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25/11/2014 | FRANCE | N°11MA01656

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 25 novembre 2014, 11MA01656


Vu le recours, enregistré le 28 avril 2011, présentée par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800135 en date du 27 janvier 2011 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nice a accordé à M. et Mme A...B...la décharge de la contribution sociale généralisée, du prélèvement social et de la contribution solidarité auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2006, soit 8 593 euros ;

2°) de rétablir MmeD..., ve

uve de M.B..., aux rôles des contributions sociales au titre de l'année 2006 à concurr...

Vu le recours, enregistré le 28 avril 2011, présentée par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800135 en date du 27 janvier 2011 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nice a accordé à M. et Mme A...B...la décharge de la contribution sociale généralisée, du prélèvement social et de la contribution solidarité auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2006, soit 8 593 euros ;

2°) de rétablir MmeD..., veuve de M.B..., aux rôles des contributions sociales au titre de l'année 2006 à concurrence des dégrèvements prononcés en première instance pour un montant de 8 593 euros ;

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention fiscale conclue le 18 mai 1963 entre la République française et la Principauté de Monaco ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 novembre 2014,

- le rapport de M. Emmanuelli, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public ;

1. Considérant que M. et MmeB..., qui ont transféré leur domicile à Monaco postérieurement au 13 octobre 1962, ont été assujettis, au titre de l'année 2006, aux contributions sociales sur les revenus de leur patrimoine ; qu'ils ont contesté les impositions mises à leur charge ; que, par jugement du 27 janvier 2011, le tribunal administratif de Nice a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements accordés en cours d'instance, afférents à la contribution au remboursement de la dette sociale de l'année 2006, ainsi que la décharge de la contribution sociale généralisée, du prélèvement social et de la contribution solidarité auxquels M. et Mme B...ont été assujettis au titre de l'année 2006, soit 8 593 euros ; que le ministre fait appel de ce jugement, en tant qu'il lui est défavorable, et demande le rétablissement de Mme D..., veuve de M. B..., aux rôles des contributions sociales au titre de l'année 2006 à concurrence des dégrèvements prononcés en première instance pour un montant de 8 593 euros ;

Sur le fond du litige :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1600-0 C du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " La contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine est établie, contrôlée et recouvrée conformément aux dispositions de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale " ; qu'aux termes de l'article 1600-0 F bis du même code, relatif aux prélèvements sociaux : " I. Le prélèvement social sur les revenus du patrimoine est établi conformément aux dispositions de l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale. II. Le prélèvement social sur les produits de placements est établi conformément aux dispositions de l'article L. 245-15 du code de la sécurité sociale. III. Le taux de prélèvements mentionnés aux I et II est fixé par l'article L. 245-16 du code de la sécurité sociale. " ; qu'aux termes de l'article 1600-0 G de ce même code : " I. Les personnes physiques désignées à l'article L. 136-1 du code de la sécurité sociale sont assujetties à une contribution perçue à compter de 1996 et assise sur les revenus du patrimoine définis au I de l'article L. 136-6 du même code (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 136-1 du code de la sécurité sociale dans sa version modifiée par l'ordonnance n° 2001-377 du 2 mai 2001 : " Il est institué une contribution sociale sur les revenus d'activité et sur les revenus de remplacement à laquelle sont assujetties : 1° Les personnes physiques qui sont à la fois considérées comme domiciliées en France pour l'établissement de l'impôt sur le revenu et à la charge, à quelque titre que ce soit, d'un régime obligatoire d'assurance maladie " ; qu'enfin, la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 a instauré une contribution additionnelle qui est exigible, assise, recouvrée et contrôlée dans les mêmes conditions que le prélèvement social de 2 % ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française. " ; qu'aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A a) Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b) Celles qui exercent en France une activité professionnelle salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c) Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. " ; que par dérogation aux dispositions de l'article 4 B, l'article 7 de la convention fiscale conclue le 18 mai 1963 entre la France et la Principauté de Monaco, laquelle a été ratifiée et publiée au Journal officiel de la République Française le 27 septembre 1963, stipule que : " 1. Les personnes physiques de nationalité française qui transporteront à Monaco leur domicile ou leur résidence - ou qui ne peuvent justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962 - seront assujetties en France à l'impôt sur le revenu des personnes physiques et à la taxe complémentaire dans les mêmes conditions que si elles avaient leur domicile ou leur résidence en France. " ;

