 décembre 2004 que, dans l'hypothèse où la convention d'aménagement de la zone d'aménagement concertée ou la convention d'aménagement du domaine skiable n'ont pu être régularisées avant le 17 décembre 2009 pour un motif extérieur aux parties, celles-ci s'engagent à rechercher les bases d'un nouvel accord ; qu'il résulte des termes mêmes du troisième alinéa de l'article 1.8, qui prévoit que la caducité de la convention en l'absence, notamment, de justification des garanties financières, que cette stipulation est inapplicable dans l'hypothèse où les conventions n'ont pu être régularisées pour un motif extérieur aux parties ; qu'ainsi qu'il a été rappelé ci-avant, la convention d'aménagement de la zone d'aménagement concerté n'a pu être conclue avant le 17 décembre 2009, en raison de l'annulation, par le tribunal administratif de Montpellier saisi d'un déféré préfectoral, de la délibération du 9 mars 2007 du conseil municipal créant la zone d'aménagement concerté, laquelle a fait obstacle à la régularisation d'une convention d'aménagement ;

11. Considérant, en troisième lieu, que, comme le soutient la société Domaine Porte des neiges, l'article 3.3 de la convention qui prévoit un cautionnement bancaire pour les équipements publics et le déneigement ne concerne pas les remontées mécaniques, qui font l'objet d'un titre distinct dans la convention ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Domaine Porte des neiges est fondée à soutenir que c'est à tort que la commune de Porta a constaté la caducité des conventions qui les liaient au lieu de rechercher les bases d'un nouvel accord conformément au deuxième alinéa de l'article 1.8 de la convention ;

Sur la responsabilité de la commune :

13. Considérant, en premier lieu, que la société Domaine Porte des neiges demande l'indemnisation du préjudice résultant de l'arrêt de l'exploitation ; qu'elle demande à ce titre à être indemnisée de la part non amortie des biens de retour, pour un montant de 4 969 141 euros, déduction faite du prix de vente des biens de retour qui ont pu être vendus, soit 2 111 582 euros, des biens de reprise, pour un montant de 72 328 euros, ainsi que de son manque à gagner jusqu'à la fin de la durée prévue d'exploitation si la convention avait été exécutée, pour un montant de 5 000 000 euros évalués sur la base d'un résultat prévisible avant impôts de 200 000 euros par an jusqu'en 2034 ;

14. Considérant, toutefois, que si la commune a, par courrier du 25 août 2009, indiqué qu'elle prenait acte de ce que la société n'entendait plus poursuivre l'exécution du contrat, et qu'elle refusait le versement de toute indemnité de résiliation, elle ne peut être ainsi regardée comme ayant prononcé la résiliation de la convention ; que la décision du 20 octobre 2009 par laquelle la commune a décidé de suspendre l'exécution de la convention ne peut pas non plus être regardée comme une décision de résiliation ; que la lettre par laquelle la commune de Porta a constaté la caducité de la convention ne peut être regardée comme une décision de résiliation irrégulière ; que la société Domaine Porte des neiges n'a pas présenté de conclusions tendant à ce que le juge du contrat prononce lui-même la résiliation de la convention ; qu'en l'absence de résiliation, les conclusions présentées par la société et tendant à l'indemnisation des conséquences d'une telle résiliation ne peuvent être accueillies ;

15. Considérant, d'ailleurs, que, même à considérer que le constat de caducité revêt un caractère non simplement récognitif et peut être regardé comme une décision dont l'irrégularité ouvrirait droit à l'indemnisation des dépenses non amorties exposées sans contrepartie et du manque à gagner, la société Domaine Porte des neiges n'établit pas qu'eu égard au caractère structurellement et lourdement déficitaire de l'exploitation de la remontée mécanique en l'absence de réalisation des autres équipements de la station, l'indemnisation de la valeur non amortie des biens qu'elle demande excéderait la valeur actualisée des pertes d'exploitation qu'elle aurait dû subir de manière prévisible pendant toute la durée de la convention ; qu'elle n'établit par conséquent pas avoir subi un préjudice du fait de l'arrêt de l'exploitation ;

16. Considérant, en second lieu, que la société Domaine Porte des neiges demande l'indemnisation des charges correspondant aux déficits annuels provoqués par l'exécution de la convention, pour un montant total de 4 832 815 euros ;

17. Considérant, toutefois, que le fait pour la commune d'avoir autorisé la société Domaine Porte des neiges à réaliser et mettre en service les premières remontées mécaniques sans attendre la réalisation des logements et hôtels répondait à l'engagement qu'elle avait souscrit par l'article 2.13 de la convention-cadre et ne peut en tout état de cause être regardé comme un " fait du prince " de nature à engager la responsabilité de la commune à raison des bouleversements dans l'économie du contrat ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Domaine Porte des neiges n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que ses conclusions doivent donc être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la commune de Porta, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de la société Domaine Porte des neiges en remboursement des frais exposés par la commune et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Domaine Porte des neiges est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Porta sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Domaine Porte des neiges et à la commune de Porta.

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N° 12MA02744 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA02744
Date de la décision : 26/05/2014
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-04-01 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Nullité.


Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELE
Rapporteur public ?: Mme FELMY
Avocat(s) : DE GERANDO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-05-26;12ma02744 ?
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