La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/11/2014 | FRANCE | N°13MA02214

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 24 novembre 2014, 13MA02214


Vu, la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 10 juin 2013, sous le n° 13MA02214, présentée pour la commune de Rennes-les-Bains, représentée par son maire en exercice, par MeC... ;

La commune de Rennes-les-Bains demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201721 du 12 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à la condamnation solidaire de M. A...D..., de la société OTCE et de la société Cegelec Sud-Ouest à lui verser la somme de 2 801 932 euros en réparation des pr

éjudices résultant de la fermeture des thermes et la somme de 70 000 euros au ...

Vu, la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 10 juin 2013, sous le n° 13MA02214, présentée pour la commune de Rennes-les-Bains, représentée par son maire en exercice, par MeC... ;

La commune de Rennes-les-Bains demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201721 du 12 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à la condamnation solidaire de M. A...D..., de la société OTCE et de la société Cegelec Sud-Ouest à lui verser la somme de 2 801 932 euros en réparation des préjudices résultant de la fermeture des thermes et la somme de 70 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner solidairement M. A...D..., la société OTCE et la société Cegelec à lui verser la somme totale de 2 801 932 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices ;

3°) de condamner solidairement M. A...D..., la société OTCE et la société Cegelec à lui payer la somme de 50 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner solidairement M. A...D..., la société OTCE et la société Cegelec au paiement des dépens comprenant les frais d'expertise pour 41 747,77 euros ainsi que la contribution à l'aide juridique d'un montant de 35 euros ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du 1er septembre 2014 du président de la cour administrative d'appel de Marseille portant désignation, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, de M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Guerrive, président de la 6e chambre ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 3 novembre 2014 :

- le rapport de Mme Héry, rapporteur,

- les conclusions de Mme Felmy, rapporteur public,

- les observations de Me C...pour la commune de Rennes-les-Bains,

- les observations de Me B...pour M.D...,

- et les observations de Me E...pour les sociétés Cegelec Perpignan et Allianz Iart ;

1. Considérant que la commune de Rennes-les-Bains, propriétaire d'un établissement thermal situé sur son territoire, a décidé dans le courant de l'année 2005 de mettre en conformité la zone de soins de cet établissement ; qu'elle a conclu à cet effet en juin 2005 un marché d'assistance à maître d'ouvrage avec M. D...et un marché de maîtrise d'oeuvre avec la société OTCE ; que le 2 octobre 2006, elle a conclu un marché de travaux dont le lot n° 6 (plomberie - sanitaire - chauffage - ventilation - process thermal - zones balnéo et fango) a été confié à la société Cegelec Sud Ouest ; que les travaux ont été réceptionnés avec réserves le 5 mai 2007 ; que, suite au constat de la présence de pseudomonas aeruginosa puis de légionnelles, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales a ordonné la fermeture de l'établissement du 15 au 31 mai 2007 puis de nouveau à partir du 6 juillet 2007 ; que les thermes ont rouvert en 2010 ; qu'estimant que la contamination des thermes est la conséquence de malfaçons dans la conduite des travaux ainsi que dans la réalisation des travaux du lot n° 6, la commune de Rennes-les-Bains a obtenu, auprès du tribunal administratif de Montpellier, la désignation d'un expert ; que ce dernier, désigné le 16 novembre 2007, a rendu son rapport le 19 octobre 2010 ;

2. Considérant que la commune de Rennes-les-Bains relève appel du jugement du 12 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à titre principal à la condamnation solidaire de M.D..., de la société OTCE et de la société Cegelec Perpignan, venant aux droits de la société Cegelec Sud Ouest, à réparer les préjudices résultant de la fermeture des thermes et a mis les frais d'expertise à sa charge définitive ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

3. Considérant que les conclusions de la commune de Rennes-les-Bains dirigées contre la société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP) et la société Allianz Iart sont relatives à l'exécution d'obligations de droit privé entre un constructeur et son assureur et échappent dès lors à la compétence de la juridiction administrative ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier s'est prononcé au fond sur les conclusions dirigées à l'encontre de ses deux sociétés ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler, dans cette mesure, le jugement attaqué et, statuant par voie d'évocation, de rejeter les conclusions susmentionnées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1792 du code civil : " Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître d'ouvrage ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination./ Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère. " et qu'aux termes de l'article 1792-2 du même code : " La présomption de responsabilité établie par l'article 1792 s'étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert./ Un élément d'équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l'un des ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage " ; qu'il résulte des principes dont les dispositions susmentionnées du code civil que la responsabilité décennale peut être recherchée pour des équipements qui font indissociablement corps avec l'ouvrage et qui rendent celui-ci impropre à sa destination ; que la commune de Rennes-les-Bains recherche la responsabilité solidaire de la société OTCE et de la société Cegelec Perpignan sur ce fondement en soutenant que les travaux réalisés dans les thermes, impropres à leur destination, ont causé ou permis la contamination des thermes ;

5. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise ordonnée en première instance que le diagnostic du forage Yvroux a mis en évidence une contamination à l'intérieur de ce forage, non concerné par les travaux, pouvant avoir été causée par la présence de plusieurs éléments susceptibles de représenter une source de contamination, de développement ou de survie bactérienne, incompatibles avec la gestion sanitaire d'une ressource thermale ; que, notamment, l'inspection par caméra du forage a révélé la présence d'éléments liés à la conception de l'ouvrage pouvant être à l'origine de problèmes sanitaires tels que des restes de cimentation à l'intérieur du tubage ou l'utilisation de tubages en acier ; qu'a également été constatée la présence de zones de dépôts sur certains tuyaux susceptibles de permettre la survie de nids bactériens en favorisant la protection d'un biofilm situé sous ces dépôts ; qu'ont été pointées au cours de cette inspection l'absence de clapet anti-retour sur la tête de puits et, surtout, l'absence de suivi et mesure réguliers de l'ouvrage par l'exploitant ;

6. Considérant, d'autre part, que la possibilité d'une autre source de contamination de l'établissement, cette fois par la tête de forage jusqu'à la nourrice, située également en dehors du périmètre des travaux, a été évoquée par l'expert ; qu'en effet, ce dernier a constaté la présence de nombreuses malfaçons telles que l'arrivée d'eau de ville dans le local technique du forage constituant un bras mort et dont l'absence de calorifugeage a pu favoriser le développement de bactéries du fait de la stagnation de l'eau et de l'apparition de biofilms, la présence de bras morts en amont et en aval de l'échangeur à plaques ou la différence notable de diamètre des deux ballons d'homogénéisation ayant eu pour effet d'obérer l'hydraulicité dans le ballon de diamètre inférieur, lequel est devenu un bras mort ; que l'expert a également constaté sur la même zone l'absence de point de prélèvement sur la tête de forage et le mauvais positionnement du robinet de prélèvement sur la canalisation en amont de la bâche ; qu'enfin, l'expert a constaté que certains équipements de cette zone n'étaient plus fonctionnels et ne permettaient plus d'assurer correctement la qualité du suivi de la ressource ; que ces dysfonctionnements, qui sont dépourvus de lien de causalité avec les travaux confiés sur cette zone à la société Cegelec Perpignan, étaient susceptibles de favoriser les conditions d'une contamination de l'eau thermale dans cette zone, non concernée par les travaux effectués par la société Cegelec Perpignan sous la direction de la société OTCE ;

7. Considérant qu'ainsi, l'imputabilité de la contamination des thermes aux travaux confiés à la société Cegelec Perpignan et réalisés sous la maîtrise d'oeuvre de la société OTCE, quelles que soient les malfaçons reprochées à ces dernières, n'est pas établie par l'instruction ;

8. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise qu'un diagnostic effectué en février 2005 par la société OTCE à la demande de la commune a révélé que les installations de l'établissement thermal étaient dans un état très vétuste et fortement dégradé, que cet établissement présentait des dysfonctionnements divers et qu'il était mal entretenu ; que ce constat aurait dû conduire la commune de Rennes-les-Bains à mettre en oeuvre un programme de rénovation générale de l'établissement basé sur un programme complet fixant notamment les objectifs du maître d'ouvrage ; qu'en l'absence de ce diagnostic général et alors que la commune de Rennes-les-Bains a choisi de n'engager qu'un programme partiel de rénovation, l'assistant au maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre ne disposaient que d'éléments parcellaires pour conduire leur mission et étaient dans l'impossibilité de prévoir un programme de travaux indispensables au fonctionnement correct de l'ensemble du site ; qu'il résulte de ce qui précède que les dommages ne sont pas imputables aux travaux en cause ; qu'ainsi, les manquements relevés à l'encontre de M. D...et de la société OTCE ne sauraient être considérés comme étant la cause certaine et directe des préjudices invoqués ; que, dès lors, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, leur responsabilité contractuelle ne peut, en tout état de cause, être engagée ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Rennes-les-Bains n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête ;

Sur les conclusions aux fins d'appel en garantie :

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'appel en garantie présentées par la société OTCE ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la commune de Rennes-les-Bains doivent être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les autres parties au même titre ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 12 avril 2013 est annulé en tant qu'il rejette au fond les conclusions dirigées contre les sociétés SMABTP et Allianz Iart.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Rennes-les-Bains dirigées contre les sociétés SMABTP et Allianz Iart sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions des sociétés OTCE, SMABTP, Cegelec Perpignan et Allianz Iart et de M. D...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Rennes les Bains et à la société OTCE, à la société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics, à la société Cegelec Perpignan et à la société Allianz Iart et à M. A...D....

''

''

''

''

2

N° 13MA02214


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA02214
Date de la décision : 24/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-02-01 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Mode de passation des contrats. Délégations de service public.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: Mme Florence HERY
Rapporteur public ?: Mme FELMY
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS LABRY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-11-24;13ma02214 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award