4. Considérant qu'après la suppression de la taxe complémentaire par l'article 5 de la loi du 29 décembre 1969, l'article 2-I de la loi du 21 décembre 1970 a prévu que l'impôt sur le revenu des personnes physiques prendrait le nom d'impôt sur le revenu ; que c'est donc pour ce seul impôt que la France trouve dans l'article 7 précité de la convention franco-monégasque du 18 mai 1963 le droit d'imposer ceux de ses nationaux qui ont transporté à Monaco leur domicile ou leur résidence ; que l'assujettissement aux contributions sociales de ressortissants français résidant à Monaco ne peut donc résulter des stipulations de ce seul article ; que, toutefois, ces mêmes stipulations, qui ne concernent que l'impôt sur le revenu, n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce que ces personnes soient regardées comme fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B ; que, par suite, l'administration est fondée à réclamer le paiement de la contribution sociale généralisée et des prélèvements sociaux au ressortissant français installé à Monaco qui entre, à raison des critères dégagés par l'article 4 B, dans le champ d'application de celui-ci et qui peut donc être regardé comme résidant fiscalement en France ; que l'assujettissement d'un tel ressortissant français aux contributions sociales n'implique aucunement, comme le soutient MmeD..., la mise en oeuvre de la procédure de redressement contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, l'envoi d'une demande de renseignements ou de justifications telle que prévue par les dispositions de l'article L. 10 dudit livre ou l'engagement d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle du contribuable ; que cet assujettissement est la conséquence du dépôt de la déclaration d'impôt sur le revenu qui fait naître une créance sur le contribuable au profit du Trésor entraînant, de la part de l'administration fiscale, non pas un contrôle, mais la validation de produits ou revenus pouvant être taxés et la mise en oeuvre des règles de calcul de l'imposition ; qu'il s'ensuit qu'en estimant qu'il incombait à l'administration de mettre en oeuvre la procédure de redressement contradictoire et d'adresser à M. et Mme B...une proposition de rectification aux fins de permettre à ceux-ci de présenter leurs observations sur leur assujettissement aux contributions sociales, le tribunal administratif de Nice a entaché son jugement d'une erreur de droit ; que le ministre est, par suite, fondé à demander l'annulation des articles 2 et 3 du jugement attaqué ;

5. Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les contribuables tant devant le tribunal administratif qu'en appel ;

6. Considérant, en premier lieu, que M. et MmeB..., ressortissants français qui, comme il a été dit précédemment, ont transféré leur domicile à Monaco postérieurement au 13 octobre 1962, ont perçu en 2006, 90 289 euros de revenus de source française (soit 10 650 euros de pensions, 39 289 euros de revenus de capitaux mobiliers, 39 225 de revenus fonciers nets et 1 125 euros de plus-values de cessions de valeurs mobilières) et 10 639 euros de revenus de source monégasque (soit 8 436 euros de pensions et 2 203 euros de plus-values de cession de valeurs mobilières) ; qu'il n'est pas allégué que les intéressés auraient perçu d'autres revenus de source étrangère que ceux recensés par l'administration fiscale ; que, par suite, M. et MmeB..., qui tiraient en 2006 la majeure partie de leurs revenus de la France, doivent être regardés comme ayant eu en 2006 dans ce pays le centre de leurs intérêts économiques au sens des dispositions de l'article 4 B du code général des impôts ; qu'ils avaient donc, pour l'année en litige, la qualité de résidents français, sans qu'y fasse obstacle la circonstance, à la supposer établie, que le patrimoine mobilier des intéressés détenu à ...ait été, en 2006, nettement plus important que celui détenu en France ;

7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 80 B du même livre, dans sa rédaction applicable : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; (...). " ;

8. Considérant que Mme D...n'est pas fondée, en tout état de cause, à soutenir que les décisions de dégrèvement des cotisations sociales qui avaient été établies au titre d'années antérieures à 2006, non motivées, constitueraient une prise de position formelle de l'administration sur l'appréciation d'une situation de fait au regard du texte fiscal ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a déchargé M. et Mme B...de la contribution sociale généralisée, du prélèvement social et de la contribution solidarité auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2006 ; que le ministre est, par suite, fondé à demander que lesdites cotisations soient remises à la charge de MmeD... ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme D...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 0800135 rendu par le tribunal administratif de Nice le 27 janvier 2011 sont annulés.

Article 2 : La contribution sociale généralisée, le prélèvement social et la contribution solidarité auxquels M. et Mme B...ont été assujettis au titre de l'année 2006 sont remises à la charge de MmeD..., veuve de M.B....

Article 3 : Les conclusions de Mme D...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D...et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA01656
Date de la décision : 25/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-08 Contributions et taxes. Parafiscalité, redevances et taxes diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: M. Olivier EMMANUELLI
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : LAROCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-11-25;11ma01656 ?
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