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23/09/2014 | FRANCE | N°11MA02047

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 23 septembre 2014, 11MA02047


Vu la requête, enregistrée le 26 mai 2011, présentée pour la société immobilière SPICA, dont le siège est situé 3 rue Jacques-Balmat c/ Pictet et Cie à Genève, Suisse, par Me A... ;

La société immobilière SPICA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605380 du 18 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de la contribution additionnelle à cet impôt, ainsi que des contributions sur les revenus locatifs et des pénalités y affére

ntes, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2002 et 2003 ;

2°...

Vu la requête, enregistrée le 26 mai 2011, présentée pour la société immobilière SPICA, dont le siège est situé 3 rue Jacques-Balmat c/ Pictet et Cie à Genève, Suisse, par Me A... ;

La société immobilière SPICA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605380 du 18 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de la contribution additionnelle à cet impôt, ainsi que des contributions sur les revenus locatifs et des pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2002 et 2003 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune en date du 9 septembre 1966 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2014,

- le rapport de M. Guidal, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public ;

1. Considérant que la société immobilière SPICA, société anonyme de droit suisse dont le siège est situé à Genève, a acquis le 5 mai 1959 la propriété d'une villa à Peymeinade (Alpes-Maritimes) ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur les exercices clos en 2002 et 2003 ; qu'à la suite de ce contrôle, l'administration a relevé que la société mettait gratuitement cette villa à la disposition de son associé ; que la société n'ayant déclaré aucun revenu ou un revenu nul à ce titre, elle a été assujettie à des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt au titre des années 2002 et 2003, ainsi qu'à des contributions sur les revenus locatifs au titre des mêmes années, sur une base d'imposition égale à la valeur locative de l'immeuble ; que la société relève appel du jugement du 18 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ainsi que des pénalités correspondantes qui lui ont été assignées en la matière ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'en se bornant à reproduire de manière littérale les termes de sa demande de première instance et à soutenir, sans autres précisions, que " le tribunal administratif de Nice ne répond pas à l'ensemble des motifs présentés " l'appelante ne met pas à même la Cour de déterminer les omissions qui auraient été, le cas échéant, commises par les premiers juges en adoptant les motifs qu'ils ont retenus pour rejeter ses conclusions ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales : " La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient : / 1° Lorsque le désaccord porte (...) sur le montant du bénéfice industriel et commercial (...) déterminé selon un mode réel d'imposition ( ...) " ;

4. Considérant que le désaccord entre l'administration fiscale et la société immobilière SPICA portait, pour les années 2002 et 2003, non pas sur le montant des résultats de la société, mais sur le principe même de son assujettissement à l'impôt sur les sociétés en France ; qu'une telle question ne relève pas de la compétence de la commission départementale ; qu'en outre, la société, qui ne conteste pas avoir à bon droit fait l'objet d'impositions établies sur des bases taxées d'office au titre de l'année 2003, n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait irrégulièrement refusé d'accéder à sa demande de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, dont la consultation n'est prévue que dans le cadre de la procédure de redressement contradictoire ; que, par suite, l'administration n'était pas tenue de donner suite à sa demande de saisine de la commission ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 206-1 du code général des impôts : " (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes (...), ainsi que (...) toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations à caractère lucratif " ; que l'article 206-1 est susceptible de s'appliquer en l'espèce si la société immobilière SPICA peut, à l'instar d'une société anonyme de droit français, être regardée comme commerciale du seul fait de sa forme sociale ;

6. Considérant que le droit suisse des sociétés prévoit que les sociétés anonymes sont des sociétés de capitaux dans lesquelles la responsabilité des associés est limitée au montant de leurs apports et qui sont obligatoirement inscrites au registre du commerce ; que chaque action de ces sociétés donne droit à une part proportionnelle de la propriété de l'actif social, des bénéfices nets annuels et du produit de la liquidation lors de la dissolution de la société ; qu'il résulte de l'instruction que la société immobilière SPICA a été constituée le 10 novembre 1958 sous la forme d'une société anonyme de doit suisse, inscrite au registre du commerce ; qu'elle est régie par les dispositions du titre XXVI du code fédéral suisse des obligations ; que son capital est constitué d'actions au porteur ; qu'elle a pour objet commercial l'achat, la construction, l'exploitation et la vente de tous immeubles, tant en Suisse qu'à l'étranger ; que si au cours des années en litige, la totalité des actions composant son capital social était détenue par un seul associé, ses statuts n'excluaient pas la possibilité que celui-ci soit détenu par plusieurs actionnaires, chaque action au porteur pouvant, selon l'article 6 de ses statuts, se transmettre à tout moment par " simple tradition des titres " ; qu'ainsi, nonobstant sa détention par un actionnaire unique, elle doit être assimilée à une société anonyme de droit français et être regardée comme commerciale du seul fait de sa forme sociale ; qu'elle était, par suite, passible de l'impôt sur les sociétés en application des dispositions précitées de l'article 206-1 du code général des impôts ;

7. Considérant que la circonstance alléguée que la société ne se livrerait en France à aucune activité lucrative dans la mesure où elle se bornerait à mettre un bien immobilier à la disposition de son associé est sans influence sur son assujettissement à l'impôt contesté, qui est dû quelle que soit la nature de l'activité exercée par une société anonyme ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du I de l'article 209 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 35, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, ainsi que ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions " ; qu'aux termes de l'article 6 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 : " 1. Les revenus provenant des biens immobiliers (y compris les revenus des exploitations agricoles ou forestières) sont imposables dans l'Etat contractant où ces biens sont situés. / 2. L'expression " biens immobiliers " est définie conformément au droit de l'Etat contractant où les biens considérés sont situés (...). / 4. Les dispositions des paragraphes 1 et 3 s'appliquent également aux revenus provenant des biens immobiliers d'une entreprise, ainsi qu'aux revenus des biens immobiliers servant à l'exercice d'une profession libérale " ; qu'aux termes des stipulations de l'article 7 de cette même convention " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement (...) 7. Lorsque les bénéfices comprennent des éléments de revenu traités séparément dans d'autres articles de la présente convention, les dispositions de ces articles ne sont pas affectées par les dispositions du présent article " ;

9. Considérant qu'il résulte des dispositions du I de l'article 209 du code général des impôts selon lesquelles les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés en tenant compte notamment de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions, qu'une société étrangère qui n'exploite aucune entreprise en France au sens du I de l'article 209 du code général des impôts peut néanmoins être assujettie à l'impôt sur les sociétés sur le fondement des stipulations d'une convention fiscale bilatérale qui attribuerait à la France le droit d'imposer certains de ses bénéfices ; qu'il résulte, par ailleurs, de la combinaison des stipulations précitées de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966, qui ont pour objet de répartir la matière imposable entre la France et la Suisse, que le droit d'imposer les revenus des immeubles est dévolu à l'Etat sur le territoire duquel ces biens sont situés, même en l'absence d'établissement stable dans cet Etat ; que, par suite, si la société immobilière SPICA soutient qu'elle n'exploite aucune entreprise en France au sens du I de l'article 209 du code général des impôts au motif qu'elle n'y dispose d'aucun établissement et que la mise à disposition d'un bien immobilier ne saurait être regardée comme une opération se rattachant à un cycle commercial complet, ces circonstances sont sans incidence sur l'imposition en France des revenus immobiliers provenant de la villa dont elle est propriétaire, dès lors qu'il est constant que celle-ci est située sur le territoire français et que le droit d'imposer les revenus de cet immeuble est dévolu à la France par les stipulations précitées de l'article 6 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'il n'est pas contesté, qu'au cours des années litigieuses la société requérante a mis gratuitement à la disposition de son associé unique la villa de sept pièces, d'une surface habitable de 104 m² avec piscine et dépendances, dont elle était propriétaire à Peymeinade ; que ce faisant, elle a renoncé sans contrepartie à percevoir des recettes qu'une gestion normale de son bien lui eut procurées ; que de telles recettes constituaient des revenus provenant d'un bien immobilier imposables en France au sens de l'article 6 précité et non, comme elle le soutient, des revenus innommés visés par l'article 23-1 de la convention franco-suisse ; qu'en conséquence, l'administration était fondée à réintégrer dans les résultat de la société immobilière SPICA, les revenus que cet immeuble était susceptible de lui procurer dans les conditions normales du marché locatif, et ce, même si elle n'a effectivement perçu aucun loyer, et à imposer les sommes correspondantes à l'impôt sur les sociétés et à la contribution additionnelle à cet impôt au titre des mêmes années ;

11. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 234 nonies du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - Il est institué une contribution annuelle sur les revenus retirés de la location de locaux situés dans des immeubles achevés depuis quinze ans au moins au 1er janvier de l'année d'imposition, acquittée par les bailleurs... III. - Sont exonérés de la contribution les revenus tirés de la location : 1° dont le montant n'excède pas 1 830 euros par local " ; qu'une société propriétaire qui renonce sans contrepartie à percevoir des recettes qu'une gestion normale de son bien lui eut procurées doit être regardée comme ayant retiré un revenu de la location de ce bien au sens de l'article 234 nonies précité ; que, par suite, les recettes que la société immobilière SPICA a volontairement renoncées à percevoir de son associé devaient être comprises dans ses bases d'imposition à la contribution sur les revenus locatifs ; qu'il résulte de l'instruction que le montant des recettes nettes que la société requérante a ainsi renoncées à percevoir s'établissait, selon les estimations non contestées du service, à 16 272 euros en 2002 et 16 731 euros en 2003 ; que ce montant excédait le seuil d'exonération de 1 830 euros prévue au 1° du III de l'article 234 nonies précité ; que, par suite, la société immobilière SPICA n'est pas fondée à soutenir qu'elle était en droit de bénéficier de l'exonération prévue par ces dispositions ;

12. Considérant, en cinquième lieu, que, comme l'a jugé à bon droit le tribunal, la société requérante ne peut invoquer utilement, au soutien de ses conclusions en décharge, les énonciations de la doctrine administrative contenues dans la documentation de base référencée 4 H 1411 et 4 H 1412 sur la notion d'établissement dès lors qu'en application de l'article 6 de la convention franco-suisse précitée, le droit d'imposer les revenus provenant d'un immeuble situé sur le territoire français revient à la France même en l'absence d'établissement stable dans cet Etat ; qu'elle ne peut davantage invoquer utilement la doctrine contenue dans la documentation de base référencée 7 H 2221, laquelle a trait non pas à l'impôt sur les sociétés mais aux droits d'enregistrement et ne contient aucune règle dont l'intéressée pourrait utilement se prévaloir pour faire échec à son assujettissement à l'impôt sur les sociétés ; qu'elle ne peut non plus se référer à l'instruction du 15 septembre 1998 publiée sous la référence 4-H-5-98, dès lors que les critères de non-lucrativité que l'administration a dégagés dans ce document concernent les associations et autres organismes à but non lucratif et sont étrangers au présent litige ; qu'enfin les dispositions de la documentation de base 4 H-1413, paragraphe 28, qui traitent des revenus des immeubles non affectés à une activité commerciale à l'étranger, n'ont ni pour objet, ni pour effet d'exclure du champ d'application de l'impôt sur les sociétés, les sociétés étrangères qui mettent à la disposition gratuite de leurs associés un bien immobilier ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société immobilière SPICA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société immobilière SPICA la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société immobilière SPICA est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SI SPICA SA et au ministre des finances et des comptes publics.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA02047
Date de la décision : 23/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Personnes morales et bénéfices imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : ROMAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-09-23;11ma02047 ?
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